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******************************* Anaïd is… Anaïd forever ******************************* Née à la Saint-Hubert patron des Chasseurs, élevée à l'acide, gouvernée par Mars et Pluton, habitée par le démon de l'écriture, rongée par la passion

dimanche 28 février 2010

Episode 87 / Art Orwellien

Samedi 30 janvier 2010

Je ne peux pas m’empêcher de penser à ça quand je passe Gare du Nord, quasi quotidiennement en ce moment.
Je ne peux même pas m’imaginer qu’on puisse prendre ça pour de la parano… mais plutôt pour de la lucidité ou de l’extra-lucidité dans un monde ultra-fliqué qui se veut over-sécurisé… Dans un monde où plus personne n’ose plus être choqué de voir des bandes de mecs en treillis, par grappes de trois au moins, la mitraillette en joug, disséminés ici et là dans le paysage quotidien.
Dans le RER, le train, le métro, les grandes gares et ailleurs.
Je me demande même à quel point on peut encore nous faire croire que l’on ne vit pas dans un monde en guerre.

Dans un monde ultra-surveillé, Orwellien, il n’est pas paranoïaque de croire que ce grand machin en plein milieu de la Gare du Nord n’est pas un dispositif de surveillance pur et dur qui essaie de se faire tant bien que mal passer pour une œuvre d’art. Lamentablement. Piètrement.

Et le pire, c’est que ce truc serait réellement une commande publique et que j’ai même rencontré son auteur il y a un an ou deux ou trois. Sinon j’aurais carrément pensé que l’auteur n’existe pas. Que l'auteur n'est autre que ce celèbre "ON" que l'ON aime tant accuser du pire. J'aurais pensé qu'il n'y pas d'auteur à cette chose. Que c’est une pure fabrication de la Brigade de Surveillance.
Pourtant, on m'a présenté l'artiste jadis. Je ne me souviens pas de son nom ni de son visage d’ailleurs mais je pourrais vérifier demain ou après demain.
Ça n'avait aucune espèce d'importance à l'époque. j'étais en Normandie, en bord de mer. En liberté. Dans un lieu peu surveillé par les brigades de surveillance et les mecs en treillis-mitraillette.

Mais maintenant que je côtoie si souvent cette fameuse œuvre d’art planté au cœur de la Gare du Nord, je ne peux m’empêcher d’être persuadée que soit son « œuvre », celle de cet artiste jadis rencontré, a été détournée à des fins de surveillance… soit elle a été conçue pour cela.
Que l’artiste en soit conscient ou non, qu’il soit dans le secret ou non n’a aucune importance !

Que penser de cet écran géant en plein centre de la Gare du Nord. Au grand carrefour de la Gare. A une place stratégique qui offre une vue imprenable sur toutes les arrivées et tous les départs des grandes lignes. TGV, Thalys et Eurostar compris. Une vision plongeante, panoramique et digitale.
De la haute technologie comme on peut en espérer dans nos années Orwelliennes.

Que penser de ce grand écran dans lequel je vérifie ma démarche, ma silhouette et ma tenue chaque fois que je passe à quelques mètres d’elle.
Elle enregistre mon image avec quelques minutes de retard avant de la restituer en noir et blanc, et en grand format.
Elle est là depuis déjà un certain temps déjà… un, deux ou trois ans.
Est-elle censée amuser ces gamins qui posent avec leurs chers parents qui viennent de réaliser que leur image est restituée avec quelques minutes de retard. Que leur quart d’heure de célébrité commence peut-être là.

Mais je regarde encore et encore cette œuvre hiératique, triste, frigorifique et tout simplement Orwellienne.

Si je faisais de l’espionnage en 2010, voilà ce que je ferai… je prendrai un inconnu, je lui dirai de jouer avec l’idée de la caméra de surveillance. Je lui demanderai de jouer à la rendre plus sexy, plus attrayante. Je lui dirai de jouer à la masquer, à l’habiller, à la déguiser…
Ou alors je ne dirai rien. Je choisirai soit un artiste dont la caméra en temps réel et ses jeux sont déjà au centre de son travail. Sans rien lui dire, je le laisserai faire.

Ou alors, je prendrai le temps de le mettre légèrement dans la confidence contre une somme d’argent confortable, une rente dont il profiterait à vie.

Mais je préfèrerai la première solution évidemment : elle coûte moins cher et elle est plus sûre.

Du coup, il faudrait voir ce qu’il se passe aussi dans les autres gares. Est-ce qu’il y a d’autres caméras géantes plantées au centre de la gare et qui passent pour une œuvre d’art. est-ce que d’autres dispositifs camouflés permettent d’enregistrer les passants en temps réel ?

Bizarrement, la première fois que cette pensée m’a traversée que l’art pouvait être un bon alibi de surveillance, c’était il y a un quelques années déjà. J’étais sur les Chanzel ou bien dans les jardins du Palais-Royal.
Idem, j’y avais vu même un peu plus tôt, des soldats bien jeunes et qui n’avaient pas l’air très fins, qui se baladaient comme des cowboys ou des gladiateurs avec leur arme en joug.
Je ne sais plus quand c’était exactement mais il y avait un problème de température. Soit il faisait affreusement chaud, soit il faisait inhumainement froid, en tout cas, on était dans les extremes.
Ouais, c’était un été quasi caniculaire où on rêve d’un courant d’air et d’être vêtu plus que légèrement.
J’étais en mouvement, enfiévrée et en sueurs, et sur un banc perché, sous le soleil zénithal, il y avait un de ces personnages qui se prennent pour des sculptures et qui cherchent une place au soleil tout en restant à l’ombre de leur costume.
Un costume qui les couvre de la tête au pied, comme une burqa. Celui-ci faisait partie de la série Egyptienne : un costume doré pharaonnique qu’on imagine taillé dans une matière qui ne laisse pas la peau respirer et un abruti qui se laisse mourir de chaud sous le soleil !
Des mecs qui, sous couvert de performance, cachés dans un déguisement posent sans bouger d’un poil des longues heures durant. Pour être plus crédibles encore, ils ont parfois une timbale dans lesquels on peut faire résonner une pièce et qui laisse supposer qu’il s’agit là d’une œuvre, d’une performance que l’on peut rétribuer si ça nous dit.
Mais l’intérêt artistique du truc en soi est franchement minimal. Par contre, le personnage nous observe sans être vu… et qui l’empêche d’avoir un micro relié à je-ne-sais-qui. Bref, ça ressemble bien à de l’espionnage.
A peine esthétisée, mais de l’espionnage quand même.
Du voyeurisme à ce niveau, ça me semble peu convaincant. Et le côté christique, la quête du divin, la méditation par ce genre de contrainte… dans un habit synthétique, sans bouger, sous un soleil de plomb, je n’y crois pas trop. Maso ? Bof !

