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******************************* Anaïd is… Anaïd forever ******************************* Née à la Saint-Hubert patron des Chasseurs, élevée à l'acide, gouvernée par Mars et Pluton, habitée par le démon de l'écriture, rongée par la passion

mercredi 29 juillet 2009

Episode 50

Dimanche 05 Avril 2009

Ce n’est pas un château cette fois mais plutôt un lieu aux airs sacrés dans lequel Alexis Vaillant s’est niché. Et cette espèce d’immense temple païen aux murs voûtés, et aux croisées d’ogives, ce n’est pas une cathédrâle gothique mais les Entrepôts Lainé à Bordeaux… transformés depuis des années en centre d’art contemporain. Le CAPC.
C’est ici que j’ai vu pour la première fois une exposition perso de Matthew Barney en 1992. C’était le début de la série « Cremaster », du nom du muscle qui permet la montée et la descente des testicules. Le premier épisode de l’épopée, « Cremaster 4 » avec son esthétiques très années 90, reste d’ailleurs malgré moi mon préféré. Ça se passait sur l’Ile de Man, une île peuplée de personnages mi-hommes et mi-Bélier et où se déroulait une étrange course automobile. Et quelques années plus tard, j’y ai vu « Traffic », une expo de Nicolas Bourriaud qui mettait en pratique la fameuse « Esthétique relationnelle » dont il avait théorisé dans un livre ou dans des textes juste auparavant.
Comme quoi je ne vais pas à Bordeaux très souvent mais toujours pour des bonnes raisons !
C’est donc là, au CAPC, dans l’une des ailes de cet immense vaisseau qu’Alexis Vaillant, curator glam-rock de son état, a planté le décor de son « Opéra Rock » dont le premier rôle a été confié à l’artiste Jean-Luc Blanc.
C’est une « Rétrospective collective », j’adore l’expression… Encore une idée originale d’Alexis ! Combien y-a-t-il de commissaires d’expo réellement ludiques, talentueux et inventifs dans le Paysage Artistique Français ? Peu, trop peu ! Et chaque fois, je m’immisce dans ces expos comme si j’allais vivre une palpitante aventure fin de siècle… et chaque fois, c’est le cas. Comme « Legend » à Chamarande ou « Le voyage Intérieur » il y a quelques années à l’Espace Electra à Paris. Chaque fois, en sortant de là, je renais à l’art contemporain. Parce que l’art peut finir par tuer, surtout d’ennui. Avec Alexis, c’est donc l’effet inverse assuré.
Il a inventé la « Rétrospective collective » autour de Jean-Luc Blanc parce qu’il a invité tous les artistes qu’il aime et dont l’univers est proche de celui de Jean-Luc… parfois à ce point qu’on se demande qui a déteint sur qui ? Personne, c’est juste une communauté d’esprit probablement, parfois même le fruit du hasard. Et ça donne un « opéra rock » comme au cinéma, puisque Jean-Luc est un passionné de cinéma. Un amoureux des images cinématographiques, un artiste qui se fait son cinéma en se passant et se repassant les séquences des films qu’il aime. On a l’impression qu’il découpe chirurgicalement toutes les images d’un film qu’il aime, s’attarde sur un détail, focalise, en fait une obsession. Comme un psyco-killer. Et une par une, il isole sa collection d’images, les redessine à sa guise, selon ses désirs et ses fantasmes! Puis il les réenvisage, les recharge d’un sens qui lui est personnel, les recompose et leur