Samedi 02 Mai 2009
Je savoure ma première cerise de l’année, je fais un vœu et je m’offre pour 37 € de très mauvais CD. Par dépit! Parce que je ne rêve que d’un seul et unique CD, et qu’en attendant de l’avoir tout le reste est dépeuplé. Le dernier «Eighties Matchbox B-Line Disaster» (EMBLD) doit m’arriver d’un jour à l’autre par le post office anglais. Mais je n’en peux plus de l’attendre !
Le précédent album de mon groupe de Brighton occupe la deuxième place du top 5 de mes albums les plus écoutés de l’année. C’est Pierre Beloüin qui m’a commandé ce classement pour le journal d’Optical Sound, un journal qui sort à la rentrée en version papier !
En tête de liste de mon top 5 ? J’ai pas pu m’empêcher de glisser Depeche Mode avec « Construction time again » , un album du début des années 80, avec la petite explication qui suit : « ‘’Construction time again’’ parce que le Minimal peut aussi être Brit’, pop et glam… il n’y a pas que Kraftwerk (que j’adore) dans l’histoire de l’électro-minimal. J’’écoute cet album depuis l’âge de 14 ans, il vieillit bien et je le réécoute comme un retour aux sources. J’adore ses airs old school et surtout son côté « Constructiviste », au sens artistique du terme (Constructivisme Russe, années 20, Bauhaus : beauté de la machine, géométrie, monde graphique…), il continue à m’énergiser et je pense que ça devrait durer jusqu'à la fin de mes jours. »
J’aurais pu mettre leur dernier album que je viens de me procurer, «Sounds of the universe »… mais non ! C’est pas mal mais l’âge d’or des DM n’est pas en 2009 !
C’est vrai que dans mon Panthéon sonore, les Brit’ occupent les meilleurs places. La voix de Dave Gahan et le son de Martin Gore sont gravés en moi comme des empreintes, comme des sillons dans un vynile. Je suis la plaque de réglisse qui tourne et qui vibre sur ce son depuis l’âge de 14 ans. A l’époque, je me partageais mentalement entre Trent Reznor des Nine Inch Nails et Dave Gahan… avec quelques infidélités auprès de Robert Smith. A la fac, ils ont tous été éclipsés, même Dave Gahan… mais je ne sais plus par qui. Jarvis Cocker ? Neil Hannon ? entre autres. Pourtant, j’ai le sentiment que cette voix, celle de Gahan, me constitue en partie, que son rythme, ses syllabes, ses respirations ont influencé mes propres respirations textuelles. Il est toujours là, en filigramme mais Guy McKnight des « Eighties Matchbox » lui brigue la première place depuis quelques temps.
Mais sur son cas, je préfère tout garder pour moi !
Bon, j’ai beau me rêver en chanteuse de Brit ‘pop, je n’en suis pas moins journaliste et critique d’art… et demain, je vais sur les traces du hip-hop en version visuelle puisque j’ai rendez-vous au Grand Palais. Avec Alain-Dominique Gallizia, le curator de l’expo « TAG » pour une interview. L’équipe d’Ever, un magazine qui sera en ligne en septembre prochain et où les reportages vidéo occuperont une place importante seront là avec deux caméras. C’est la dernière de l’expo. Les coulisses quelques heures avant le démontage.
Anaïd Demir
vendredi 31 juillet 2009
Episode 55
Vendredi 01er Mai 2009
Après une virée dans le 13è où j’ai fait mon plein d’algues et déj chez mon Viet préféré… après un dernier tour dans la mythique Rue Louise Weiss qui n’est plus que l’ombre d’elle-même pour y voir à la Galerie Art :Concept, l’expo perso d’une de mes artistes préférées, Martine Aballéa… je suis revenue dans mes nouveaux quartiers : Bastille-Chemin Vert.
Et pour fêter le soleil et le 01er mai, je change mon statut facebookéen en faisant un hommage appuyé aux Sales Majestés : « Jeeeeee suis fière, fière de ne rien faire, jeeeeeeeee préfère à jamais neeeeee plus rien faire ! ».
Des paroles plus qu’engagées de la part d’un groupe de punk français des eighties qui à mon avis manque sur la scène musicale française !
« Jeeee me suis couvert de boue à rester au garde-à-vous… non je ne crois plus en vous, c’est une histoire de dégoût… »
Où sont les punks ? Où sont donc passés les punks ? Les vrais, pas ceux qui font de pâles imitations des looks hallucinés qu’ils se traînaient dans les rues de Londres contre Miss Thatcher. Est-ce qu’aujourd’hui, on n’est pas plus que jamais en plein « No Future » ? Où sont les héros ? « No More heroes » avaient déjà prédit les Stranglers dans les eighties ? Whatever happened to the heroes ? all the Shakespearoes’ ? They watched their Rome burn… whatever happened to the heroes ? »
Est-ce que Martine Aballéa parle elle aussi d’une sorte de paradis perdu dans son expo chez Art :concept . Qui sait ? Quoiqu’il en soit, c’est beaucoup plus doux, pas punk pour un sou. Pour moi, Martine Aballéa est une sorte de jeune Miss Marple à la française. C’est soit une héroïne de Jacques Demy, une sorte de Delphine Seyrig du monde des arts plastiques, soit une créature d’Agatha Christie avec ses fioles, ses clairs de lune empoisonnés, et ses vieilles dentelles… on jurerait qu’elle nous aurait fait respirer de l’ether !
C’est une Anglo-saxonne débarquée de New York à Paris il y a de cela des années mais il n’empêche qu’elle a toujours l’air de planer quelque part du côté de Saint- Mary Mead ou d’un de ces petits villages anglais parsemés de cottages et de jardins fleuris. D’ailleurs, elle vit dans un atelier magnifique perdu au milieu d’un jardin non moins luxuriant. On pourrait imaginer qu’elle veille là sur des élevages de papillons mais non… les papillons sont plutôt dans sa tête, ce qui fait tout son charme et son talent ethéré.
Son expo Rue Louise Weiss s’intitule « Last lost lake and other series ». C’est une série de paysages très mystérieux, presque fantômes… ils sont recolorisés et s’accompagnent de mots enigmatiques… on est transposés au bord d’un lac, près d’une forêt, dans un univers très à part, dans un passé-présent fictionnalisé… bref, c’est le début d’un roman qui nous fait frissonner d’emblée… c’est ce même genre de sensation que l’on peut ressentir juste avant de sombrer dans le sommeil. Son univers est aussi onirique que léthargique finalement.
D’ailleurs, il y a quelques années, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, elle nous invitait carrément à dormir dans son expo, au musée… était-ce feng shui ? N’était-ce pas ? Il suffisait de s’allonger et se laisser aller dans ce voyage onirique dans lequel les gardiens du musée devenaient les gardiens de notre sommeil. Sinon, elle nous a déjà invité dans des paysages aussi attrayants que Luminaville-les-Bains, une sorte de ville balnéaire avec un Spa… une installation qu’elle a conçu à base de néons… luninescents comme son nom l’indique !
Certaines de ses affiches reprennent des emballages, jouent avec les titres, nous convient même dans son Club. Un club à l’Anglaise, très fermé. Le « Green Cat Club » dont les membres se comptent sur les griffes d’un chat.
Je me laisse souvent tenter par ces nombreux breuvages aux noms curieux : les eaux vertes et eaux florales, les potions violettes ou les boissons rondes. Quant à ses menus abracadabrants, ils se composent autant de « potage antique » que de « fondants cosmiques » ou autres confits végétal… bref, un régal visuel !
Si elle pouvait ouvrir un restaurant ou un salon de thé, j’y serai très souvent. Quant aux marmitons les plus doués, je pense qu’ils pourraient s’inspirer de ses menus pour créer de nouvelles alchimies gustatives.
Elle a donc conceptualisé un monde tout-à-fait parallèle.
Dans lequel il fait beau, comme aujourd’hui, alors que je fais un retour aux sources pour un café matinal Rue de Charonne, à « La Pause ». J’aurais pu choisir « la Fée Verte » mais je suis là, sous un soleil inattendue. Obligée de retirer mes gants de pilotage, mon blouson de cuir couleur carbone. J’ai juste gardé ma robe Empire couleur Noisette, mes collants pistache et mes bottes de bikeuses légendaires.
Assise sur cette terrasse plus qu’ensoleillée, j’ai peur d’attraper un coup de soleil, un coup de chaud, un coup de love, un coup de beau… je commence même à avoir des hallus. J’aurais dû apporter mon Borsalino. A ma droite, un type qui a sérieusement le menton en galoche m’intrigue… mais non, ce n’est définitivement pas Beigbeder. Et le serveur, là, est-ce que ce ne serait pas Benoît Magimel ? Et là-bas : Louis Garrell ? J’ai rendez-vous avec Guy McKnight. Que fout Edouard Baer avec Vincent Cassel ? Fallait-il mettre un chapeau ? Le même soleil brille-t-il dans le 13è ? Xavier de Moulins est-il dans le coin ?
Anaïd Demir
Après une virée dans le 13è où j’ai fait mon plein d’algues et déj chez mon Viet préféré… après un dernier tour dans la mythique Rue Louise Weiss qui n’est plus que l’ombre d’elle-même pour y voir à la Galerie Art :Concept, l’expo perso d’une de mes artistes préférées, Martine Aballéa… je suis revenue dans mes nouveaux quartiers : Bastille-Chemin Vert.
Et pour fêter le soleil et le 01er mai, je change mon statut facebookéen en faisant un hommage appuyé aux Sales Majestés : « Jeeeeee suis fière, fière de ne rien faire, jeeeeeeeee préfère à jamais neeeeee plus rien faire ! ».
Des paroles plus qu’engagées de la part d’un groupe de punk français des eighties qui à mon avis manque sur la scène musicale française !
« Jeeee me suis couvert de boue à rester au garde-à-vous… non je ne crois plus en vous, c’est une histoire de dégoût… »
Où sont les punks ? Où sont donc passés les punks ? Les vrais, pas ceux qui font de pâles imitations des looks hallucinés qu’ils se traînaient dans les rues de Londres contre Miss Thatcher. Est-ce qu’aujourd’hui, on n’est pas plus que jamais en plein « No Future » ? Où sont les héros ? « No More heroes » avaient déjà prédit les Stranglers dans les eighties ? Whatever happened to the heroes ? all the Shakespearoes’ ? They watched their Rome burn… whatever happened to the heroes ? »
Est-ce que Martine Aballéa parle elle aussi d’une sorte de paradis perdu dans son expo chez Art :concept . Qui sait ? Quoiqu’il en soit, c’est beaucoup plus doux, pas punk pour un sou. Pour moi, Martine Aballéa est une sorte de jeune Miss Marple à la française. C’est soit une héroïne de Jacques Demy, une sorte de Delphine Seyrig du monde des arts plastiques, soit une créature d’Agatha Christie avec ses fioles, ses clairs de lune empoisonnés, et ses vieilles dentelles… on jurerait qu’elle nous aurait fait respirer de l’ether !
C’est une Anglo-saxonne débarquée de New York à Paris il y a de cela des années mais il n’empêche qu’elle a toujours l’air de planer quelque part du côté de Saint- Mary Mead ou d’un de ces petits villages anglais parsemés de cottages et de jardins fleuris. D’ailleurs, elle vit dans un atelier magnifique perdu au milieu d’un jardin non moins luxuriant. On pourrait imaginer qu’elle veille là sur des élevages de papillons mais non… les papillons sont plutôt dans sa tête, ce qui fait tout son charme et son talent ethéré.
Son expo Rue Louise Weiss s’intitule « Last lost lake and other series ». C’est une série de paysages très mystérieux, presque fantômes… ils sont recolorisés et s’accompagnent de mots enigmatiques… on est transposés au bord d’un lac, près d’une forêt, dans un univers très à part, dans un passé-présent fictionnalisé… bref, c’est le début d’un roman qui nous fait frissonner d’emblée… c’est ce même genre de sensation que l’on peut ressentir juste avant de sombrer dans le sommeil. Son univers est aussi onirique que léthargique finalement.
D’ailleurs, il y a quelques années, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, elle nous invitait carrément à dormir dans son expo, au musée… était-ce feng shui ? N’était-ce pas ? Il suffisait de s’allonger et se laisser aller dans ce voyage onirique dans lequel les gardiens du musée devenaient les gardiens de notre sommeil. Sinon, elle nous a déjà invité dans des paysages aussi attrayants que Luminaville-les-Bains, une sorte de ville balnéaire avec un Spa… une installation qu’elle a conçu à base de néons… luninescents comme son nom l’indique !
Certaines de ses affiches reprennent des emballages, jouent avec les titres, nous convient même dans son Club. Un club à l’Anglaise, très fermé. Le « Green Cat Club » dont les membres se comptent sur les griffes d’un chat.
Je me laisse souvent tenter par ces nombreux breuvages aux noms curieux : les eaux vertes et eaux florales, les potions violettes ou les boissons rondes. Quant à ses menus abracadabrants, ils se composent autant de « potage antique » que de « fondants cosmiques » ou autres confits végétal… bref, un régal visuel !
Si elle pouvait ouvrir un restaurant ou un salon de thé, j’y serai très souvent. Quant aux marmitons les plus doués, je pense qu’ils pourraient s’inspirer de ses menus pour créer de nouvelles alchimies gustatives.
Elle a donc conceptualisé un monde tout-à-fait parallèle.
Dans lequel il fait beau, comme aujourd’hui, alors que je fais un retour aux sources pour un café matinal Rue de Charonne, à « La Pause ». J’aurais pu choisir « la Fée Verte » mais je suis là, sous un soleil inattendue. Obligée de retirer mes gants de pilotage, mon blouson de cuir couleur carbone. J’ai juste gardé ma robe Empire couleur Noisette, mes collants pistache et mes bottes de bikeuses légendaires.
Assise sur cette terrasse plus qu’ensoleillée, j’ai peur d’attraper un coup de soleil, un coup de chaud, un coup de love, un coup de beau… je commence même à avoir des hallus. J’aurais dû apporter mon Borsalino. A ma droite, un type qui a sérieusement le menton en galoche m’intrigue… mais non, ce n’est définitivement pas Beigbeder. Et le serveur, là, est-ce que ce ne serait pas Benoît Magimel ? Et là-bas : Louis Garrell ? J’ai rendez-vous avec Guy McKnight. Que fout Edouard Baer avec Vincent Cassel ? Fallait-il mettre un chapeau ? Le même soleil brille-t-il dans le 13è ? Xavier de Moulins est-il dans le coin ?
Anaïd Demir
Episode 54
Mardi 28 avril 2009 (partie 2)
Et dans tout ce brouillard, je cherche l'arc-en-ciel. Du coup, je me penche dans mon sac et j'y trouve le dernier Technikart + le catalogue de l'exposition "Ecritures Silencieuses" à l'Espace Vuitton + un sachet dans lequel on trouve des pigments pour lèvres Armani ainsi que son pinceau rétractable + un blush Mac couleur Flower Power + un catalogue de Thomas Hirschhorn + un disque dur + le dernier Depeche Mode "Sounds of Universe" + .les "Midnight Juggernauts", "Dystopia" + mon Ipod avec dedans une interview de Carole Chretiennot du Flore fraîchement réalisée pour le catalogue du "Parcours Saint-Germain" + mon mobile, une boîte de mini-feutres Stabilo des fois que de vieilles envies de dessiner ou de colorier me prendraient… et aussi un portefeuille mordoré acheté à paris juste après un voyage à Miami, une bourse rouge achetée à Shanghaï et qui sert d'étui à mon appareil photo + mon "répertoire" aussi lourd qu'un annuaire téléphonique des années 80, mes Wayfarers, mes gants de pilotage taillés dans un cuir de Formule 1… et surtout ma casquette de marin contre la pluie contre la pluie contre la pluie!
Si sous cette pluie, je suis chargée comme une mule, c’est pour me stabiliser sur mon vélo de critique d’art. C’est drôle, pas besoin d’être un fin limier pour être capable de décrypter ma journée à travers les communiqués de presse, les catalogues et les magazines que je traîne dans mon sac. Je pense que je ferai la joie d’un détective privé ! Quoique je sois difficile à prendre en filature, on me l’a déjà fait remarquer : trop rapide, trop impulsive, trop imprévisible.
Et là ? Je reviens donc d'un déjeuner sélect à l'Espace Vuitton organisé par Marie-Ange Moulonguet et Domoina de Brantes. Dans la célèbre cuisine qui surplombe les Magasins Vuitton de l’avenue des Champs-Elysées. Vue plongeante sur la ville.
Et dans la tête, j’ai le nom de quelques-uns des convives… je ne peux donc m’empêcher de name-dropper deux minutes.
A commencer par notre hôtesse principale à l’Espace Vuitton: Marie-Ange Moulonguet, ainsi que Hervé Mikaeloff. Emmanuel de Brantes, le mari de Domoina, evidemment. Puis Fabrice de Rohan-Chabot avec qui j’ai travaillé à Technikart à mes débuts. Gallizia, Jean Faucheur, Nirit, Dominique Plassart, Nathalie Pasqua, Camille… et d’autres, tous ont un rapport de près ou de loin avec une des familles de l’art, du design, de la musique ou du journalisme.
En guise d’apéritif, j’ai eu tout le temps de déambuler dans la très belle expo du moment : « Ecritures Silencieuses ».
Pas besoin de se munir d’une « Pierre de Rosette » pour déchiffrer les messages laissées par cette quinzaine d’artistes contemporains. Il suffit de se laisser porter. On y trouve l’étrange alphabet de Closky, les installations lettrées de Jenny Holzer, les messages informatisés de Charles Sandison, les phrases murales de Lawrence Weiner, les empreintes d’Ernesto Neto ou les définitions de Kosuth… et on oscille entre sens et non-sens dans cette mise-en-scène monogrammaticale siglée Vuitton. Mais le clou de l’expo est à l’entrée et agit comme un point de départ. C’est les origines de l’écriture qui sont mises en scène derrière de simples vitrines. Ce n’est pas la pierre de Rosette, mais ça en a le parfum. C’est un saut dans l’histoire avec 3 tablettes d’écritures glyphes issues de l’Ile de Pâque restées indéchiffrées depuis la nuit des temps. Le challenge, ce serait de trouver un Champollion, ici et maintenant, pendant l’exposition.
Ça c’était donc un bel apéritif… et en dessert, il y avait la perf de Sun7, un graffeur… mais je l’ai loupé parce qu’il fallait absolument que je file au Flore interviewer Carole Chretiennot pour le catalogue du « Parcours Saint-Germain » : c’est un événement qui se déroule dans le quartier Saint-Germain depuis 10 ans et auquel le Flore participe activement depuis les origines.
L’interview était au top. Une énergie rare circulait entre nous.
Ça a commencé comme si d’emblée, on était de la même famille puisqu’en voyant le dernier Technikart déborder de mon sac, on a tout de suite enchaîné sur des amis communs.
C’est Fabrice de Rohan-Chabot qui venait de me le donner, en exclu avec en couve Houellebecq face à Iggy Pop. Une rencontre saugrenue menée par Benoît Sabatier, évidemment… Saugrenue ou inattendue mais finalement plutôt logique.
Carole y jette un coup d’œil pour y retrouver l’article sur le Prix des Lilas, un Prix dont elle est à l’origine comme le Prix de Flore d’ailleurs. Le Prix des Lilas, qui se déroule donc à La Closerie…des Lilas ( !) récompense un écrivain femme. Le jury est lui aussi exclusivement féminin et surtout, il évolue d’une année sur l’autre. Il fallait y penser.
D’ailleurs, ça nous amène à tous ces débats autour des femmes, de la création et de la pro-création… et au fait que les femmes sont sous-représentées dans un monde où les hommes se cooptent naturellement depuis la nuit des temps, reléguant la femme aux fourneaux finalement. Et du coup, cette année, ça donne « Elles » : une relecture en version féminine de la Collection du Musée d’Art Moderne au Centre Pompidou. Louise Bourgeois, Gina Pane, Annette Messager, Dominique Gonzalez-Foerster…
Mais je m’éloigne un peu là… on retrouve donc l’article en question sur le Prix des Lilas dans les premières pages de Technikart. On en profite pour parler d’un ami commun, mon ex-rédac-chef à Tech, Raphaël Turcat humblement surnommé « Turcatausore » pour son regard d’acier et ses coups de sang légendaires, intempestifs et enflammés. Un très tranquille cracheur de feu à la tête d’une rédaction, en somme !
On enchaîne sur l’interview avec Carole. Elle me parle bien sûr du Parcours Saint-Germain, des Prix de Flore et des Lilas, de ses parents qui ont fondé le Flore. On parle d’art, d’amour et de son amoureux : un artiste justement. Je ne peux m’empêcher de lui demander qui est ce mystérieux artiste dont elle dit qu’il est trop chèr pour qu’elle ne le collectionne mais dont elle est absolument fan… forcément ! Mon sang ne fait qu’un tour quand elle décline son identité : c’est Philippe Perrin !
Mais bien sûr que je le connais !
Lui dirais-je ? Ne lui dirais-je pas ?
On continue cette interview dans les bureaux du Flore. J’ai loupé le Prix des Lilas mais l’année prochaine, c’est sûr, j’y serai. On parle des artistes qu’elle collectionne, ou de ceux qui l’ont marquée ces dernières années, ainsi que ceux qui ont participé au Parcours en direct du Flore. Claude Rutault, Erwin Wurm, Natach Lesueur. Cette années, ce sera Guy Limone qui comme son nom l’indique est entre autres un adepte de la couleur jaune. Il collectionne d’ailleurs des carrés de couleurs qu’il trouve dans les magazines ou les prospectus. Il en fait des œuvres rangées par couleurs, avec leurs variantes. Ce sont comme des panoramas chromatiques. Des posters, presque des tapisseries dont on aime se perdre dans les détails.
Tout est fluide entre Carole et moi. C’est une véritable rencontre comme on les aime. Pleine d’énergie. A chaque idée que l’on échange, on a un million de choses en commun !
… mais pour Philippe Perrin… lui dirais-je ? Ne lui dirais-je pas ?
Bon, en tout cas, Guy Limone réalisera les sets de table lors du Parcours… je lui dis qu’une partie de mon mémoire de maîtrise en histoire de l’art et en esthétique était justement consacré à cet artiste qui, en 92 déjà, était à la Galerie Perrotin, « MA galerie » !
… et pour Philippe Perrin… je lui dis ou je ne lui dis pas ?
A la fin de l’interview, n’y tenant plus, je me lance dans une explication. Je rappelle mes débuts à Technikart, dans la rubrique Arts… he, bien, il y a eu une période où il y avait une chronique intitulée « Que sont-ils devenus ? »… où j’avais eu l’idée saugrenue d’y insérer Philippe Perrin qui n’avait pourtant jamais disparu. Mais moi, dans les expos et ailleurs, je trouvais qu’il n’était pas assez présent à mon goût. Alors je m’étais débrouillée pour le joindre et faire cet article sans réellement lui dire de quoi il s’agissait… et, apparemment, il ne l’avait pas totalement apprécié. Il avait cherché à joindre Turcatausore… bon, des années plus tard, ces deux-là sont totalement amis et cette histoire est devenue une grande blague entre eux. Mais je ne suis pas sûre que les murs de Tech n’aient pas tremblé sur le passage d’un Perrin plus qu’enervé venu secouer les puces d’un Turcat plus qu’innocent dans cet affaire ! Et aujourd’hui, bras dessus bras dessous, tout le monde se marre encore en évoquant de temps à autre cette histoire alanguis sur la terrasse ensoleillée du Flore.
Anaïd Demir
Et dans tout ce brouillard, je cherche l'arc-en-ciel. Du coup, je me penche dans mon sac et j'y trouve le dernier Technikart + le catalogue de l'exposition "Ecritures Silencieuses" à l'Espace Vuitton + un sachet dans lequel on trouve des pigments pour lèvres Armani ainsi que son pinceau rétractable + un blush Mac couleur Flower Power + un catalogue de Thomas Hirschhorn + un disque dur + le dernier Depeche Mode "Sounds of Universe" + .les "Midnight Juggernauts", "Dystopia" + mon Ipod avec dedans une interview de Carole Chretiennot du Flore fraîchement réalisée pour le catalogue du "Parcours Saint-Germain" + mon mobile, une boîte de mini-feutres Stabilo des fois que de vieilles envies de dessiner ou de colorier me prendraient… et aussi un portefeuille mordoré acheté à paris juste après un voyage à Miami, une bourse rouge achetée à Shanghaï et qui sert d'étui à mon appareil photo + mon "répertoire" aussi lourd qu'un annuaire téléphonique des années 80, mes Wayfarers, mes gants de pilotage taillés dans un cuir de Formule 1… et surtout ma casquette de marin contre la pluie contre la pluie contre la pluie!
Si sous cette pluie, je suis chargée comme une mule, c’est pour me stabiliser sur mon vélo de critique d’art. C’est drôle, pas besoin d’être un fin limier pour être capable de décrypter ma journée à travers les communiqués de presse, les catalogues et les magazines que je traîne dans mon sac. Je pense que je ferai la joie d’un détective privé ! Quoique je sois difficile à prendre en filature, on me l’a déjà fait remarquer : trop rapide, trop impulsive, trop imprévisible.
Et là ? Je reviens donc d'un déjeuner sélect à l'Espace Vuitton organisé par Marie-Ange Moulonguet et Domoina de Brantes. Dans la célèbre cuisine qui surplombe les Magasins Vuitton de l’avenue des Champs-Elysées. Vue plongeante sur la ville.
Et dans la tête, j’ai le nom de quelques-uns des convives… je ne peux donc m’empêcher de name-dropper deux minutes.
A commencer par notre hôtesse principale à l’Espace Vuitton: Marie-Ange Moulonguet, ainsi que Hervé Mikaeloff. Emmanuel de Brantes, le mari de Domoina, evidemment. Puis Fabrice de Rohan-Chabot avec qui j’ai travaillé à Technikart à mes débuts. Gallizia, Jean Faucheur, Nirit, Dominique Plassart, Nathalie Pasqua, Camille… et d’autres, tous ont un rapport de près ou de loin avec une des familles de l’art, du design, de la musique ou du journalisme.
En guise d’apéritif, j’ai eu tout le temps de déambuler dans la très belle expo du moment : « Ecritures Silencieuses ».