Et puis parfois je me dis aussi qu’on vit déjà dans un monde over surveillé et que ce n’est sans doute pas la caméra géante braquée sur les passants de la Gare du Nord ou les petits pharaons aux allures inoffensives qui vont y changer grand chose. Mais quand même, je ne peux pas m’empêcher de penser que tout cela est aussi laid que louche et que je n’ai pas envie de boire ce petit lait à la louche.

mardi 23 février 2010

Episode 86 / « Trèfle… Je PIQUE ton CŒUR CARREAUlin ! »

Mercredi 27 janvier 2010

On croit que c’est un cliché. Un effet littéraire ou carrément filmique.
On n’imagine pas 30 secondes que ça puisse nous arriver surtout quand on n’a pas une peau dite « à problèmes »… et pourtant, paf ! C’est comme une loi mathématique. Une loi du genre qui ça se vérifie à chaque fois… ou presque.
Il suffit d’un RDV important pour qu’un indésirable se mette à vous pousser là où personne ne le loupera.

Là, sur l’aile gauche du nez, bien blotti et même encastré : LE spot !
Le rrrrépugnant spot qui a mis du temps à sortir de sa réserve et vous a même fait souffrir quelques jours plus tôt. Couleur crème et bien crèmeux au milieu. Bien rebondi. Entouré d’un bel arceau rouge carmin.
Bien dégueu… du moins, c’est comme ça que je le vis !

Evidemment, ça tombe en plein dans la semaine la plus importante de votre vie.

Avant-hier, encore, c’était moins grave… je n’étais qu’au téléphone avec l’objet/sujet de mes pensées.

Et hier, j’étais à Maubuisson, dans le Val d’Oise, dans une magnifique abbaye du 13è siècle. Pour l’expo d’Orlan, avec Orlan. Du coup, en matière d’excroissance, j’avais de la concurrence !
J’en oubliais la mienne et pourtant mon petit bouton en plein au milieu de ma tronche pouvait passer pour du fayotage !
Bah, ça aurait pu même être un collage acheté dans un magasin de farces et atrappes, juste pour le fun !
Mais non, je n’en suis pas là… et quand j’y pense, il faisait si froid hier à Maubuisson que je comptais sur les températures pour résorber ma petite horreur blotti dans le coin de mon nez.

Mais très vite, je me suis concentrée sur l’organe de la vision et j’ai cessé de penser à la vision que tous ceux que je croise pouvaient avoir de moi… Même si un très très très bon copain a cru bon de me dire qu’on ne voyait que ça, j’ai fait abstraction, je l’ai gommé de mes pensées pour me plonger toute entière dans l’étonnante expo perso d’Orlan. Un lieu magnifique, niché dans un coin perdu du Val d’Oise, dans un lieu jadis voué aux religieuses avant de se retrouver -pour notre grand plaisir- entre les mains des iconoclastes de l’art contemporain.

Etonnante expo car je ne m’attendais pas à y trouver une limousine gonflable ni d’autres symbôles d’un luxe tape-à-l’œil.
Je ne pensais pas non plus y trouver du foot par le biais d’écrans télé organisés en croix.
Ce n’est pas ce que l’on attend obligatoirement de quelqu’un qui a pris des risques chirurgicaux pour crier à la face du monde sa différence et revendiquer sa position de femme. Ce n’est pas ce à quoi l’on pense quand on sait qu’elle travaille sur les canons de beauté et les remet sans cesse en question, les repousse, les tiraille à travers des œuvres souvent dérangeantes !
Et pourtant, si plastiquement on ne s’attend pas à ça, la logique Orlanesque est là.
Derrière la Limousine, on a non seulement le mélange des genres, la mixité à travers un patchwork de différentes peaux qui est figuré sur le pare-brise arrière, mais on a surtout le cliché du mariage… Et par ce biais, on en arrive à la position actuelle de la femme en pleine régression par rapport aux années 70 et qui voit dans le mariage son salut.
Si ce n’est pas clair, il y a la projection qui va avec la Limo !

Et côté foot, c’est encore une autre pression sociale dans laquelle on est envahi par ce sport devenu une religion… On nous parle des « Dieux du stade », les voici à l’œuvre, au centre d’un autel improvisé, dans une mise-en-scène christique.
D’ailleurs, dans ce lieu sacré qu’est l’Abbaye de Maubuisson, toutes ces questions prennent un sens plus fort encore.
Pour continuer sur cette lancée, on a des sculptures dans l’une des plus belles et des plus chaleureuses salles. Des statuettes qui semblent mues par on ne sait quelle force centrifuge. On dirait des nonnes justement perdues voire noyées dans leurs magnifiques drapés. Clin d’œil au lieu evidemment et aux canons de beauté classique avec les drapés.

Par contre, un peu plus loin, on rencontre une sorte de cyber personnage qui ressemble énormément à Orlan. Dans un matériau luminescent, il réagit à la présence. Ce serait un hybride entre le corps-même de l’artiste et d’autres cultures. C’est presque un autoportrait, un symbôle de mixité qui fait un lien entre ces œuvres des années 90-2000 et celles d’aujourd’hui. Chirurgie esthétique, clones humains, photoshop et corps mutant… tout y est !

Et en parlant de mutant, je repense à mon spot, mon bouton, mon bourgeon, mon mini-pustule… même après avoir été enduit plus de 24 heures durant d‘une mixture boutonicide américaine hyper efficace, même dans ce froid, cette chienlit était bel et bien là hier. Bien vivant.

Et aujourd’hui ? Idem !

J’ai tenté de le maquiller, de le transformer en grain de beauté, de lui donner du panache, de le déguiser… échec encore !
Voilà qu’il me tient compagnie en plein marathon de RDV importants dans le froid polaire parisien de l’hiver le plus froid de ma vie.

J’en sens encore malheureusement le relief, alors que les températures et le mercure ont glissé dangereusement au dessous du zéro… on aura tout vu !

Etrangement, ma journée commence justement par le défilé d’un duo qui se fait appeler ainsi : « On aura tout vu ».
« Play your destiny » dit le carton d’invit’ surmonté des quatre figures des jeux de cartes.
Trèfle, cœur, pique, carreau… je pense à MC Solar : « … et Je PIQUE ton CŒUR CARREAUlin ! »
Je suis le conseil : « I play my destiny »… même aux aurores avec Marie-Laure qui me glisse le communiqué de presse et un jeu de cartes circulaires pour que je puisse faire tourner la roue à mon avantage dès que j’aurais un moment!
Apparemment, ce sont aussi les « On aura tout vu » qui s’occupent des accessoires chez Rochas… comme ce pompon très années 20 par exemple que je tiens en main.

Le défilé commence dans le magnifique cadre d’un hôtel particulier où j’ai l’habitude de voir des expos ou de faire des fêtes, ou tout simplement de voir le maître des lieux, Johan, propriétaire de la JTM Galerie qu’on aime qu’on aime.

Pas d’exposition avant samedi prochain. En attendant, place à l’art de la performance, place à la haute-sculpture sur modèle vivant très couture.