fait peut-être même l’amour. Ça crée des dessins et des tableaux étranges hantés par des regards lunaires et habités, des poses éloquentes, des creux d’épaules inspirés, des attitudes ambiguës… on est troublés. On essaie de deviner ce qui se cache derrière le plissement d’une robe ou dans le pli d’un coude… personne pour nous répondre Surtout pas Jean-Luc Blanc. Quant à ce serpent, ce boa ou ce cobra géant qui nous attend au bas de l’escalier, il semble nous donner la direction, nous indiquer la marche à suivre. Sur les conseils de cet être empaillé, on emprunte l’escalier, on pousse une porte … et là, une vingtaine d’artistes vient dialoguer avec l’univers en 2D d’un artiste qui nous fait décoller.
Parfois ce sont des amis à lui comme Michel Blazy, son voisin d’atelier qui passe son temps à glorifier la pourriture et, en utilisant des denrées perissables dans ses œuvres, voue un culte à la vie par la même occasion ! Par exemple ces œuvres recouvertes de Danette chocolat et dévorées par les souris de son atelier sont un hymne à la vie, au vivant et à l’éphémère.
Et moi, je suis entrée comme une somnambule dans cette expo plongée dans une semi-obscurité et hantée par des regards : ceux des portraits de Jean-Luc. J’ai avancé à pas feutrés dans ces salles voûtées et ponctuées par d’immenses paravents en laqué noir. Des paravents percés par des lumières vertes ou rouges qui cachent l’entrée de quelques salles secrètes.
Sur mon chemin, le long de ces salles aux noms enigmatiques, j’avais pour seul guide des sons digne d’un grand film de suspens ou d’un thriller. Noir et blanc, plan intérieur, puis plan serré sur un regard, et mise au point sur des vanités : des crânes en série réunis par Jean-Luc Verna, accrochés au mur comme une collection d’amulettes. Et dans des vitrines dignes du museum d’histoire naturelle, d’autres objets semblent s’ennuyer depuis des siècles : des antiquités, des bijoux rares, des cristaux vrais ou faux… Une tête de canard bleue, un portrait de Molinier, une boîte à faux-cils et d’autres curiosités comme cette dent de vache sculptée en forme de crâne. A faire froid dans le dos. C’est l’œuvre de Laurent Le Deunff, un bordelais qui a aussi réalisé une autre vanité à l’aide d’une année de rognures d’ongles. Mais il semble aussi beaucoup s’intéresser au monde animal puisqu’un drôle d’animal en toile de jute et en paillettes qui ressemble à un canasson ou un bœuf est étendu au sol. Mort ? en tout cas, il n’a pas l’aplomb et la vivacité de la Licorne de Janine Janet, un sculpteur qui a jadis réalisé des décors pour des films de Cocteau. Quant à Brian Griffiths, il donne vie à de simples meubles rustiques. Il y a aussi les recompositions Surréalistes et poético-mystiques de Bruno Pelassy, un décor théâtral de Lothar Hempel, une eau-forte de Victorien Sardou, un remake pasolinien de « Body Double » signé Brice Dellsperger, des araignées, une bibliothèque Noire, un squelette tout en éponge qui semble imiter Nefertiti, un trognon de pomme ensanglanté… et toutes ces présences, ces ombres et ces regards qui en disent long. C’est une expérience plus qu’une expo et on en sort pas indemne… parce qu’on est pas sûr ensuite d’être capable de supporter la platitude et la médiocrité de beaucoup d’autres expos.

