Dimanche 03 février
Brunch d’Albert Valentin sur une péniche Parisienne. Un anniversaire en bord de Seine avec des tas de parrains et de marraines artistes, critiques d’art, collectionneurs, designers, fées, magiciens… et autres êtres curieux et talentueux… pour la plupart.
Grâce à Albert, je fais un tour de roue. L’histoire est cyclique et j’ai des visions. Je me repasse des séquences de vie tout en me laissant bercer par les vagues ondoyantes de la Seine.
Je revois la galerie de Fred et Philippe Valentin rue de Charonne et les vernissages que je ne manquais jamais. Les voisins qui râlaient à cause de tous ces hurluberlus qui stagnaient dans la cour. Fumaient, sirotaient leurs verres et parlaient fort. Laissaient en prime traîner leurs mégots par milliers et leurs gobelets usagés. Nos allers-retours incessants entre la galerie et « La Fontaine », le troquet juste à côté. Et les dîners improvisés dans un resto-à-couscous-toujours-le-même… dont pourtant personne ne se plaignait !
Je me souviens l’expo de François Nouguiès dont j’avais écrit le texte, et celui d’Yves Grenet, puis celui de Nicolas Moulin… puis la galerie avait déménagé deux rues plus loin, Avenue Ledru-Rollin et quelques cours plus loin, on stagnait et stagnait encore, toujours plus nombreux et plus bruyants encore.
Jusqu’à ce qu’ils déménagent Rue Saint-Gilles, puis que l’on change de décennie et de siècle et qu’on digère tout ça.
Et nous revoilà quelques années plus tard, un mariage, un enfant et quelques expos plus tard. Les mêmes… puis quelques autres. Frank David. Veit Stratman. Pierre Ardouvin. Anne Bregeaut. Des anciens : Olivier Dollinger. Des nouveaux : Laurent Grasso. Des absents qui ont de bons alibis : Alain Declercq. Mathieu Mercier. Des têtes que je n’avais plus croisé depuis longtemps comme Léonor Nuridsany, curatrice. Et quelques âmes supplémentaires de moins de 15 ans qui courent ici et là et nous rappellent que cette grande comédie, c’est la… VIE !
Et il y a Marin justement, environ 13 ans, qui fixe aussitôt les choses dans le temps. Comme une sorte de Carbone 14 humain. Un adorable gamin qui sait garder son sang-froid et son humour en toute circonstances : même enfermé un dimanche avec une bande d’artistes et de journalistes au dernier étage d’un dortoir de l’Ecole des Beaux-Arts de Tours. Tous adultes mais sans clé. Sans issue. Enfermés à double-tour, attendant d’être délivrés.
Quand je l’ai connu, il habitait dans le ventre de sa mère. Il était dans sa phase intra-utérine, niché dans un cosmos prénatal, pendant que sa mère, Véronique Boudier, sculptait… non pas un berceau mais un lit double king size en pâte à modeler. Et son père, Yves Grenet, quelques salles plus loin ourlait une étrange robe sur un mannequin : une robe de dentelle délicatement piquée de 1000 et une mouches luisantes et verdoyantes. Les plus petits précieux cadavres jamais rencontrés dans un lieu d’art. On était en 1994 au Musée d’Art Moderne et c’était « L’Hiver de l’Amour ». On commençait à se les geler sérieusement dans les années sida, on avait un peu froid et l’amour entrait en hibernation.
C’est le magazine « Purple Prose » qui en faisait l’un des plus beaux constats avec cette exposition que tout le monde a décrié sur le moment. Une expo bordélique qui parlait du chaos qui venait peu à peu se logeait dans nos têtes. Et moi, stagiaire longue durée chez Purple, j’étais le témoin privilégié de l’exposition. J’avais les yeux grands ouverts sur la décennie qui s’ouvrait à moi. Je la voulais artistique, esthétique et surtout je me portais présente et participante. Je venais de me promettre acte de résistance malgré les temps difficiles.
Pour l’instant, je me contentais de me baigner dans tout cela avec discrétion. Phase d’observation intense. Le sentiment que le Musée d’Art Moderne de Paris m’appartenait momentanément. Discussions rapprochées avec la plupart des artistes de l’expo. Viktor & Rolf. Martine Aballéa. Mat Collishaw. Dominique Gonzalez-Foerster. Jean-Luc Vilmouth. Bernard Joisten et bien d’autres. La bande d’Olivier Zahm et d’Elein Fleiss. Et Claude Lévêque et son enclos de briques rempli de chemises blanches. Déjà claustrophobique.
Puis le jour du vernissage, sentir l’expo vous échapper, voir les autres se l’appoprier sans savoir ni pourquoi ni comment.
C’est ce jour-là aussi que, pour la première fois, je fumais dans un musée, dans une salle entourée de Delaunay… tout en me demandant si j’étais une criminelle ou bien une privilégiée. Puis en me rappelant que l’art est aussi fait pour que l’on vive avec, juste une idée pour me dédouaner.
C’est comme ça, que le premier anniversaire d’Albert Valentin peut se changer en un beau flash-back.
Anaïd Demir
mercredi 29 juillet 2009
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