Jeudi 02 octobre 2008
C’est le Melik Ohanian Tour today… une occasion de pouvoir visiter quelques-uns des 14 lieux qui composent ce projet en réseau. Cet évènement à facettes. Cette constellation. Un puzzle géographique à recomposer à travers Paris et ses alentours (http://www.fromthevoicetothehand.com).
Je devais retrouver le Melik -Tour-Team et tout le toutim au Plateau pour prendre la navette au vol… mais comme j’ai déjà vu cette magnifique expo, je rejoins Anne Samson, l’attachée de presse, Place de l’Etoile !
Et dans sa super Mini Fiat 500 noire, on prend tranquillement la direction de l’Abbaye de Maubuisson! Direction Saint-Ouen-L’Aumône dans le Val d’Oise, tout près de ma forêt bien-aimée.
Très vite bloquées par un accident sur la route, on a le temps d’aborder tout un tas de sujets.
Si je connais Melik ?
Oui, bien… très bien même ! La première fois que je l’ai rencontré, je l’ai pris pour un goujat. Dans la nuit, vers 5h du mat, dans le froid, il nous a fait pousser sa voiture, Florence Derieux et moi !! Ça m’a marqué. J’en garde un souvenir… plutôt ému! Je ne pourrais pas dater cet événement nocturne au Carbone 14, mais c’était avant l’ouverture du Palais de Tokyo. Peut-être juste avant. Florence ne savait d’ailleurs pas encore qu’elle allait y travailler un temps… et Melik , lui, ne se doutait pas qu’il y présenterait, dès la première session, à l’ouverture, sa première expo perso d’envergure dans un lieu… d’envergure !
Bref, à vue de nez je dirai 1998 ! Mouais, 98 ! Quoi 10 ans ????
Je ne comprends pas toujours très bien l’espace-temps et pourtant, c’est autour de cette question que le travail de Melik tourne essentiellement. Comme la Terre autour du Soleil. Avec élégance, précision et persistance.
Cet artiste-globe-trotteur né à Lyon a fait du chemin depuis son exposition au Palais de Tokyo en 2002. Internationalement reconnu, lauréat de la Villa Médicis en 2003, Ohanian court les expositions de par le monde : Sydney, Moscou, Berlin… sans oublier New York et Londres.
Et l’Arménie… évidemment !
D’ailleurs, la plupart des choses que je comprends, pressens et vois de son travail sont liées à nos origines communes et sans doute à la transmission de notre culture et de notre Histoire. Consciemment ou non, les questions qu’il aborde sont liées à ses origines Arméniennes.
Qu’on le veuille ou non, quel que soit le lieu de naissance, tous les Arméniens de la Diaspora transportent en eux des messages ancestraux, négocient chaque jour avec leurs origines pour aller de l’avant, et ce n’est pas toujours facile.
Mais pour moi, être Arménien n’est pas forcément lié à la souffrance. Ce serait dommage de le croire, de s’y limiter. Je vois au-delà d’un peuple quasi décimé par le Génocide de 1915. J’y vois surtout une culture très ancienne qui a adopté le Christiannisme comme religion d’état dès le début du IV è siècle et s’est forgé son propre alphabet à la même période. Une culture aussi importante que celle de la Grèce.
Et il me semble que la plupart des artistes de la Diaspora, qu’ils soient musiciens ou architectes, plasticiens, stylistes, auteurs ou designers… tous ces créateurs au-delà de leur talent personnel sont tous plus ou moins concernés par les questions de sens et de sémantique, de territoire et d’identité. Paradjanov comme Egoyan ou Pelechian, abordent à leur manière ces questions dans leur œuvre à des décennies d’intervalle. Ça les traverse, c’est au-delà d’eux.
Le puzzle, le morcellement, le réseau, le patchwork… bref les territoires, les frontières et les identités morcellées, mais aussi les données temporelles, la quête de sens et d’identité, sont à mon avis en rapport direct avec l’histoire des Arméniens de la Diaspora.
D’ailleurs, malgré moi, les œuvres de Melik me touchent intimement pour ces raisons très particulières. C’est sans doute Pavlovien ! Elles touchent des zones de mon cerveau que je ne contrôle pas !!
D’ailleurs, cette expo morcellée, multi-territoriale, dispatchée en 14 lieux… c’est déjà la réalité de la Diaspora en filigrane.
Que dire alors quand on arrive au Plateau, près des Buttes-Chaumont ?
On déambule au cœur des mots… ou plutôt des lettres! Consoles et voyelles mélées. Méli-mélo de lettres sans queue ni tête. Il y en a au moins 10 000. Sauf qu’elles sont muettes. Des lettres blanches amoncelées, groupées par tas au sol. Comme des territoires justement, des îlots qui pourraient ne rien avoir à faire les uns avec les autres. On suit la trajectoire des néons disposés à hauteur des yeux, comme un fil conducteur. On passe d’un groupe de lettres blanches à l’autre. On pourrait passer à côté de l’œuvre sans comprendre et trouver ça juste plastiquement joli… sauf qu’il s’agit de citations prononcées par de grands hommes, philosophes et autres. Godard, Bergson, Deleuze, Foucault, Merleau-Ponty, Sartre, Bachelard, Althusser… Il est question d’art et de sens en général. Tout ce qui nous occupe dans ce lieu d’exposition. Sauf que c’est illisible. Toutes ces lettres sont empilées et ces phrases sont rangées de manière à ne plus rien vouloir dire. Perte de sens, mutisme, langage perdu, langue oublié et patchwork sémantique… chacun est libre de recomposer des phrases et des mots à sa guise sur son chemin. On peut coller le sens que l’on veut à tout cela finalement. C’est une pièce fabuleuse car elle est dans le « More is less » et sans s’appesantir, dans une esthétique minimale, elle dit l’essentiel.