Bref, art et mode sont en fusion une fois de plus… pendant que s’enclenche la bande-son d’un certain DJ Manu qui nous laisse croire qu’on est entre les mains du sort ou peut-être autour d’une table de poker. A moins que l’on ne soit dans un jardin Carrollien où Alice ne tarderait pas à poursuivre un Lièvre de Mars ou un Poisson d’Avril.

Trèfle, cœur, pique, carreau de polystyrène font partie du décor. Trèfle, cœur, pique, carreau… tous les jeux sont permis et un magicien en chapeau claque se promène parmi nous pour nous proposer des tours.

Comme souvent, la nuée des photographes parqués dans un coin m’écœurent.
Je ne sais pas pourquoi, ils font pourtant leur boulot mais j’y vois surtout un essaim malsain de corbeaux mysogines penchés avec avidité sur des filles déjà bien décharnées. Des rapaces qui s’attaquent aux apparences, aux faux-semblants, aux paillettes. Des lourdauds qui y vont de leurs commentaires graisseux adressés aux mannequins.
Il faudrait leur couper le son.

Crépitements de flashs… la première silhouette approche et après s’être pris tous ces éclairs foudroyants dans la gueule, cette belle black longiligne légèrement vacillante et au bustier fait de cartes à jouer me tend une carte que je prends : Valet de trèfle ! C’est parfait ! Cette carte me va comme un gant !
Le valet est un messager qui me fait les yeux doux avec ses fructueuses. Juicy news : le trèfle représente l’argent, les richesses, le monde matériel.
Et comme mes finances ont largement souffert ces derniers temps, je suis ravie d’apprendre que ça va positivement changer. Make the balance right.

Finalement, j’adore ce mercredi plein de RDV importants, ça s’annonce bien… Strass, sequins, cristal Swarowski et autres matériaux précieux s’accompagnent de plumes, de dentelles, de drapés et de transparences dans une atmosphère festive.
Trèfle, cœur, carreau… pique et pique et colegram, la vie se joue comme une partie de poker. Il suffit de participer !

mercredi 17 février 2010

EPISODE 85 / De la neige en été

Vendredi 11 décembre 2009

Souple, élastique, tout terrain, unlimited… tel est le terrain artistique.
Il se glisse partout, file dans les interstices, fuit en pleine nature, se retrouve dans les paysages les plus sauvages, mais aussi dans les bordels sans nom, les boutiques de renom, les cabarets sinistrés ou les hôtels les plus raffinés. Everywhere, l’art est matière.

Et cette fois, me voilà à l’Opéra entraînée dans ses filets… ou plutôt au Théâtre des Champs-Elysées, Avenue Montaigne.
Dans un cadre qui me fait faire des courts-circuits temporels, me fait douter de l’époque à laquelle je me trouve, du siècle et même de l’année…
Normal, les failles temporelles vont de pair avec les failles météorologiques puisque ces derniers temps, on doute aussi des saisons.
A croire que les prédictions de Diabologum vont s’avérer vraies et à Paris comme ailleurs, au milieu du mois d’aôut, on aura zéro dégré et de la neige en été.
On aura beau draguer Mercure, rien à faire, il ne fera plus remonter ses températures… on sera scotché à l’ère polaire. Rien à faire.

Bref, la neige ne saurait tarder, et dans ce froid de canard, on se réfugie dans un foyer artistique brûlant : le théâtre des Champs-Elysées où je regoûte au récital « Picture Reframed » qui met en lien l’artiste Robin Rhode et un pianiste Norvégien internationalement acclamé, chef de file de sa génération, Leif Ove Andsness.
« Pictures Reframed » -soit littéralement les « images recadrées »- entame sa tournée à travers le monde depuis novembre 2009. Il a trouvé son point focal autour d’une œuvre du compositeur Modeste Moussorgski intitulé « Les Tableaux d’une exposition », une suite de 10 pièces pour piano datant de 1874.
Ecrit en hommage à Viktor Hartmann, ami et architecte de Moussorgski, « Les Tableaux d’une exposition » est la retranscription sonore d’une flânerie dans un musée. On déambule d’une aquarelle à un dessin, on entre dans les œuvres, on musarde. La musique semble générer des formes et induit naturellement le mouvement puis la contemplation. Le piano lui-même, ainsi que les dessins de Hartmann ont inspiré ce nouveau film de Robin Rhode. On suit à la trace cet illusionniste qu’il est: il joue savamment des apparitions et des disparitions dans une œuvre qui déjà nous marque de son empreinte indélébile.

Et si les artistes veulent marquer les consciences à la postérité… Robin Rhode a choisi la voie la moins simple pour cela : des performance et des œuvres à la craie qui s’étendent sur les sols, les murs et les plafonds et s’effacent au gré des intempéries. L’éphémère est sa poétique. Le corps et son inscription dans l’espace sont chaque fois au rendez-vous, y compris à travers ses dessins avec des insertions d’objets réels, ses photographies ou ses animations vidéos. Il n’y a pas si longtemps de cela, Rhode a placé un moulage de vélo en savon sur le toît d’une galerie Londonienne. Exposée à tous les vents dans un pays célèbre pour sa pluie, il y avait peu de chance pour que l’engin en ressorte indemne à l’issue des deux mois d’exposition.

Et cette fois aux Champs-Elysées, ce sont ses vidéos qui se mèlent à la musique.
Ça me ramène à juin dernier, à l’Espace Vuitton où on avait pu avoir un avant-goût du spectacle au Théâtre des Champs-Elysées, en comité plus réduit. Dans un cadre moins magistral, plus intimiste.
Un passage par le fameux ascenseur sensoriel d’Olafur Eliasson où dans le noir le plus profond, on purifie nos regards…
Et nous voilà déjà dans la cuisine, où Robin Rhode et le pianiste avec lequel il a collaboré sont photographiés avec d’étonnants appareils gros objectifs à rallonge.
Des trucs de paparazzis que je ne pensais pas trouver dans le cadre d’une performance artistique. A croire que GALA, Voici ou je ne sais quel colporteur de ragots racés, avec ou sans pedigree, est dans les parages.

J’en profite pour revoir l’expo « Ecritures Silencieuses »… et on s’installe enfin dans la rotonde de l’Espace Vuitton pour découvrir cette collaboration peu commune entre un musicien plutôt classique et un artiste hors-norme et ultra-contemporain originaire d’Afrique du Sud.

Et dans ce magnifique espace circulaire que l’on peut deviner depuis l’avenue des Champs-Elysées, autour d’un rutilant piano à queue, les places sont plus que limitées : c’est un moment privilégié que de suivre ce concert.
Pour la mise-en-abîme, l’une des dernières séquences de ce concert en images animées est poignante : on assiste impuissants à la noyade d’un piano à queue au fond de l’océan.
Crime ou suicide, à nous de voir.

