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******************************* Anaïd is… Anaïd forever ******************************* Née à la Saint-Hubert patron des Chasseurs, élevée à l'acide, gouvernée par Mars et Pluton, habitée par le démon de l'écriture, rongée par la passion

mercredi 29 juillet 2009

Episode 27

Jeudi 11 septembre 2008

On peut sortir du Crazy à minuit 30, avec avec des shoes de 12 (cm de haut) et un oreiller sur le porte-bagages d’un vélo crevé… Et le lendemain, à l’aube, être à Versailles, au Château… Et le regard vif, la plume alerte, se mirer dans les dorures de la galerie des Glaces ! Traverser les salles d’un écrin royal avec la vivacité d’un pinson et la souplesse féline d’un grand chat des fôrets!

Par contre, j’avoue… il aurait été très très mégalo de s’imaginer que le Château de Versailles m’appartiendrait en ce mercredi matin… même le temps d’une inauguration d’art contemporain !
Il aurait été complètement fou de croire que l’on serait seuls à Versailles, dans l’un des principaux joyaux du patrimoine français, pour la preview de l’exposition de Jeff Koons! Seuls… même une heure ? Sous prétexte qu’on est une petite armée de critiques d’art en pleine inauguration? Allons bon !
Non, heureusement, il y avait avec nous des milliers et des milliers de touristes pour nous tenir chaud dans les allées et nous empêcher de vaciller de fatigue quand on était pris de vertige !
Et s’il nous prenait une crise de somnambulisme, on avait aussi des guides aux voix mélodieuses qui clamaient avec panache leurs précieuses explications pour que personne, même au fond, n’en perde une miette. Rien sur Jeff Koons mais quelques détails sur le guéridon Louis XVI, les fresques du Salon de Mars, la chambre des Dames et le buste du Roi Soleil…
Puis en dernier recours, pour l’humour, on avait les ménagères qui nous récitaient une série de « brèves de musées » comme on en entend rarement… Pour faire une bonne phrase, elles en oubliaient même d’admirer les Charles Le Brun, les Hyacinthe Rigaud ou même ce Véronèse. Et plutôt que de se perdre dans les portraits et bustes de tous nos Louis et autres Marie-Antoinette… elles n’oubliaient pas de relever que la poussière des pampilles, au plafond, n’avait pas été faîte depuis des lustres ! C’est vrai, en prise avec le réel à Versailles, je me suis aperçue que c’était important de faire les carreaux dans un Momument « hystérique » ! Bon, Ok, « historique » aussi !
J’ai adoré ce moment d’immersion. Rare et touchant. Rien de mieux que d’explorer une telle exposition dans les conditions du réel… vivre la situation réelle même!

Et d’ailleurs, une grappe de réacs Versaillais avaient manifesté le matin-même contre cette « scandaleuse » exposition qui s’inaugurait à peine, mais on les a manqué…
J’aurais adoré les rencontrer pour leur demander pourquoi. Pourquoi prendre la peine de faire un mini revival de la Révolution Française aux portes du Château… alors que rien ne se joue ici, entre ses murs. Rien de scandaleux. Rien qui ne fasse des vagues.
Ils n’avaient sûrement pas pris la peine de voir à quel point l’exposition de Jeff Koons dans le Château de Versailles était faite pour eux. J’aurais voulu leur dire : Jeff Koons n’est pas un punk. Même pas un punk moyen! Pourquoi vouloir la tête de Koons ? Il est innocent comme un nouveau-né.