Je suis repartie de là avec un nom en tête, celui de cet artiste Bordelais qui n’était même pas à Bordeaux pour l’occasion… quel dommage ! Laurent Le Deunff. Il a réalisé d’autres sculptures animales pour le Capc que l’on peut apprécier sur la terrasse : un ours, un morse, un élan… qui nous rappellent les boîtes de Pez de l’enfance.
Pour la peine, j’appelle un autre Laurent. Un laurent de mon au-delà artistique justement. Laurent Monteau. Un ex qui s’est installé à Bordeaux.
Dans la ville de notre adolescence, il faisait pousser de l’herbe sur le toît de chez ses parents… et maintenant, en toute logique, il fait pousser des vignes ! Peu importe le plant, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Il est devenu vigneron. J’adore l’idée et dans la soirée, Place des Chavrons, on fêtait nos retrouvailles avec le vin de son cru, Anne-Ly. L’Anne-Ly de Laurent n’est pas l’Ann Lee virtuelle de Pierre Huygue et Philippe Parreno. C’est une Anne-Ly plus charpentée, plus corsée, avec même quelques notes acidulées dans sa robe… son nom est un hommage à la grand-maman du garçon !

Et hier, Place de l’Opéra, j’ai savouré mon jus de fraise en terrasse, en attendant l’heure de mon train. Puis j’ai débarqué à Paris vers 18h. Objectif : retrouver Kathy et faire quelques vernissages avec elle… notamment l’exposition de la Galerie Crèvecœur, « Overlap » co-curatée par Axel Dibie et Agnès Violeau.
Et sur le chemin de l’expo, elle me résumait son voyage à New York. On ne s’était pas vues depuis 15 jours. Elle avait même pensé à me ramener le fameux dentifrice Tom Of Maine… parfum canelle, bien meilleur que Gingermint.
De mon côté, je lui ai raconté ma journée à Bordeaux et surtout l’expo d’Alexis… tout ça pour en arriver à Laurent Le Deunff. L’énigma tique Laurent Le Deunff, le type qui avait sculpté une dent de vache et collectionné une année de rognures d’ongles pour composer un crâne qui a l’air en ivoire. Qui pouvait-il être ? Un neurasthénique ? Un maniaco-dépressif ? Un obessionnel ? enfin, surtout un artiste ! Et Kathy comme moi, on s’était arrêtées sur le même. Sur le chemin, dès les premières minutes de nos retrouvailles pour se rendre Rue de Malte, on en parlait déjà… Puis arrivées à bon port, à la Galerie Crèvecœur pour « Overlap », Axel est en train de discuter avec un type… et il nous le présente : Laurent Le Deunff ! c’était tellement incroyable, on venait de l’évoquer avec Kathy un quart d’heure plus tôt et je n’avais pas arrêté d’y penser la veille, à Bordeaux, au CAPC!
Je ne cherche aucune explication rationnelle ou irrationnelle à tout ça… la vie est bien faîte, c’est comme ça !

Ensuite, j’ai filé au Centre Pompidou pour le concert de Genesis Breyer P.Orridge. Un évènement. Musique, mystique et transsexualité.
Aussi talentueux est-il, Genesis Breyer P.Orridge a l’air de traîner un perpétuel mal-être. Il a fait de son corps un work in progress, un chantier artistique. La bedaine du buveur de bière et les seins de la rombière. Un drôle de mix ! Quelque chose entre féminin et masculin qu’il saupoudre de culture new age, de mystique cosmique et de punk-rock millénariste. Il a inventé la pandrogynie : une sorte de fuite en avant qui consiste à devenir trait pour trait ou à peu près l’objet de son désir. Comme si l’âme et le corps se révulsaient, se fuyaient perpétuellement…
Il explique qu’habituellement, un homme et une femme, lorsqu’ils s’aiment, recréent un troisième être. Organiquement s’entend ! Ils l’ont d’ailleurs créé avec sa défunte femme, c’est Caress, une jolie fille en chair et en os.
Mais eux ont surtout créé le pandrogyne, un être mi-homme mi- femme, la combinaison subtile des qualités de deux êtres éperduement amoureux l’un de l’autre… une combinaison « chirurgicale » s’entend.
Depuis quelques années, Mister P.Orridge cherche donc, opération après opération, à ressembler à feue sa compagne Lady Jaye. Une quête désespérée qui sonne comme un suicide physique. Une débâcle.
Difficile de se dire que cette étrange créature est l’un des fondateurs de Throbbing Gristle, et de Psychic TV, 2 groupes de musique industrielle. Un type qui a inspiré l’inventif Aphex Twin, le corrosif Trent Reznor, fondateur et chanteur de Nine Inch Nails et producteur de Marilyn Manson… mais aussi William S. Burroughs et Brian Gysin, brillants écrivains beatniks et donc sous influence.
J’ai suivi le show de près et d’un coup, je me suis rappelée à quel point il était bon de se sentir bien dans son corps, dans sa tête et dans son genre. Je me suis demandée si ce personnage me mettait mal à l’aise… mais non, même pas. Je me demande juste quel malaise et quel mal peuvent nous mener à faire de son corps un terrain de jeux et d’expériences pour des Frankenstein du XXIè siècle.
D’un coup, j’ai eu envie de me prendre dans mes bras et de m’embrasser. La narcisso-mégalomanie Vs la Pandrogynie !
J’ai filé retrouver Kathy et j’ai croqué mon dîner à pleines dents histoire de me rappeler que j’étais bel et bien en vie.

Anaïd Demir

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