Et parmi les pousse-au-crime, il y a bien ce spectateur transi, là, juste devant moi, en T.shirt jaune et espadrilles. Ce jaune précisément pourrait laisser croire qu’il est un des nombreux assistants de Gianni Motti à travers le monde… mais non, même pas. C’est juste Frédéric Beigbeder… « L’égoïste romantique » qu’on aime bien faire semblant de ne pas aimer tous les jours.
Que fait-il là ? Aucune idée.
Son menton ne rejoint plus son nez depuis qu’il a eu la fabuleuse idée de le duveter discrètement. Et cette fine couche pileuse fait ressortir le vert de ses yeux verts. Et j’essaie de me rappeler si c’est bien lui qui est connu pour avoir trouvé le fabuleux slogan Wonderbra : « Regardez-moi dans les yeux… j’ai dit les yeux ! ». La formule pourrait s’appliquer à lui aussi.

Je ne sais pas ce qu’il fait là, mais après tout, pourquoi pas…
Et après l’intervention de Robin Rhode, il prend même soin de prendre la parole pour lui dire qu’il est génial et qu’en tant qu’artiste de talent, il n’a même pas à expliquer son projet… que son œuvre se passe d’explications. Je ne l’imaginais pas « premier de la classe à ce point » ! Quel adorable fayot !

A tel point que je me pose des questions… S’intéresse-t-il à l’art contemporain ? Dans ce cas, jusque-là, il a été plus que discret sur la question.

Il y a des moments où je me demande à quel point la société se fabrique autour du mensonge.
Moi qui ne ment jamais, pendant une seconde et demi, je me demande si on ne l’a pas payé pour son apparition ici-même… et puis je me dis que ce serait tout de même assez ridicule.
Il a joué le fan de base en t.shirt jaune et ça avait quelque chose de finalement touchant.
Mais était-ce sincère ?
Et puis, j’entends souvent dire que certains pipoles sont payés pour apparaître dans des soirées, des évènements… mais là, franchement, je ne pense pas que Vuitton ait besoin de ça pour se faire mousser, ni qu’ils auraient choisi Beigbeder pour cela.
Non, non, non, non… il est là de son propre chef sûrement et qui sait si ce n’est pas pour en parler dans une de ces autofictions à venir.
Ce serait ma version romantique de la chose… mais qu’en serait-ils de sa version égoïste à lui ?

Oui, bon, on s’en fout. Ça me fait plutôt plaisir de le voir à une telle manifestation mais honnêtement, ce T.shirt jaune au premier rang : ça me gratte l’œil, me fragilise l’iris, me donne presque une conjonctivite… il aurait pu éviter. C’est la couleur des faux-culs et des poussins qui ont peur de se perdre.

Et dans le genre volaille qui se serait perdue, j’ai un beau spécimen sur ma droite. Est-ce que ce sont les pies qui s’attribuent tout ce qui brille et luit ? Elle est parée cette bimbo latino ! Je pense que cette poule-là faisait ses courses avenue Montaigne, elle a levé le bec, a vu de la lumière dans la Rotonde de l’ami Vuitton et elle s’est dit qu’elle monterait bien quelques minutes s’installer dans cette volière douillette.
Depuis, sa seule présence donne des impressions de basse-cour à cette assemblée.
C’est la « pouffe maximum ». Vulgaire et racoleuse à souhait. Refaite, surfaite, contrefaite, clonée, décolorée, livrée en kit.
Est-ce que Massimo Gargia est lui aussi dans le coin ?
On dirait un sapin de Noël, elle a tout l’attirail. Les plate-formes shoes avec des liens en corde avec le talon imitation bois et surmontées de roses noires sur le dessus. Le mini micro short noir. Le bracelet à cadenas. Les boucles d’oreille. Elle n’a rien oublié. Pas même le bronzage et le sac Vuitton qu’elle balade comme un caniche. Vernis rouge, sequins, paillettes. Elle est baroque…

Mais pas aussi baroque que le Théâtre des Champs-Elysées qui accueille ce récital hautement contemporain en grand format quelques mois plus tard… Cette fois, la bimbo latino et le Beigbeder jaune ne sont pas là. Entre-temps, ont-ils pris froid ?
Et d’ailleurs, est-on en juin ou en décembre. Je jurerai qu’il neige cet été.

dimanche 7 février 2010

Episode 84 - LA BOHEME

Jeudi 19 Novembre 2009

Sortie de l’Opéra, même 20 minutes plus tard, les applaudissements continuent à crépiter en s’amplifiant dans ma tête. Ça en devient physique. C’est même une sensation thermique. C’est étrange comme ces liesses communes, même quand on ne s’y attend pas, peuvent faire remonter les émotions à la surface.
On ne sait pas pourquoi, on éprouve une sorte d’allégresse, on se demande même pourquoi ça embue légèrement les yeux ou pourquoi ça coince un peu au fond de la gorge. C’est normal : ceux qui ne ressentent jamais ces sensations ne sont tout simplement pas humains ! Ce sont des répliquants!
Sur l’invitation expresse de Philippe, ma soirée s’est improvisée à l’Opéra Bastille.
Toujours partante pour de nouvelles aventures, je me suis retrouvée à une représentation de « La Bohème » de Puccini… dont je ne savais rien!
A part que Puccini, c’est italien donc forcément très vivant, voire bon vivant et pourquoi pas exubérant !
OK ! Par contre, un titre comme « La Bohème » ne pouvait que tempérer les choses… et « contempler » la Bohème installée dans mon siège alors que je la vis chaque jour aurait pu m’effrayer… Mais au contraire, ce drame à l’italienne si lyrique a quelque chose de volontairement caricatural qui m’a exalté.
Tant d’éxagération dans le tragique mène à l’exaltation. Exacerber à ce point les sentiments nous en libère.

C’est un opéra en quatre tableaux qui date de 1896 et qui m’a ramené à quelque chose qui n’a pas beaucoup changé depuis le XIXè : de brillants artistes désargentés dans le Paris du début du XIXè. Est-ce que XXIe siècle a quelque chose du XIXè ? En tout cas, j’ai quand même des impressions de déjà-vu et même de déjà-vécu.

Et dans le genre mélo à vous fendre le cœur tout y est : 4 artistes qui vivent en coloc dans une mansarde sans confort.
Ils ne gagnent pas un sou vaillant… et surtout, ils se les pèlent grave en plein hiver, avec une unique chaudière un peu pourrave ! L’hiver est rude. La neige a envahi Paris. On se croirait en janvier 2010. On nous dit qu’on est plutôt en décembre 1830.

Et l’amour dans tout ça ?
L’un des personnages se consume d’amour pour une riche héritière capricieuse qui l‘éconduit une fois sur deux… alors que l’autre, Marcello, se désespère dans la plus grande solitude quand, par le plus grand des hasards, une certaine Mimi vient frapper à sa porte un soir.
La romance démarre au quart de tour, sur une histoire de clé perdu et bientôt retrouvé… bien sûr ! Clin d’œil psychanalytique.
Mais Mimi est tuberculeuse au 28è degré… et leur amour en est d’autant plus compliqué qu’ils ont peur de se perdre… Marcello, n’y tenant plus préfère se barrer… etc, etc. Etc, etc.