Pas besoin de se munir d’une « Pierre de Rosette » pour déchiffrer les messages laissées par cette quinzaine d’artistes contemporains. Il suffit de se laisser porter. On y trouve l’étrange alphabet de Closky, les installations lettrées de Jenny Holzer, les messages informatisés de Charles Sandison, les phrases murales de Lawrence Weiner, les empreintes d’Ernesto Neto ou les définitions de Kosuth… et on oscille entre sens et non-sens dans cette mise-en-scène monogrammaticale siglée Vuitton. Mais le clou de l’expo est à l’entrée et agit comme un point de départ. C’est les origines de l’écriture qui sont mises en scène derrière de simples vitrines. Ce n’est pas la pierre de Rosette, mais ça en a le parfum. C’est un saut dans l’histoire avec 3 tablettes d’écritures glyphes issues de l’Ile de Pâque restées indéchiffrées depuis la nuit des temps. Le challenge, ce serait de trouver un Champollion, ici et maintenant, pendant l’exposition.
Ça c’était donc un bel apéritif… et en dessert, il y avait la perf de Sun7, un graffeur… mais je l’ai loupé parce qu’il fallait absolument que je file au Flore interviewer Carole Chretiennot pour le catalogue du « Parcours Saint-Germain » : c’est un événement qui se déroule dans le quartier Saint-Germain depuis 10 ans et auquel le Flore participe activement depuis les origines.
L’interview était au top. Une énergie rare circulait entre nous.
Ça a commencé comme si d’emblée, on était de la même famille puisqu’en voyant le dernier Technikart déborder de mon sac, on a tout de suite enchaîné sur des amis communs.
C’est Fabrice de Rohan-Chabot qui venait de me le donner, en exclu avec en couve Houellebecq face à Iggy Pop. Une rencontre saugrenue menée par Benoît Sabatier, évidemment… Saugrenue ou inattendue mais finalement plutôt logique.
Carole y jette un coup d’œil pour y retrouver l’article sur le Prix des Lilas, un Prix dont elle est à l’origine comme le Prix de Flore d’ailleurs. Le Prix des Lilas, qui se déroule donc à La Closerie…des Lilas ( !) récompense un écrivain femme. Le jury est lui aussi exclusivement féminin et surtout, il évolue d’une année sur l’autre. Il fallait y penser.
D’ailleurs, ça nous amène à tous ces débats autour des femmes, de la création et de la pro-création… et au fait que les femmes sont sous-représentées dans un monde où les hommes se cooptent naturellement depuis la nuit des temps, reléguant la femme aux fourneaux finalement. Et du coup, cette année, ça donne « Elles » : une relecture en version féminine de la Collection du Musée d’Art Moderne au Centre Pompidou. Louise Bourgeois, Gina Pane, Annette Messager, Dominique Gonzalez-Foerster…
Mais je m’éloigne un peu là… on retrouve donc l’article en question sur le Prix des Lilas dans les premières pages de Technikart. On en profite pour parler d’un ami commun, mon ex-rédac-chef à Tech, Raphaël Turcat humblement surnommé « Turcatausore » pour son regard d’acier et ses coups de sang légendaires, intempestifs et enflammés. Un très tranquille cracheur de feu à la tête d’une rédaction, en somme !
On enchaîne sur l’interview avec Carole. Elle me parle bien sûr du Parcours Saint-Germain, des Prix de Flore et des Lilas, de ses parents qui ont fondé le Flore. On parle d’art, d’amour et de son amoureux : un artiste justement. Je ne peux m’empêcher de lui demander qui est ce mystérieux artiste dont elle dit qu’il est trop chèr pour qu’elle ne le collectionne mais dont elle est absolument fan… forcément ! Mon sang ne fait qu’un tour quand elle décline son identité : c’est Philippe Perrin !
Mais bien sûr que je le connais !
Lui dirais-je ? Ne lui dirais-je pas ?
On continue cette interview dans les bureaux du Flore. J’ai loupé le Prix des Lilas mais l’année prochaine, c’est sûr, j’y serai. On parle des artistes qu’elle collectionne, ou de ceux qui l’ont marquée ces dernières années, ainsi que ceux qui ont participé au Parcours en direct du Flore. Claude Rutault, Erwin Wurm, Natach Lesueur. Cette années, ce sera Guy Limone qui comme son nom l’indique est entre autres un adepte de la couleur jaune. Il collectionne d’ailleurs des carrés de couleurs qu’il trouve dans les magazines ou les prospectus. Il en fait des œuvres rangées par couleurs, avec leurs variantes. Ce sont comme des panoramas chromatiques. Des posters, presque des tapisseries dont on aime se perdre dans les détails.
Tout est fluide entre Carole et moi. C’est une véritable rencontre comme on les aime. Pleine d’énergie. A chaque idée que l’on échange, on a un million de choses en commun !
… mais pour Philippe Perrin… lui dirais-je ? Ne lui dirais-je pas ?
Bon, en tout cas, Guy Limone réalisera les sets de table lors du Parcours… je lui dis qu’une partie de mon mémoire de maîtrise en histoire de l’art et en esthétique était justement consacré à cet artiste qui, en 92 déjà, était à la Galerie Perrotin, « MA galerie » !
… et pour Philippe Perrin… je lui dis ou je ne lui dis pas ?
A la fin de l’interview, n’y tenant plus, je me lance dans une explication. Je rappelle mes débuts à Technikart, dans la rubrique Arts… he, bien, il y a eu une période où il y avait une chronique intitulée « Que sont-ils devenus ? »… où j’avais eu l’idée saugrenue d’y insérer Philippe Perrin qui n’avait pourtant jamais disparu. Mais moi, dans les expos et ailleurs, je trouvais qu’il n’était pas assez présent à mon goût. Alors je m’étais débrouillée pour le joindre et faire cet article sans réellement lui dire de quoi il s’agissait… et, apparemment, il ne l’avait pas totalement apprécié. Il avait cherché à joindre Turcatausore… bon, des années plus tard, ces deux-là sont totalement amis et cette histoire est devenue une grande blague entre eux. Mais je ne suis pas sûre que les murs de Tech n’aient pas tremblé sur le passage d’un Perrin plus qu’enervé venu secouer les puces d’un Turcat plus qu’innocent dans cet affaire ! Et aujourd’hui, bras dessus bras dessous, tout le monde se marre encore en évoquant de temps à autre cette histoire alanguis sur la terrasse ensoleillée du Flore.
Anaïd Demir
Episode 53
Mardi 28 avril 2009
Pluie. Soleil. Pluie… soleil, pluie pluie pluie et re-pluie. Sur mon vélo, je passe entre les gouttes avant de me réfugier au « Rouquet », au coin de la Rue des Saints-Pères et du Boulevard Saint-Germain. Presque un lieu de pèlerinage.
Je fréquentais ce café en 93-94. Du temps de « L’Hiver de l’Amour » au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Du temps où je faisais un stage version extended chez Purple… quand ça s’appelait encore « Purple Prose » et que les locaux se situaient à côté, dans la Rue des Saints-Pères.
A l’époque où je passais mon temps entre mes cours à Michelet en Histoire de l’art, mes escapades aux Beaux-Arts de Paris pour y pirater des cours de dessin et d’art… et « Purple ». Dès les premiers numéros, de parfaits inconnus faisaient la couve : Victor & Rolf, Vanessa Beecroft, Mariko Mori… et autres obscurs personnages que le comité de rédaction -composé d’Elein Fleiss, Olivier Zahm, Bernard Joisten et Dominique Gonzalez-Foerster entre autres- ne craignait pas de mettre au premier plan !
Les bureaux de Purple, c’était l’appart d’Elein. Olivier était son petit ami et le co-rédac-chef de cette revue que tout le monde trouvait illisible mais que tout le monde surveillait de près. Très vite, c'est d'ailleurs Christophe Brunnquell qui s'est amusé à rendre la maquette encore plus illisiblement lisible. Aujourd’hui, après avoir rafraîchi la DA de tous les journaux branchouilles, il est au Figaro… ne me demandez ni comment ni pourquoi.
Bon… à la même période Emmanuel Perrotin venait d’ouvrir une petite galerie qu’il appelait « MA GALERIE » et personne ne le trouvait sexy. Sa galerie et son appart’ confondus, il occupait l’un des foyers de l’art Conceptuel et Minimal, l’ancien appartement de Ghislain Mollet-Viéville… et dans SA galerie, ses regards lubriques déshabillaient les filles de passage.
Mais encore ?
C’était peu de temps après l’ouverture de la Galerie Jennifer Flay, Rue Debelleyme… et avec elle, deux autres galeries faisaient partie du nouveau PAF, Paysage de l’Art Français : Anne de Villepoix, et Fabienne Leclerc en duo avec Christophe Durand-Ruel à la Galerie des Archives.
C'était donc un ou deux ans après le lancement des 3 revues de l'art, 3 revues générationnelles
… "Purple prose", l'ancètre de Purple Sex ou de Purple tout court, dirigé par Elein et Olivier.
… "Documents sur l'art" dirigé par Nicolas Bourriaud, Eric Troncy et toute la bande des "Perpendiculaires" : Jean-Yves Jouannais & co… et beaucoup d'autres.
… "Bloc Notes", un truc orange comme un bloc-notes Rhodia. Un bloc notes de l’art donc, dirigé par Armelle Leturq et… Frank Perrin, ex-meilleur ami de fac de philo d'Olivier Zahm. Une revue qui n'est pas restée orange comme un Rhodia et qui a très vite cessé de s'ouvrir comme un bloc notes, puis un beau jour qui a carrément muté. Ce jour-là, on était à la fin des années 90, la revue s'est transformée en magazine, s'est rebaptisé "Crash", a développé sa partie fashion et on a alors commencé à fréquenter les soirées "Parano"!
Et Nicolas, Frank et Olivier étaient les 3 mousquetaires désunis de la critique d’art. Tous pour l'art et les artistes, malgré eux. Tous ex-étudiants en philo, très inquiets d'esthétique. Forcément.
Bon… où en étais-je?
Le Rouquet. derriere la vitre: pluie et soleil s'enchaînent comme dans une blague météo.
Mon Ipod est branché sur Benjamin Biolay: "A l'origine, il n'y avait pas d'Anthrax. A l'origine, il n'y avait pas de grippe porcine, ni de risque de pandémie…". Il y avait d'autres choses: des dinausores très menaçants qui me ramènent à "La Force de l'art" au Grand Palais où je suis allée hier. Ça me fait penser à l'œuvre de Virginie Yassef: trois griffes qui me dépassaient sur une cimaise verte haute comme le monolithe de "2001, L'Odyssé…". Une œuvre issue d'une BD genre Adèle Blanc-Sec. Une griffe quidaterait de 140 millions d'années. Une trace de "pétorosaure" je crois. Une sale bestiole, une sorte de dragon volant que je n'aimerais pas croiser le soir en rentrant.
Et dans tout ce brouillard, je cherche l'arc-en-ciel. Du coup, je me penche dans mon sac et j'y trouve le dernier Technikart + le catalogue de l'exposition "Ecritures Silencieuses" à l'Espace Vuitton + un sachet dans lequel on trouve des pigments pour lèvres Armani ainsi que son pinceau rétractable + un blush Mac couleur Flower Power + un catalogue de Thomas Hirschhorn + un disque dur + le dernier Depeche Mode "Sounds of Universe" + .les "Midnight Juggernauts", "Dystopia" + mon Ipod avec dedans une interview de Carole Chretiennot du Flore fraîchement réalisée pour le catalogue du "Parcours Saint-Germain" + mon mobile, une boîte de mini-feutres Stabilo des fois que de vieilles envies de dessiner ou de colorier me prendraient… et aussi un portefeuille mordoré acheté à paris juste après un voyage à Miami, une bourse rouge achetée à Shanghaï et qui sert d'étui à mon appareil photo + mon "répertoire" aussi lourd qu'un annuaire téléphonique des années 80, mes Wayfarers, mes gants de pilotage taillés dans un cuir de Formule 1… et surtout ma casquette de marin contre la pluie contre la pluie contre la pluie!
Pluie. Soleil. Pluie… soleil, pluie pluie pluie et re-pluie. Sur mon vélo, je passe entre les gouttes avant de me réfugier au « Rouquet », au coin de la Rue des Saints-Pères et du Boulevard Saint-Germain. Presque un lieu de pèlerinage.
Je fréquentais ce café en 93-94. Du temps de « L’Hiver de l’Amour » au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Du temps où je faisais un stage version extended chez Purple… quand ça s’appelait encore « Purple Prose » et que les locaux se situaient à côté, dans la Rue des Saints-Pères.
A l’époque où je passais mon temps entre mes cours à Michelet en Histoire de l’art, mes escapades aux Beaux-Arts de Paris pour y pirater des cours de dessin et d’art… et « Purple ». Dès les premiers numéros, de parfaits inconnus faisaient la couve : Victor & Rolf, Vanessa Beecroft, Mariko Mori… et autres obscurs personnages que le comité de rédaction -composé d’Elein Fleiss, Olivier Zahm, Bernard Joisten et Dominique Gonzalez-Foerster entre autres- ne craignait pas de mettre au premier plan !
Les bureaux de Purple, c’était l’appart d’Elein. Olivier était son petit ami et le co-rédac-chef de cette revue que tout le monde trouvait illisible mais que tout le monde surveillait de près. Très vite, c'est d'ailleurs Christophe Brunnquell qui s'est amusé à rendre la maquette encore plus illisiblement lisible. Aujourd’hui, après avoir rafraîchi la DA de tous les journaux branchouilles, il est au Figaro… ne me demandez ni comment ni pourquoi.
Bon… à la même période Emmanuel Perrotin venait d’ouvrir une petite galerie qu’il appelait « MA GALERIE » et personne ne le trouvait sexy. Sa galerie et son appart’ confondus, il occupait l’un des foyers de l’art Conceptuel et Minimal, l’ancien appartement de Ghislain Mollet-Viéville… et dans SA galerie, ses regards lubriques déshabillaient les filles de passage.
Mais encore ?
C’était peu de temps après l’ouverture de la Galerie Jennifer Flay, Rue Debelleyme… et avec elle, deux autres galeries faisaient partie du nouveau PAF, Paysage de l’Art Français : Anne de Villepoix, et Fabienne Leclerc en duo avec Christophe Durand-Ruel à la Galerie des Archives.
C'était donc un ou deux ans après le lancement des 3 revues de l'art, 3 revues générationnelles
… "Purple prose", l'ancètre de Purple Sex ou de Purple tout court, dirigé par Elein et Olivier.
… "Documents sur l'art" dirigé par Nicolas Bourriaud, Eric Troncy et toute la bande des "Perpendiculaires" : Jean-Yves Jouannais & co… et beaucoup d'autres.
… "Bloc Notes", un truc orange comme un bloc-notes Rhodia. Un bloc notes de l’art donc, dirigé par Armelle Leturq et… Frank Perrin, ex-meilleur ami de fac de philo d'Olivier Zahm. Une revue qui n'est pas restée orange comme un Rhodia et qui a très vite cessé de s'ouvrir comme un bloc notes, puis un beau jour qui a carrément muté. Ce jour-là, on était à la fin des années 90, la revue s'est transformée en magazine, s'est rebaptisé "Crash", a développé sa partie fashion et on a alors commencé à fréquenter les soirées "Parano"!
Et Nicolas, Frank et Olivier étaient les 3 mousquetaires désunis de la critique d’art. Tous pour l'art et les artistes, malgré eux. Tous ex-étudiants en philo, très inquiets d'esthétique. Forcément.
Bon… où en étais-je?
Le Rouquet. derriere la vitre: pluie et soleil s'enchaînent comme dans une blague météo.
Mon Ipod est branché sur Benjamin Biolay: "A l'origine, il n'y avait pas d'Anthrax. A l'origine, il n'y avait pas de grippe porcine, ni de risque de pandémie…". Il y avait d'autres choses: des dinausores très menaçants qui me ramènent à "La Force de l'art" au Grand Palais où je suis allée hier. Ça me fait penser à l'œuvre de Virginie Yassef: trois griffes qui me dépassaient sur une cimaise verte haute comme le monolithe de "2001, L'Odyssé…". Une œuvre issue d'une BD genre Adèle Blanc-Sec. Une griffe quidaterait de 140 millions d'années. Une trace de "pétorosaure" je crois. Une sale bestiole, une sorte de dragon volant que je n'aimerais pas croiser le soir en rentrant.
Et dans tout ce brouillard, je cherche l'arc-en-ciel. Du coup, je me penche dans mon sac et j'y trouve le dernier Technikart + le catalogue de l'exposition "Ecritures Silencieuses" à l'Espace Vuitton + un sachet dans lequel on trouve des pigments pour lèvres Armani ainsi que son pinceau rétractable + un blush Mac couleur Flower Power + un catalogue de Thomas Hirschhorn + un disque dur + le dernier Depeche Mode "Sounds of Universe" + .les "Midnight Juggernauts", "Dystopia" + mon Ipod avec dedans une interview de Carole Chretiennot du Flore fraîchement réalisée pour le catalogue du "Parcours Saint-Germain" + mon mobile, une boîte de mini-feutres Stabilo des fois que de vieilles envies de dessiner ou de colorier me prendraient… et aussi un portefeuille mordoré acheté à paris juste après un voyage à Miami, une bourse rouge achetée à Shanghaï et qui sert d'étui à mon appareil photo + mon "répertoire" aussi lourd qu'un annuaire téléphonique des années 80, mes Wayfarers, mes gants de pilotage taillés dans un cuir de Formule 1… et surtout ma casquette de marin contre la pluie contre la pluie contre la pluie!
Episode 52
Jeudi 09 Avril 2009
Sept mille dollars en petites coupures, c’est tout ce qu’il aura gagné !
C’est la crise ? Gianni Motti expose son budget sans l’exploser à la Ferme du Buisson !
7000 billets d’un dollar = 7000 dollars. Et en €uros ? On ne pratique plus la conversion, ça n’a plus de sens. En dollars, c’est pas du lourd, mais symboliquement, ça paie ! C’est comme trouver un puits de pétrôle. C’est l’Amérique ! En dollars, c’est historique, hystérique et mythique… car on le sait tous, rien n’est plus beau qu’un billet vert.
Surtout quand on se trouve loin de Paris. A Noisiel ? C’est beau… juste parce que c’est vert. Pas parce que 2009 rabats-joie me répètent à tout va tous les jours et par tous les média, tous les moyens qui soient que… c’est la crise c’est la crise c’est la criiiiiiiiiiiise !
Alors suspendus sur des fils à linge, un par un, côte à côte, presque militairement alignés, on cherche presque inconsciemment à les attraper.
C’est la Motti Tentation ! Certains étendent leur linge sale, lui, il étend du billet vert dont on ne sait s’il a été préalablement « blanchi ». Plus vert que blanc ? Il nous fait tâter le dollar de l’œil!
Haut les mains ! Ça m’inspire un hold-up !
A un mètre au-dessus de nos têtes, ils ont l’air de nous attendre et nous, on a le sentiment qu’on n’a qu’à sauter pour les attraper.
On pourrait en faire des aéroplanes ou des cocottes en papier. On pourrait réévaluer nos désirs, rêver qu’on plane vers l’American Dream reconstitué. Vers une certaine idée de la réussite. Des dollars en espèces plus trébuchantes que sonnantes.
Et par ce grand soleil, après des heures de diligence à travers la cambrousse, on a fini par atteindre « La Ferme du Buisson » à Noisiel pour le vernissage. Et même après avoir bravé tous les dangers, on se sent toujours trop petit ou pas assez athlétique pour les atteindre ces fouttus billets. Mais on se fait son grand western quand même. On imagine que la tête de Gianni Motti a été mise à prix et qu’un chasseur de primes est sûrement à ses trousses.
Parce que le connaissant, il a dû mettre au point quelque chose, préparé un coup. Mis une bande de hors-la-loi sur les traces de ces 7000 billets verts. Et en temps utile, ils viendront dévaliser « La Ferme » comme une « Bank ». Et il n’y aura pas un sheriff pour arrêter ces cow-boys doués de la gachette !
Un peu plus tard dans la soirée, on s’est dirigés vers le saloon pour nouer quelques intrigues en compagnie entre autres de Philippe Jousse et Frank Perrin. L’ex-galeriste de Gianni d’un côté, et le rédac-chef du magazine Crash de l’autre. L’ex-trio infernal. On s’est rappelées les premières années de « Crash ». A la belle époque. Avant 2001. Avant « LA crise »… avant LES crises. Quand on faisait du rodéo Rue Louise Weiss et qu’on n’avait pas besoin d’attraper une Winchester à canon scié et attaquer la diligence pour vivre son western de l’art contemporain.
Anaïd Demir
Sept mille dollars en petites coupures, c’est tout ce qu’il aura gagné !
C’est la crise ? Gianni Motti expose son budget sans l’exploser à la Ferme du Buisson !
7000 billets d’un dollar = 7000 dollars. Et en €uros ? On ne pratique plus la conversion, ça n’a plus de sens. En dollars, c’est pas du lourd, mais symboliquement, ça paie ! C’est comme trouver un puits de pétrôle. C’est l’Amérique ! En dollars, c’est historique, hystérique et mythique… car on le sait tous, rien n’est plus beau qu’un billet vert.
Surtout quand on se trouve loin de Paris. A Noisiel ? C’est beau… juste parce que c’est vert. Pas parce que 2009 rabats-joie me répètent à tout va tous les jours et par tous les média, tous les moyens qui soient que… c’est la crise c’est la crise c’est la criiiiiiiiiiiise !
Alors suspendus sur des fils à linge, un par un, côte à côte, presque militairement alignés, on cherche presque inconsciemment à les attraper.
C’est la Motti Tentation ! Certains étendent leur linge sale, lui, il étend du billet vert dont on ne sait s’il a été préalablement « blanchi ». Plus vert que blanc ? Il nous fait tâter le dollar de l’œil!
Haut les mains ! Ça m’inspire un hold-up !
A un mètre au-dessus de nos têtes, ils ont l’air de nous attendre et nous, on a le sentiment qu’on n’a qu’à sauter pour les attraper.
On pourrait en faire des aéroplanes ou des cocottes en papier. On pourrait réévaluer nos désirs, rêver qu’on plane vers l’American Dream reconstitué. Vers une certaine idée de la réussite. Des dollars en espèces plus trébuchantes que sonnantes.
Et par ce grand soleil, après des heures de diligence à travers la cambrousse, on a fini par atteindre « La Ferme du Buisson » à Noisiel pour le vernissage. Et même après avoir bravé tous les dangers, on se sent toujours trop petit ou pas assez athlétique pour les atteindre ces fouttus billets. Mais on se fait son grand western quand même. On imagine que la tête de Gianni Motti a été mise à prix et qu’un chasseur de primes est sûrement à ses trousses.
Parce que le connaissant, il a dû mettre au point quelque chose, préparé un coup. Mis une bande de hors-la-loi sur les traces de ces 7000 billets verts. Et en temps utile, ils viendront dévaliser « La Ferme » comme une « Bank ». Et il n’y aura pas un sheriff pour arrêter ces cow-boys doués de la gachette !
Un peu plus tard dans la soirée, on s’est dirigés vers le saloon pour nouer quelques intrigues en compagnie entre autres de Philippe Jousse et Frank Perrin. L’ex-galeriste de Gianni d’un côté, et le rédac-chef du magazine Crash de l’autre. L’ex-trio infernal. On s’est rappelées les premières années de « Crash ». A la belle époque. Avant 2001. Avant « LA crise »… avant LES crises. Quand on faisait du rodéo Rue Louise Weiss et qu’on n’avait pas besoin d’attraper une Winchester à canon scié et attaquer la diligence pour vivre son western de l’art contemporain.
Anaïd Demir
mercredi 29 juillet 2009
Episode 50
Dimanche 05 Avril 2009
Ce n’est pas un château cette fois mais plutôt un lieu aux airs sacrés dans lequel Alexis Vaillant s’est niché. Et cette espèce d’immense temple païen aux murs voûtés, et aux croisées d’ogives, ce n’est pas une cathédrâle gothique mais les Entrepôts Lainé à Bordeaux… transformés depuis des années en centre d’art contemporain. Le CAPC.
C’est ici que j’ai vu pour la première fois une exposition perso de Matthew Barney en 1992. C’était le début de la série « Cremaster », du nom du muscle qui permet la montée et la descente des testicules. Le premier épisode de l’épopée, « Cremaster 4 » avec son esthétiques très années 90, reste d’ailleurs malgré moi mon préféré. Ça se passait sur l’Ile de Man, une île peuplée de personnages mi-hommes et mi-Bélier et où se déroulait une étrange course automobile. Et quelques années plus tard, j’y ai vu « Traffic », une expo de Nicolas Bourriaud qui mettait en pratique la fameuse « Esthétique relationnelle » dont il avait théorisé dans un livre ou dans des textes juste auparavant.
Comme quoi je ne vais pas à Bordeaux très souvent mais toujours pour des bonnes raisons !
C’est donc là, au CAPC, dans l’une des ailes de cet immense vaisseau qu’Alexis Vaillant, curator glam-rock de son état, a planté le décor de son « Opéra Rock » dont le premier rôle a été confié à l’artiste Jean-Luc Blanc.
C’est une « Rétrospective collective », j’adore l’expression… Encore une idée originale d’Alexis ! Combien y-a-t-il de commissaires d’expo réellement ludiques, talentueux et inventifs dans le Paysage Artistique Français ? Peu, trop peu ! Et chaque fois, je m’immisce dans ces expos comme si j’allais vivre une palpitante aventure fin de siècle… et chaque fois, c’est le cas. Comme « Legend » à Chamarande ou « Le voyage Intérieur » il y a quelques années à l’Espace Electra à Paris. Chaque fois, en sortant de là, je renais à l’art contemporain. Parce que l’art peut finir par tuer, surtout d’ennui. Avec Alexis, c’est donc l’effet inverse assuré.