On s’attendait à une franche bataille entre kitsch contemporain et kitsch ancien… et finalement entre les dorures rococo, toutes les préciosetés du Château et les pop-rutilances de Jeff Koons, on avait du mal à discerner l’ancien du nouveau ! Un bouquet de fleurs dans la chambre des accouchements royaux. Des aspirateurs en vitrine dans la chambre des dames au sang bleu… et rien de plus révolutionnaire que ça !
A peine une pincée d’humour car au-delà de cet amusant anachronisme, on se doute que les reines de France n’avaient cure de faire la poussière et de chasser les moutons sous leurs baldaquins d’apparât. Ça n’en faisait pas pour autant des femmes très libérées… mais bon. Javoue ce clin d’œil de Koons était drôle.
Même Sofia Coppola était plus révolutionnaire quand elle introduisait une paire de Nike dans son sirupeux film « Marie-Antoinette » sponsorisé par Ladurée.
Et le plus drôle, c’est qu’autant Jeff Koons jouait avec l’idée de la kitscherie à ses débuts dans les années 90, et autant aujourd’hui, il évoquait un « malentendu » quand on avançait le mot lors de la conférence de presse.
Le malentendu, c’est que ce n’était pas Jeff Koons mais son clone qui avait été envoyé pour cette conférence de presse… et il répondait aux questions par des phrases apprises par cœur.
Car Koons s’évertue à ne plus faire de vagues. Nous parle de respect à tous les niveaux.
Quel art se soucie autant du respect de tous ? Quel art ne cesse jamais de séduire le pouvoir avant tout… sinon l’art de cour ? Koons, l’artiste le plus chèr du monde est-il un artiste de cour ? Il est presque futile de se poser la question.
Et un courtisan ?
Ses œuvres gigantesques avaient l’air de grands hochets géants pour adultes, des jouets plein de couleurs et de reflets.
Et de salle en salle, on rencontrait l’immense cœur suspendu, le lapin gonflable en argent, le homard géant dans les galeries ou encore le « Split-rocker », cet animal proche du nounours, tout en fleurs au cœur des jardins à la française du Château… bref tout y était. Sauf la Ciccolina. Et elle nous a manqué.
Quant à son ex-mari, ce sympathique VRP qui semblait se fondre dans Versailles avec ses œuvres plutôt lisses et rutilantes comme des carosseries tout droit sorties de chez General Motors, fondait aussi dans le public avec son costume gris souris et son sourire commercial. Un vrai passe-muraille !

A la limite, son « Blue Moon », pouvait créer une certaine confusion à l’esprit. Cette simple pastille bleue géante en acier, stratégiquement placée au bout de la galerie des Glaces avalait la perspective, les visiteurs, les badauds et le reste. Et ce miroir globulaire bleuté avait presque l’air d’une belle œuvre minimale… à elle seule, elle pouvait alléger un peu le regard et avec subtilité révéler l’espace dans toute sa splendeur. Pour un peu, ça aurait pu être un Dan Graham…

Mais penser au Minimal ici, en compagnie de Koons, Apollon et le Roi Soleil résonnait comme un blasphème !
Impossible d’évoquer Donald Judd, Carl André, Sol LeWitt, Bob Morris ou Richard Serra dans ce contexte… mais les papes du Minimal Art d’un coup me manquaient. D’un coup, j’étais connectée à tous ces êtres subtils qui luttaient contre les débordements formels pour aller à l’essentiel. Virer tout le pathos, épurer l’œuvre de toute bondieuserie, trouver l’armature des choses, être adepte du « less is more », exprimer l’essentiel en un minimum de formes…
C’est vrai les papes du Minimal seventies n’étaient pas là. Morts pour certains d’ailleurs.
Par contre, Ghislain Mollet-Viéville qui avait accompagné leur ascension en France dans son appartement-galerie mythique de la Rue Beaubourg, lui, était bien présent, assis à côté de moi… et je me demande encore si ce n’était pas juste une hallucination !
Comme dans le désert, quand totalement déshydraté, on commence à voir des oasis partout. Moi, tous ces scintillements, ses reflets, ses formes redondantes m’avaient tellement fait mal aux yeux et tourner la tête que d’un coup, je réduisais les UV, je mettais des lunettes, je limitais l’intensité des couleurs et des formes. Je tamisais l’ambiance mentalement. J’y allais à la machette, Je taillais dans les formes, j’allais à l’essentiel. Rien que du basique. Pas d’outrance.
Pas de bibelots géants en forme de nains de jardins ou de porcelet. Pas de Mickael Jackson en forme de vide-poches ou d’atrappe-limaces. Stop aux jolis cœurs géants devant lesquels le touriste aime poser. Stop à l’amour de supermarché. Non, SVP, pas de bouées aux couleurs criardes et écœurantes fabriquées pour des enfants millairdaires… pas de babioles géantes créées par un type tristement plat et premier degré. Un VRP de l’art qui ne veut même plus aborder ses amours avec la Ciccolina… alors que finalement, sans ce coup de phare médiatique sur sa carrière il y a une dizaine d’années, on ne l’aurait jamais vu grimper aux rideaux de Versailles.
Quant à moi, verte que j’étais, il était temps de me fondre dans la pelouse et respirer un peu la chlorophylle des Jardins à la Française pour oublier !

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