J’avais jamais vu des décors si travaillés… de la mansarde aux rues de Paris, ils avaient mis le paquet. C’en est toujours louche à mes yeux, quand la forme veut rivaliser avec le fond, c’est qu’on nous cache la simplicité du fond…
La musique, franchement vive et entraînante, donnait heureusement un ton léger à toutes ces scènes à haute teneur dramatique qui moi, m’éloignaient des choses plutôt que de m’y plonger.

Bref, j’ai passé un bon moment mais étrangement, j’en sors avec le sourire… malgré le drame. A l’italienne !

mardi 2 février 2010

EPISODE 83 - HONNÊTEMENT VOLÉ

Dimanche 15 novembre 2009

Réveil à Vassivière. Enchanteur et serein. Face au lac et ses couleurs pastel qui vont du bleu du ciel au gris clair, en passant par la couleur sable du sable. Je veux bien écrire des romans dans cet hotel au bord du lac. C’est tout ce dont j’ai besoin pour me ressourcer.

A midi, retour au centre, toujours face au Lac, mais de l’autre côté, sur une autre rive. C’est la conférence de Serge Spitzer, l ‘artiste aux 100 000 balles… de tennis qui méritait tout de même que je m’intéresse un peu plus à son œuvre. Le texte qui accompagne l’expo nous dit que cet artiste d’origine Roumaine est considéré comme l’un des artistes les plus importants de sa génération. Ah oui ? Il a participé à la révolution artistique de la fin des années 60… mais comment se fait-il qu’il ait à ce point échappé à ma curiosité illimitée?
Nilgün est déjà là et je reconnais bien là une certaine éducation : avant que la conférence ne démarre, elle prépare le thé et a apporté des lokoums aux noix qu’elle sert à tous les gens présents. Impossible de résister à l’appel de ces succulents lokoums…
Et d’ailleurs, la conf démarre sur leur relation d’artiste à curator qui date de 15 ans. Elle l’avait invité sur un projet dans les années 90 : sans doute durant la Biennale d’Istanbul en 95 d’ailleurs… et elle l’a récemment réinvité pour un projet in situ et assez magique… car finalement, il en dit long sur la relation que la Turquie a avec son patrimoine architecturale qui est pourtant de si haute qualité… si on ne laissait pas de magnifiques édifices religieux aller à la ruine et s’effeuiller au fil du temps sous prétexte qu’ils ne sont pas des mosquées ou tout simplement par pure ignorance !
C’est ainsi que Serge nous a raconté avec beaucoup d’humour comment Nilgün l’avait invité à investir une magnifique synagogue située dans un quartier plus que pauvre et dont la construction pouvait se situer entre 350 ou 500 de notre ère. Une partie de l’histoire de notre civilisation est dans ces murs et pourtant, cet edifice désaffecté qui devrait être classé patrimoine historique par l’ONU est purement est simplement morcellé. Loué par parcelles, on y trouve là un billard, ici une fabrique de caoutchouc, là une fonderie d’aluminium…
Et Spitzer est justement en pelin dans ces questions de morcellement, la fragmentation et donc, pour aller plus loin dans l’analyse, j’imagine d’identité, et de territoire dans son travail.
Il lui redonne toute sa noblesse par un simple geste qui nous rappelle celui du Parc de Vassivière. Plutôt que de balles de tennis, il tapisse tout le sol de milliers et de milliers de billes de verre qui lui redonne un peu de son aura mystique et la font scintiller de mille feux.
In situ. Espace public. Exploration de l’espace. Ses œuvres mettent finalement en valeur les espaces qu’il investit… tout en modifiant notre expérience. Notre manière de les arpenter nous donnent une autre vision de l’espace. On redécouvre les lieux.
C’est un peu ce qu’il se passe avec l’œuvre qu’il a installé dans le bois des Sculptures de Vassivière, sur le plateau de Millevaches… Millevaches ou un deleuzien « Mille plateaux » d’ailleurs ? Qui sait ! quoiqu’il en soit, d’un coup, je reconsidère cette œuvre intitulée « Nature Morte/ Still Life ».
Et l’envie de repartir avec une balle me traverse… mais c’est trop tard ! Je dois partir, avant même la fin de la conférence… parce que j’ai choisi de prendre un train plus tôt pour regagner Paris et ne pas louper Philippe Katerine au Centre Pompidou. Il donne un tout petit concert gratuit et spécial arty dans le cadre du Nouveau Festival à 19h ! Pour rien au monde je ne voudrais louper ça et j’ai très peur que la salle prévue à cet effet ne soit prise d’ assaut… elle n’est pas d’une énorme capacité.
Bref, je dois partir, je dois m’en aller… et je n’ai même plus le temps de filer dans le bois des sculptures voler honnêtement une balle… pour participer au bel esprit de cette œuvre dont je ressens la réelle générosité. La mort dans l’âme, je file dans les bureaux chercher mes affaires… et là, deux balles trônent sur un bureau et me font les yeux douc. Comment résister ? Je sais qu’on me pardonnera ce geste : je ne fais que voler un voleur en fait… et puis c’est un larcin permis que la personne qui occupe ce bureau pourra ratrapper en allant rechercher une balle, tranquillement, à deux pas de son bureau… alors, je m’en empare sans rougir et je quitte Vassivière en espérant bien vite retrouver ces couleurs, ses bois, son lac et sa sérénité!