Il a inventé la « Rétrospective collective » autour de Jean-Luc Blanc parce qu’il a invité tous les artistes qu’il aime et dont l’univers est proche de celui de Jean-Luc… parfois à ce point qu’on se demande qui a déteint sur qui ? Personne, c’est juste une communauté d’esprit probablement, parfois même le fruit du hasard. Et ça donne un « opéra rock » comme au cinéma, puisque Jean-Luc est un passionné de cinéma. Un amoureux des images cinématographiques, un artiste qui se fait son cinéma en se passant et se repassant les séquences des films qu’il aime. On a l’impression qu’il découpe chirurgicalement toutes les images d’un film qu’il aime, s’attarde sur un détail, focalise, en fait une obsession. Comme un psyco-killer. Et une par une, il isole sa collection d’images, les redessine à sa guise, selon ses désirs et ses fantasmes! Puis il les réenvisage, les recharge d’un sens qui lui est personnel, les recompose et leur fait peut-être même l’amour. Ça crée des dessins et des tableaux étranges hantés par des regards lunaires et habités, des poses éloquentes, des creux d’épaules inspirés, des attitudes ambiguës… on est troublés. On essaie de deviner ce qui se cache derrière le plissement d’une robe ou dans le pli d’un coude… personne pour nous répondre Surtout pas Jean-Luc Blanc. Quant à ce serpent, ce boa ou ce cobra géant qui nous attend au bas de l’escalier, il semble nous donner la direction, nous indiquer la marche à suivre. Sur les conseils de cet être empaillé, on emprunte l’escalier, on pousse une porte … et là, une vingtaine d’artistes vient dialoguer avec l’univers en 2D d’un artiste qui nous fait décoller.
Parfois ce sont des amis à lui comme Michel Blazy, son voisin d’atelier qui passe son temps à glorifier la pourriture et, en utilisant des denrées perissables dans ses œuvres, voue un culte à la vie par la même occasion ! Par exemple ces œuvres recouvertes de Danette chocolat et dévorées par les souris de son atelier sont un hymne à la vie, au vivant et à l’éphémère.
Et moi, je suis entrée comme une somnambule dans cette expo plongée dans une semi-obscurité et hantée par des regards : ceux des portraits de Jean-Luc. J’ai avancé à pas feutrés dans ces salles voûtées et ponctuées par d’immenses paravents en laqué noir. Des paravents percés par des lumières vertes ou rouges qui cachent l’entrée de quelques salles secrètes.
Sur mon chemin, le long de ces salles aux noms enigmatiques, j’avais pour seul guide des sons digne d’un grand film de suspens ou d’un thriller. Noir et blanc, plan intérieur, puis plan serré sur un regard, et mise au point sur des vanités : des crânes en série réunis par Jean-Luc Verna, accrochés au mur comme une collection d’amulettes. Et dans des vitrines dignes du museum d’histoire naturelle, d’autres objets semblent s’ennuyer depuis des siècles : des antiquités, des bijoux rares, des cristaux vrais ou faux… Une tête de canard bleue, un portrait de Molinier, une boîte à faux-cils et d’autres curiosités comme cette dent de vache sculptée en forme de crâne. A faire froid dans le dos. C’est l’œuvre de Laurent Le Deunff, un bordelais qui a aussi réalisé une autre vanité à l’aide d’une année de rognures d’ongles. Mais il semble aussi beaucoup s’intéresser au monde animal puisqu’un drôle d’animal en toile de jute et en paillettes qui ressemble à un canasson ou un bœuf est étendu au sol. Mort ? en tout cas, il n’a pas l’aplomb et la vivacité de la Licorne de Janine Janet, un sculpteur qui a jadis réalisé des décors pour des films de Cocteau. Quant à Brian Griffiths, il donne vie à de simples meubles rustiques. Il y a aussi les recompositions Surréalistes et poético-mystiques de Bruno Pelassy, un décor théâtral de Lothar Hempel, une eau-forte de Victorien Sardou, un remake pasolinien de « Body Double » signé Brice Dellsperger, des araignées, une bibliothèque Noire, un squelette tout en éponge qui semble imiter Nefertiti, un trognon de pomme ensanglanté… et toutes ces présences, ces ombres et ces regards qui en disent long. C’est une expérience plus qu’une expo et on en sort pas indemne… parce qu’on est pas sûr ensuite d’être capable de supporter la platitude et la médiocrité de beaucoup d’autres expos.
Je suis repartie de là avec un nom en tête, celui de cet artiste Bordelais qui n’était même pas à Bordeaux pour l’occasion… quel dommage ! Laurent Le Deunff. Il a réalisé d’autres sculptures animales pour le Capc que l’on peut apprécier sur la terrasse : un ours, un morse, un élan… qui nous rappellent les boîtes de Pez de l’enfance.
Pour la peine, j’appelle un autre Laurent. Un laurent de mon au-delà artistique justement. Laurent Monteau. Un ex qui s’est installé à Bordeaux.
Dans la ville de notre adolescence, il faisait pousser de l’herbe sur le toît de chez ses parents… et maintenant, en toute logique, il fait pousser des vignes ! Peu importe le plant, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Il est devenu vigneron. J’adore l’idée et dans la soirée, Place des Chavrons, on fêtait nos retrouvailles avec le vin de son cru, Anne-Ly. L’Anne-Ly de Laurent n’est pas l’Ann Lee virtuelle de Pierre Huygue et Philippe Parreno. C’est une Anne-Ly plus charpentée, plus corsée, avec même quelques notes acidulées dans sa robe… son nom est un hommage à la grand-maman du garçon !
Et hier, Place de l’Opéra, j’ai savouré mon jus de fraise en terrasse, en attendant l’heure de mon train. Puis j’ai débarqué à Paris vers 18h. Objectif : retrouver Kathy et faire quelques vernissages avec elle… notamment l’exposition de la Galerie Crèvecœur, « Overlap » co-curatée par Axel Dibie et Agnès Violeau.
Et sur le chemin de l’expo, elle me résumait son voyage à New York. On ne s’était pas vues depuis 15 jours. Elle avait même pensé à me ramener le fameux dentifrice Tom Of Maine… parfum canelle, bien meilleur que Gingermint.
De mon côté, je lui ai raconté ma journée à Bordeaux et surtout l’expo d’Alexis… tout ça pour en arriver à Laurent Le Deunff. L’énigma tique Laurent Le Deunff, le type qui avait sculpté une dent de vache et collectionné une année de rognures d’ongles pour composer un crâne qui a l’air en ivoire. Qui pouvait-il être ? Un neurasthénique ? Un maniaco-dépressif ? Un obessionnel ? enfin, surtout un artiste ! Et Kathy comme moi, on s’était arrêtées sur le même. Sur le chemin, dès les premières minutes de nos retrouvailles pour se rendre Rue de Malte, on en parlait déjà… Puis arrivées à bon port, à la Galerie Crèvecœur pour « Overlap », Axel est en train de discuter avec un type… et il nous le présente : Laurent Le Deunff ! c’était tellement incroyable, on venait de l’évoquer avec Kathy un quart d’heure plus tôt et je n’avais pas arrêté d’y penser la veille, à Bordeaux, au CAPC!
Je ne cherche aucune explication rationnelle ou irrationnelle à tout ça… la vie est bien faîte, c’est comme ça !
Ensuite, j’ai filé au Centre Pompidou pour le concert de Genesis Breyer P.Orridge. Un évènement. Musique, mystique et transsexualité.
Aussi talentueux est-il, Genesis Breyer P.Orridge a l’air de traîner un perpétuel mal-être. Il a fait de son corps un work in progress, un chantier artistique. La bedaine du buveur de bière et les seins de la rombière. Un drôle de mix ! Quelque chose entre féminin et masculin qu’il saupoudre de culture new age, de mystique cosmique et de punk-rock millénariste. Il a inventé la pandrogynie : une sorte de fuite en avant qui consiste à devenir trait pour trait ou à peu près l’objet de son désir. Comme si l’âme et le corps se révulsaient, se fuyaient perpétuellement…
Il explique qu’habituellement, un homme et une femme, lorsqu’ils s’aiment, recréent un troisième être. Organiquement s’entend ! Ils l’ont d’ailleurs créé avec sa défunte femme, c’est Caress, une jolie fille en chair et en os.
Mais eux ont surtout créé le pandrogyne, un être mi-homme mi- femme, la combinaison subtile des qualités de deux êtres éperduement amoureux l’un de l’autre… une combinaison « chirurgicale » s’entend.
Depuis quelques années, Mister P.Orridge cherche donc, opération après opération, à ressembler à feue sa compagne Lady Jaye. Une quête désespérée qui sonne comme un suicide physique. Une débâcle.
Difficile de se dire que cette étrange créature est l’un des fondateurs de Throbbing Gristle, et de Psychic TV, 2 groupes de musique industrielle. Un type qui a inspiré l’inventif Aphex Twin, le corrosif Trent Reznor, fondateur et chanteur de Nine Inch Nails et producteur de Marilyn Manson… mais aussi William S. Burroughs et Brian Gysin, brillants écrivains beatniks et donc sous influence.
J’ai suivi le show de près et d’un coup, je me suis rappelée à quel point il était bon de se sentir bien dans son corps, dans sa tête et dans son genre. Je me suis demandée si ce personnage me mettait mal à l’aise… mais non, même pas. Je me demande juste quel malaise et quel mal peuvent nous mener à faire de son corps un terrain de jeux et d’expériences pour des Frankenstein du XXIè siècle.
D’un coup, j’ai eu envie de me prendre dans mes bras et de m’embrasser. La narcisso-mégalomanie Vs la Pandrogynie !
J’ai filé retrouver Kathy et j’ai croqué mon dîner à pleines dents histoire de me rappeler que j’étais bel et bien en vie.
Anaïd Demir
Ce n’est pas un château cette fois mais plutôt un lieu aux airs sacrés dans lequel Alexis Vaillant s’est niché. Et cette espèce d’immense temple païen aux murs voûtés, et aux croisées d’ogives, ce n’est pas une cathédrâle gothique mais les Entrepôts Lainé à Bordeaux… transformés depuis des années en centre d’art contemporain. Le CAPC.
C’est ici que j’ai vu pour la première fois une exposition perso de Matthew Barney en 1992. C’était le début de la série « Cremaster », du nom du muscle qui permet la montée et la descente des testicules. Le premier épisode de l’épopée, « Cremaster 4 » avec son esthétiques très années 90, reste d’ailleurs malgré moi mon préféré. Ça se passait sur l’Ile de Man, une île peuplée de personnages mi-hommes et mi-Bélier et où se déroulait une étrange course automobile. Et quelques années plus tard, j’y ai vu « Traffic », une expo de Nicolas Bourriaud qui mettait en pratique la fameuse « Esthétique relationnelle » dont il avait théorisé dans un livre ou dans des textes juste auparavant.
Comme quoi je ne vais pas à Bordeaux très souvent mais toujours pour des bonnes raisons !
C’est donc là, au CAPC, dans l’une des ailes de cet immense vaisseau qu’Alexis Vaillant, curator glam-rock de son état, a planté le décor de son « Opéra Rock » dont le premier rôle a été confié à l’artiste Jean-Luc Blanc.
C’est une « Rétrospective collective », j’adore l’expression… Encore une idée originale d’Alexis ! Combien y-a-t-il de commissaires d’expo réellement ludiques, talentueux et inventifs dans le Paysage Artistique Français ? Peu, trop peu ! Et chaque fois, je m’immisce dans ces expos comme si j’allais vivre une palpitante aventure fin de siècle… et chaque fois, c’est le cas. Comme « Legend » à Chamarande ou « Le voyage Intérieur » il y a quelques années à l’Espace Electra à Paris. Chaque fois, en sortant de là, je renais à l’art contemporain. Parce que l’art peut finir par tuer, surtout d’ennui. Avec Alexis, c’est donc l’effet inverse assuré.
Il a inventé la « Rétrospective collective » autour de Jean-Luc Blanc parce qu’il a invité tous les artistes qu’il aime et dont l’univers est proche de celui de Jean-Luc… parfois à ce point qu’on se demande qui a déteint sur qui ? Personne, c’est juste une communauté d’esprit probablement, parfois même le fruit du hasard. Et ça donne un « opéra rock » comme au cinéma, puisque Jean-Luc est un passionné de cinéma. Un amoureux des images cinématographiques, un artiste qui se fait son cinéma en se passant et se repassant les séquences des films qu’il aime. On a l’impression qu’il découpe chirurgicalement toutes les images d’un film qu’il aime, s’attarde sur un détail, focalise, en fait une obsession. Comme un psyco-killer. Et une par une, il isole sa collection d’images, les redessine à sa guise, selon ses désirs et ses fantasmes! Puis il les réenvisage, les recharge d’un sens qui lui est personnel, les recompose et leur fait peut-être même l’amour. Ça crée des dessins et des tableaux étranges hantés par des regards lunaires et habités, des poses éloquentes, des creux d’épaules inspirés, des attitudes ambiguës… on est troublés. On essaie de deviner ce qui se cache derrière le plissement d’une robe ou dans le pli d’un coude… personne pour nous répondre Surtout pas Jean-Luc Blanc. Quant à ce serpent, ce boa ou ce cobra géant qui nous attend au bas de l’escalier, il semble nous donner la direction, nous indiquer la marche à suivre. Sur les conseils de cet être empaillé, on emprunte l’escalier, on pousse une porte … et là, une vingtaine d’artistes vient dialoguer avec l’univers en 2D d’un artiste qui nous fait décoller.
Parfois ce sont des amis à lui comme Michel Blazy, son voisin d’atelier qui passe son temps à glorifier la pourriture et, en utilisant des denrées perissables dans ses œuvres, voue un culte à la vie par la même occasion ! Par exemple ces œuvres recouvertes de Danette chocolat et dévorées par les souris de son atelier sont un hymne à la vie, au vivant et à l’éphémère.
Et moi, je suis entrée comme une somnambule dans cette expo plongée dans une semi-obscurité et hantée par des regards : ceux des portraits de Jean-Luc. J’ai avancé à pas feutrés dans ces salles voûtées et ponctuées par d’immenses paravents en laqué noir. Des paravents percés par des lumières vertes ou rouges qui cachent l’entrée de quelques salles secrètes.
Sur mon chemin, le long de ces salles aux noms enigmatiques, j’avais pour seul guide des sons digne d’un grand film de suspens ou d’un thriller. Noir et blanc, plan intérieur, puis plan serré sur un regard, et mise au point sur des vanités : des crânes en série réunis par Jean-Luc Verna, accrochés au mur comme une collection d’amulettes. Et dans des vitrines dignes du museum d’histoire naturelle, d’autres objets semblent s’ennuyer depuis des siècles : des antiquités, des bijoux rares, des cristaux vrais ou faux… Une tête de canard bleue, un portrait de Molinier, une boîte à faux-cils et d’autres curiosités comme cette dent de vache sculptée en forme de crâne. A faire froid dans le dos. C’est l’œuvre de Laurent Le Deunff, un bordelais qui a aussi réalisé une autre vanité à l’aide d’une année de rognures d’ongles. Mais il semble aussi beaucoup s’intéresser au monde animal puisqu’un drôle d’animal en toile de jute et en paillettes qui ressemble à un canasson ou un bœuf est étendu au sol. Mort ? en tout cas, il n’a pas l’aplomb et la vivacité de la Licorne de Janine Janet, un sculpteur qui a jadis réalisé des décors pour des films de Cocteau. Quant à Brian Griffiths, il donne vie à de simples meubles rustiques. Il y a aussi les recompositions Surréalistes et poético-mystiques de Bruno Pelassy, un décor théâtral de Lothar Hempel, une eau-forte de Victorien Sardou, un remake pasolinien de « Body Double » signé Brice Dellsperger, des araignées, une bibliothèque Noire, un squelette tout en éponge qui semble imiter Nefertiti, un trognon de pomme ensanglanté… et toutes ces présences, ces ombres et ces regards qui en disent long. C’est une expérience plus qu’une expo et on en sort pas indemne… parce qu’on est pas sûr ensuite d’être capable de supporter la platitude et la médiocrité de beaucoup d’autres expos.
Je suis repartie de là avec un nom en tête, celui de cet artiste Bordelais qui n’était même pas à Bordeaux pour l’occasion… quel dommage ! Laurent Le Deunff. Il a réalisé d’autres sculptures animales pour le Capc que l’on peut apprécier sur la terrasse : un ours, un morse, un élan… qui nous rappellent les boîtes de Pez de l’enfance.
Pour la peine, j’appelle un autre Laurent. Un laurent de mon au-delà artistique justement. Laurent Monteau. Un ex qui s’est installé à Bordeaux.
Dans la ville de notre adolescence, il faisait pousser de l’herbe sur le toît de chez ses parents… et maintenant, en toute logique, il fait pousser des vignes ! Peu importe le plant, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Il est devenu vigneron. J’adore l’idée et dans la soirée, Place des Chavrons, on fêtait nos retrouvailles avec le vin de son cru, Anne-Ly. L’Anne-Ly de Laurent n’est pas l’Ann Lee virtuelle de Pierre Huygue et Philippe Parreno. C’est une Anne-Ly plus charpentée, plus corsée, avec même quelques notes acidulées dans sa robe… son nom est un hommage à la grand-maman du garçon !
Et hier, Place de l’Opéra, j’ai savouré mon jus de fraise en terrasse, en attendant l’heure de mon train. Puis j’ai débarqué à Paris vers 18h. Objectif : retrouver Kathy et faire quelques vernissages avec elle… notamment l’exposition de la Galerie Crèvecœur, « Overlap » co-curatée par Axel Dibie et Agnès Violeau.
Et sur le chemin de l’expo, elle me résumait son voyage à New York. On ne s’était pas vues depuis 15 jours. Elle avait même pensé à me ramener le fameux dentifrice Tom Of Maine… parfum canelle, bien meilleur que Gingermint.
De mon côté, je lui ai raconté ma journée à Bordeaux et surtout l’expo d’Alexis… tout ça pour en arriver à Laurent Le Deunff. L’énigma tique Laurent Le Deunff, le type qui avait sculpté une dent de vache et collectionné une année de rognures d’ongles pour composer un crâne qui a l’air en ivoire. Qui pouvait-il être ? Un neurasthénique ? Un maniaco-dépressif ? Un obessionnel ? enfin, surtout un artiste ! Et Kathy comme moi, on s’était arrêtées sur le même. Sur le chemin, dès les premières minutes de nos retrouvailles pour se rendre Rue de Malte, on en parlait déjà… Puis arrivées à bon port, à la Galerie Crèvecœur pour « Overlap », Axel est en train de discuter avec un type… et il nous le présente : Laurent Le Deunff ! c’était tellement incroyable, on venait de l’évoquer avec Kathy un quart d’heure plus tôt et je n’avais pas arrêté d’y penser la veille, à Bordeaux, au CAPC!
Je ne cherche aucune explication rationnelle ou irrationnelle à tout ça… la vie est bien faîte, c’est comme ça !
Ensuite, j’ai filé au Centre Pompidou pour le concert de Genesis Breyer P.Orridge. Un évènement. Musique, mystique et transsexualité.
Aussi talentueux est-il, Genesis Breyer P.Orridge a l’air de traîner un perpétuel mal-être. Il a fait de son corps un work in progress, un chantier artistique. La bedaine du buveur de bière et les seins de la rombière. Un drôle de mix ! Quelque chose entre féminin et masculin qu’il saupoudre de culture new age, de mystique cosmique et de punk-rock millénariste. Il a inventé la pandrogynie : une sorte de fuite en avant qui consiste à devenir trait pour trait ou à peu près l’objet de son désir. Comme si l’âme et le corps se révulsaient, se fuyaient perpétuellement…
Il explique qu’habituellement, un homme et une femme, lorsqu’ils s’aiment, recréent un troisième être. Organiquement s’entend ! Ils l’ont d’ailleurs créé avec sa défunte femme, c’est Caress, une jolie fille en chair et en os.
Mais eux ont surtout créé le pandrogyne, un être mi-homme mi- femme, la combinaison subtile des qualités de deux êtres éperduement amoureux l’un de l’autre… une combinaison « chirurgicale » s’entend.
Depuis quelques années, Mister P.Orridge cherche donc, opération après opération, à ressembler à feue sa compagne Lady Jaye. Une quête désespérée qui sonne comme un suicide physique. Une débâcle.
Difficile de se dire que cette étrange créature est l’un des fondateurs de Throbbing Gristle, et de Psychic TV, 2 groupes de musique industrielle. Un type qui a inspiré l’inventif Aphex Twin, le corrosif Trent Reznor, fondateur et chanteur de Nine Inch Nails et producteur de Marilyn Manson… mais aussi William S. Burroughs et Brian Gysin, brillants écrivains beatniks et donc sous influence.
J’ai suivi le show de près et d’un coup, je me suis rappelée à quel point il était bon de se sentir bien dans son corps, dans sa tête et dans son genre. Je me suis demandée si ce personnage me mettait mal à l’aise… mais non, même pas. Je me demande juste quel malaise et quel mal peuvent nous mener à faire de son corps un terrain de jeux et d’expériences pour des Frankenstein du XXIè siècle.
D’un coup, j’ai eu envie de me prendre dans mes bras et de m’embrasser. La narcisso-mégalomanie Vs la Pandrogynie !
J’ai filé retrouver Kathy et j’ai croqué mon dîner à pleines dents histoire de me rappeler que j’étais bel et bien en vie.
Anaïd Demir
Episode 49
Samedi 21 Mars 2009
Gare de Poitiers. Retour du Confort Moderne !
Bah ouais… il n’y a pas que London, Shanghaï, Dubaï, New York et Warhol dans la vie ! Il y a aussi Poitiers et le Confort Moderne de Poitiers dirigé de main de maître par le très preux Yann Chevallier. C’est le DA des expositions. Elégance, nonchalance, discrétion, loyauté, goût et force de conviction… il a les vertus que l’on attend d’un Chevallier de son rang et de son temps.
Et chaque fois que je reprends le train en direction de Poitiers… je repense à cette fameuse année où il avait organisé un rallye de mini-motos pour deux artistes dont j’apprécie le travail et le sens de l’humour : Bertrand Lacombe & Sophie Dejode, un duo effervescent apparemment mal compris en France.
Ça arrive souvent ce genre de truc. Dès que les mecs ne sont pas passés par les voies habituelles de l’art, dès qu’ils n’ont pas fréquenté telle ou telle école d’art, qu’ils n’ont pas été adoubé par tel ou tel critique d’art, tel artiste ou tel messie… ils sont mal aimés par la Mafia de l’art, on se méfie d’eux, on est frileux à leur égard, puis on tente de les ostraciser à petits feux !
Bon, en tout cas, ces deux-là reviendront au premier plan un jour ou l’autre, ils ont trop d’énergie pour se laisser oublier si facilement. Leur projet est un work in progress autour d’une utopie, un micro-état de leur invention auquel d’autres artistes peuvent se joindre : « Floating Land ».
Et donc, Yann avait présenté une partie de « Floating Land » en 2004 : d’incroyables install, des engins de toutes sortes, des habitats. Une sorte de village donc doté de son Kippen Burger où l’on pouvait se restaurer tant organiquement que spirituellement… un clin d’œil pop coloré à l’artiste Kippenberger, of course ! Et dans les rues de ce village, une course de mini-motos avait été ni plus ni moins organisé. Fonçant à travers brouillard et gros temps, avalant les distances, dévorant les étendues, triomphant de tous les obstacles, les "fous du volant" dans leur éternel poursuite à travers les lieux d’exposition n’étaient autre qu’une vilaine petite bande d’artistes comme on les aime bien sûr ! Et parmi les très méchants et impartiaux arbitres, il y avait moi et mon Polo noir frappé à mon effigie. Je l’ai gardé comme un trophée, les lettres de mon nom se détachent encore blanc sur noir. Je ne sais plus qui a remporté le Trophée… mais c’était peut-être comme à l’Ecole des Fans et comme chez Pierre de Coubertin, tout le plaisir était sûrement dans la participation !
Ça c’était il y a déjà 5 ans ! depuis je suis retournée de nombreuses fois au Confort Moderne de Poitiers mais jamais au Futuroscope. Est-ce que c’est grave, je ne sais pas… j’ai bien failli y aller avec Théodore Fivel, Koudlam et Alice, Michael Portnoy… & co ! Portnoy est un de ces artistes hallucinants, un performer qui performe comme il respire dans le sens où c’est sa nature. C’est un exalté. Tellement exalté qu’il a halluciné Bob Dylan durant la cérémonie des Grammy Awards en 98 ! Il suffit d’aller faire un tour sur Youtube pour se rafraîchir la mémoire. Il était là pour danser dans son coin sans faire de vague pendant que Dylan chantait et d’un coup, animé par on ne sait quelle diablerie, il enlève sa chemise et se met en transe ! En lettres flamboyantes, « Soy bomb » se lit sur son poitrail. Et depuis tout ce temps, la bombe en question est indomptable, elle n’en finit pas de nous servir avec éclats ses performances de chanteur, acteur (dans « Concrete castle », le projet de Rita Ackermann par exemple), mais aussi « installateur »… et tant pis si le mot que je viens d’inventer sur place est très très moche !
Cette fois, dans le genre onirique, baroque et musclé, il se produisait avec David Adamo au Confort Moderne. Adamo, c’est une sorte d’homme de Cro-Magnon miniature qui invite son public à marcher sur ses œuvres composées de battes de base-ball ou admirer ses machettes, et autres discrets objets fictionnellement chargés. Face à lui, l’élastique et athlétique Portnoy nous convie à ses tables de jeux, ce genre de tables de jeux où l’on laisserait probablement sa chemise d’ailleurs ! Il nous implique dans le scénario sonore d’un héritier de Boris Vian… Imprévisibles l’un comme l’autre, pour le vernissage hier soir, ils nous ont mené par le bout du nez, au son de la harpe et du xylophone, ils nous ont initié à un drôle de rituel pyrogravé… ça résonne encore en moins. Le seul problème dans tout ça, c’est qu’ils n’avaient pas réussi à trafiquer la météo. Il ne pleuvait pas mais j’ai eu froid froid froid. Ça a presque gâché mon amour pour la harpe, le xylo et les perf bien disjonctées.
Quant à Koudlam, il s’est chargé de nous réchauffer durant le concert qui a suivi. De sa voix caverneuse et abyssale qu’il pose sur une electro-symphonie bien à lui, il nous a fait décoller. C’est étrange, c’est intimiste, familier et pourtant si nouveau, à la fois grave et léger, fragile, aussi tenace qu’evanescent. Tout en contradictions. C’est Cyprien Gaillard qui nous a permis de découvrir ce compositeur disjoncté à travers la vidéo « Denianski Raion » dont il a réalisé la bande-son.
