Vendredi 08 février 2008
Cette nuit, j’ai encore rêvé en chansons. On me dit que je parle, que je chante et que je ris dans mon sommeil. Normal ! Je suis avec Morphée tous les soirs, et il invite des tas de gens que j’adore à venir me hanter.
A une époque, je rêvais de Melvil d’une nuit à l’autre. Notre relation évoluait à chaque nouvel épisode mais le feuilleton n’est plus d’actualité désormais. Depuis, j’ai même plusieurs fois changé de ténébreux.
Cette fois, très ponctuellement, j’étais avec Daniel Darc. Je fredonnais son dernier tube (« J’ai croisé un trou. J’y ai enfoui mon cœur. Je l’ai couvert de sang, de boue et de sueur. Et quand je mourrais, j’irai au Paradis… parce que c’est en Enfer que s’est passé ma vie) quand soudain, j’ai réalisé que j’étais en sa présence. Dans une ambiance aussi dark que son nom pouvait le laisser présager.
Et sur un ton nocturne, on a fait un flash-back sur les années Taxi Girl. J’ai évité d’aborder le sujet Mirwais-Madonna & co, je ne voulais pas le froisser. Je lui ai confessé que « Cherchez le Garçon » m’avait éveillé dans les années 80… et là, à ce moment précis, quelque chose m’a tiré de mon sommeil. Juste une balle perdue qui marche dans les rues ?
C’était le matin, j’étais à Paris… Il y avait des pétards rouges partout. Tout mouillés tout explosés devant chez moi.
Nouvel An Chinois. Bienvenue dans l’Année du Rat.
Rat comme ravi ? Rat comme radin ? On dit que c’est l’année où l’on thésaurise, où l’on économise… Ok mais sur quoi ? Sur les mégots que les stars du cinéma Holywoodien ne finissent pas de fumer dans les vieux films en noir et blanc que je visionne à la cinémathèque. Direct parachutée dans les années 50, du temps où l’on aimait se fabriquer des cancers, même en business class dans le Concorde?
Ça m’a aussitôt ramené à la soirée d’hier, aux fumées dans lesquelles j’étais plongée au dîner de vernissage d’Agnès Thurnauer chez Anne de Villepoix. Car les dîners de vernissage restent sauvagement fumeurs.
La zone artistique est le plus souvent fumeurs, car c’est, paraît-il, le dernier bastion de liberté.
Ça me rappelle le plus bel autoportrait de tous les autoportraits que l’on ne m’ait jamais fait : un autoportrait fumeur justement, que Stéphane Pencréac’h a spontanément réalisé en 1 minute deux, sur la page de garde de son manifeste. Croqué sur le coin de la table pour me l’offrir en guise de dessert et accompagné d’un des plus beaux messages qu’un artiste ne m’ait jamais écrit.
Non, non. Tous les artistes ne sont pas des mécréants !
D’ailleurs, en parlant d’artistes, que dit son manifeste?
« Un artiste ne travaille pas. Un artiste ne travaille pas sur quelque chose. Un artiste ne crée pas de dispositifs. Un artiste ne crée pas de pièces. Un artiste ne crée pas de la relation. Un artiste ne crée pas de la convivialité. Un artiste crée des œuvres d’art. Un artiste ne doute pas de l’art. Un artiste ne doute pas de ses œuvres. Un artiste fait douter. »
… Et j’ajouterai à ce court extrait : Un artiste n’aime pas qu’on lui colle d’étiquette. Un artiste n’aime pas laisser indifférent, un artiste préfère attirer l’attention sans en avoir l’air. Un artiste ne manque pas d’air. Un artiste aime s’isoler mais un artiste n’aime pas pour autant la solitude. Un artiste aime fixer les règles du jeu mais n’aime pas qu’on les suive à la lettre.
Un artiste est souvent bougon, parce que la création, ce n’est pas que du plaisir.
Un artiste a surtout l’esprit de contradiction… et c’est pour ça qu’on l’aime. Mais si un artiste aime qu’on l’aime, il n’aime pas non plus être aimé pour les mauvaises raisons. Insoluble !
Alors, pour résumer, je reprendrai ma phrase préférée dans ce manifeste: « L’infini se regarde dans l’art »… et c’est ça qui me plait. Entre autres.
D’ailleurs dans l’Infini Artistique, quelqu’un a-t-il entendu parler de Jacqueline Pollock ? Connaît-on Francine Picabia ? A-ton croisé La Corbusier à la Cité Radieuse et Jeanne Nouvel à la Fondation Cartier ? Est-ce Vinciane Van Gogh qui s’est tranchée l’oreille ? « La liberté guidant le peuple » est-elle une toile d’Eugénie Delacroix ? A-t-on jamais vu un Urinoir signée Marcelle Duchamp et une dresseuse de coyote nommée Joséphine Beuys ?