XXXX

Chaud-froid. Douche écossaise.
Est-ce que je passe d’un extrème à l’autre ?
Après avoir baigné dans la quiétude de Vassivière, me voilà dans l’excitation d’un concert Parisien à Beaubourg. C’est l’émeute dès l’entrée, dans la file d’attente. Et puis Philippe Katerine finit par apparaître sur cette scène conçue par Xavier Boussiron entre autres et dont la vocation est sa proximité avec le public…
On a l’impression d’être avec des potes qui improvisent un spectacle dans un mini-cabaret… et Katerine débarque en queue-de-pie et nœud pap’… bref, dans son costume d’adepte du décalage et de la dérision. Il s’installe et ses chaussettes nous mettent au parfum… Est-ce ACDC ou JCDC qu’il faut lire. Je parie pour Jean-Charles de Castelbajac qui s’est inspiré du logo du groupe des 80’s avec son petit éclair… mais je rêve qu’elles datent d’il y a longtemps et qu’elles soient de réels produits dérivés des 80’s à l’effigie du groupe… ACDC ! Des chaussettes vintage !
Comme toutes ces chansons qui sont logées dans notre mémoire collective et que Katerine a décidé de réveiller. On commence en douceur avec la berceuse de Henri Salvador, « une chanson douce »… puis très vite, il nous entraîne dans ce qui ressemble à un one-man-show musical. Ses blagues et commentaires introduisent les morceaux… dont il s’est tant approprié qu’il les fait siennes. Ça devient une matière qu’il forme et déforme à l’envie, mâche comme un chewing-gum, suce comme un bonbon ou fume comme un petit juin.
Du coup, « Capri, c’est fini » de Villard n’a pas grand chose de mièvrement romantique, on a plutôt le sentiment de faire un voyage dans le temps et d’être monté sur le cheval de bois d’un manège désaccordé. Et il brode ses propres histoires par-dessus les morceaux. Ce sont des reprises libérées, décomplexées, pulsionnelles, comme on rêverait tous d’en faire mais qui demande une maîtrise qui n’est pas donné à tous… evidemment.
Alors que le « C’est la ouate » de Caroline Loeb me renvoie à une ambiance cotonneuse et que j’ai des visions de petit lapin blanc… d’un coup, je réalise ! Je sais à qui me fait désormais penser Katerine avec ses rouflaquettes et calvitie, son queue-de-pie, son nœud pap’ et son sourire dingue… Merde ! Il est déguisé en l’un des idoles de notre jeunesse, il rend hommage à Feu Garcimore, notre magicien du mercredi qui faisait apparaître et disparaître un tas de trucs sur les plateaux télé, avec son haut-de-forme et sa baguette… dont des lapins blancs, évidemment !
Et quand il entonne « Partir un jour » des « 2B3 », je ne peux pas m’empêcher de penser qu’on est dans les pages de son inconscient et que peut-être il nous livre une partie de son mal-être du moment. Un côté dépressif ? Peut-être , en tout cas si bien employé et détourné qu’il ne devrait pas rester trop longtemps aussi désabusé qu’il a l’air.
On passe des « 2B3 » à Maurice Chevallier sans problème et il a de plus en plus l’air d’un petit garçon prêt à faire des conneries pour attirer l’attention de sa maman. C’est fou mais c’est une sorte de comédien qui se dégage de tout ce show… et j’adore cette histoire de vicomte qui rencontre un autre vicomte… et qu’est-ce qu’ils se racontent ? des histoires de vicomte ! ça donne envie de replonger dans ce répertoire que je connais mal, voire très peu finalement !
C’est plein d’énergie, d’entrain de jeux de mots… à se demander si on ne va pas très vite le redécouvrir et le réhabiliter dans nos années 10 ! Car la plupart des gens sont frappés d’amnésie mais le recyclage va bon train… et finalement, on n’a pas encore tapé dans Maurice Chevallier.
Par contre, ça fait 10 ans au moins que je n’ose plus dire que j’ai été élevée au biberon de Gainsbourg, que je recopiais toutes les paroles de ses chansons à partir de 14 ou 15 ans, que je connais depuis toujours toutes les paroles de ses chansons et que je les bois et les rebois… mais désormais en cachette. Pourquoi ? Parce que c’est devenu d’un commun d’aimer Gainsbourg que ça vous met au même niveau que n’importe quel mouton qui se met à écouter du Gainsbourg parce que c’est tendance et que d’autres ont jugé ça de première ordre.
Moi, je préférais l’aimer et l’écouter haut et fort quand tout le monde disait que c’était un gros dégueulasse, j’avais du coup l’impression que son génie m’appartenait à moi seule qui avait su le déceler et l’écouter à tous les degrés.

Et pour en revenir à Katerine, lui aussi a du génie… même quand il fait des reprises finalement. Il s’empare des morceaux, en fait autre chose… et le ridicule ne tue pas quand on a du génie. Du coup, il peut aussi se permettre de jouer avec cet horrible morceau « A la queue leu leu », enchaîner sur Peter et Sloane que je détestais, ou le « Coup de folie » d’un Thierry Pastor oublié… « confidence pour confidence » de Jean Schulteiss est un vrai plaisir à jouer, je m’y suis déjà amusée. Et avec le premier tube de Mylène Farmer : « 1. Maman a tort. 2, c’est beau l’amour… », on retombe tous en enfance ! Est-ce que tout le top 50 des eighties et aussi les gold des seventies va y passer ? Même Carlos, bordel ! et ça passe très bien !
On a vraiment l’impression que rien ne l’arrête que ça pourra encore durer des heures… Non-stop music. Essaie-t-il de nous écœurer ? Est-ce qu’il est en transe et ne veut plus en finir ? Est-il détraqué comme un vieux juke-box ?
Le « J’veux pas rentrer, j’veux pas rentrer chez moi… , j’veux pas rentrer chez moi seule » donne d’ailleurs un peu le ton. C’est comme un encouragement au délire ! Ne plus en finir.

En tout cas, en sortant de là… je suis pleine d’énergie et d’enthousiasme ! Du coup, j’enchaîne sur « L’Enfer » de Clouzot au MK2 Beaubourg. Psyké et obsessionnel, « La Prisonnière » est un de mes films préférés. Tourné en partie à la galerie Denise René dans les années 60, c’est un bijou de l’Op Art. une manière de filmer picturale et totalement libérée qui n’a malheureusement pas fait école au cinéma. Et là, ils ont retrouvé de vieilles bandes. Les fragments d’un film inachevé, d’un tournage qui est parti à veau-l’eau, qui a complètement foiré… un film inachevé et recomposé des années plus tard. Le rôle principal est étonamment tenue par Romy Schneider !
C’est un bijou chromatique, technique, psychanalytique… un truc totalement à part dont on regrette que Clouzot n’ait pu finir. On a le sentiment que les sensations sont retranscrites épidermiquement par la caméra. Un vrai bonheur pour les yeux. Un délire obessionnel qui raconte la jalousie de l’intérieur, nous la fait ressentir comme un puits sans fonds dans lequel on a peur de ne pas s’engager mais dans lequel on peut se laisser tout de même sombrer. Comme le sommeil dans lequel je ne vais pas tarder à plonger avec délice.

Episode 82 - A Forest

Samedi 14 novembre 2009

Suites d’arbres et de lacs avant d’arriver à Vassivière. De la chlorophylle à n’en plus finir. Mon Ipod est en mode aléatoire et se met lui aussi au parfum. A croire qu’il a capté l’atmosphère. Au creu de mon oreille, Robert Smith me sussure des mots de circonstance…
« A Forest » m’accompagne dans mon plongeon verdoyant.

« I hear your voice
Calling my name
The sound is deep
In the dark
I hear a voice
And start to run
Into the trees »

« Suddenly I stop
But I know it’s too late
I’m lost in the forest
All alone
It’s always the same
I’m running towards nothing
Again and again and again and… »

C’est un morceau qui fait partie de « Seventeen seconds »… on a bien mis 17 minutes à traverser cette atmosphère boisée pour arriver sur cette île imprenable, Vassivière, où un centre d’art a poussé à la fin des années 80 (1989) dans un paysage onirique, près d’un lac artificiel, à deux pas d’un château du XVIIème siècle ayant appartenu aux Vassivière… une famille à laquelle on peut rendre hommage.