En tout cas, lui sera au Futuroscope tout-à-l’heure avec Théodore, Alice et Portnoy. Pendant ce temps, je serai dans un train en direction de Paris avec la douce et belle Kathy, la Dulcinée de Yann.
Anaïd Demir
Gare de Poitiers. Retour du Confort Moderne !
Bah ouais… il n’y a pas que London, Shanghaï, Dubaï, New York et Warhol dans la vie ! Il y a aussi Poitiers et le Confort Moderne de Poitiers dirigé de main de maître par le très preux Yann Chevallier. C’est le DA des expositions. Elégance, nonchalance, discrétion, loyauté, goût et force de conviction… il a les vertus que l’on attend d’un Chevallier de son rang et de son temps.
Et chaque fois que je reprends le train en direction de Poitiers… je repense à cette fameuse année où il avait organisé un rallye de mini-motos pour deux artistes dont j’apprécie le travail et le sens de l’humour : Bertrand Lacombe & Sophie Dejode, un duo effervescent apparemment mal compris en France.
Ça arrive souvent ce genre de truc. Dès que les mecs ne sont pas passés par les voies habituelles de l’art, dès qu’ils n’ont pas fréquenté telle ou telle école d’art, qu’ils n’ont pas été adoubé par tel ou tel critique d’art, tel artiste ou tel messie… ils sont mal aimés par la Mafia de l’art, on se méfie d’eux, on est frileux à leur égard, puis on tente de les ostraciser à petits feux !
Bon, en tout cas, ces deux-là reviendront au premier plan un jour ou l’autre, ils ont trop d’énergie pour se laisser oublier si facilement. Leur projet est un work in progress autour d’une utopie, un micro-état de leur invention auquel d’autres artistes peuvent se joindre : « Floating Land ».
Et donc, Yann avait présenté une partie de « Floating Land » en 2004 : d’incroyables install, des engins de toutes sortes, des habitats. Une sorte de village donc doté de son Kippen Burger où l’on pouvait se restaurer tant organiquement que spirituellement… un clin d’œil pop coloré à l’artiste Kippenberger, of course ! Et dans les rues de ce village, une course de mini-motos avait été ni plus ni moins organisé. Fonçant à travers brouillard et gros temps, avalant les distances, dévorant les étendues, triomphant de tous les obstacles, les "fous du volant" dans leur éternel poursuite à travers les lieux d’exposition n’étaient autre qu’une vilaine petite bande d’artistes comme on les aime bien sûr ! Et parmi les très méchants et impartiaux arbitres, il y avait moi et mon Polo noir frappé à mon effigie. Je l’ai gardé comme un trophée, les lettres de mon nom se détachent encore blanc sur noir. Je ne sais plus qui a remporté le Trophée… mais c’était peut-être comme à l’Ecole des Fans et comme chez Pierre de Coubertin, tout le plaisir était sûrement dans la participation !
Ça c’était il y a déjà 5 ans ! depuis je suis retournée de nombreuses fois au Confort Moderne de Poitiers mais jamais au Futuroscope. Est-ce que c’est grave, je ne sais pas… j’ai bien failli y aller avec Théodore Fivel, Koudlam et Alice, Michael Portnoy… & co ! Portnoy est un de ces artistes hallucinants, un performer qui performe comme il respire dans le sens où c’est sa nature. C’est un exalté. Tellement exalté qu’il a halluciné Bob Dylan durant la cérémonie des Grammy Awards en 98 ! Il suffit d’aller faire un tour sur Youtube pour se rafraîchir la mémoire. Il était là pour danser dans son coin sans faire de vague pendant que Dylan chantait et d’un coup, animé par on ne sait quelle diablerie, il enlève sa chemise et se met en transe ! En lettres flamboyantes, « Soy bomb » se lit sur son poitrail. Et depuis tout ce temps, la bombe en question est indomptable, elle n’en finit pas de nous servir avec éclats ses performances de chanteur, acteur (dans « Concrete castle », le projet de Rita Ackermann par exemple), mais aussi « installateur »… et tant pis si le mot que je viens d’inventer sur place est très très moche !
Cette fois, dans le genre onirique, baroque et musclé, il se produisait avec David Adamo au Confort Moderne. Adamo, c’est une sorte d’homme de Cro-Magnon miniature qui invite son public à marcher sur ses œuvres composées de battes de base-ball ou admirer ses machettes, et autres discrets objets fictionnellement chargés. Face à lui, l’élastique et athlétique Portnoy nous convie à ses tables de jeux, ce genre de tables de jeux où l’on laisserait probablement sa chemise d’ailleurs ! Il nous implique dans le scénario sonore d’un héritier de Boris Vian… Imprévisibles l’un comme l’autre, pour le vernissage hier soir, ils nous ont mené par le bout du nez, au son de la harpe et du xylophone, ils nous ont initié à un drôle de rituel pyrogravé… ça résonne encore en moins. Le seul problème dans tout ça, c’est qu’ils n’avaient pas réussi à trafiquer la météo. Il ne pleuvait pas mais j’ai eu froid froid froid. Ça a presque gâché mon amour pour la harpe, le xylo et les perf bien disjonctées.
Quant à Koudlam, il s’est chargé de nous réchauffer durant le concert qui a suivi. De sa voix caverneuse et abyssale qu’il pose sur une electro-symphonie bien à lui, il nous a fait décoller. C’est étrange, c’est intimiste, familier et pourtant si nouveau, à la fois grave et léger, fragile, aussi tenace qu’evanescent. Tout en contradictions. C’est Cyprien Gaillard qui nous a permis de découvrir ce compositeur disjoncté à travers la vidéo « Denianski Raion » dont il a réalisé la bande-son.
En tout cas, lui sera au Futuroscope tout-à-l’heure avec Théodore, Alice et Portnoy. Pendant ce temps, je serai dans un train en direction de Paris avec la douce et belle Kathy, la Dulcinée de Yann.
Anaïd Demir
Episode 48
Mardi 17 Mars 2009
Métro Pyramides, avenue de l’Opéra, je viens d’échouer dans le premier café tellement je suis fatiguée. Besoin de vitamine C. Explosée par la soirée d’hier… et la journée aussi d’ailleurs !
Quoique c’est peut-être encore le jet lag ? Bien que j’ai bien l’impression d’être jet laggée de naissance moi ! Le hasard m’a fait naître à Montmorency dans le Val d’Oise mais à tous les coups, j’étais prévue pour New York ou San Francisco ou Los Angeles, Shanghaï, Tokyo, Sydney… tout sauf le fuseau horaire français, bordel !
Bon, quoiqu’il en soit, je m’envoie des comprimés de ginseng, des bouquets de persil, des descentes de lit de spiruline et je me remets au jus de gingembre frais sans tarder ! L’anti-cernes n’y suffit plus ! Pffff ! cette tronche, je n’en peux plus. Je veux retrouver mon teint d’albâtre ! Et pour mes cheveux : du citron pour les faire briller et de la levure de bière sans tarder! Je viens de m’acheter un fer parce que je compte me faire des anglaises… ou bien des crantés Années 20-30 pour aller danser le Fox-trot avec Jules-Emile… ou alors non : des accroche-cœurs Années 10 ! 1910 et 2010, même combat !
Bon, en attendant, ma conscience des jours devient floue floue floue. Je ne suis même pas sûre d’être lundi et vues les températures, on pourrait très bien être un 03 novembre et fêter mon anniversaire ! Pourquoi pas ! de toute façon, je me crois vendredi soir et j’ai du mal à me rappeler mon prénom ! Astrid ? Adélaïde ? Ah ! Non non non, c’est Anaïd Forever !
Je me crois vendredi ou jeudi ou samedi. Normal, je ne respecte pas les jours fériés, je les injurie même involontairement. Constamment. Pourquoi ? parce qu’ils sont là pour être chômés et que je ne les chôme pas justement. Je ne les chôme même jamais, ce sont justement ces jours-là que je travaille… en plus des autres jours, forcément! Et oui, critique d’art, journaliste… tout ce bordel ! des tas de gens rêvent de prendre ma place… alors que les jours fériés me haient !
Bon, et aujourd’hui qui est un jour sans patronyme donc et qu’on appelera « aujourd’hui » pour se simplifier la vie, on a passé la journée à filmer filmer filmer. Tout passer au peigne fin de la caméra. Même le cure-dent tombé de la poche du régisseur a été filmé ! On était au Grand Palais… because Warhol. Because Alain Cueff, le commissaire de l’expo. Because le glam, because la fashion, because le people, because les dollars et Marilyn Monroe, because Nico et puis Mao et surtout le pape du Pop, Warhola Andrew himself.
Et puis because le luxe, sans le calme mais avec la volupté, because la TV et la real TV, l’American Dream, l’Underground et le Velvet Underground, la sous-culture et les charnelles aventures, l’artiste-machine et la Factory, la coke ET le Coke et tout le bordel… bordel !
Alors on a filmé filmé et filmé… jusqu’à plus soif. Si Rockfeller, le Shah d’Iran et Kennedy avaient été de ce monde, ils y seraient passé eux aussi !
Le directeur de la Fondation Warhol à Pittsburgh : filmé ! La très piquante Italienne Daniela Morera ? Enregistrée! Rédac-chef du magazine « Interview », elle nous explique en français et en roulant vertgineusement les R, que si Warhol l’a portraiturée de dos et que ça me rappelle Man Ray, c’est bien parce qu’elle lui a soufflé l’idée. Et que non, Warhol n’était pas un manipulateur… etc, etc.
J’avais l’impression toute la soirée d’être à New York, au Studio 54 en plein cœur des années 80… sauf que j’avais oublié mes épaulettes et mes vestes cintrées pour le look, et mon frisbee et mon Rubik’s Cube pour les nerfs!
Ernesto Esposito ? Producteur portraituré, donc lui aussi, comme les autres : interviewé ! C’est à lui qu’appartiennent je crois les œuvres les plus prestigieuses de Warhol ! Maybe le Marilyn et l’autoportrait de l’artiste évidemment. J’ai un faible pour le portrait d’Elvis x 3 ! J’adore cette impression de mouvement et puis le fait qu’il est en pied. J’ai le sentiment qu’il prend le public à parti… Non, mieux, qu’il me regarde droit dans les yeux ! J’adore aussi le Debbie Harry. Elle devait être dans les parages d’ailleurs pendant cette inauguration ! Non ? Irving Blum a lui aussi répondu à nos questions : c’est lui qui a le premier exposé Warhol en 62, Vincent Frémont… etc, etc, etc.
Warhol Warhol Warhol ! Jusqu’à écœurement.
Les interviews, les peoples, LE people… Avant-hier, c’était la même chose mais à la Maison Rouge avec « Warhol TV » ! je me suis surprise à chanter avec Debbie Harry dans « Fifteen minutes of fame », l’émission que Warhol produisait sur le câble dans les années 80. Des interviews de peoples inconnus par des peoples plus connus et vice versa… je ne sais pas moi, ça peut donner Warhol interviewant Basquiat, ou une séquence avec une jeune femme d’une vingtaine d’années un peu gauche et qui nous parle maladroitement d’elle et de son rapport au charnel… jusqu’à ce que l’on reconnaisse Courtney Love, celle d’avant Hole et d’avant Kurt Cobain ! On peut aussi se vautrer dans les fauteuil design de l’expo pour suivre un épisode de « Love Boat », « La croisière s’ amuse » en français dans le texte… Warhol y joue son propre rôle ! Par contre si le précurseur de la Real TV qu’est Warhol a déjà a déjà mangé un hamburger Quick devant les caméras pour les besoins d’une pub et avec une platitude désarmante, s’il a aussi joué les serveurs dans le clip d’un groupe de rock et s’est mis à parler japonais dans une pub pour TDK… je me demande si le « Pope of Pop »… n’était pas plus mystique qu’on veut nous le faire croire. D’ailleurs dans la dernière salle du Grand palais, je découvre ses séries de Christ, pas loin des chaises électriques et des Vanités qui crânent à fond !
Tout le monde nous rabache sans cesse qu’il n’aimait rien d’autre que l’argent et qu’il ne faisait tout ça que pour l’argent… dans ce cas, je me dis qu’aimer l’argent et être spirituel peut aller de pair. D’ailleurs, c’est le propre des grands gourous, je crois. Warhol aurait pu être dangereux finalement. C’était juste un gourou de l’esthétique. Je m’aperçois que même Ardisson est sous son influence dans ses concepts d’émission. Mais d’ailleurs, est-ce qu’il n’a pas relancé « Interview » ? J’ai un doute, d’un coup ? il avait bien un rapport avec le mag de Warhol ! « Lunettes noires pour Nuits blanches» dans les années 80, c’était un peu son Studio 54 à lui !
Bref… on a donc enchaîné sur le Grand Palais pour le vernissage VIP et au milieu de tous ces portraits plus grands que nature, j’ai vu passer Lagerfeld au bras de Bernadette Chirac… en même temps, je me dis que n’importe qui peut se déguiser en Lagerfeld aujourd’hui ! Même Jacques Chirac ! Qui sait, Jacques a peut-être ses marottes, lui. A moins qu’Elle, Bernadette, n’ait ses exigences, l’ex-Première Dame de France : ce serait de ne jamais sortir son Jacques autrement qu’habillé en Chanel… enfin, en Lagerfeld !
Et pour en revenir aux Premières Dames… Carla devait être là aussi avec son petit mari. J’ai pas fait attention à vrai dire. Mais comme Carla a tendance à se prendre pour Jackie Kennedy, Carla aurait pu aller rivaliser de style et de non-style avec le portrait que warhol a fait de Jackie dans les sixties, ou essayer de se faire photographier juste à côté, que sais-je… quoique ça aurait été plutôt chiant !
Et puis… il y avait les Pinault, les Arnault, les Renault, les Renoux, les Relou, les Dupont et Dupond, les vraies et les fausses têtes couronnées, les vraies prises de tête et les faux-culs, les têtes pensantes et les grandes gueules, les joli-cœurs et les sans-culottes, les aristos du show-biz, les roturiers de la finance, les ceci et les cela… et moi et moi et moi. Je ne me rappelle plus exactement, c’est embrumé. De toute façon, j’étais concentrée sur les interviews mais je crois que tout le monde était là ! Mick Jagger de la même façon que Thierry Lhermitte ! Et si Amanda Lear ne jure que par Dali… pourtant, je jurerai l’avoir croisé elle aussi, ou peut-être était-ce Patrick Juvet.
Enfin, je ne veux pas name-dropper comme ça indéfiniment… mais s’il y a une personne encore à citer absolument, ce serait l’évanescente Kate Moss.
Elle, était là, belle et bien là, belle et re-belle ! Elle avait dû penser que comme c’était une soirée Warhol, il y aurait de la coke et toutes sortes de substances faîtes pour changer de planète et ouvrir les portes de la perception… comme du temps de la Factory et du Studio 54 ! En même temps, c’est surtout une muse et j’ai beaucoup d’affection pour elle. Notre brindille brit’. Un p’tit chat ! Pas une Aryenne, juste une « girl-next-door » un peu mieux que les autres ! beaucoup mieux que les autres mais pas de manière agressive. Elle a un truc à elle. Un truc que personne d’autre n’a. Et du coup, tous les artistes l’ont prise pour modèle… pas seulement les photographes de mode. Jusqu’à Marc Quinn, qui lui, l’a carrément coulée dans l’or pour la mener tout droit au British Museum. Là, cette statue en or massif qui vaut son pesant de dollars était en vitrine au milieu d’œuvres antiques et médiévales… Et le plus étrange, c’est que non seulement elle défiait en grâce et en beauté toutes les icônes et les déesses présentes, mais en plus, il m’a semblé qu’elle en éclipsait purement et simplement certaines.
C’est comme ça ! L’effet Kate Moss ! Il n’y a pas que chez Top Shop qu’elle décape… elle continue au musée !
Que ferait-on de Néfertiti aujourd’hui d’ailleurs ? Est-ce que Warhol lui aurait fait un screen-test? Est-ce qu’elle serait accrochée à l’une des cimaises du Grand Palais today ?
Quant à moi, tous ces portraits au propre comme au figuré, tous ces visages, ceux immortalisés par Warhol et les autres, à un moment donné, je ne pouvais plus les voir en peinture… tout ce que je voulais, c’était aller me coucher ! Dans un White Cube si possible… pour y projeter mes propres rêves !
Et puis, brusquement, je suis en train de me demander : qu’ai-je fait moi déjà de mes « 15 minutes of fame » ? Est-ce que je les ai déjà consumées ? Aucune idée ! D’ailleurs, je ne sais même plus comment je m’appelle, ni même où je vis ! Si ça se trouve, comme il l’a fait avec John Giorno, Warhol m’aurait filmé en train de dormir ! Quoique pour ça, il aurait fallu que je l’introduise dans ma chambre… Aucune chance ! J’aime pas les blonds !
Anaïd Demir
Métro Pyramides, avenue de l’Opéra, je viens d’échouer dans le premier café tellement je suis fatiguée. Besoin de vitamine C. Explosée par la soirée d’hier… et la journée aussi d’ailleurs !
Quoique c’est peut-être encore le jet lag ? Bien que j’ai bien l’impression d’être jet laggée de naissance moi ! Le hasard m’a fait naître à Montmorency dans le Val d’Oise mais à tous les coups, j’étais prévue pour New York ou San Francisco ou Los Angeles, Shanghaï, Tokyo, Sydney… tout sauf le fuseau horaire français, bordel !
Bon, quoiqu’il en soit, je m’envoie des comprimés de ginseng, des bouquets de persil, des descentes de lit de spiruline et je me remets au jus de gingembre frais sans tarder ! L’anti-cernes n’y suffit plus ! Pffff ! cette tronche, je n’en peux plus. Je veux retrouver mon teint d’albâtre ! Et pour mes cheveux : du citron pour les faire briller et de la levure de bière sans tarder! Je viens de m’acheter un fer parce que je compte me faire des anglaises… ou bien des crantés Années 20-30 pour aller danser le Fox-trot avec Jules-Emile… ou alors non : des accroche-cœurs Années 10 ! 1910 et 2010, même combat !
Bon, en attendant, ma conscience des jours devient floue floue floue. Je ne suis même pas sûre d’être lundi et vues les températures, on pourrait très bien être un 03 novembre et fêter mon anniversaire ! Pourquoi pas ! de toute façon, je me crois vendredi soir et j’ai du mal à me rappeler mon prénom ! Astrid ? Adélaïde ? Ah ! Non non non, c’est Anaïd Forever !
Je me crois vendredi ou jeudi ou samedi. Normal, je ne respecte pas les jours fériés, je les injurie même involontairement. Constamment. Pourquoi ? parce qu’ils sont là pour être chômés et que je ne les chôme pas justement. Je ne les chôme même jamais, ce sont justement ces jours-là que je travaille… en plus des autres jours, forcément! Et oui, critique d’art, journaliste… tout ce bordel ! des tas de gens rêvent de prendre ma place… alors que les jours fériés me haient !
Bon, et aujourd’hui qui est un jour sans patronyme donc et qu’on appelera « aujourd’hui » pour se simplifier la vie, on a passé la journée à filmer filmer filmer. Tout passer au peigne fin de la caméra. Même le cure-dent tombé de la poche du régisseur a été filmé ! On était au Grand Palais… because Warhol. Because Alain Cueff, le commissaire de l’expo. Because le glam, because la fashion, because le people, because les dollars et Marilyn Monroe, because Nico et puis Mao et surtout le pape du Pop, Warhola Andrew himself.
Et puis because le luxe, sans le calme mais avec la volupté, because la TV et la real TV, l’American Dream, l’Underground et le Velvet Underground, la sous-culture et les charnelles aventures, l’artiste-machine et la Factory, la coke ET le Coke et tout le bordel… bordel !
Alors on a filmé filmé et filmé… jusqu’à plus soif. Si Rockfeller, le Shah d’Iran et Kennedy avaient été de ce monde, ils y seraient passé eux aussi !
Le directeur de la Fondation Warhol à Pittsburgh : filmé ! La très piquante Italienne Daniela Morera ? Enregistrée! Rédac-chef du magazine « Interview », elle nous explique en français et en roulant vertgineusement les R, que si Warhol l’a portraiturée de dos et que ça me rappelle Man Ray, c’est bien parce qu’elle lui a soufflé l’idée. Et que non, Warhol n’était pas un manipulateur… etc, etc.
J’avais l’impression toute la soirée d’être à New York, au Studio 54 en plein cœur des années 80… sauf que j’avais oublié mes épaulettes et mes vestes cintrées pour le look, et mon frisbee et mon Rubik’s Cube pour les nerfs!
Ernesto Esposito ? Producteur portraituré, donc lui aussi, comme les autres : interviewé ! C’est à lui qu’appartiennent je crois les œuvres les plus prestigieuses de Warhol ! Maybe le Marilyn et l’autoportrait de l’artiste évidemment. J’ai un faible pour le portrait d’Elvis x 3 ! J’adore cette impression de mouvement et puis le fait qu’il est en pied. J’ai le sentiment qu’il prend le public à parti… Non, mieux, qu’il me regarde droit dans les yeux ! J’adore aussi le Debbie Harry. Elle devait être dans les parages d’ailleurs pendant cette inauguration ! Non ? Irving Blum a lui aussi répondu à nos questions : c’est lui qui a le premier exposé Warhol en 62, Vincent Frémont… etc, etc, etc.
Warhol Warhol Warhol ! Jusqu’à écœurement.
Les interviews, les peoples, LE people… Avant-hier, c’était la même chose mais à la Maison Rouge avec « Warhol TV » ! je me suis surprise à chanter avec Debbie Harry dans « Fifteen minutes of fame », l’émission que Warhol produisait sur le câble dans les années 80. Des interviews de peoples inconnus par des peoples plus connus et vice versa… je ne sais pas moi, ça peut donner Warhol interviewant Basquiat, ou une séquence avec une jeune femme d’une vingtaine d’années un peu gauche et qui nous parle maladroitement d’elle et de son rapport au charnel… jusqu’à ce que l’on reconnaisse Courtney Love, celle d’avant Hole et d’avant Kurt Cobain ! On peut aussi se vautrer dans les fauteuil design de l’expo pour suivre un épisode de « Love Boat », « La croisière s’ amuse » en français dans le texte… Warhol y joue son propre rôle ! Par contre si le précurseur de la Real TV qu’est Warhol a déjà a déjà mangé un hamburger Quick devant les caméras pour les besoins d’une pub et avec une platitude désarmante, s’il a aussi joué les serveurs dans le clip d’un groupe de rock et s’est mis à parler japonais dans une pub pour TDK… je me demande si le « Pope of Pop »… n’était pas plus mystique qu’on veut nous le faire croire. D’ailleurs dans la dernière salle du Grand palais, je découvre ses séries de Christ, pas loin des chaises électriques et des Vanités qui crânent à fond !
Tout le monde nous rabache sans cesse qu’il n’aimait rien d’autre que l’argent et qu’il ne faisait tout ça que pour l’argent… dans ce cas, je me dis qu’aimer l’argent et être spirituel peut aller de pair. D’ailleurs, c’est le propre des grands gourous, je crois. Warhol aurait pu être dangereux finalement. C’était juste un gourou de l’esthétique. Je m’aperçois que même Ardisson est sous son influence dans ses concepts d’émission. Mais d’ailleurs, est-ce qu’il n’a pas relancé « Interview » ? J’ai un doute, d’un coup ? il avait bien un rapport avec le mag de Warhol ! « Lunettes noires pour Nuits blanches» dans les années 80, c’était un peu son Studio 54 à lui !
Bref… on a donc enchaîné sur le Grand Palais pour le vernissage VIP et au milieu de tous ces portraits plus grands que nature, j’ai vu passer Lagerfeld au bras de Bernadette Chirac… en même temps, je me dis que n’importe qui peut se déguiser en Lagerfeld aujourd’hui ! Même Jacques Chirac ! Qui sait, Jacques a peut-être ses marottes, lui. A moins qu’Elle, Bernadette, n’ait ses exigences, l’ex-Première Dame de France : ce serait de ne jamais sortir son Jacques autrement qu’habillé en Chanel… enfin, en Lagerfeld !
Et pour en revenir aux Premières Dames… Carla devait être là aussi avec son petit mari. J’ai pas fait attention à vrai dire. Mais comme Carla a tendance à se prendre pour Jackie Kennedy, Carla aurait pu aller rivaliser de style et de non-style avec le portrait que warhol a fait de Jackie dans les sixties, ou essayer de se faire photographier juste à côté, que sais-je… quoique ça aurait été plutôt chiant !
Et puis… il y avait les Pinault, les Arnault, les Renault, les Renoux, les Relou, les Dupont et Dupond, les vraies et les fausses têtes couronnées, les vraies prises de tête et les faux-culs, les têtes pensantes et les grandes gueules, les joli-cœurs et les sans-culottes, les aristos du show-biz, les roturiers de la finance, les ceci et les cela… et moi et moi et moi. Je ne me rappelle plus exactement, c’est embrumé. De toute façon, j’étais concentrée sur les interviews mais je crois que tout le monde était là ! Mick Jagger de la même façon que Thierry Lhermitte ! Et si Amanda Lear ne jure que par Dali… pourtant, je jurerai l’avoir croisé elle aussi, ou peut-être était-ce Patrick Juvet.
Enfin, je ne veux pas name-dropper comme ça indéfiniment… mais s’il y a une personne encore à citer absolument, ce serait l’évanescente Kate Moss.
Elle, était là, belle et bien là, belle et re-belle ! Elle avait dû penser que comme c’était une soirée Warhol, il y aurait de la coke et toutes sortes de substances faîtes pour changer de planète et ouvrir les portes de la perception… comme du temps de la Factory et du Studio 54 ! En même temps, c’est surtout une muse et j’ai beaucoup d’affection pour elle. Notre brindille brit’. Un p’tit chat ! Pas une Aryenne, juste une « girl-next-door » un peu mieux que les autres ! beaucoup mieux que les autres mais pas de manière agressive. Elle a un truc à elle. Un truc que personne d’autre n’a. Et du coup, tous les artistes l’ont prise pour modèle… pas seulement les photographes de mode. Jusqu’à Marc Quinn, qui lui, l’a carrément coulée dans l’or pour la mener tout droit au British Museum. Là, cette statue en or massif qui vaut son pesant de dollars était en vitrine au milieu d’œuvres antiques et médiévales… Et le plus étrange, c’est que non seulement elle défiait en grâce et en beauté toutes les icônes et les déesses présentes, mais en plus, il m’a semblé qu’elle en éclipsait purement et simplement certaines.