« Mâle au féminin, légèrement félé »… voilà ce que Gainsbourg aurait fait dire à Adjani.
Ces noms féminins sonnent familiers et pourtant, personne ne les connaît pour la simple et bonne raison qu’ils font allusion à des artistes qui n’ont jamais existé. Question de genre ! C’est la version féminine de ce que nos livres d’histoire de l’art ont retenu. Presque un rêve donc, une illusion d’optique qu’Agnès Thurnauer, nous laisse palper à travers certaines de ses œuvres : ces noms fantasques s’y inscrivent depuis quelques années. Et tous ces noms révèlent surtout une réalité : les femmes qui ont marqué l’histoire de l’art sont peu nombreuses comparé aux hommes. La vocation d’artiste n’est-elle destinée qu’à la gente masculine ? Pas sûr. On a, dans le désordre et sans réfléchir longtemps, Claude Cahun, Louise Bourgeois, Tamara de Lempicka, Camille Claudel, Berthe Morisot, Sonia Delaunay, Marie Laurencin… on a du mal à en aligner 10 sur toute l’histoire. Elles ont des décennies à ratrapper, même si elles sont de plus en plus nombreuses aujourd’hui dans l’art… Mais même dans cette zone de liberté, le genre féminin est majoritaire mais pas dominant.
Et à regarder de près, souvent, les artistes sont des hommes et les galeristes des femmes. Des femmes souvent seules d’ailleurs quand j’y réfléchis, et des hommes papillonnants, évidemment.
Et l’habituel dilemme entre création et procréation se pose là, en plein cœur du 20ème siècle.
Quoiqu’il en soit, dans ce dîner où je volète d’une table à l’autre, entourée de badges géants, mon regard s’accroche sans cesse au même : j’ai une prédilection pour Francine Picabia… assortie au violet très spirituel de mes collants. Un violet Topshop qu’on ne trouve qu’à Londres et qui se marie parfaitement avec mes escarpins de daim rouge Karine Arabian !
Et en plein fétichisme chromatique, je me pose à une de ces nombreuses tables passionnantes… entre l’artiste Eric Stéphany et le curator Manuel Cirauqui. L’artiste Santiago Reyes en biais sur ma gauche. Face à moi, le cheveu long et lisse sous son chapeau à larges bords, Audrey Mascina, la chanteuse de Liquid Architecture, a des airs de Penny Lane.
Un bel échantillon du monde de l’art se distille sous mes yeux : Frank Scurti, artiste de la galerie. Alain Jullien-Laferrière, directeur du CCC de Tours. Christophe Domino, critique. Marc-Olivier Wahler, actuel directeur du Palais de Tok, accompagné de Mark Alizart, directeur de la Comm. Jérôme Sans, ex-co-directeur du Palais de Tokyo, curator et consultant. Elisabeth Couturier, journaliste d’art chez Paris-Match. Son homologue à Télérama : Laurent Boudier. Pas Julie Rouart mais Clément Dirié from Flammarion, rayon art : il me parle de la résidence d’artistes qu’il vient de fonder avec Julien. Je me demande pourquoi Anahita Bathaie est partie si vite. Et parmi les MC, Dorian Dogaru veille entre autre à la bonne orchestration du dîner… mais sans Axel Dibie, parti exister dans un monde serein, en dehors de la galerie.
Et qu’en est-il de ma sérénité au cœur du Nouvel An Chinois… je m’inquiète un peu : un Coq peut-il survivre à l’Année du Rat ? A-t-on jamais vu un Coq s’entendre avec un Rat et vice versa. Avec un Rat dans les parages, comment le Coq peut-il veiller au grain et régner sur sa basse-cour?
D’autant que le Rat est connu pour sa perspicacité et que le Coq est souvent trop occupé… Occupé à faire ses vocalises dès les aurores. A chanter et cela même les pieds dans la merde, d’après ce qu’on dit. Et puis trop occupé à jouer de toutes ses plumes. Toutes. Autant celles qu’il trempe dans l’encrier, que les autres, flamboyantes et multicolores, qu’il gonfle du soir au matin pour qu’elles lui donnent plus d’allure et de prestance. Entre être et paraître, toujours être à la crête. Mais le rat est un sournois qui aime détrousser les poules et voler leurs œufs… Pas question de perdre le contrôle ! Prudence prudence… et comme tout Coq qui se respecte, ça ne m’empêchera pas d’avoir un bec d’avance en cas de danger, de jouer de mes plumes quoiqu’il se passe, et surtout de chanter dans toutes les circonstances… surtout dans mon sommeil.
Anaïd Demir
mercredi 29 juillet 2009
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