A peine arrivés, on chausse des bottes en caoutchouc si on a de la chance d’en dégotter une paire et même si on n’en a pas… on fonce quand même droit dans les arbres et dans l’herbe mouillée.
Peu importe l’humidité de l’air… on s’oxygène !
Fraîcheur intégrale. SPA naturel. Je sens que mon épiderme se régénère, que mon teint s’éclaircit, que mon humeur se fluidifie.
On marche on marche on marche… sur les pas d’un artiste. On le suit en file indienne. Notre petite colonie défile sagement entre les arbres jusqu’au bord du lac où finalement on s’arrête.
On lève le nez en l’air, et entre le ciel et les branches les plus hautes d’un chêne nous apparaît une plaque de marbre. Massivement minérale. Imposante. Réfugiée là, tout en haut de cet arbre dont le tronc forme un V, une œuvre rectangle qui doit peser un certain poids.
Comment a-t-elle pu arriver là ? Elle tient entre deux branches, comme une cigarette tiendrait entre l’index et le majeur et on imagine que si ça ne chute pas, alors l’œuvre évoluera avec la nature, entourée par les branches, elle finira peut-être par s’encastrer naturellement dans l’artbre. C’est une forme de Land Art !
Une œuvre d’Oscar Tuazon : « traveller ? Néo techno… bio… géologue… arte Povera… Richard Serra… » sont les premiers mots qui me viennent en cascade en le voyant, là au cœur de ce parc, près de son œuvre. Tatoué, le cheveu long… le regard blue jean’s ou bleu de prusse… pas de sourire.
C’est l’ancien assistant de Vito Acconci. Entre autres.
Parisien d’adoption… charismatique et étonnant avec sa chemise de bûcheron, au milieu des bois, son sweat, son jean, sa casquette… tout droit sorti d’un Larry Clark ! US, Californien sans aucun doute…

Après s’être recueilli sur son œuvre en plein air, retour en file indienne, comme une procession, vers le centre d’art. Dans un lieu à l’abri du vent.

Dans la nef… ça sent le ciment frais, et d’un coup, le titre de l’exposition d’Oscar -« Plie-le jusqu’à ce qu’il casse »- prend tout son sens !
Son premier dispositif ressemble à une architecture non achevée… et aussi majestueuse que de bric et de broc, l’œuvre nous donne le sentiment qu’elle pourrait à tout moment céder.
Une apparente fragilité dans ce ciment qui a l’air de ne pas avoir assez séché, qui se fissure par blocs par endroits… on est dans cette tension, cette angoisse que cette immense construction de ciment de plusieurs tonnes pourrait céder à tout moment.
L’artiste l’a voulu ainsi. Tout est calculé au millimètre près pour ne pas céder évidemment, mais pour nous mettre dans ce malaise, nous situer dans cet entre-deux spacial.
De la résistance pour des matériaux bruts, de la majesté pour des sculptures monumentales réalisées à partir de presque rien, des matériaux brut…
Cest une sorte de Richard Serra, un Américain qui ferait donc de l’Arte Povera à l’Americaine… un traveller chic. Un bûcheron dandysé.

La dernière salle qu’il occupe a même quelque chose de christique. Elle aspire au silence avec des œuvres qui forment des croix, nous entourent, nous invitent à l’introspection car nous mettent en phase léthargique sans pour autant nous ennuyer.

A contre-courant de Warhol, j’invente « le quart d’heure d’introspection » et je le revendique même. Tous les artistes devraient songer à une salle introspective où le visiteur est relié au divin, entraîné dans une bulle de silence et de calme.
Ça nous rappelle que l’art à de toute façon à voir avec le sacré même si on s’active parfois à l’oublier.

Imprégnée d’energie, je repars.
On ne tient pas longtemps en place dans l’architecture en enfilade et en escalier de vassivière. On ressort, et d’ailleurs, il y a tant d’œuvres en extérieur.
Cette fois on se rend sur un terrain, dans un autre coin de l’ïle. Toujours sur ce qui s’appelle le « plateau de Millevaches » !
Là, on découvre une installation qui se confond avec l’espace. Pas de caches mais des dizaines de milliers de balles de tennis disséminés dans l’herbe. Vertes sur l’herbe verte. Discrètes mais bien présentes. Elles jouent sur l’absence/présence. J’entends une histoire comme quoi elles ont été imprimées d’un dessin très spéciale à l’encre indélébile.
Puis ellles ont été alignées d’une manière très spéciale. C’est mathématique. Scrupuleusement logique.
Et ce sont bel et bien des hommes qui ont disposé là ces balles de tennis plusieurs journées durant. Selon les plans de l’artiste, Serge Spitzer. C’est à se damner. A-t-il voulu les rendre fous ? Non, on m’assure que ce n’est pas une pièce sadique, c’est même vraiment généreux… volontairement et délibérément et généreux. D’ailleurs, on nous souffle qu’on peut bien évidemment avoir envie de « voler honnêtement » une balle… et que c’est même un geste qui fait partie de la pièce. Comme un Gonzalez-Torres en quelques sorte. Mais évidemment, c’est aussi une reponsabilité en soi : laisser l’œuvre se fondre dans la nature, se disperser, s’autodétruire, se laisser aller aux intempéries, en emporter avec soi un fragment… quitte à ce que son dessein d’origine ne soit plus visible.
Encore faut-il avoir envie d’emporter un fragment de l’œuvre avec soi. Et que voudrait dire cette balle à elle seule ? Bof, je ne suis pas partante. Je n’ai aucune raison valable.
Et puis là, sur le coup, sous la pluie, je ne suis pas convaincue… je me casse sans même avoir envie d’en apprendre plus sur cette install et la carri ère de l’artiste. Et puis j’ai froid.

Sur le chemin, je croise une femme brune au sourire si familier que j’ai presque le sentiment d’être en présence d’une apparition. J’ai le sentiment de la connaître, elle pourrait être de ma famille… et bizarrement, j’ai envie de lui demander si elle est réelle tant elle me fait un effet étrange.

Mais je me retiens. Et cette phrase m’occupe sur tout le chemin, comme une ritournelle à inventer sur place : « Are you real ? Are you real ? Real ? », je laisse les mots résonner en moi.

Ils m’accompagnent jusqu’au centre. Jusqu’au Phare dont j’emprunte l’escalier hélicoïdal pour monter tout là- haut là-haut. C’est là que Cyprien Gaillard il y a quelques années avait tiré son feu d’artifice, en intérieur, que l’on suivait en extérieur et en pleine nuit. C’était un 14 juillet, impossible de ne pas le noter !!!

Cette fois, c’est surtout l’occasion d’admirer dans le calme et au grand jour la vue sur l’Ile, à l’abri de tout, perché dans les hauteurs avec Fred. Vue magique sur l’Ile. Envie de plonger dans la clarté du lac, mais juste mentalement. D’ici, on peut voir, non pas les poissons du lac mais certaines œuvres et surtout « La Licorne Eiffel » de Yona Friedman. On ne peut comprendre que d’ici ce que l’artiste a tracé dans l’herbe du Plateau.
D’en bas, c’est sans grand intérêt, juste assez enigmatique pour que l’on ait envie de découvrir la clé de l’œuvre en grimpant en haut du Phare.
Il y a donc une double lecture et la version terrestre ne vaut pas la version aérienne. C’est la même raison qui fait que j’adore les décollages et que je prend les hublots des avions pour des écrans de cinéma !
Là, en haut, on peut enfin apprécier ce dessin blanc tracé sur plus de 300 mètres et qui est censé être éphémère mais qui persiste parfaitement et résiste aux intempéries. C’est une licorne à tête de femme qui tient dans sa main le centre d’art… tout simplement. Histoire de nous remettre à nos places de petits humains qui ne sommes pas grand chose entre les mains du Divin et dans une perspective mythologique.
Gustave Eiffel était-il limousin ? J’en sais rien mais je ne crois pas.
En tout cas, elle s’appelle « Licorne Eiffel » parce qu’elle a l’envergure de la fameuse Tour, bien sûr ! Un hommage !

Mais les températures ont tellement chuté que, même là et malgré ce superbe panorama, on ne résiste pas trop longtemps à l’appel du chaudron.

Je retourne au sec, prendre une tasse de thé chaud dans la cafète, à l’autre bout du centre, où je suis justement bientôt rejoint par la fameuse femme brune au sourire persistant.
La litanie « Are you real ? » m’avait quitté, voilà qu’elle me revient !
Elle est accompagnée par l’artiste, le fameux Serge, l’homme aux milliers de dizaines de balles… « 20 000 balles de tennis disséminées dans l’herbe » me dit-on. Une géographie.
Entre deux gorgées brûlantes de thé, j’observe la brune-au-large-sourire qui a l’air d’être une proche de l’artiste.

Quand finalement son téléphone sonne… j’écoute sans écouter… j’écoute comme on écouterait une mélodie… et là, c’est moi qui suis sonnée ! Je connais cette mélodie. J’écoute alors les paroles… j’écoute plus précisément. Nooooon ?
J’aurais dû m’en douter. Je suis la seule dans cette salle à comprendre ce qu’elle raconte… et je ne peux pas m’empêcher de me marrer car elle pense que personne n’entend rien au Turc ici au find fond d’une Ile, à Vassivière dans le Limousin ! Mais mes coups d’œil insistants et mes sourires complices la mettent très vite au fait ! Elle a compris que je comprenais et elle en parle maintenant avec son interlocuteur ! C’est si drôle ! C’est une sensation agréablement humaine.
Et voilà comment l’art, même sur le Plateau de Millevaches, peut joliement réunir une Arménienne et une Turque.
Quant à moi je me trouve très bien entraînée. Visuellement du moins, je repère les Arméniens et les Turcs sans forcer, à un je-ne-sais quoi. C’est au-delà de la musique des langues. C’est autant physique qu’une manière de se comporter. C’est aussi un truc que je ne m’explique pas comme un troisième œil ou un 6ème ou 7ème sens.
Et cette femme m’a tout de suite intriguée. Brune aux grands yeux et au sourire chaleureux. Sans oublier le nez.
Mais aurais-je deviné que quelques heures plus tard, je me mettrai à lui parler dans une sorte de langue agglomérée de turc, d’anglais et même d’arménien et puis de Français. C’est très étrange. Je suis comme court-circuitée. L’Arménien et le Turc sont des langues intimes pour moi. Des langues parlées à la maison, en famille exclusivement dans un premier temps.
D’ailleurs, si j’ai entendu parler le turc toute ma vie chez moi, on s’est toujours adressé à moi en Arménien. Il n’y qu’avec ma grand-mère paternelle que je parlais le Turc puisqu’elle ne parlait pas d’autres langues… en dehors de ça, c’est comme si je n’étais pas autorisée à parler la langue de nos ennemis ancestraux.

Quoiqu’il en soit, Nilgün, puisque c’est son nom est un personnage étonnant, au bout de 3 minutes, voilà déjà qu’elle me chante un bout de chanson Arménienne que je connais de l’enfance… et qui dit sur un mode enfantin que dans ce monde, tout et absolument tout n’est que mensonge et illusion. C’est assez vrai d’ailleurs. Mais elle continue en faisant un jeu de mots entre le froid et le mensonge, deux mots proches.
Une femme étonnante donc, Nilgün Mirze… son prénom signifie très poétiquement « le Jour du Nil ». Nilgün avait dans l’enfance une voisine arménienne avec laquelle elle s’entendtait très bien et qui lui a appris des tas de choses. Des mots et des chansons, sans oublier la dégustation de petites spécialités culinaires à base de fruits secs et de miel.
C’est émouvant cette scène. Ça donne de l’espoir, sur fond d’art.
Car evidemment, elle n’est pas là par hasard. C’est une proche de Serge car elle l’a exposé à Istanbul
On a du mal à se quitter, on continue à papoter, à boire du thé, évoquer des desserts armeniens, parler d’art, d’Arménie, de Turquie… pendant que le Soleil se couche et qu’un mouvement vers le manoir, à quelques pas de là, s’opère. C’est là que nous dînerons.

Je me souviens du 03 novembre 2000, j’étais déjà là, dans ce manoir pour le dîner de vernissage de Fabrice Hyber. On venait de sillonner la ville en voiture, pour un rallye, en quête d’un trésor… que mon équipe n’a pas rapporté. C‘était un été indien, la meilleure saison pour visiter le Limousin.

Par contre, je suis loin de Nilgün, elle est en compagnie d’Oscar Tuazzon, un peu plus loin et je me retrouve avec une série d’inconnus à table. Mais les discussions démarrent très vite.
Et à commencer par Xavier Fabre qui très vite nous raconte l’histoire de l’édifice construit en 1989 et dans lequel se trouve le centre d’art. Une architecture qui suit le relief et est donc étagée. Xavier est, avec Aldo Rossi, l’un des deux architectes du centre d’art .
Quant à Emmanuel, à ma droite, il m’apprend que les propriétaires du Château dans lequel on se trouve actuellement, les Vassivière, ont été dépossédés de leur noble château… et le nom du centre d’art et du château est plus qu’un hommage, une trace de leur passage. Une histoire triste. Un plateau où les différentes époques entament un dialogue à travers l’architecture… et notamment dans ce château dont la partie principale date du XVIIè, mais les ailes du XIXè et la tour du XXé. Un mix réussi mais c’est la partie centrale avec sa grande cheminée chaleureuse que je préfère.
C’est d’ailleurs à cet endroit précis qu’Oscar recevra des mains de Chiara, la directrice du centre, un suprenant cadeau : une tronçonneuse.
C’est pas le genre de truc qu’on offrirait d’emblée à un artiste, même s’il a des allures de bûcheron… mais là, apparemment, c’est franchement mérité.
Il paraît que l’usage de cet instrument à fait l’objet d’une blague pendant toute l’installation. Pourquoi ? Parce qu’Oscar adore en « jouer » toute la journée durant, c’est comme une seconde nature chez lui… c’est son outil de travail de prédilection, mais aussi quelque chose qui s’approcherait de l’instrument de musique tant il en a joué et rejoué, comme un jouet, toute l’installation durant !
Entre la cheminée, la chemise à carreaux, la tronçonneuse et tout le reste… On a eu de quoi finir sur une amusante série photo !