C’est comme ça ! L’effet Kate Moss ! Il n’y a pas que chez Top Shop qu’elle décape… elle continue au musée !
Que ferait-on de Néfertiti aujourd’hui d’ailleurs ? Est-ce que Warhol lui aurait fait un screen-test? Est-ce qu’elle serait accrochée à l’une des cimaises du Grand Palais today ?
Quant à moi, tous ces portraits au propre comme au figuré, tous ces visages, ceux immortalisés par Warhol et les autres, à un moment donné, je ne pouvais plus les voir en peinture… tout ce que je voulais, c’était aller me coucher ! Dans un White Cube si possible… pour y projeter mes propres rêves !
Et puis, brusquement, je suis en train de me demander : qu’ai-je fait moi déjà de mes « 15 minutes of fame » ? Est-ce que je les ai déjà consumées ? Aucune idée ! D’ailleurs, je ne sais même plus comment je m’appelle, ni même où je vis ! Si ça se trouve, comme il l’a fait avec John Giorno, Warhol m’aurait filmé en train de dormir ! Quoique pour ça, il aurait fallu que je l’introduise dans ma chambre… Aucune chance ! J’aime pas les blonds !
Anaïd Demir
Episode 47
Jeudi 12 Mars 2009
New York, New York… Depuis le temps qu’on me dit que cette ville est faîte pour moi, il était temps que je la découvre. Mon baptème New Yorkais. Je suis sous le charme de New York. Forcément.
Mais mais mais… Même si New York est le berceau de l’art contemporain, même si New York est fluide, cosmopolite, dynamique, et même king size… Même si à New York, tout est simple et direct… Même si j’y ai vécu les quatre saisons, gôuté sa neige à mon arrivée, pris son soleil pendant et tâté sa pluie en partant… Même si j’ai goûté ses burgers, ses scones, ses bagels et ses pancakes dans ses « Diners … Même si j’y ai rencontré des artistes hors-pair dans leur atelier, du grand Lawrence Weiner à Bank Street jusqu’au trentenaire Tom Sachs qui avait semé ses « Hello Kitty » géants près de Wall Street… Même si j’ai croisé Jeffrey Deitch et toute « le crème de la crème » de l’art contemporain… Même si j’ai pensé à Daniel Liebeskind, l’architecte qui se penche de près sur la reconstruction du Ground Zero… Même si j’ai filé dans les allées de l’Armory Show à la recherche de l’année 1913, année durant laquelle Marcel Duchamp avait exposé son « Nu Descendant l’Escalier » qui déclencha l’hilarité générale, puis de l’année 1917 où cette fois son Urinoir intitulé « Fontaine » fit carrément scandale… Même si j’ai croisé un graph géant de Keith Haring, rencontré Anthony, le fondateur de PS1, l’un des lieux d’art les plus exaltants de la ville, filé au Withney Museum, au Guggenheim Museum, Neue Museum, puis Chelsea et ses galeries, et puis Gagosian, 303 Gallery, Reena Spaullings Gallery, Barbara Gladstone, Marian Goodman mais aussi Valérie Cueto, une française à NY, Candice Breitz et ses détournements de série TV chez Yvon Lambert… Même si on est au pays du néon et qu’à Times Square, on comprend brusquement que Dan Flavin est bien un artiste d’ici et on comprend pourquoi le Pop Art est né à London mais a surtout bien pris à NY… Même si j’étais sur les traces de Warhol et de sa Factory, et qu’en définitive, je ne l’ai pas trouvé si ce n’est à travers Nicola L. et quelques autres qui m’en parlaient en direct du Chelsea Hotel… Même si à New York, dans un appart avec vue imprenable sur Central Park ou dans une installation de Christine Hill -toujours à l’Armory Show- mon stress m’a fait perdre connement un ami qui m’était chèr… et même si j’ai divagué au Beatrice Inn, puis me suis fait balader de Mannhattan à Williamsburgh par un tax qui me prenait pour une gogo… Et puis même si j’ai grimpé haut très haut parce que New York c’est pas seulement beau, que je me suis retrouvée à l’Empire States Building, tout là-haut ! Rockfeller Center, Chrysler Building, Internationnal Building, Panamerican Building, Bank of Manhattan, Time and Life Building, C.B.S. Building, R.C.A. Building… Même si j’avais tout le temps le nez en l’air, un vertige à l’envers.
Même si j’ai salué sa Liberté… Ellis Island, Coney Island, Brooklyn Bridge, Broadway, Lower East Side, China Town et Little Italy, Meatpacking et sa branchitude, même si Tribeca, Soho, Broadway & co… Même si tout ça et encore ça et ça, rien n’y fait, j’adore New York mais New York est New York et pas London.
Anaïd Demir
New York, New York… Depuis le temps qu’on me dit que cette ville est faîte pour moi, il était temps que je la découvre. Mon baptème New Yorkais. Je suis sous le charme de New York. Forcément.
Mais mais mais… Même si New York est le berceau de l’art contemporain, même si New York est fluide, cosmopolite, dynamique, et même king size… Même si à New York, tout est simple et direct… Même si j’y ai vécu les quatre saisons, gôuté sa neige à mon arrivée, pris son soleil pendant et tâté sa pluie en partant… Même si j’ai goûté ses burgers, ses scones, ses bagels et ses pancakes dans ses « Diners … Même si j’y ai rencontré des artistes hors-pair dans leur atelier, du grand Lawrence Weiner à Bank Street jusqu’au trentenaire Tom Sachs qui avait semé ses « Hello Kitty » géants près de Wall Street… Même si j’ai croisé Jeffrey Deitch et toute « le crème de la crème » de l’art contemporain… Même si j’ai pensé à Daniel Liebeskind, l’architecte qui se penche de près sur la reconstruction du Ground Zero… Même si j’ai filé dans les allées de l’Armory Show à la recherche de l’année 1913, année durant laquelle Marcel Duchamp avait exposé son « Nu Descendant l’Escalier » qui déclencha l’hilarité générale, puis de l’année 1917 où cette fois son Urinoir intitulé « Fontaine » fit carrément scandale… Même si j’ai croisé un graph géant de Keith Haring, rencontré Anthony, le fondateur de PS1, l’un des lieux d’art les plus exaltants de la ville, filé au Withney Museum, au Guggenheim Museum, Neue Museum, puis Chelsea et ses galeries, et puis Gagosian, 303 Gallery, Reena Spaullings Gallery, Barbara Gladstone, Marian Goodman mais aussi Valérie Cueto, une française à NY, Candice Breitz et ses détournements de série TV chez Yvon Lambert… Même si on est au pays du néon et qu’à Times Square, on comprend brusquement que Dan Flavin est bien un artiste d’ici et on comprend pourquoi le Pop Art est né à London mais a surtout bien pris à NY… Même si j’étais sur les traces de Warhol et de sa Factory, et qu’en définitive, je ne l’ai pas trouvé si ce n’est à travers Nicola L. et quelques autres qui m’en parlaient en direct du Chelsea Hotel… Même si à New York, dans un appart avec vue imprenable sur Central Park ou dans une installation de Christine Hill -toujours à l’Armory Show- mon stress m’a fait perdre connement un ami qui m’était chèr… et même si j’ai divagué au Beatrice Inn, puis me suis fait balader de Mannhattan à Williamsburgh par un tax qui me prenait pour une gogo… Et puis même si j’ai grimpé haut très haut parce que New York c’est pas seulement beau, que je me suis retrouvée à l’Empire States Building, tout là-haut ! Rockfeller Center, Chrysler Building, Internationnal Building, Panamerican Building, Bank of Manhattan, Time and Life Building, C.B.S. Building, R.C.A. Building… Même si j’avais tout le temps le nez en l’air, un vertige à l’envers.
Même si j’ai salué sa Liberté… Ellis Island, Coney Island, Brooklyn Bridge, Broadway, Lower East Side, China Town et Little Italy, Meatpacking et sa branchitude, même si Tribeca, Soho, Broadway & co… Même si tout ça et encore ça et ça, rien n’y fait, j’adore New York mais New York est New York et pas London.
Anaïd Demir
Episode 46
Dimanche 01er Mars 2009
Damoiseau Yann m’a invité au théâtre… on doit se retrouver dans l’après-midi. Et pour une fois, en attendantje m’essaie à un exercice sophrologique hors-pair.
En direct de mon lit. Pour m’en extraire. Et ça marche !
A 9h30 du mat, j’ai décidé de me fixer RDV Place des Vosges dans la demi-heure qui suit… et ça marche. J’ouvre les yeux et j’y suis. Un café, puis 2… En terrasse, dans le printemps naissant. Puis, je décide de me surpasser, je me fixe un deuxième RDV. A 11h30 dans mes anciens quartiers, à Chinatown, dans le 13è. Une envie d’Asie, d’algues et de miso m’emporte… et me voilà chez les Tang, entre les kumquats acidulés, les desserts à base de thé et les jus de riz. 2 ou 3 sacs de courses plus tard, je suis de retour à la maison : j’avale 2 soupes miso brûlantes et je suis d’attaque pour la suite !
Je suis sur les routes, en quête de Sire Yann Suzanne. 14h : RDV à Répu pour se rendre à vélo au Bouffes du Nord… une fois là-bas, il réalise que c’est en fait les Bouffes Parisiennes, à 2 pas de la Reu Sainte-Anne. Je ne sais ni ce que je vais voir, ni avec qui : c’est une « blind afternoon » avec Yann. Je me laisse guider. C ‘est Nina Moretto et Olivier Crespin qui l’invitent au spectacle d’un copain : un certain Julien Cottereau qui fait son one-man-show dans un magnifique théâtre. Révélation théâtrale 2007, il a eu le Molière et son spectacle a été prolongé pour cause de succès. Je ne m’attends à rien sauf que les spectacles du dimanche après-midi m’inquiètent toujours. Il est 15h… et je crains l’ambiance Jacques Martin ! Et d’ailleurs, je suis surprise de voir autant de mômes dans la salle.
Arrive finalement sur scène un personnage avec de longues cothurnes aux pieds, un feutre Peter Panesque vissé sur le crâne, un vieux patte d’eph noué avec un ecravate… et tout seul sur scène, cette espèce de clown quasi désuet fait des bruitages. Il mime la scène qu’il voudrait que l’on se figure, redessine le décor. Apparemment, il balaie, il epoussette, il fait les vitres même, lorsque soudain… il nous voit ! Il a un petit micro. La scène est vide. Il y a juste lui, le micro et nous, le public. Et à partir de là, on décolle. On voit un paysage apparaître. Mentalement, tout son monde se dessine, son univers. Là par exemple, il est aux prises avec des chiens féroces. Puis il se mesure à un monstre. On le voit se battre. Puis il s’amuse de mille manières, joue au ballon. Se vautre par terre, s’époussette, se remet. Rebelotte… tiens, cette fois, il tombe amoureux, d’une fille dans le public. Il l’invite sur scène pour une parade amoureuse hors pair.
Tout cela est visible. Tout est à imaginer. A partir de rien mais Cottereau s’est muni de l’essentiel. le Roi est loin d’être nu. La scène est très peupléee et riche en évènements. Le public s’immisce dans le spectacle, il y est même invité. Il participe. Il entre en scène. Il joue avec ce clown-mime-gavrochesque qui arrive à miauler autant qu’à rugir comme 10 guépards en furie, tout comme faire l’oiseau, ou jouer innocemment au ballon !
Et brusquement, je réalise… le théâtre n’est peut-être pas mort ?
Tout le monde se retrouve ensuite chez Hagumi, Rue Sainte-Anne. Avec Yann, Olivier et Pimax, on savoure un sencha, des giozas et des soupes japonisantes. Olivier est réalisateur. Il vient tout juste de finir un court-mètrage et me raconte qu’il est déjà sur un autre film. Encore un multi-actif !!! C’est un film sur le street-art intitulé « Vol d’Art »… entre réel et documentaire. Il s’agit de se constituer une collection d’art à partir d’œuvres d’art greffées dans la rue. Très bonne idée, belle énergie. Pimax est artiste et un très bon fournisseur en dialogues je pense. Et je m’entends me proposer de jouer mon propre rôle dans le scénario : celui de la critique d’art-détective privée. Pourquoi pas ! j’en serai enchantée. Je savoure à l’avance. Je suis d’ailleurs invitée sur le prochain tournage, une séquence autour de L’Atlas… génial ! un artiste que je connais et sur lequel j’ai déjà écrit. Malheureusement, le RDV est fixé pour mercredi soir et ce jour-là, à l’heure du tournage, je devrais déjà être à NYC. Mon baptème New-Yorkais. Mais je serai là pour le prochain : Obey. Lieu de tournage : encore secret ! En attendant, la préparation de mon trip New Yorkais s’impose. Je change aussitôt de statut sur Facebook : « Anaïd Demir prépare NYC avec son coach brit-japonais »… s’ensuit un lien sur YouTube. Une de mes séquences favorites de ma série sixties préférée apparaît ! « Le Prisonnier ». Il s’agit d’un art martial inventé par Feu Patrick McGoohan lui-même. Un mix entre karaté, polo et trampoline ! ça s’appelle le « Kosho » ! Tout ce que j’aime sur un fond de musique électro-nippone. Deux adversaires s’affrontent en sautant d’un trampo à l’autre. Une piscine au milieu. Le premier qui tombe à l’eau est perdu.
Anaïd Demir
Damoiseau Yann m’a invité au théâtre… on doit se retrouver dans l’après-midi. Et pour une fois, en attendantje m’essaie à un exercice sophrologique hors-pair.
En direct de mon lit. Pour m’en extraire. Et ça marche !
A 9h30 du mat, j’ai décidé de me fixer RDV Place des Vosges dans la demi-heure qui suit… et ça marche. J’ouvre les yeux et j’y suis. Un café, puis 2… En terrasse, dans le printemps naissant. Puis, je décide de me surpasser, je me fixe un deuxième RDV. A 11h30 dans mes anciens quartiers, à Chinatown, dans le 13è. Une envie d’Asie, d’algues et de miso m’emporte… et me voilà chez les Tang, entre les kumquats acidulés, les desserts à base de thé et les jus de riz. 2 ou 3 sacs de courses plus tard, je suis de retour à la maison : j’avale 2 soupes miso brûlantes et je suis d’attaque pour la suite !
Je suis sur les routes, en quête de Sire Yann Suzanne. 14h : RDV à Répu pour se rendre à vélo au Bouffes du Nord… une fois là-bas, il réalise que c’est en fait les Bouffes Parisiennes, à 2 pas de la Reu Sainte-Anne. Je ne sais ni ce que je vais voir, ni avec qui : c’est une « blind afternoon » avec Yann. Je me laisse guider. C ‘est Nina Moretto et Olivier Crespin qui l’invitent au spectacle d’un copain : un certain Julien Cottereau qui fait son one-man-show dans un magnifique théâtre. Révélation théâtrale 2007, il a eu le Molière et son spectacle a été prolongé pour cause de succès. Je ne m’attends à rien sauf que les spectacles du dimanche après-midi m’inquiètent toujours. Il est 15h… et je crains l’ambiance Jacques Martin ! Et d’ailleurs, je suis surprise de voir autant de mômes dans la salle.
Arrive finalement sur scène un personnage avec de longues cothurnes aux pieds, un feutre Peter Panesque vissé sur le crâne, un vieux patte d’eph noué avec un ecravate… et tout seul sur scène, cette espèce de clown quasi désuet fait des bruitages. Il mime la scène qu’il voudrait que l’on se figure, redessine le décor. Apparemment, il balaie, il epoussette, il fait les vitres même, lorsque soudain… il nous voit ! Il a un petit micro. La scène est vide. Il y a juste lui, le micro et nous, le public. Et à partir de là, on décolle. On voit un paysage apparaître. Mentalement, tout son monde se dessine, son univers. Là par exemple, il est aux prises avec des chiens féroces. Puis il se mesure à un monstre. On le voit se battre. Puis il s’amuse de mille manières, joue au ballon. Se vautre par terre, s’époussette, se remet. Rebelotte… tiens, cette fois, il tombe amoureux, d’une fille dans le public. Il l’invite sur scène pour une parade amoureuse hors pair.
Tout cela est visible. Tout est à imaginer. A partir de rien mais Cottereau s’est muni de l’essentiel. le Roi est loin d’être nu. La scène est très peupléee et riche en évènements. Le public s’immisce dans le spectacle, il y est même invité. Il participe. Il entre en scène. Il joue avec ce clown-mime-gavrochesque qui arrive à miauler autant qu’à rugir comme 10 guépards en furie, tout comme faire l’oiseau, ou jouer innocemment au ballon !
Et brusquement, je réalise… le théâtre n’est peut-être pas mort ?
Tout le monde se retrouve ensuite chez Hagumi, Rue Sainte-Anne. Avec Yann, Olivier et Pimax, on savoure un sencha, des giozas et des soupes japonisantes. Olivier est réalisateur. Il vient tout juste de finir un court-mètrage et me raconte qu’il est déjà sur un autre film. Encore un multi-actif !!! C’est un film sur le street-art intitulé « Vol d’Art »… entre réel et documentaire. Il s’agit de se constituer une collection d’art à partir d’œuvres d’art greffées dans la rue. Très bonne idée, belle énergie. Pimax est artiste et un très bon fournisseur en dialogues je pense. Et je m’entends me proposer de jouer mon propre rôle dans le scénario : celui de la critique d’art-détective privée. Pourquoi pas ! j’en serai enchantée. Je savoure à l’avance. Je suis d’ailleurs invitée sur le prochain tournage, une séquence autour de L’Atlas… génial ! un artiste que je connais et sur lequel j’ai déjà écrit. Malheureusement, le RDV est fixé pour mercredi soir et ce jour-là, à l’heure du tournage, je devrais déjà être à NYC. Mon baptème New-Yorkais. Mais je serai là pour le prochain : Obey. Lieu de tournage : encore secret ! En attendant, la préparation de mon trip New Yorkais s’impose. Je change aussitôt de statut sur Facebook : « Anaïd Demir prépare NYC avec son coach brit-japonais »… s’ensuit un lien sur YouTube. Une de mes séquences favorites de ma série sixties préférée apparaît ! « Le Prisonnier ». Il s’agit d’un art martial inventé par Feu Patrick McGoohan lui-même. Un mix entre karaté, polo et trampoline ! ça s’appelle le « Kosho » ! Tout ce que j’aime sur un fond de musique électro-nippone. Deux adversaires s’affrontent en sautant d’un trampo à l’autre. Une piscine au milieu. Le premier qui tombe à l’eau est perdu.
Anaïd Demir
Episode 45
Mercredi 25 février 2009
Ok, j’adore le vélo mais ça manque tout de même de suspensions, de chromes, vibrations… Dès ce matin, j’ai surtout senti la vitesse changer ! Un casque Ruby modèle « Pavillon Grenelle » sur les oreilles, me voilà sur une Honda Hornet 600m3… autant dire un frelon argenté qui crache du feu sur son passage !
Je suis l’heureuse passagère de cet engin piloté par Philippe Tourriol, artiste motorisé!
Et pendant que mes rêves trempent dans l’huile de moteur, mes bottes de bitch-bikeuses se dotent de deux petites ailes, à l’arrière.
On quitte le boulevard Beaumarchais, ses Dainese, Harley et autres boutiques vouées aux saints de la mécanique, pour se retrouver un peu plus loin… rue des Montibœufs, dans le 20è chez Semiose.
Editeur et galeriste, Benoît Porcher présente la « Documentation Céline Duval »… et sous ce nom énigmatique se cache une artiste qui adore fouiner dans les archives photographiques, faire les puces et dénicher des images oubliées sur papier argentique. Elle les réunit ensuite en fonction de leur lien de familiarité.
Ici pour la série qu’elle présente dans la galerie, c’est la mer, les Années 30 et les premiers congés payés qui semblent l’avoir inspirée. En noir et blanc, des jeunes filles font le poirier sur des plages qui rappellent Deauville ou Le Tréport.
Pendant ce temps, Philippe parle des circuits qu’il a dernièrement réalisés et évoque le Casque Ruby qu’il prépare avec Jérôme Coste pour le Parcours Saint-Germain en juin.
Ruby, c’est la Rolls du casque, tout en carbone et en cuir… c’est une œuvre d’art dont l’esthétique ne cède pas à la sécurité. Des lignes, des pois, des damiers… aussi graphiques et colorés qu’esthétiques, chaque casque donne donne la sensation que l’on est libres de foncer, de vivre à 100 à l’heure sans pour autant rouler à tombeau ouvert.
Et après les accélérations, je ralentis le pas à l’heure du dèj en restant au village, au cœur du quartier Saint-Blaise, dans le 20è… je respire la campagne à Paris avant de me rendre 3 stations plus loin à la Galerie Goodman. J’ai lâché mon casque et mon pilote motorisé et je continue à décélérer en douceur.
C’est l’expo perso de Tino Sehgal.. et à peine arrivée dans la galerie, je suis accueillie par 6 individus qui ont l’air d’être sous pneumatique, presque gonflés à l’hélium… c’est quoi ? Un cours de yoga ? Ils se tournent vers moi et me regardent droit dans les yeux. J’ai l’impression d’interrompre quelque chose mais ils continuent à me sourire et à tous clamer d’une même voix : « Welcome to this situation !»
Etonnant ! C’est de l’art vivant d’une grande fraîcheur… Tino Sehgal s’est fait remarquer durant la Biennale de Venise 2005 : il donnait vie au Pavillon Allemand avec une série de personnages au sourire commercial qui accueillaient le public magistralement et nous proposaient d’être contemporains… tout simplement!
Cette fois, dans cette expo qui file la pêche, il est question de bien-être. C’est une sorte de yoga mental. Les gestes lents, 6 personnages parlent de corps et de spacialité et induisent les visiteurs dans leur lente farandole psycho-physique !
Ils parlent de l’expérience de l’ethnographe : est-il objectif ou subjectif ? Dénature-t-il les scènes qu’il observe ? On parle de champ sémantique, d’expérience spaciale… je suis captivée quand un « qu’en pensez-vous ?» retentit. Inattendu, il s’adresse à moi. Et il m’extraie de ma position de spectateur enthousiaste mais passif pour me jeter dans l’arène ou du moins me mettre au centre du débat. Ça me paraît presque irréel tellement je m’étais laissée prendre au jeu, j’étais transportée. D’un coup, je suis introduite dans la scène.
L’acteur-philosophe principal me dit qu’il a été intrigué par ma position : celle d’une jeune femme jambes croisées… qui prend tout-à-coup un papier et un stylo pour noter quelques mots. Lesquels ? J’ai envie de les mettre dans la confidence.
Je notais justement mes sensations, mes impressions… cette légèreté et ce ralenti quand on entre dans la pièce. Cette sérénité qui porte vers le discours. L’effet surprise. L’impression d’assister à une chorégraphie mentale.
Ma position ? Je pensais rester en dehors de la scène, loin de moi l’idée d’occuper le centre par exemple. Ils m’y invitent évidemment… quand soudain, un son de harpe fige pour quelques secondes toute la scène… c’est mon téléphone… désolée, je dois sortir… mais le charme est-il réellement rompu ?
Au contraire.
Ok, j’adore le vélo mais ça manque tout de même de suspensions, de chromes, vibrations… Dès ce matin, j’ai surtout senti la vitesse changer ! Un casque Ruby modèle « Pavillon Grenelle » sur les oreilles, me voilà sur une Honda Hornet 600m3… autant dire un frelon argenté qui crache du feu sur son passage !
Je suis l’heureuse passagère de cet engin piloté par Philippe Tourriol, artiste motorisé!
Et pendant que mes rêves trempent dans l’huile de moteur, mes bottes de bitch-bikeuses se dotent de deux petites ailes, à l’arrière.
On quitte le boulevard Beaumarchais, ses Dainese, Harley et autres boutiques vouées aux saints de la mécanique, pour se retrouver un peu plus loin… rue des Montibœufs, dans le 20è chez Semiose.
Editeur et galeriste, Benoît Porcher présente la « Documentation Céline Duval »… et sous ce nom énigmatique se cache une artiste qui adore fouiner dans les archives photographiques, faire les puces et dénicher des images oubliées sur papier argentique. Elle les réunit ensuite en fonction de leur lien de familiarité.
Ici pour la série qu’elle présente dans la galerie, c’est la mer, les Années 30 et les premiers congés payés qui semblent l’avoir inspirée. En noir et blanc, des jeunes filles font le poirier sur des plages qui rappellent Deauville ou Le Tréport.
Pendant ce temps, Philippe parle des circuits qu’il a dernièrement réalisés et évoque le Casque Ruby qu’il prépare avec Jérôme Coste pour le Parcours Saint-Germain en juin.
Ruby, c’est la Rolls du casque, tout en carbone et en cuir… c’est une œuvre d’art dont l’esthétique ne cède pas à la sécurité. Des lignes, des pois, des damiers… aussi graphiques et colorés qu’esthétiques, chaque casque donne donne la sensation que l’on est libres de foncer, de vivre à 100 à l’heure sans pour autant rouler à tombeau ouvert.
Et après les accélérations, je ralentis le pas à l’heure du dèj en restant au village, au cœur du quartier Saint-Blaise, dans le 20è… je respire la campagne à Paris avant de me rendre 3 stations plus loin à la Galerie Goodman. J’ai lâché mon casque et mon pilote motorisé et je continue à décélérer en douceur.
C’est l’expo perso de Tino Sehgal.. et à peine arrivée dans la galerie, je suis accueillie par 6 individus qui ont l’air d’être sous pneumatique, presque gonflés à l’hélium… c’est quoi ? Un cours de yoga ? Ils se tournent vers moi et me regardent droit dans les yeux. J’ai l’impression d’interrompre quelque chose mais ils continuent à me sourire et à tous clamer d’une même voix : « Welcome to this situation !»
Etonnant ! C’est de l’art vivant d’une grande fraîcheur… Tino Sehgal s’est fait remarquer durant la Biennale de Venise 2005 : il donnait vie au Pavillon Allemand avec une série de personnages au sourire commercial qui accueillaient le public magistralement et nous proposaient d’être contemporains… tout simplement!
Cette fois, dans cette expo qui file la pêche, il est question de bien-être. C’est une sorte de yoga mental. Les gestes lents, 6 personnages parlent de corps et de spacialité et induisent les visiteurs dans leur lente farandole psycho-physique !
Ils parlent de l’expérience de l’ethnographe : est-il objectif ou subjectif ? Dénature-t-il les scènes qu’il observe ? On parle de champ sémantique, d’expérience spaciale… je suis captivée quand un « qu’en pensez-vous ?» retentit. Inattendu, il s’adresse à moi. Et il m’extraie de ma position de spectateur enthousiaste mais passif pour me jeter dans l’arène ou du moins me mettre au centre du débat. Ça me paraît presque irréel tellement je m’étais laissée prendre au jeu, j’étais transportée. D’un coup, je suis introduite dans la scène.
L’acteur-philosophe principal me dit qu’il a été intrigué par ma position : celle d’une jeune femme jambes croisées… qui prend tout-à-coup un papier et un stylo pour noter quelques mots. Lesquels ? J’ai envie de les mettre dans la confidence.
Je notais justement mes sensations, mes impressions… cette légèreté et ce ralenti quand on entre dans la pièce. Cette sérénité qui porte vers le discours. L’effet surprise. L’impression d’assister à une chorégraphie mentale.
Ma position ? Je pensais rester en dehors de la scène, loin de moi l’idée d’occuper le centre par exemple. Ils m’y invitent évidemment… quand soudain, un son de harpe fige pour quelques secondes toute la scène… c’est mon téléphone… désolée, je dois sortir… mais le charme est-il réellement rompu ?
Au contraire.
Episode 44
Vendredi 06 février 2009
7 h du mat sur mon vélo, j’arrive à Concorde pour prendre un car qui pourrait facilement s’appeler « Venus Beauté » tant il est plein de séduisantes personnes. Quoiqu’à cette heure matinale, dans la grisaille du matin, tout le monde a l’air assez fade et quotidien. Mannequins, maquilleuses, coiffeuses ainsi que chaperons… on est une vingtaine et pendant que ma voisine Vanessa révise son cours de naturothérapie, je me laisse emporter aux pays de Morphée par les berceuses pop de mon Ipod.
En me réveillant, une flèche indique « Clos Lucé »… on est à deux pas d’Amboise, presque arrivés à destination.
Et je réalise que j’ai fait un mauvais rêve, que j’avais fait bel et bien fait tout ce trajet, 3 heures durant, mais que j’étais revenue à la case départ ! Et la place de la Concorde me filait brusquement le vertige.
Mais non, il suffit de lever la tête : notre point de chute se détache avec majesté à l’horizon. C’est ce castel qui surplombe la ville et que toute une sarabande dont je fais partie rejoint par un chemin serpenté. Comme une lente procession vers le rêve.
D’ici, ce lieu magique pourrait dater de la fin du 18è siècle, avec ses pierres de taille et sa tourelle… mais une fois à l’intérieur, on est épatés par ses volumes très contemporains et surtout par son incroyable structure Gustave Eiffel. Normal, c’était la maison d’un artiste. Et au cas où lon en douterait, deux palettes ont été insérées dans la structure métallique de Monsieur Eiffel !
Et comme les lieux sont habités par une amoureuse de l’art, on croise quelques œuvres contemporaines ici et là, dehors ou dedans : un pot de Raynaud, un César, un Sophie Calle… C’est un espace idéal pour un tournage, pour faire des photos ou tout simplement pour une exposition.
Toute l’équipe de Be Contemporary est là pour une série de mode… séjour, salle de bain, chambre, cuisine et autres placards… toute la maison est envahie par une horde de gens qu’on s’apprête à magnifier pour une série de mode pour le magazine. C’est le numéro de mars. A l’issue de cette journée marathon, on obtiendra 6 photos à glisser dans un magazine d’art qui laisse largement les artistes s’exprimer dans ses pages.
Cette fois, c’est l’artiste Chinois Wang Qing Song qui est le DA de la série de mode. Chacune des mises en scènes et des allégories qu’il a imaginé prennent pour cadre une pièce de la maison. Inspirées de chefs d’œuvres connus, toutes ces images trempent en réalité dans le réalisme social. A travers toutes ces images et leur inquiétante beauté, on est en fait renvoyés au développement de la Chine Moderne, à la gestion de son économie, ses débordements socio-politiques et sa tendance à s’inspirer actuellement du modèle occidental… alors que justement le Capitalisme dans le monde Occidental n’en finit pas, ces dernières années, de prouver son inefficacité à long terme. Au public d’en tirer ses propres conclusions.
Wang Qing Song nous entraîne donc dans une série de mode où la légèreté de l’être côtoie la gravité socio-économique.
Et peu de gens dans cette maison semblent réellement conscients de cette gravité. Certains sont là pour incarner les rôles qu’on leur demande de jouer pour ses images, d’autres, débordés par la beauté des créatures présentes, sont là pour les contempler. Les réflexions seront pour plus tard.
Tout le monde est plutôt absorbés par les paillettes, pris dans le stress d’un bouton qui risque de craquer sur une robe qui n’est pas à la bonne taille, emerveillés par toute ces splendeurs… et moi avec.
Dans la salle principale, une longue table en miroir d’environ 6 mètres est dressée. Derrière, 3 ou 4 m plus haut, Franck s’attarde sur le rideau, vérifie son plissé et sa tenue. C’est pas le régisseur, mais un ami de la maîtresse de maison. Installé sur son échelle, sous la magnifique structure Eiffel que je n’en finis d’admirer, il tend comme il peut le rideau et d’incroyables perspectives se dessinent pendant ce temps dans la table-miroir.
Dans la salle de maquillage, la salle de coiffure, dans la salle de bains, dans les chambres, sur la mezzanine… les mannequins se laissent manipuler comme des poupées tout en envoyant des sms, ou en bouquinant entre deux prises…
Xavier, un ami de Frank s’est improvisé reporter, il filme tout cela tout en espérant bien repartir avec un ou deux numéros de téléphone.
Et Tamara, la styliste structure un peu ce petit monde. Parmi les modèles, il y a toutes sortes de personnages, plus de femmes que d’hommes. Certains personnages sortent du lot comme cette plantureuse fille, gorgée de vie qui casse le cliché du mannequin-brindille avec ses formes plus que rondes et son poids qui dépasse sans doute les 100 kg… mais tout cela n’enlève rien à son charisme et sa beauté.
Mais ce n’est pas elle qui portera pourtant les tenues Dior historiques prêtées par John Galliano. Là, il faut des silhouettes qui avoisinent le 34… et encore. Et Soizic veille avec amour et attention sur ces précieuses parures des eighties que l‘on verrait bien au musée. Il y a notamment une combinaison de cuir magnifique qui a l’air tout droit issue du monde médiéval. Le buste a l’air d’une armure, tout en pans de cuir. Un côté martial qui se mèle à la la majesté aérienne de l’aigle. Chaque fois que le mannequin lève les bras, ses deux grandes ailes que sont ses bras se déploient avec une élégance rare. En voyant cette tenue, je comprends mieux ce que signifie un vêtement beau sous toutes ses coutures. Quel que soit le point de vue adopté, on ne peut résister à son allure, sa grâce et sa beauté.
C’est une tenue hallucinante qui force le respect et nous transporte.
Côté face, elle a l’air dessiné sur le mannequin androgyne qui le porte avec grâce. Côté pile, scotch et autres astuces tiennent le tout.
Et ça fera une magnifique photo en extérieur, devant une fenêtre arquée du château… si personne n’imagine retourner l’image, elle sera parfaite. Mais qui s’intéresse à l’envers du décor ?
Une autre tenue avec une sorte de bijou-minerve métallique donne l’impression d’être face à une impériale Reine de Saba. Tout cela est irréel.
Et pendant que toutes ces séquences défilent, que tout ce petit monde fourmille, s’apprête, change de tenue, se démaquille, se remaquille, rafistole une tenue pas assez seyante, change de chaussures, enfile des bas, clipse son porte-jarretelles, retire son panty, remet un string, glisse quelques plumes dans le colleté, puis finalement les retire… boit un coup, se laisse capturer par l’objectif… pendant que les appareils photos s’arment et se désarment, que le désir de certain remonte pendant que la fatigue des autres augment… bref, pendant que tous les flashs crépitent et que toute la chorégraphie habituelle d’une série de mode se met en place dans une maison envahie par 40 inconnus voués aux plaisirs d’une belle image… Pendant ce temps, un mec reste impassible. Pendant tout le shooting, quand on regarde dans sa direction, on a le sentiment d’être transportés ailleurs. On le jurerait tout seul, dans son rocking-chair au coin du feu, en train de bouquiner tranquillement. Impertubable. Aveugle et sourd à toutes ces filles qui se baladent en petite tenue devant lui.
Une seule chose pourrait lui tirer le nez de sa lecture sur les grandes batailles de l’histoire : que sa femme perde les eaux. Oui, car l’un mannequin attend un heureux événement et n’est pas loin d’être à terme.
Et son ventre se découvre d’autant plus sur la dernière photo où l’artiste a choisi de mettre en scène les trafics alimentaires de la Chine et notamment l’épisode lié au scandale du lait en poudre frelaté qui a empoisonné des nouveaux-nés. Pour cette photo, Wang Qing Song oppose la nature à la culture et offre une solution : rien de mieux que le lait maternel ! Pour cela, sur la table en miroir, au milieu des flaques de lait, à la manière de la Cène, il a rassemblé une série de femmes en petites tenues dont les seins nus se dédoublent sur la table en miroir. Ça a l’air d’un cliché, on réutilise une fois de plus cet épisode biblique de la Cène, du Christ entouré de ses apôtres et de Judas. Et Judas, ici, qui est-il ? L’artiste a bien voulu jouer le rôle ! A nous de trouver qui il incarne réellement. Le démon qui est en chacun de nous ? La course au profits dans cette société prête à sacrifier son prochain pour défendre ses intérêts. Wang Qing Song s’est mis en scène au milieu de toutes ces femmes qui incarnent la pureté, la beauté, la sensualité… bref, l’amour. Il est lui, posté non loin d’elles, en position de vampire, avec des pansements ensanglantés sur les tétons. Prête à dévorer ce qu’elles ont de plus beau et de plus chèr en elles… c’est sur cette image qui fait froid dans le dos que la série se termine. Tout le monde est épuisée.
Dehors, la nuit est tombée. Le travail est terminé et la maison légèrement dévastée. Le car nous attend. Je m’endors jusque Paris. Heureuse d’avoir assisté à la mise en place de toutes ces photographies, d’avoir assisté à un shooting aussi long que passionnant dans cette fabuleuse maison près d’Amboise. D’avoir pu voir le monde de la mode et de l’art se croiser une fois de plus. D’avoir entendu ce tintement, ce léger choc entre les deux mondes, une fois de plus. D’avoir constaté que parfois, entre art et mode, il y avait ce conflit d’intérêts et c’est ce qui fait tout le sel de ces séries de mode réalisées par des artistes. Car malgré tout, derrière le glossy des images, il y a aussi les souffrances d’une société. L’artiste est le plus souvent du côté de l’engagement social quand la série de mode, elle, n’est là que pour séduire et vendre des vêtements, des images, une certaine idée du bonheur.
Wang Qing Song nous a offert d’une seule traite les deux faces d’un même monde, le recto et le verso des images. La beauté et la laideur du monde à l’unisson, gravés sur la même pellicule. Pour rien au monde, je n’aurais voulu rater ça. Et s’il faut revenir, j’y reviendrai.
7 h du mat sur mon vélo, j’arrive à Concorde pour prendre un car qui pourrait facilement s’appeler « Venus Beauté » tant il est plein de séduisantes personnes. Quoiqu’à cette heure matinale, dans la grisaille du matin, tout le monde a l’air assez fade et quotidien. Mannequins, maquilleuses, coiffeuses ainsi que chaperons… on est une vingtaine et pendant que ma voisine Vanessa révise son cours de naturothérapie, je me laisse emporter aux pays de Morphée par les berceuses pop de mon Ipod.
En me réveillant, une flèche indique « Clos Lucé »… on est à deux pas d’Amboise, presque arrivés à destination.
Et je réalise que j’ai fait un mauvais rêve, que j’avais fait bel et bien fait tout ce trajet, 3 heures durant, mais que j’étais revenue à la case départ ! Et la place de la Concorde me filait brusquement le vertige.
Mais non, il suffit de lever la tête : notre point de chute se détache avec majesté à l’horizon. C’est ce castel qui surplombe la ville et que toute une sarabande dont je fais partie rejoint par un chemin serpenté. Comme une lente procession vers le rêve.
D’ici, ce lieu magique pourrait dater de la fin du 18è siècle, avec ses pierres de taille et sa tourelle… mais une fois à l’intérieur, on est épatés par ses volumes très contemporains et surtout par son incroyable structure Gustave Eiffel. Normal, c’était la maison d’un artiste. Et au cas où lon en douterait, deux palettes ont été insérées dans la structure métallique de Monsieur Eiffel !
Et comme les lieux sont habités par une amoureuse de l’art, on croise quelques œuvres contemporaines ici et là, dehors ou dedans : un pot de Raynaud, un César, un Sophie Calle… C’est un espace idéal pour un tournage, pour faire des photos ou tout simplement pour une exposition.
Toute l’équipe de Be Contemporary est là pour une série de mode… séjour, salle de bain, chambre, cuisine et autres placards… toute la maison est envahie par une horde de gens qu’on s’apprête à magnifier pour une série de mode pour le magazine. C’est le numéro de mars. A l’issue de cette journée marathon, on obtiendra 6 photos à glisser dans un magazine d’art qui laisse largement les artistes s’exprimer dans ses pages.
Cette fois, c’est l’artiste Chinois Wang Qing Song qui est le DA de la série de mode. Chacune des mises en scènes et des allégories qu’il a imaginé prennent pour cadre une pièce de la maison. Inspirées de chefs d’œuvres connus, toutes ces images trempent en réalité dans le réalisme social. A travers toutes ces images et leur inquiétante beauté, on est en fait renvoyés au développement de la Chine Moderne, à la gestion de son économie, ses débordements socio-politiques et sa tendance à s’inspirer actuellement du modèle occidental… alors que justement le Capitalisme dans le monde Occidental n’en finit pas, ces dernières années, de prouver son inefficacité à long terme. Au public d’en tirer ses propres conclusions.
Wang Qing Song nous entraîne donc dans une série de mode où la légèreté de l’être côtoie la gravité socio-économique.
Et peu de gens dans cette maison semblent réellement conscients de cette gravité. Certains sont là pour incarner les rôles qu’on leur demande de jouer pour ses images, d’autres, débordés par la beauté des créatures présentes, sont là pour les contempler. Les réflexions seront pour plus tard.
Tout le monde est plutôt absorbés par les paillettes, pris dans le stress d’un bouton qui risque de craquer sur une robe qui n’est pas à la bonne taille, emerveillés par toute ces splendeurs… et moi avec.
Dans la salle principale, une longue table en miroir d’environ 6 mètres est dressée. Derrière, 3 ou 4 m plus haut, Franck s’attarde sur le rideau, vérifie son plissé et sa tenue. C’est pas le régisseur, mais un ami de la maîtresse de maison. Installé sur son échelle, sous la magnifique structure Eiffel que je n’en finis d’admirer, il tend comme il peut le rideau et d’incroyables perspectives se dessinent pendant ce temps dans la table-miroir.
Dans la salle de maquillage, la salle de coiffure, dans la salle de bains, dans les chambres, sur la mezzanine… les mannequins se laissent manipuler comme des poupées tout en envoyant des sms, ou en bouquinant entre deux prises…
Xavier, un ami de Frank s’est improvisé reporter, il filme tout cela tout en espérant bien repartir avec un ou deux numéros de téléphone.
Et Tamara, la styliste structure un peu ce petit monde. Parmi les modèles, il y a toutes sortes de personnages, plus de femmes que d’hommes. Certains personnages sortent du lot comme cette plantureuse fille, gorgée de vie qui casse le cliché du mannequin-brindille avec ses formes plus que rondes et son poids qui dépasse sans doute les 100 kg… mais tout cela n’enlève rien à son charisme et sa beauté.
Mais ce n’est pas elle qui portera pourtant les tenues Dior historiques prêtées par John Galliano. Là, il faut des silhouettes qui avoisinent le 34… et encore. Et Soizic veille avec amour et attention sur ces précieuses parures des eighties que l‘on verrait bien au musée. Il y a notamment une combinaison de cuir magnifique qui a l’air tout droit issue du monde médiéval. Le buste a l’air d’une armure, tout en pans de cuir. Un côté martial qui se mèle à la la majesté aérienne de l’aigle. Chaque fois que le mannequin lève les bras, ses deux grandes ailes que sont ses bras se déploient avec une élégance rare. En voyant cette tenue, je comprends mieux ce que signifie un vêtement beau sous toutes ses coutures. Quel que soit le point de vue adopté, on ne peut résister à son allure, sa grâce et sa beauté.
C’est une tenue hallucinante qui force le respect et nous transporte.
Côté face, elle a l’air dessiné sur le mannequin androgyne qui le porte avec grâce. Côté pile, scotch et autres astuces tiennent le tout.
Et ça fera une magnifique photo en extérieur, devant une fenêtre arquée du château… si personne n’imagine retourner l’image, elle sera parfaite. Mais qui s’intéresse à l’envers du décor ?
Une autre tenue avec une sorte de bijou-minerve métallique donne l’impression d’être face à une impériale Reine de Saba. Tout cela est irréel.
Et pendant que toutes ces séquences défilent, que tout ce petit monde fourmille, s’apprête, change de tenue, se démaquille, se remaquille, rafistole une tenue pas assez seyante, change de chaussures, enfile des bas, clipse son porte-jarretelles, retire son panty, remet un string, glisse quelques plumes dans le colleté, puis finalement les retire… boit un coup, se laisse capturer par l’objectif… pendant que les appareils photos s’arment et se désarment, que le désir de certain remonte pendant que la fatigue des autres augment… bref, pendant que tous les flashs crépitent et que toute la chorégraphie habituelle d’une série de mode se met en place dans une maison envahie par 40 inconnus voués aux plaisirs d’une belle image… Pendant ce temps, un mec reste impassible. Pendant tout le shooting, quand on regarde dans sa direction, on a le sentiment d’être transportés ailleurs. On le jurerait tout seul, dans son rocking-chair au coin du feu, en train de bouquiner tranquillement. Impertubable. Aveugle et sourd à toutes ces filles qui se baladent en petite tenue devant lui.
Une seule chose pourrait lui tirer le nez de sa lecture sur les grandes batailles de l’histoire : que sa femme perde les eaux. Oui, car l’un mannequin attend un heureux événement et n’est pas loin d’être à terme.
Et son ventre se découvre d’autant plus sur la dernière photo où l’artiste a choisi de mettre en scène les trafics alimentaires de la Chine et notamment l’épisode lié au scandale du lait en poudre frelaté qui a empoisonné des nouveaux-nés. Pour cette photo, Wang Qing Song oppose la nature à la culture et offre une solution : rien de mieux que le lait maternel ! Pour cela, sur la table en miroir, au milieu des flaques de lait, à la manière de la Cène, il a rassemblé une série de femmes en petites tenues dont les seins nus se dédoublent sur la table en miroir. Ça a l’air d’un cliché, on réutilise une fois de plus cet épisode biblique de la Cène, du Christ entouré de ses apôtres et de Judas. Et Judas, ici, qui est-il ? L’artiste a bien voulu jouer le rôle ! A nous de trouver qui il incarne réellement. Le démon qui est en chacun de nous ? La course au profits dans cette société prête à sacrifier son prochain pour défendre ses intérêts. Wang Qing Song s’est mis en scène au milieu de toutes ces femmes qui incarnent la pureté, la beauté, la sensualité… bref, l’amour. Il est lui, posté non loin d’elles, en position de vampire, avec des pansements ensanglantés sur les tétons. Prête à dévorer ce qu’elles ont de plus beau et de plus chèr en elles… c’est sur cette image qui fait froid dans le dos que la série se termine. Tout le monde est épuisée.
Dehors, la nuit est tombée. Le travail est terminé et la maison légèrement dévastée. Le car nous attend. Je m’endors jusque Paris. Heureuse d’avoir assisté à la mise en place de toutes ces photographies, d’avoir assisté à un shooting aussi long que passionnant dans cette fabuleuse maison près d’Amboise. D’avoir pu voir le monde de la mode et de l’art se croiser une fois de plus. D’avoir entendu ce tintement, ce léger choc entre les deux mondes, une fois de plus. D’avoir constaté que parfois, entre art et mode, il y avait ce conflit d’intérêts et c’est ce qui fait tout le sel de ces séries de mode réalisées par des artistes. Car malgré tout, derrière le glossy des images, il y a aussi les souffrances d’une société. L’artiste est le plus souvent du côté de l’engagement social quand la série de mode, elle, n’est là que pour séduire et vendre des vêtements, des images, une certaine idée du bonheur.
Wang Qing Song nous a offert d’une seule traite les deux faces d’un même monde, le recto et le verso des images. La beauté et la laideur du monde à l’unisson, gravés sur la même pellicule. Pour rien au monde, je n’aurais voulu rater ça. Et s’il faut revenir, j’y reviendrai.
Episode 43
Mercredi 28 janvier 2009 (bis)
J’ai fait ma chronique et j’ai enhaînésur le spectacle de Kulik : « Les Vêpres de la Vierge » de Monteverdi. Du spirituel mis en scène par Kulik et sa bande. 2h10 de spectacle au Théâtre du Châtelet. J’en sors tout juste, j’ai adoré m’y rendre, j’ai adoré y être mais je n’arrive pas à me persuader que j’ai aimé… et si on se pose la question, c’est qu’il est déjà trop tard !
Je crois que j’ai fait mon possible pour aimer pourtant. J’ai fermé les yeux, j’ai essayé de décoller… mais non, non, non.
Le lieu est magnifique mais le Kulik nouveau est boring. Il ne l’était pas mais il l’est devenu et ça m’attriste ! Heureusement que Monteverdi, lui, assure… et ce, à travers les si ècles et du tréfond de la Renaissance !
Mais là, ce spectacle… on aurait dit un vieux truc barocco-kitsch qui aurait trempé dans une vieille marmite electro-technologique des années 90.
Et quand j’en parle, quelques heures plus tard, je suis sûre que je propage encore des bulles d’ennui sur mon passage ! C’est daté et périmé au niveau des costumes et du reste… ces dessins au laser qui se dessinaient au-dessus de nos têtes et se reflétaient, et se fractalisaient inifniement, ce que ça a pu m’agacer. J’ai eu l’impression d’être en 1991 et de faire mes premiers pas dans le cyber space. J’ai eu l’impression de me coincer les doigts dans cet espace d’un vert artificiel et gluant.
Il y a des moments où les nouvelles techno forment un filtre épais entre nous et le monde spirituel. Précisément là.
J’imagine que Kulijk a toujours cherché à atteindre sa nature mystique… autant aujourd’hui alors qu’il a l’air de sortir d’un mauvais scénario beatnik qu’il y a 10 ans quand il se transformait en chien et se faisait balader nu et en laisse à l’occasion de tel ou tel vernissage. Il aboyait et mordait à tout va. Il était dans une sorte d’ivresse, de transe qu’à mon avis, il n’a jamais retrouvé depuis, même s’il veut nous le faire croire dans son déguisement de grand sage.
Désormais, il est dans les clichés mystiques, bab, beatniko-beatnique !
D’ailleurs, au début de la représentation, il a ouvert la messe, tel un pope.
Et il porte la barbe longue du pope mais cette nouvelle phase du travail de l’ex pape de la provoque me barbe un peu. Pourquoi est-ce que tout cela a l’air de sonner faux. Comme une blague ! un pari. On n’est pas sûr qu’il s’agisse bien de lui ni qu’il est sûr de savoir qui il est vraiment.
Qui nous dit que le Kulik d’hier, celui des années 90, n’a pas été cloné ou lobotomisé car jugé trop imprévisible, trop extrême, trop…
Ou bien il mentait dans les années 90, ou bien il ment aujourd’hui. Mais quelque chose déconne à fond. Comme s’il avait eu peur de quelque chose dans les années 90 et qu’il avait fait volte-face. Comme s’il avait atteint un état qui l’avait tant effrayé qu’il en était revenu rapidement sur ses pas. Sur la pointe des pieds, de peur de déranger.
Ça m’ennuie parce que j’étais sincèrement touchée par lui et sa démarche… moi et des tas d’autres passionnés d’art avides d’adrénaline j’imagine. Et aujourd’hui, il est juste flippant parce qu’il ne sonne plus juste.
Et j’ai le sentiment que cette débauche de spiritualité sans fond essaie de nous en mettre plein la vue et nous prend pour des cons. Et au centre de cette mise-en-scène : des rayon slasers qui se croisent et qui fusent dans l’atmosphère pseudo-cosmique. Beaucoup d’effets qui nous éloignent de l’homme et de sa véritable nature, et du spirituel comme du reste.
A Moscou, en visite chez lui il y a moins d’un an, j’avais pressenti ça… et là, ça se révèle plastiquement. Chez lui, j’avais déjà eu ma descente d’organes en réalisant que le Kulik punkisant d’hier avait perdu quelques plumes en route. Il était passé d’un extrème à l’autre. Il nous servait du thé vert et attendait que le Bouddah fasse bop avec son nombril. Il se mettait une verroterie sur le front et des fanfreluches frangées sur la tête. Tous les accessoires étaient ensuite religieusement posés sur un autel.
En arrivant chez lui, je pensais rencontrer celui qui avait efficacement perdu le Nord… mais je me retrouvais face à un type totalement à l’ouest ! Je crois que Kulik a réellement pété une durite à force de se prendre pour un chien et d’agresser le monde. Maintenant, il s’autopunit. Il se musèle tout simplement.
J’ai fait ma chronique et j’ai enhaînésur le spectacle de Kulik : « Les Vêpres de la Vierge » de Monteverdi. Du spirituel mis en scène par Kulik et sa bande. 2h10 de spectacle au Théâtre du Châtelet. J’en sors tout juste, j’ai adoré m’y rendre, j’ai adoré y être mais je n’arrive pas à me persuader que j’ai aimé… et si on se pose la question, c’est qu’il est déjà trop tard !
Je crois que j’ai fait mon possible pour aimer pourtant. J’ai fermé les yeux, j’ai essayé de décoller… mais non, non, non.
Le lieu est magnifique mais le Kulik nouveau est boring. Il ne l’était pas mais il l’est devenu et ça m’attriste ! Heureusement que Monteverdi, lui, assure… et ce, à travers les si ècles et du tréfond de la Renaissance !
Mais là, ce spectacle… on aurait dit un vieux truc barocco-kitsch qui aurait trempé dans une vieille marmite electro-technologique des années 90.
Et quand j’en parle, quelques heures plus tard, je suis sûre que je propage encore des bulles d’ennui sur mon passage ! C’est daté et périmé au niveau des costumes et du reste… ces dessins au laser qui se dessinaient au-dessus de nos têtes et se reflétaient, et se fractalisaient inifniement, ce que ça a pu m’agacer. J’ai eu l’impression d’être en 1991 et de faire mes premiers pas dans le cyber space. J’ai eu l’impression de me coincer les doigts dans cet espace d’un vert artificiel et gluant.
Il y a des moments où les nouvelles techno forment un filtre épais entre nous et le monde spirituel. Précisément là.
J’imagine que Kulijk a toujours cherché à atteindre sa nature mystique… autant aujourd’hui alors qu’il a l’air de sortir d’un mauvais scénario beatnik qu’il y a 10 ans quand il se transformait en chien et se faisait balader nu et en laisse à l’occasion de tel ou tel vernissage. Il aboyait et mordait à tout va. Il était dans une sorte d’ivresse, de transe qu’à mon avis, il n’a jamais retrouvé depuis, même s’il veut nous le faire croire dans son déguisement de grand sage.
Désormais, il est dans les clichés mystiques, bab, beatniko-beatnique !
D’ailleurs, au début de la représentation, il a ouvert la messe, tel un pope.
Et il porte la barbe longue du pope mais cette nouvelle phase du travail de l’ex pape de la provoque me barbe un peu. Pourquoi est-ce que tout cela a l’air de sonner faux. Comme une blague ! un pari. On n’est pas sûr qu’il s’agisse bien de lui ni qu’il est sûr de savoir qui il est vraiment.
Qui nous dit que le Kulik d’hier, celui des années 90, n’a pas été cloné ou lobotomisé car jugé trop imprévisible, trop extrême, trop…
Ou bien il mentait dans les années 90, ou bien il ment aujourd’hui. Mais quelque chose déconne à fond. Comme s’il avait eu peur de quelque chose dans les années 90 et qu’il avait fait volte-face. Comme s’il avait atteint un état qui l’avait tant effrayé qu’il en était revenu rapidement sur ses pas. Sur la pointe des pieds, de peur de déranger.
Ça m’ennuie parce que j’étais sincèrement touchée par lui et sa démarche… moi et des tas d’autres passionnés d’art avides d’adrénaline j’imagine. Et aujourd’hui, il est juste flippant parce qu’il ne sonne plus juste.
Et j’ai le sentiment que cette débauche de spiritualité sans fond essaie de nous en mettre plein la vue et nous prend pour des cons. Et au centre de cette mise-en-scène : des rayon slasers qui se croisent et qui fusent dans l’atmosphère pseudo-cosmique. Beaucoup d’effets qui nous éloignent de l’homme et de sa véritable nature, et du spirituel comme du reste.
A Moscou, en visite chez lui il y a moins d’un an, j’avais pressenti ça… et là, ça se révèle plastiquement. Chez lui, j’avais déjà eu ma descente d’organes en réalisant que le Kulik punkisant d’hier avait perdu quelques plumes en route. Il était passé d’un extrème à l’autre. Il nous servait du thé vert et attendait que le Bouddah fasse bop avec son nombril. Il se mettait une verroterie sur le front et des fanfreluches frangées sur la tête. Tous les accessoires étaient ensuite religieusement posés sur un autel.
En arrivant chez lui, je pensais rencontrer celui qui avait efficacement perdu le Nord… mais je me retrouvais face à un type totalement à l’ouest ! Je crois que Kulik a réellement pété une durite à force de se prendre pour un chien et d’agresser le monde. Maintenant, il s’autopunit. Il se musèle tout simplement.
Episode 42
Mercredi 28 janvier 2009
J’étais chez Nova pour une chronique de l’expo Wallace Berman à la Galerie Frank Elbaz. Une expo très spirituelle que j’ai vu il y a 15 jours. Et le soir du vernissage, quand je suis arrivée à la galerie, je ne savais rien de ce Wallace Berman. Mais je me rappelle que c’était la Pleine Lune et que ses œuvres me sont apparues comme d’autant plus mystiques. Une force spirituelle s’en dégageait. J’avais le sentiment d’être face à un Jeu de Tarot dont j’étais incapable de décrypter les symbôles. Un Tarot dont je n’avais pas les clés mais dont l’agencement des couleurs et des formes m’attirait beaucoup.
Une fois chez lui pour le dîner du vernissage, Frank m’a présenté au fils du défunt Wallace… c’est là que j’ai su qu’il s’agissait d’une exposition posthume. Le décès ne remonte pas à hier… Berman est mort en 76 dans un accident de voiture à 50 ans.
Et c’est aujourd’hui, en préparant ma chronique pour Nova que j’ai déroulé tout le fil de l’histoire.
Wallace Berman est un personnage culte de l’histoire de l’art. Comment se fait-il que j’en ai jamais entendu parler avant cela ? Il est vénéré par une certaine frange d’artistes dont Dennis Hopper par exemple fait partie.
Normal, il était une sorte de Gourou de la « Beat Generation ». Ami de Ginsberg, Kerouac et toute la bande. Et il était aussi habité par cette liberté que seuls les mecs de la Côte Ouest peuvent avoir. Made in L.A.
Et surtout, on dit de lui qu’il aurait inspiré Wahrol. Que même Warhol l’aurait pompé en plusieurs points dans son travail.
Or ses œuvres n’ont pas grand chose à voir avec le pape du Pop Art… de ce que j’en ai vu, ce serait même le contraire !
Est-ce dans sa pratique de la lavidéo ? Ou bien du collage ? Le fait qu’il puise sa banque d’images dans les journaux et la pub ? Des objets et autres symbôles découpés dans des magazines.
Ces collages, ce « Copy art », ce serait un peu les signes avant-coureurs ou la Préhistoire du Pop Art.
Dès 62, l’outil principal de Wallace, c’est l’ancêtre de notre photocopieuse : la « Verifax ». Une machine qui a l’air de dire qu’elle vérifie le réel, qu’elle repasse par dessus la vérité pour la confirmer ou l’infirmer.
Wallace avait dégotté une image : une pub pour un transistor Sony dont il se servait comme le « cadre » de ses collages. Il s’agissait d’une main tenant un transistor rectangulaire… autant dire un écran de projection pour toutes ses idées. Une fenêtre sur son monde. Un support pour ces projections mystiques. Et comme il était passionné par la Kabbale, son travail prend un sens d’autant plus mystérieux.
Et sur des planches, dans cette main répétée sous forme de grille ou d’éventail, en couelur ou en sépia, apparaissent des croix, des animaux, des insectes, des serpents, des objets de toutes sortes… et autres signes liés au Cosmos. Et même quand l’objet représenté en soi n’a rien de spirituel, ça le devient dans ce cadre-là.
J’étais dans ces réflexions dans les bureaux de Radio Nova, quand Jean Rouzaud a débarqué… ¼ d’heure après Rachid Arhab, d’ailleurs, qui faisait le tour des locaux sans que je ne sache pourquoi. Quand je lui ai parlé de la beat Generation et de ce Wallace Berman, ce grand connaisseur des années 60-70 m’a rappelé 2 ou 3 choses essentielles qui ont décoincé le cas Berman à mes yeux.
Oui, Berman avait pu inspirer et même influencé Warhol… mais il était farouchement anti société de conso… Beat Generation oblige. En relation étroite avec l’au-delà, la Beat Generation a toujours eu un bon passeport. Une aptitude à visiter les paradis artificiels par tous les moyens licites et illicites qui soient.
Tout ça pour dire que l’on parle beaucoup de Warhol mais qu’il ressemble à l’être le moins réactif qui soit tant son but principal consistait à faire de l’argent. Du dollar en l’occurrence.
Il y avait Salvador Dali alias Avida Dollar qui vantait théâtralement les vertus du Chocolat Lanvin dans un spot de pub. Frémissements de moustaches à l’appui.
Et il y avait Warhol qui, pour un même spot de pub, se régalait le plus banalement et le plus prosaïquement possible d’un hamburger de chez Queeck. Il l’avalait comme pour une performance minimaliste. Il en faisait quelques bouchées exactement comme le ferait un ogre hamburgophage lambda. Mais ça élevait la chose au rang de grand art !
Et les deux, Dali comme Warhol, aussi prolifiques et gourmands l’un que l’autre ne pensaient qu’aux thunes… mais ils avaient l’art d’y penser gracieusement finalement. Et c’est ce qui les rendaient fascinants.
Enfin, ça peut paraître étrange… mais Warhol se serait inspiré de Berman. Un Wallace Berman, quasi inconnu du grand public.
Un Warhol sacré et consacré qui, lui, contrairement à Berman n’a pas l’air d’être habité par la moindre once de spiritualité. Et pourtant ce serait un Berman qui aurait d’une certaine manière engendré un Warhol… les deux se seraient rencontrés à LA dans les seventies. Ils partageaient la même galerie à LA. Pourtant, rien ne semble les réunir, sinon des malentendus formels.
Est-ce qu’on ne brûle pas tous d’envie de faire des rapprochements formels faciles entre tel artiste mythique et tel artiste oublié ?
Quoiqu’il en soit Berman se servait d’une photocopieuse et Warhol voulait devenir une machine… soit une sorte de photocopieuse géniale. Y est-il parvenu, certains diraient oui !
J’étais chez Nova pour une chronique de l’expo Wallace Berman à la Galerie Frank Elbaz. Une expo très spirituelle que j’ai vu il y a 15 jours. Et le soir du vernissage, quand je suis arrivée à la galerie, je ne savais rien de ce Wallace Berman. Mais je me rappelle que c’était la Pleine Lune et que ses œuvres me sont apparues comme d’autant plus mystiques. Une force spirituelle s’en dégageait. J’avais le sentiment d’être face à un Jeu de Tarot dont j’étais incapable de décrypter les symbôles. Un Tarot dont je n’avais pas les clés mais dont l’agencement des couleurs et des formes m’attirait beaucoup.
Une fois chez lui pour le dîner du vernissage, Frank m’a présenté au fils du défunt Wallace… c’est là que j’ai su qu’il s’agissait d’une exposition posthume. Le décès ne remonte pas à hier… Berman est mort en 76 dans un accident de voiture à 50 ans.
Et c’est aujourd’hui, en préparant ma chronique pour Nova que j’ai déroulé tout le fil de l’histoire.
Wallace Berman est un personnage culte de l’histoire de l’art. Comment se fait-il que j’en ai jamais entendu parler avant cela ? Il est vénéré par une certaine frange d’artistes dont Dennis Hopper par exemple fait partie.
Normal, il était une sorte de Gourou de la « Beat Generation ». Ami de Ginsberg, Kerouac et toute la bande. Et il était aussi habité par cette liberté que seuls les mecs de la Côte Ouest peuvent avoir. Made in L.A.
Et surtout, on dit de lui qu’il aurait inspiré Wahrol. Que même Warhol l’aurait pompé en plusieurs points dans son travail.
Or ses œuvres n’ont pas grand chose à voir avec le pape du Pop Art… de ce que j’en ai vu, ce serait même le contraire !
Est-ce dans sa pratique de la lavidéo ? Ou bien du collage ? Le fait qu’il puise sa banque d’images dans les journaux et la pub ? Des objets et autres symbôles découpés dans des magazines.
Ces collages, ce « Copy art », ce serait un peu les signes avant-coureurs ou la Préhistoire du Pop Art.
Dès 62, l’outil principal de Wallace, c’est l’ancêtre de notre photocopieuse : la « Verifax ». Une machine qui a l’air de dire qu’elle vérifie le réel, qu’elle repasse par dessus la vérité pour la confirmer ou l’infirmer.
Wallace avait dégotté une image : une pub pour un transistor Sony dont il se servait comme le « cadre » de ses collages. Il s’agissait d’une main tenant un transistor rectangulaire… autant dire un écran de projection pour toutes ses idées. Une fenêtre sur son monde. Un support pour ces projections mystiques. Et comme il était passionné par la Kabbale, son travail prend un sens d’autant plus mystérieux.
Et sur des planches, dans cette main répétée sous forme de grille ou d’éventail, en couelur ou en sépia, apparaissent des croix, des animaux, des insectes, des serpents, des objets de toutes sortes… et autres signes liés au Cosmos. Et même quand l’objet représenté en soi n’a rien de spirituel, ça le devient dans ce cadre-là.
J’étais dans ces réflexions dans les bureaux de Radio Nova, quand Jean Rouzaud a débarqué… ¼ d’heure après Rachid Arhab, d’ailleurs, qui faisait le tour des locaux sans que je ne sache pourquoi. Quand je lui ai parlé de la beat Generation et de ce Wallace Berman, ce grand connaisseur des années 60-70 m’a rappelé 2 ou 3 choses essentielles qui ont décoincé le cas Berman à mes yeux.
Oui, Berman avait pu inspirer et même influencé Warhol… mais il était farouchement anti société de conso… Beat Generation oblige. En relation étroite avec l’au-delà, la Beat Generation a toujours eu un bon passeport. Une aptitude à visiter les paradis artificiels par tous les moyens licites et illicites qui soient.
Tout ça pour dire que l’on parle beaucoup de Warhol mais qu’il ressemble à l’être le moins réactif qui soit tant son but principal consistait à faire de l’argent. Du dollar en l’occurrence.
Il y avait Salvador Dali alias Avida Dollar qui vantait théâtralement les vertus du Chocolat Lanvin dans un spot de pub. Frémissements de moustaches à l’appui.
Et il y avait Warhol qui, pour un même spot de pub, se régalait le plus banalement et le plus prosaïquement possible d’un hamburger de chez Queeck. Il l’avalait comme pour une performance minimaliste. Il en faisait quelques bouchées exactement comme le ferait un ogre hamburgophage lambda. Mais ça élevait la chose au rang de grand art !
Et les deux, Dali comme Warhol, aussi prolifiques et gourmands l’un que l’autre ne pensaient qu’aux thunes… mais ils avaient l’art d’y penser gracieusement finalement. Et c’est ce qui les rendaient fascinants.
Enfin, ça peut paraître étrange… mais Warhol se serait inspiré de Berman. Un Wallace Berman, quasi inconnu du grand public.
Un Warhol sacré et consacré qui, lui, contrairement à Berman n’a pas l’air d’être habité par la moindre once de spiritualité. Et pourtant ce serait un Berman qui aurait d’une certaine manière engendré un Warhol… les deux se seraient rencontrés à LA dans les seventies. Ils partageaient la même galerie à LA. Pourtant, rien ne semble les réunir, sinon des malentendus formels.
Est-ce qu’on ne brûle pas tous d’envie de faire des rapprochements formels faciles entre tel artiste mythique et tel artiste oublié ?
Quoiqu’il en soit Berman se servait d’une photocopieuse et Warhol voulait devenir une machine… soit une sorte de photocopieuse géniale. Y est-il parvenu, certains diraient oui !
Episode 41
Vendredi 23 janvier
Perte de temps, d’argent, d’énergie, stress gratuit… j’ai l’impression d’avoir été agressée une semaine durant.
Pour l’heure, je ne veux plus entendre parler de Cameroun. J’ai encore perdu une après-midi entière. Je suis retournée jusque qu’à l’Ambassade du Cameroun, jusque dans le 16è, métro Michel-Ange-Auteuil ! Presque une heure de trajet.
J’y suis retournée pour récupérer mon passeport et éventuellement mon visa… mais au moins mon passeport. Benoît m’appelle chaque jour et cette fois, il me dit que mon visa m’attend. Il me dit que le conseiller culturel est OK. Qu’ils ont compris que je n’étais pas réellement journaliste mais critique d’art.
J’y suis à 17h25… ils ferment à 17h30… classique, un bouffon vient me jeter dès l’entrée en me disant que pour les visas, c’est terminé. Je me casse… Benoît m’appelle pour me demander d’y retourner. Ils vient de les appeler, ils vont m’ouvrir les portes et me donner mon passeport. Avec ou sans visa, je ne m’en soucie plus. Si l’on pouvait me rendre mon passeport pour commencer.
Il est 17h passées et je suis censée partir pour Douala demain matin avec le vole de 10h… comme tous les matins depuis mardi. Et tous les soirs, je n’ai pas de visa. Mais je persiste à ne pas défaire mon sac. Je m’imagine encore à Roissy aux aurores.
J’y retourne donc… et là, le conseiller culturel, effectivement, vient me serrer la main, me dire qu’il en a par dessus la tête de mon dossier, que ça dure depuis une semaine et que ça commence à bien faire… de quoi m’accuse-t-on ? J’y suis pour quoi moi là-dedans ? On m’a invité à Douala, je n’ai rien demandé à personne. On m’a invité à faire la promo d’un projet artistique dans les journaux dans lesquels je travaille. J’ai accepté et en prime je dois me confronter à l’admnistration du pays comme si j’étais soupçonné d’un crime de lèse-majesté ! C‘est une hallu ! j’ai l’impression d’être devenue une criminelle. Beaucoup de foin pour rien. J’y allais pourtant avec l’intention de dire du bien de ce beau pays.
Et là, le dernier maillon de la chaîne, sous mon nez, derrière le guichet finit par mettre le fatal coup de tampon ! Merveilleux ! Grand moment ! Je serai donc à Roissy demain matin. Objectif : changer de continent.
Mais j’ai eu tort de m’y croire déjà, le dernier maillon de la chaîne n’a pas voulu précipiter les choses… et à l’heure qu’il est, ce bouffon aux lunettes cerclées d’or et qui répond au doux prénom de Christopher ne m’a toujours pas rendu mon passeport… ce qui fait que je n’étais pas dans le vol de 10h ce matin ! Comme tous les matins de la semaine qui vient de s’écouler. Non, Christopher a préféré continuer à me montrer qui étaient les chefs en cette Ambassade. Une petite démo finale. Un dernier tour de magie.
Mon passeport en main, Christopher se balade fièrement… avec l’impression que mon sort est entre ses mains. Il attend mes réactions quitte à me faire patienter une heure ou 2 de plus. De l’intimidation de la part du dernier maillon de la chaîne.
Et quand il en a assez, m’a fait subir un étrange interrogatoire, il prend l’ascenseur, monte dans les étages, va chercher je ne sais-qui de plus élevé dans la hiérarchie… le vice consul ou je ne sais quoi… et ce type qui ne se présente même pas à moi vient me fixer droit dans les yeux les sourcils froncés comme s’il allait me briser en deux sur le champ… et me demander si c’est bien moi qui insulte le personnel de l’Ambassade !
Injustice. Mensonge. Intimidation. Vol de passeport. Et j’en passe ! Bonjour les manœuvres de l’Ambassade du Cameroun.
Une ambiance de cour de maternelle qui pourrait tourner au drame. On devine comment ce fameux Christopher en est arrivé à son poste de sous-fifre de l’ambassade : à force sans doute de dénoncer ou d’accuser ses collègues sans raison. Sa parole contre la mienne.
Il ne veut pas me rendre mon passeport… Il me dit de revenir le chercher demain. Sachant que l’Ambassade est fermée le vendredi, ça repousse donc le voyage à mardi prochain !
Quant à moi, je ne veux plus m’esquinter la santé à aller dans un pays qui ne me respecte ni en tant que journaliste, ni en tant que citoyen, alors que je suis encore sur le sol français !
D’une certaine manière, ma semaine, je l’ai déjà passé en Afrique et du Cameroun, j’ai bien ma dose.
Et je pars du principe qu’une « journalista non grata » est une bonne journaliste… même si elle n’écrit que sur l’art. Ceci dit, est-ce que devenir la Florence Aubenas de l’art m’aurait fait triper ? Pas sûr.
Anaïd Demir
Perte de temps, d’argent, d’énergie, stress gratuit… j’ai l’impression d’avoir été agressée une semaine durant.
Pour l’heure, je ne veux plus entendre parler de Cameroun. J’ai encore perdu une après-midi entière. Je suis retournée jusque qu’à l’Ambassade du Cameroun, jusque dans le 16è, métro Michel-Ange-Auteuil ! Presque une heure de trajet.
J’y suis retournée pour récupérer mon passeport et éventuellement mon visa… mais au moins mon passeport. Benoît m’appelle chaque jour et cette fois, il me dit que mon visa m’attend. Il me dit que le conseiller culturel est OK. Qu’ils ont compris que je n’étais pas réellement journaliste mais critique d’art.
J’y suis à 17h25… ils ferment à 17h30… classique, un bouffon vient me jeter dès l’entrée en me disant que pour les visas, c’est terminé. Je me casse… Benoît m’appelle pour me demander d’y retourner. Ils vient de les appeler, ils vont m’ouvrir les portes et me donner mon passeport. Avec ou sans visa, je ne m’en soucie plus. Si l’on pouvait me rendre mon passeport pour commencer.
Il est 17h passées et je suis censée partir pour Douala demain matin avec le vole de 10h… comme tous les matins depuis mardi. Et tous les soirs, je n’ai pas de visa. Mais je persiste à ne pas défaire mon sac. Je m’imagine encore à Roissy aux aurores.
J’y retourne donc… et là, le conseiller culturel, effectivement, vient me serrer la main, me dire qu’il en a par dessus la tête de mon dossier, que ça dure depuis une semaine et que ça commence à bien faire… de quoi m’accuse-t-on ? J’y suis pour quoi moi là-dedans ? On m’a invité à Douala, je n’ai rien demandé à personne. On m’a invité à faire la promo d’un projet artistique dans les journaux dans lesquels je travaille. J’ai accepté et en prime je dois me confronter à l’admnistration du pays comme si j’étais soupçonné d’un crime de lèse-majesté ! C‘est une hallu ! j’ai l’impression d’être devenue une criminelle. Beaucoup de foin pour rien. J’y allais pourtant avec l’intention de dire du bien de ce beau pays.
Et là, le dernier maillon de la chaîne, sous mon nez, derrière le guichet finit par mettre le fatal coup de tampon ! Merveilleux ! Grand moment ! Je serai donc à Roissy demain matin. Objectif : changer de continent.
Mais j’ai eu tort de m’y croire déjà, le dernier maillon de la chaîne n’a pas voulu précipiter les choses… et à l’heure qu’il est, ce bouffon aux lunettes cerclées d’or et qui répond au doux prénom de Christopher ne m’a toujours pas rendu mon passeport… ce qui fait que je n’étais pas dans le vol de 10h ce matin ! Comme tous les matins de la semaine qui vient de s’écouler. Non, Christopher a préféré continuer à me montrer qui étaient les chefs en cette Ambassade. Une petite démo finale. Un dernier tour de magie.
Mon passeport en main, Christopher se balade fièrement… avec l’impression que mon sort est entre ses mains. Il attend mes réactions quitte à me faire patienter une heure ou 2 de plus. De l’intimidation de la part du dernier maillon de la chaîne.
Et quand il en a assez, m’a fait subir un étrange interrogatoire, il prend l’ascenseur, monte dans les étages, va chercher je ne sais-qui de plus élevé dans la hiérarchie… le vice consul ou je ne sais quoi… et ce type qui ne se présente même pas à moi vient me fixer droit dans les yeux les sourcils froncés comme s’il allait me briser en deux sur le champ… et me demander si c’est bien moi qui insulte le personnel de l’Ambassade !
Injustice. Mensonge. Intimidation. Vol de passeport. Et j’en passe ! Bonjour les manœuvres de l’Ambassade du Cameroun.
Une ambiance de cour de maternelle qui pourrait tourner au drame. On devine comment ce fameux Christopher en est arrivé à son poste de sous-fifre de l’ambassade : à force sans doute de dénoncer ou d’accuser ses collègues sans raison. Sa parole contre la mienne.
Il ne veut pas me rendre mon passeport… Il me dit de revenir le chercher demain. Sachant que l’Ambassade est fermée le vendredi, ça repousse donc le voyage à mardi prochain !
Quant à moi, je ne veux plus m’esquinter la santé à aller dans un pays qui ne me respecte ni en tant que journaliste, ni en tant que citoyen, alors que je suis encore sur le sol français !
D’une certaine manière, ma semaine, je l’ai déjà passé en Afrique et du Cameroun, j’ai bien ma dose.
Et je pars du principe qu’une « journalista non grata » est une bonne journaliste… même si elle n’écrit que sur l’art. Ceci dit, est-ce que devenir la Florence Aubenas de l’art m’aurait fait triper ? Pas sûr.
Anaïd Demir
Episode 40
Mercredi 21 janvier 2009
On n’indique jamais la profession de « journaliste » quand on a un tant soit peu l’ambition de voyager !
Mon visa ne devait être qu’une simple formalité dans la journée de lundi et le mardi, je m’envolais… au lieu de ça, j’ai le sentiment d’être devenu le bouc emissaire de l’Ambassade du Cameroun à Paris. Une proie facile, il faut dire ! Je paie pour je-ne-sais-qui-je-ne-sais-quoi. Pour des présidents Français pour lesquels je n’ai même pas voté par exemple. Ou pour d’autres journalistes.
Quelqu’un de l’Ambassade m’a gentiement expliqué ce soir qu’il leur était arrivé d’accorder un visa à des gens qui étaient finalement allés filmer des enfants pour les exhiber dans un reportage télé.
Bon… qu’est-ce que ça a à voir avec l’art contemporain. Avec les questions d’environnement ? Avec l’écologie ?
J’aurais dû être à Douala depuis 24h… au lieu de ça, je suis à Paris, maltraîtée depuis lundi pour des raisons obscures. Au lieu de ça, je suis sur le qui-vive, entre deux eaux.
Partirai-je ou ne partirai-je pas ?
Un vrai suspens. Des moustiques invisibles tournent autour de chacun de mes nerfs, ils s’accrochent ici, tirent là, tordent par-ci, repassent par là, jouent à la corde à sauter.
On joue avec mon temps, mes nerfs, mon énergie… et mon argent aussi. Et si ça se trouve, je ne vais pas partir du tout !
Je suis stoïque. Vaccinée contre la fièvre jaune mais pas contre les imbéciles qui confondent critique d’art et journalisme politique. Ici, les abus de pouvoir s’atrappent plus vite que les coups de soleil. Ils sont aussi incurables que l’hépatite C!
Mon sac de voyage est prêt à embarquer et même à décoller. Plein de Malarone, d’insecticide et même de crème solaire. Mea culpa… j’ai pensé aux 28° qui m’attendent à Douala alors qu’à Paris la doudoune en peau de lapin est en vogue. Pardon pour les 2 maillots de bain + les lunettes de soleil. Pardon d’avoir lâché la chapka et d’avoir hésité à prendre un moustiquaire!
Je n’irai pas dans la forêt à la rencontre des Pygmées Baka avec Benoît. Je n’irai pas à Douala rencontrer de brillants artistes qui se soucient des ressources naturelles de notre planète.
Après avoir inutilement poireauté 24h à l’Ambassade, après avoir rêvé d’y être déjà, après avoir appris quelques mots avec un Camerounais dragueur mais pas pesant qui se trouvait là… je me dis qu’un pays qui refuse un visa à une journaliste d’art ne doit pas respecter les Droits de L’Homme de près.
On n’indique jamais la profession de « journaliste » quand on a un tant soit peu l’ambition de voyager !
Mon visa ne devait être qu’une simple formalité dans la journée de lundi et le mardi, je m’envolais… au lieu de ça, j’ai le sentiment d’être devenu le bouc emissaire de l’Ambassade du Cameroun à Paris. Une proie facile, il faut dire ! Je paie pour je-ne-sais-qui-je-ne-sais-quoi. Pour des présidents Français pour lesquels je n’ai même pas voté par exemple. Ou pour d’autres journalistes.
Quelqu’un de l’Ambassade m’a gentiement expliqué ce soir qu’il leur était arrivé d’accorder un visa à des gens qui étaient finalement allés filmer des enfants pour les exhiber dans un reportage télé.
Bon… qu’est-ce que ça a à voir avec l’art contemporain. Avec les questions d’environnement ? Avec l’écologie ?
J’aurais dû être à Douala depuis 24h… au lieu de ça, je suis à Paris, maltraîtée depuis lundi pour des raisons obscures. Au lieu de ça, je suis sur le qui-vive, entre deux eaux.
Partirai-je ou ne partirai-je pas ?
Un vrai suspens. Des moustiques invisibles tournent autour de chacun de mes nerfs, ils s’accrochent ici, tirent là, tordent par-ci, repassent par là, jouent à la corde à sauter.
On joue avec mon temps, mes nerfs, mon énergie… et mon argent aussi. Et si ça se trouve, je ne vais pas partir du tout !
Je suis stoïque. Vaccinée contre la fièvre jaune mais pas contre les imbéciles qui confondent critique d’art et journalisme politique. Ici, les abus de pouvoir s’atrappent plus vite que les coups de soleil. Ils sont aussi incurables que l’hépatite C!
Mon sac de voyage est prêt à embarquer et même à décoller. Plein de Malarone, d’insecticide et même de crème solaire. Mea culpa… j’ai pensé aux 28° qui m’attendent à Douala alors qu’à Paris la doudoune en peau de lapin est en vogue. Pardon pour les 2 maillots de bain + les lunettes de soleil. Pardon d’avoir lâché la chapka et d’avoir hésité à prendre un moustiquaire!
Je n’irai pas dans la forêt à la rencontre des Pygmées Baka avec Benoît. Je n’irai pas à Douala rencontrer de brillants artistes qui se soucient des ressources naturelles de notre planète.
Après avoir inutilement poireauté 24h à l’Ambassade, après avoir rêvé d’y être déjà, après avoir appris quelques mots avec un Camerounais dragueur mais pas pesant qui se trouvait là… je me dis qu’un pays qui refuse un visa à une journaliste d’art ne doit pas respecter les Droits de L’Homme de près.
Episode 39
Lundi 19 janvier 2009
Le Cameroun sur fond d’art et d’écologie. L’environnement. Les ressources naturelles de la planète… etc, etc. Je suis invitée par le Centre culturel Français de Douala pour suivre un certain nombre de conférences et de débats sur la question.
C’est le second volet de « Veilleurs du Monde », 12 ou 13 ans plus tard.
Après les aventures béninoises, je retrouve les « Art Orienté Objet », initiateurs du projet, et d’autres artistes, Européens et Africains, réunis autour de cette question fondamentale des ressources naturelles de la planète !
Il suffisait de fermer les yeux en ce lundi pour les rouvrir mardi soir sur un paysage chaleureux et verdoyant en direct de Douala.
Je m’y voyais déjà. Quitter Paris et le grand froid. Et par 30° à l’ombre, sous le ciel bleu, aller à la rencontre des Pygmées Baka avec Benoît. Rencontrer des artistes. Des commissaires d’expo. Un peu de fraîcheur esthétique.
Et là, en ce lundi, je viens de passer 24h à l’Ambassade pour m’entendre finalement dire vers 19h que je ne partais pas demain, puisque je n’obtiendrai pas mon visa avant demain… et comme je suis « journaliste », on m’annonce que j’ai de toute façon besoin d’une accréditation du Ministère de la Communication… etc, etc.
C’est un gag, une blague, un bug.
Je suis plus critique d’art que journaliste et autant que je sache, je n’écris pas encore directement sur la politique.
On m’avait dit que tout se ferait dans la journée, j’avais tous les papiers requis, les appuis y compris. Et on m’invente brusquement une histoire d’accréditation à obtenir du Ministère de la Communication.
Tout est prêt. Mais ça bugge.
Ça a commencé vendredi, quand je me suis rendue à Boulogne comme prévu entre 10h30 et midi 30 pour… rien ! Ça m’a pris presque une heure d’y aller. Quelqu’un d’avisé m’avait dit que pour les visas, ça se passait à Boulogne.
Je me retrouve donc en vadrouille avec 100 euros cash dans une enveloppe un vendredi matin à Boulogne en quête du très fameux Quai Alphonse Le Gallo… qui se trouve au bord du périphique. Tout ça pour me retrouver nez à nez avec une sympathique affiche qui me dit que le Consulat a déménagé rue d’Auteuil dans le 16è.
Je m’apprête à me rendre Pont d’Auteuil quand on me signale que pour les visas, il faudra voir lundi car le vendredi… Nada… de toute façon, c’est fermé !
J’adore les administrations et voilà donc que le lundi arrive et que, malgré cette histoire de visa, je commence à déjà m’imaginer là-bas, à Douala. Echappant à ce froid cinglant qui s’est abattu sur Paris.
Les vaccins contre la fièvre jaune et autres hépatites, c’est fait depuis déjà 15 jours.
Et le lundi, je suis bien aux portes de l’Ambassade, comme prévu, rue d’Auteuil dans le 16è, entre 10h30 et midi 30 pour le dépôt de mon dossier de demande de visa. Je suis munie de mon passeport valide + mes 100 euros cash en poche + la lettre de mes hôtes : le centre culturel français de Douala + le formulaire dûment et honnêtement rempli. Un peu trop honnêtement ?
Puisque mes hôtes m’invitent en tant que journaliste et le signalent dans la lettre, j’ai rempli le formulaire en continuant sur cette lancée.
Je sais qu’on n’inscrit jamais « journaliste » dans la case « profession » d’un formulaire consistant à obtenir le moindre visa pour l’étranger. Partout où ils vont et où qu’ils soient les journalistes sont vus comme une menace. Surtout dans les pays où les Droits de l’Homme ne sont pas respectés.
Mon visa ne devait être qu’une formalité dans ma journée de lundi. Je le déposais le matin, je le reprenais dans l’après-midi et le lendemain, vers 10 h du matin, j’étais à Roissy et je m’envolais. 6h de vol. En compagnie de Jérôme, peut-être.
A l’entracte, entre dépôt de dossier et obtention du visa, j’ai pris le temps de m’acheter la Malarone + la crème solaire écran 20 + l’insecticide pour la peau et les vêtements… et rêver que je luttais contre la mouche tsé-sté et la Malaria en plein cagnard. Je pouvais écouter les conseils élémentaires de la pharmacienne avec bonheur.
J’avais le temps de me rendre compte que mon Jonathan Coe préféré venait de sortir un nouveau roman et que j’aurais juste le temps du vol -6h- pour m’en régaler.
Je m’y voyais déjà. Obligée de quitter ma cape et mes bottes. Ne plus supporter le moindre vêtement. Refaire mentalement la composition de mon sac. Un ordi portable, évidemment. Penser à mes lunettes de soleil. Appareil photo. Deux maillots de bain. Mon masque de plongée ? on ne sait jamais. Est-ce que je m’achète une petite robe en passant ?
Au lieu de ça, je suis encore à Paris pour encore 2 soirées au moins. Je partirai mercredi. Et mercredi soir, je me soucierai plus des moustiques que de la chute des degrés celsius.
En attendant, j’ai passé ma soirée avec Sandra Nkaké, une Camerounaise à la voix d’or qui vient de sortir son premier album chez Naïve. C’est déjà un beau visa pour le Cameroun à elle seule.
Le Cameroun sur fond d’art et d’écologie. L’environnement. Les ressources naturelles de la planète… etc, etc. Je suis invitée par le Centre culturel Français de Douala pour suivre un certain nombre de conférences et de débats sur la question.
C’est le second volet de « Veilleurs du Monde », 12 ou 13 ans plus tard.
Après les aventures béninoises, je retrouve les « Art Orienté Objet », initiateurs du projet, et d’autres artistes, Européens et Africains, réunis autour de cette question fondamentale des ressources naturelles de la planète !
Il suffisait de fermer les yeux en ce lundi pour les rouvrir mardi soir sur un paysage chaleureux et verdoyant en direct de Douala.
Je m’y voyais déjà. Quitter Paris et le grand froid. Et par 30° à l’ombre, sous le ciel bleu, aller à la rencontre des Pygmées Baka avec Benoît. Rencontrer des artistes. Des commissaires d’expo. Un peu de fraîcheur esthétique.
Et là, en ce lundi, je viens de passer 24h à l’Ambassade pour m’entendre finalement dire vers 19h que je ne partais pas demain, puisque je n’obtiendrai pas mon visa avant demain… et comme je suis « journaliste », on m’annonce que j’ai de toute façon besoin d’une accréditation du Ministère de la Communication… etc, etc.
C’est un gag, une blague, un bug.
Je suis plus critique d’art que journaliste et autant que je sache, je n’écris pas encore directement sur la politique.
On m’avait dit que tout se ferait dans la journée, j’avais tous les papiers requis, les appuis y compris. Et on m’invente brusquement une histoire d’accréditation à obtenir du Ministère de la Communication.
Tout est prêt. Mais ça bugge.
Ça a commencé vendredi, quand je me suis rendue à Boulogne comme prévu entre 10h30 et midi 30 pour… rien ! Ça m’a pris presque une heure d’y aller. Quelqu’un d’avisé m’avait dit que pour les visas, ça se passait à Boulogne.
Je me retrouve donc en vadrouille avec 100 euros cash dans une enveloppe un vendredi matin à Boulogne en quête du très fameux Quai Alphonse Le Gallo… qui se trouve au bord du périphique. Tout ça pour me retrouver nez à nez avec une sympathique affiche qui me dit que le Consulat a déménagé rue d’Auteuil dans le 16è.
Je m’apprête à me rendre Pont d’Auteuil quand on me signale que pour les visas, il faudra voir lundi car le vendredi… Nada… de toute façon, c’est fermé !
J’adore les administrations et voilà donc que le lundi arrive et que, malgré cette histoire de visa, je commence à déjà m’imaginer là-bas, à Douala. Echappant à ce froid cinglant qui s’est abattu sur Paris.
Les vaccins contre la fièvre jaune et autres hépatites, c’est fait depuis déjà 15 jours.
Et le lundi, je suis bien aux portes de l’Ambassade, comme prévu, rue d’Auteuil dans le 16è, entre 10h30 et midi 30 pour le dépôt de mon dossier de demande de visa. Je suis munie de mon passeport valide + mes 100 euros cash en poche + la lettre de mes hôtes : le centre culturel français de Douala + le formulaire dûment et honnêtement rempli. Un peu trop honnêtement ?
Puisque mes hôtes m’invitent en tant que journaliste et le signalent dans la lettre, j’ai rempli le formulaire en continuant sur cette lancée.
Je sais qu’on n’inscrit jamais « journaliste » dans la case « profession » d’un formulaire consistant à obtenir le moindre visa pour l’étranger. Partout où ils vont et où qu’ils soient les journalistes sont vus comme une menace. Surtout dans les pays où les Droits de l’Homme ne sont pas respectés.
Mon visa ne devait être qu’une formalité dans ma journée de lundi. Je le déposais le matin, je le reprenais dans l’après-midi et le lendemain, vers 10 h du matin, j’étais à Roissy et je m’envolais. 6h de vol. En compagnie de Jérôme, peut-être.
A l’entracte, entre dépôt de dossier et obtention du visa, j’ai pris le temps de m’acheter la Malarone + la crème solaire écran 20 + l’insecticide pour la peau et les vêtements… et rêver que je luttais contre la mouche tsé-sté et la Malaria en plein cagnard. Je pouvais écouter les conseils élémentaires de la pharmacienne avec bonheur.
J’avais le temps de me rendre compte que mon Jonathan Coe préféré venait de sortir un nouveau roman et que j’aurais juste le temps du vol -6h- pour m’en régaler.
Je m’y voyais déjà. Obligée de quitter ma cape et mes bottes. Ne plus supporter le moindre vêtement. Refaire mentalement la composition de mon sac. Un ordi portable, évidemment. Penser à mes lunettes de soleil. Appareil photo. Deux maillots de bain. Mon masque de plongée ? on ne sait jamais. Est-ce que je m’achète une petite robe en passant ?
Au lieu de ça, je suis encore à Paris pour encore 2 soirées au moins. Je partirai mercredi. Et mercredi soir, je me soucierai plus des moustiques que de la chute des degrés celsius.
En attendant, j’ai passé ma soirée avec Sandra Nkaké, une Camerounaise à la voix d’or qui vient de sortir son premier album chez Naïve. C’est déjà un beau visa pour le Cameroun à elle seule.
Episode 38
Lundi 12 janvier 2009 (suite)
Et c’est plutôt drôle de se remémorer cette excursion hivernale en terre Zingaresque chez David Miguel en direct du Café du Cirque, à deux pas du Cirque d’Hiver justement!
Ce serait moins douloureux si ce n’était pas ici, dans le Café du Cirque d’Hiver, que j’apprenais par la radio la mort de Claude Berri. Un accident vasculaire cérébral à 74 ans alors qu’il était multi actif et était même sur le tournage d’un nouveau film avec Alain Chabat.
Réalisateur, producteur français de renom… ça, tout le monde le sait mais c’est surtout un passionné d’art, un collectionneur et le directeur d’un espace d’art qui disparaît. Aussitôt, je pense à l’exposition de Stéphane Calais à l’Espace Claude Berri dont le vernissage devait se dérouler jeudi. Forcément déplacé.
Et puis j’ai pensé à la dernière expo que j’y ai vu : Berlinde de Bruyckere. Une artiste belge qui nous plonge dans l’atmosphère des grands peintres flammands avec des sculptures recouvertes de cire. Ce sont des corps suspendus ou en vitrine qui nous plongent dans une atmosphère lugubre, funèbre. Sous les peaux glacées suinte l’âme. Mais ce sont donc des œuvres dérangeantes, forcément. Je ne suis pas fan de cette artiste mais le fait qu’elle remue nos consciences force le respect et nous pousse à nous interroger. Impossible de ne pas désormais associer l’ambiance glacée de cette dernière expo à l’Espace Claude Berri au décès réel de ce personnage qu’était Claude Berri.
C’est donc une partie du patrimoine cinématographique qui disparaît.
Autant conjurer le sort et se réfugier au ChaCha où je comptais de toute façon aller pour fêter la sortie du dernier numéro de Nuke… un numéro spécial « Chance » justement. C’est un hasard mais le lieu appartient en partie au fils de Claude Berri. Tout cela sonne comme un hommage personnel.
Anaïd Demir
Et c’est plutôt drôle de se remémorer cette excursion hivernale en terre Zingaresque chez David Miguel en direct du Café du Cirque, à deux pas du Cirque d’Hiver justement!
Ce serait moins douloureux si ce n’était pas ici, dans le Café du Cirque d’Hiver, que j’apprenais par la radio la mort de Claude Berri. Un accident vasculaire cérébral à 74 ans alors qu’il était multi actif et était même sur le tournage d’un nouveau film avec Alain Chabat.
Réalisateur, producteur français de renom… ça, tout le monde le sait mais c’est surtout un passionné d’art, un collectionneur et le directeur d’un espace d’art qui disparaît. Aussitôt, je pense à l’exposition de Stéphane Calais à l’Espace Claude Berri dont le vernissage devait se dérouler jeudi. Forcément déplacé.
Et puis j’ai pensé à la dernière expo que j’y ai vu : Berlinde de Bruyckere. Une artiste belge qui nous plonge dans l’atmosphère des grands peintres flammands avec des sculptures recouvertes de cire. Ce sont des corps suspendus ou en vitrine qui nous plongent dans une atmosphère lugubre, funèbre. Sous les peaux glacées suinte l’âme. Mais ce sont donc des œuvres dérangeantes, forcément. Je ne suis pas fan de cette artiste mais le fait qu’elle remue nos consciences force le respect et nous pousse à nous interroger. Impossible de ne pas désormais associer l’ambiance glacée de cette dernière expo à l’Espace Claude Berri au décès réel de ce personnage qu’était Claude Berri.
C’est donc une partie du patrimoine cinématographique qui disparaît.
Autant conjurer le sort et se réfugier au ChaCha où je comptais de toute façon aller pour fêter la sortie du dernier numéro de Nuke… un numéro spécial « Chance » justement. C’est un hasard mais le lieu appartient en partie au fils de Claude Berri. Tout cela sonne comme un hommage personnel.
Anaïd Demir
Episode 37
Lundi 12 janvier 2009
La fève ? Non mais la fièvre… peut-être. Quoiqu’il en soit, je me suis régalée de la frangipane qui s’agrippait au couteau de Sandra, le soir de son anniversaire à Ranville. Il y a 10 jours en Normandie. A l’aube de sa trentaine, on a fêté les rois en version Brésilienne avant de s’oxygéner sur la plage de Cabourg. Boire du thé à même la thermos en direct d’une plage gelée avec Domoina, Emmanuel, Lala, Camille et Sandra.
Puis une fois de retour à Paris, la neige avait recouvert le monde.
C’est dans cette atmosphère glacée comme un ice-cream que j’ai commencé ma traversée de l’année 2009. Au galop. De galeries en lieux d’art, d’ateliers d’artistes en fêtes et autres dîners de vernissage.
Un vrai cirque comme je les aime avec mon carnet et mon stylo toujours à portée de main. Des fois qu’il y aurait un mystère à élucider sur le champ.
Et pour commencer l’An Neuf, je me suis retrouvée nez à nez avec un grand van comme on en fait plus que dans quelques vieux films Américains. Rouge et vert sur fond boisé. Au milieu d’une forêt, cette carosserie rutilante se laisse caresser par les regards. Un camion plus beau qu’un camion et suivi de son extension caravanesque. Puis des maisonnées façon datcha. Des roulottes quasi antiques, d’une autre époque.de vieux traîneaux. Des cocons de métal et de bois.
Des têtes de chevaux, vraies et fausses. Les unes en métal vouent un culte à l’animal. Les autres, de chair et de sang, vraies de vrai, dépassent des écuries.
Et il y a cet animal au pelage blanc par exemple, qui nous laisse croire qu’il est juste un cheval alors que son aura nous laisse deviner qu’il a tout de la licorne.
Et derrière tout ça, se trouve sûrement un manège où il s’entraînent.
Où suis-je ? En Moldavie, en Ukraine ou dans un château des Carpates au 18e ou au 19e siècle.
Pourtant, on est bien en janvier 2009 et quelques secondes plus tôt, j’étais dans le métro. Passé le parking du Fort d’Aubervilliers, j’ai poussé une grille et loin du béton-grisaille qu’on voit habituellement dans cette ville, j’ai atteint les coulisses du Théâtre Zingaro momentanément désert. Pas de spectacle équestre en ce moment : le célèbre Bartabas, maître des lieux, et sa troupe est à Tokyo.
Je suis l’invitée privilégiée de l’un des habitants de cet ilôt nirvanesque situé à deux pas de Paris et qui résiste à la pollution visuelle.
David Miguel m’immerge dans son univers en passant par les roulottes et les écuries de Zingaro. Il n’est ni acrobate, ni écuyer, ni jongleur, ni équilibriste… pas même le Monsieur Loyal de la troupe ou le trapeziste.
Mais un artiste aux airs innocents.
Même s’il ne tient pas en place et esquisse des pas chaloupés dans la neige, c’est pourtant lui qui, le dernier jour de la Fiac à Paris, en toute innocence, a enfumé un bus à l’impériale en son entier. Un scénario catastrophe inspiré du célèbre incendie de l’Alcazar de Madrid en 1734 qui détruisit une grande partie des chef d’œuvres de l’époque… sauf ceux que les gardiens avaient réussi à sauver en les jetant par la fenêtre. Un prétexte chorégraphique et sculptural pour David Miguel qui reprend le scénario à petite échelle, alors que tous les badauds retiennent leur souffle sur le trottoir.
Il avait été plus sage à la dernière foire de Miami quand il se baladait dans les allées d’Art Basel muni d’un coton-tige géant façon Oldenburg… un objet censé protéger nos oreilles de la pollution sonore et du trop plein d’information que l’on reçoit dans une foire d’art contemporain et ailleurs.
Et cet artiste d’orgine madrilène à l’accent épicé, vêtu comme un Beuys version fluo me montre aussi une série de photos et de vidéos en direct de sa datcha à roulettes digne d’une diseuse de bonne aventure. Des mains aux ongles percés de fils oscillent entre sensualité et inconfort, entre féminité et torture.
Anaïd Demir
La fève ? Non mais la fièvre… peut-être. Quoiqu’il en soit, je me suis régalée de la frangipane qui s’agrippait au couteau de Sandra, le soir de son anniversaire à Ranville. Il y a 10 jours en Normandie. A l’aube de sa trentaine, on a fêté les rois en version Brésilienne avant de s’oxygéner sur la plage de Cabourg. Boire du thé à même la thermos en direct d’une plage gelée avec Domoina, Emmanuel, Lala, Camille et Sandra.
Puis une fois de retour à Paris, la neige avait recouvert le monde.
C’est dans cette atmosphère glacée comme un ice-cream que j’ai commencé ma traversée de l’année 2009. Au galop. De galeries en lieux d’art, d’ateliers d’artistes en fêtes et autres dîners de vernissage.
Un vrai cirque comme je les aime avec mon carnet et mon stylo toujours à portée de main. Des fois qu’il y aurait un mystère à élucider sur le champ.
Et pour commencer l’An Neuf, je me suis retrouvée nez à nez avec un grand van comme on en fait plus que dans quelques vieux films Américains. Rouge et vert sur fond boisé. Au milieu d’une forêt, cette carosserie rutilante se laisse caresser par les regards. Un camion plus beau qu’un camion et suivi de son extension caravanesque. Puis des maisonnées façon datcha. Des roulottes quasi antiques, d’une autre époque.de vieux traîneaux. Des cocons de métal et de bois.
Des têtes de chevaux, vraies et fausses. Les unes en métal vouent un culte à l’animal. Les autres, de chair et de sang, vraies de vrai, dépassent des écuries.
Et il y a cet animal au pelage blanc par exemple, qui nous laisse croire qu’il est juste un cheval alors que son aura nous laisse deviner qu’il a tout de la licorne.
Et derrière tout ça, se trouve sûrement un manège où il s’entraînent.
Où suis-je ? En Moldavie, en Ukraine ou dans un château des Carpates au 18e ou au 19e siècle.
Pourtant, on est bien en janvier 2009 et quelques secondes plus tôt, j’étais dans le métro. Passé le parking du Fort d’Aubervilliers, j’ai poussé une grille et loin du béton-grisaille qu’on voit habituellement dans cette ville, j’ai atteint les coulisses du Théâtre Zingaro momentanément désert. Pas de spectacle équestre en ce moment : le célèbre Bartabas, maître des lieux, et sa troupe est à Tokyo.
Je suis l’invitée privilégiée de l’un des habitants de cet ilôt nirvanesque situé à deux pas de Paris et qui résiste à la pollution visuelle.
David Miguel m’immerge dans son univers en passant par les roulottes et les écuries de Zingaro. Il n’est ni acrobate, ni écuyer, ni jongleur, ni équilibriste… pas même le Monsieur Loyal de la troupe ou le trapeziste.
Mais un artiste aux airs innocents.
Même s’il ne tient pas en place et esquisse des pas chaloupés dans la neige, c’est pourtant lui qui, le dernier jour de la Fiac à Paris, en toute innocence, a enfumé un bus à l’impériale en son entier. Un scénario catastrophe inspiré du célèbre incendie de l’Alcazar de Madrid en 1734 qui détruisit une grande partie des chef d’œuvres de l’époque… sauf ceux que les gardiens avaient réussi à sauver en les jetant par la fenêtre. Un prétexte chorégraphique et sculptural pour David Miguel qui reprend le scénario à petite échelle, alors que tous les badauds retiennent leur souffle sur le trottoir.
Il avait été plus sage à la dernière foire de Miami quand il se baladait dans les allées d’Art Basel muni d’un coton-tige géant façon Oldenburg… un objet censé protéger nos oreilles de la pollution sonore et du trop plein d’information que l’on reçoit dans une foire d’art contemporain et ailleurs.
Et cet artiste d’orgine madrilène à l’accent épicé, vêtu comme un Beuys version fluo me montre aussi une série de photos et de vidéos en direct de sa datcha à roulettes digne d’une diseuse de bonne aventure. Des mains aux ongles percés de fils oscillent entre sensualité et inconfort, entre féminité et torture.
Anaïd Demir
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