Mercredi 28 janvier 2009
J’étais chez Nova pour une chronique de l’expo Wallace Berman à la Galerie Frank Elbaz. Une expo très spirituelle que j’ai vu il y a 15 jours. Et le soir du vernissage, quand je suis arrivée à la galerie, je ne savais rien de ce Wallace Berman. Mais je me rappelle que c’était la Pleine Lune et que ses œuvres me sont apparues comme d’autant plus mystiques. Une force spirituelle s’en dégageait. J’avais le sentiment d’être face à un Jeu de Tarot dont j’étais incapable de décrypter les symbôles. Un Tarot dont je n’avais pas les clés mais dont l’agencement des couleurs et des formes m’attirait beaucoup.
Une fois chez lui pour le dîner du vernissage, Frank m’a présenté au fils du défunt Wallace… c’est là que j’ai su qu’il s’agissait d’une exposition posthume. Le décès ne remonte pas à hier… Berman est mort en 76 dans un accident de voiture à 50 ans.
Et c’est aujourd’hui, en préparant ma chronique pour Nova que j’ai déroulé tout le fil de l’histoire.
Wallace Berman est un personnage culte de l’histoire de l’art. Comment se fait-il que j’en ai jamais entendu parler avant cela ? Il est vénéré par une certaine frange d’artistes dont Dennis Hopper par exemple fait partie.
Normal, il était une sorte de Gourou de la « Beat Generation ». Ami de Ginsberg, Kerouac et toute la bande. Et il était aussi habité par cette liberté que seuls les mecs de la Côte Ouest peuvent avoir. Made in L.A.
Et surtout, on dit de lui qu’il aurait inspiré Wahrol. Que même Warhol l’aurait pompé en plusieurs points dans son travail.
Or ses œuvres n’ont pas grand chose à voir avec le pape du Pop Art… de ce que j’en ai vu, ce serait même le contraire !
Est-ce dans sa pratique de la lavidéo ? Ou bien du collage ? Le fait qu’il puise sa banque d’images dans les journaux et la pub ? Des objets et autres symbôles découpés dans des magazines.
Ces collages, ce « Copy art », ce serait un peu les signes avant-coureurs ou la Préhistoire du Pop Art.
Dès 62, l’outil principal de Wallace, c’est l’ancêtre de notre photocopieuse : la « Verifax ». Une machine qui a l’air de dire qu’elle vérifie le réel, qu’elle repasse par dessus la vérité pour la confirmer ou l’infirmer.
Wallace avait dégotté une image : une pub pour un transistor Sony dont il se servait comme le « cadre » de ses collages. Il s’agissait d’une main tenant un transistor rectangulaire… autant dire un écran de projection pour toutes ses idées. Une fenêtre sur son monde. Un support pour ces projections mystiques. Et comme il était passionné par la Kabbale, son travail prend un sens d’autant plus mystérieux.
Et sur des planches, dans cette main répétée sous forme de grille ou d’éventail, en couelur ou en sépia, apparaissent des croix, des animaux, des insectes, des serpents, des objets de toutes sortes… et autres signes liés au Cosmos. Et même quand l’objet représenté en soi n’a rien de spirituel, ça le devient dans ce cadre-là.
J’étais dans ces réflexions dans les bureaux de Radio Nova, quand Jean Rouzaud a débarqué… ¼ d’heure après Rachid Arhab, d’ailleurs, qui faisait le tour des locaux sans que je ne sache pourquoi. Quand je lui ai parlé de la beat Generation et de ce Wallace Berman, ce grand connaisseur des années 60-70 m’a rappelé 2 ou 3 choses essentielles qui ont décoincé le cas Berman à mes yeux.
Oui, Berman avait pu inspirer et même influencé Warhol… mais il était farouchement anti société de conso… Beat Generation oblige. En relation étroite avec l’au-delà, la Beat Generation a toujours eu un bon passeport. Une aptitude à visiter les paradis artificiels par tous les moyens licites et illicites qui soient.
Tout ça pour dire que l’on parle beaucoup de Warhol mais qu’il ressemble à l’être le moins réactif qui soit tant son but principal consistait à faire de l’argent. Du dollar en l’occurrence.
Il y avait Salvador Dali alias Avida Dollar qui vantait théâtralement les vertus du Chocolat Lanvin dans un spot de pub. Frémissements de moustaches à l’appui.
Et il y avait Warhol qui, pour un même spot de pub, se régalait le plus banalement et le plus prosaïquement possible d’un hamburger de chez Queeck. Il l’avalait comme pour une performance minimaliste. Il en faisait quelques bouchées exactement comme le ferait un ogre hamburgophage lambda. Mais ça élevait la chose au rang de grand art !
Et les deux, Dali comme Warhol, aussi prolifiques et gourmands l’un que l’autre ne pensaient qu’aux thunes… mais ils avaient l’art d’y penser gracieusement finalement. Et c’est ce qui les rendaient fascinants.
Enfin, ça peut paraître étrange… mais Warhol se serait inspiré de Berman. Un Wallace Berman, quasi inconnu du grand public.
Un Warhol sacré et consacré qui, lui, contrairement à Berman n’a pas l’air d’être habité par la moindre once de spiritualité. Et pourtant ce serait un Berman qui aurait d’une certaine manière engendré un Warhol… les deux se seraient rencontrés à LA dans les seventies. Ils partageaient la même galerie à LA. Pourtant, rien ne semble les réunir, sinon des malentendus formels.
Est-ce qu’on ne brûle pas tous d’envie de faire des rapprochements formels faciles entre tel artiste mythique et tel artiste oublié ?
Quoiqu’il en soit Berman se servait d’une photocopieuse et Warhol voulait devenir une machine… soit une sorte de photocopieuse géniale. Y est-il parvenu, certains diraient oui !
mercredi 29 juillet 2009
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