Melik transmet là un message universel et comme le Petit Poucet, il place des petits cailloux partout où il passe. Des pistes.
Puis Anne et moi, on finit par atteindre Maubuisson. Nous voilà dans cette incroyable abbaye du XIIIè siècle qui, dans son écrin de verdure, diffuse encore son énergie spirituelle et sa sérénité.
C’est là que Melik a choisi de présenter la maquette de sa « Datcha Project ». Là, au cœur des montagnes, en Arménie, près de l’Ararat où l’Arche de Noé se serait échoué, il invite des artistes internationaux à passer du temps, produire ou ne pas produire des œuvres. C’est une zone libre tout simplement. Un terrain neutre pour les idées ! La maison est représentée à l’échelle d’un pays. On est transporté là au cœur d’une utopie architeturale, au centre d’un « observatoire pour une minorité ».
Et dans la grange, on trouve un hamac géant, une sorte de cocon élémentaire produit par tout un village mexicain et dans lequel on piquerait bien un somme. Je me demande toujours si le fil des hamacs n’a pas préalablement trempé dans de puissants somnifères avant d’avoir été tissé.
Du coup, je me dépèche de ressortir dans l’air vivifiant de ce début d’automne. Dehors, dasn l’herbe fraîche, l’artiste a conçu un drôle de terrain de jeu : il s’agit de jouer au foot sur un terrain circulaire avec plusieurs ballons… histoire de déjouer les règles de ces jeux d’équipes qui peuvent aussi tourner à la guerre. Je me demande ce que ça donnerait si Youri Djorkaeff, lui-même Arménien, le testait justement… A voir ! Son cousin Melik devrait à mon avis lui proposer.
Ensuite, je reprends la navette pour me rendre dans les différents lieux de ce parcours Ohanien… entre explorations rêveuses et données scientifiques, entre cosmos et crôute terrestre, l’artiste nous embarque dans différents projets cartographiés.
Au Mac Val par exemple, on est embarqués dans le désert du Mexique, dans la « Zona del Silencio »: un étrange territoire qu’aucune onde sonore ne traverse. Impossible de capter la radio dans ce coin du Mexique par exemple. Tout ce qui est électromagnétique s’affole dans la « Zona del Silencio ».
On a relevé là beaucoup de phénomènes bizarres : panne de boussoles, concentration de météorites et autres. Même les lapins y ont par exemple des oreilles démesurées ! On soupçonne ce territoire d’avoir été occupé par les extra-terrestres. L’installation de Melik au Mac Val revient sur tout ça à travers des photographies et de textes écrits blanc sur blanc : seule l’ombre de notre corps penché sur le texte peut rendre ces textes visible… seule la volonté et l’intérêt individuel de chacun permet d’accéder à la connaissance finalement. On ne voit que ce que l’on veut bien voir.
Après ce périple à travers la région parisienne qui s’est achevé par le collège Rosa Parks à Gentilly où Melik est intervenu autour des minorités Black et l’émancipation des Noirs à travers l’histoire… je suis complètement achevée et je ne rêve que d’une chose : rejoindre mon lit mon lit adoré rejoindre mon lit. Incarner la Belle au Bois Dormant jusqu’à pas d’heure.
Mais une fois chez moi, il faut me rendre à l’évidence : on n’est pas sur Terre pour déconner ! C’est la fashion week! Quoi moi, un pyjama ? J’en porte jama ! Pas question de se laisser aller ! Je me reposerai outre-tombe : il y a une fête « Jalouse » chez Régine. Et en tant que représentante de l’art au sein du magazine, je me dois d’y aller… mieux que ça, je me fais un plaisir d’y courir.
Je prends une douche pour me réveiller, je me reconstitue avec un jus de persil blindé de citron, je me pare… et hop ! je suis déjà sur mon vélo en direction de la rue de Ponthieu. Rien ne me fait plus plaisir que de humer, pas très loin de l’Elysée, Rue Gabriel, les senteurs de l’automne… Pour une fois, le « Régine » est réellement peuplé ! Et dés l’entrée, je retrouve entre autres Alister, Clovis Goux du Dirty Sound System (http://www.d-i-r-t-y.com/), Anne Casanova, Pascal Bories… et ensemble, on explore en sous-sol les coulisses du Club.
Et dans la chaufferie, le chanteur de charme aux allures christiques, nous avoue ne plus avoir l’âge du Christ depuis 24h ! J’ouvre un tiroir et histoire de le rajeunir un peu, et surtout de le rafraîchir, je lui offre un lumineux cadeau improvisé : un glaçon qui s’allume et s’éteint inopinément. Idéal contre la fièvre !
Anaïd Demir
mercredi 29 juillet 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire