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******************************* Anaïd is… Anaïd forever ******************************* Née à la Saint-Hubert patron des Chasseurs, élevée à l'acide, gouvernée par Mars et Pluton, habitée par le démon de l'écriture, rongée par la passion

dimanche 28 février 2010

Episode 87 / Art Orwellien

Samedi 30 janvier 2010

Je ne peux pas m’empêcher de penser à ça quand je passe Gare du Nord, quasi quotidiennement en ce moment.
Je ne peux même pas m’imaginer qu’on puisse prendre ça pour de la parano… mais plutôt pour de la lucidité ou de l’extra-lucidité dans un monde ultra-fliqué qui se veut over-sécurisé… Dans un monde où plus personne n’ose plus être choqué de voir des bandes de mecs en treillis, par grappes de trois au moins, la mitraillette en joug, disséminés ici et là dans le paysage quotidien.
Dans le RER, le train, le métro, les grandes gares et ailleurs.
Je me demande même à quel point on peut encore nous faire croire que l’on ne vit pas dans un monde en guerre.

Dans un monde ultra-surveillé, Orwellien, il n’est pas paranoïaque de croire que ce grand machin en plein milieu de la Gare du Nord n’est pas un dispositif de surveillance pur et dur qui essaie de se faire tant bien que mal passer pour une œuvre d’art. Lamentablement. Piètrement.

Et le pire, c’est que ce truc serait réellement une commande publique et que j’ai même rencontré son auteur il y a un an ou deux ou trois. Sinon j’aurais carrément pensé que l’auteur n’existe pas. Que l'auteur n'est autre que ce celèbre "ON" que l'ON aime tant accuser du pire. J'aurais pensé qu'il n'y pas d'auteur à cette chose. Que c’est une pure fabrication de la Brigade de Surveillance.
Pourtant, on m'a présenté l'artiste jadis. Je ne me souviens pas de son nom ni de son visage d’ailleurs mais je pourrais vérifier demain ou après demain.
Ça n'avait aucune espèce d'importance à l'époque. j'étais en Normandie, en bord de mer. En liberté. Dans un lieu peu surveillé par les brigades de surveillance et les mecs en treillis-mitraillette.

Mais maintenant que je côtoie si souvent cette fameuse œuvre d’art planté au cœur de la Gare du Nord, je ne peux m’empêcher d’être persuadée que soit son « œuvre », celle de cet artiste jadis rencontré, a été détournée à des fins de surveillance… soit elle a été conçue pour cela.
Que l’artiste en soit conscient ou non, qu’il soit dans le secret ou non n’a aucune importance !

Que penser de cet écran géant en plein centre de la Gare du Nord. Au grand carrefour de la Gare. A une place stratégique qui offre une vue imprenable sur toutes les arrivées et tous les départs des grandes lignes. TGV, Thalys et Eurostar compris. Une vision plongeante, panoramique et digitale.
De la haute technologie comme on peut en espérer dans nos années Orwelliennes.

Que penser de ce grand écran dans lequel je vérifie ma démarche, ma silhouette et ma tenue chaque fois que je passe à quelques mètres d’elle.
Elle enregistre mon image avec quelques minutes de retard avant de la restituer en noir et blanc, et en grand format.
Elle est là depuis déjà un certain temps déjà… un, deux ou trois ans.
Est-elle censée amuser ces gamins qui posent avec leurs chers parents qui viennent de réaliser que leur image est restituée avec quelques minutes de retard. Que leur quart d’heure de célébrité commence peut-être là.

Mais je regarde encore et encore cette œuvre hiératique, triste, frigorifique et tout simplement Orwellienne.

Si je faisais de l’espionnage en 2010, voilà ce que je ferai… je prendrai un inconnu, je lui dirai de jouer avec l’idée de la caméra de surveillance. Je lui demanderai de jouer à la rendre plus sexy, plus attrayante. Je lui dirai de jouer à la masquer, à l’habiller, à la déguiser…
Ou alors je ne dirai rien. Je choisirai soit un artiste dont la caméra en temps réel et ses jeux sont déjà au centre de son travail. Sans rien lui dire, je le laisserai faire.

Ou alors, je prendrai le temps de le mettre légèrement dans la confidence contre une somme d’argent confortable, une rente dont il profiterait à vie.

Mais je préfèrerai la première solution évidemment : elle coûte moins cher et elle est plus sûre.

Du coup, il faudrait voir ce qu’il se passe aussi dans les autres gares. Est-ce qu’il y a d’autres caméras géantes plantées au centre de la gare et qui passent pour une œuvre d’art. est-ce que d’autres dispositifs camouflés permettent d’enregistrer les passants en temps réel ?

Bizarrement, la première fois que cette pensée m’a traversée que l’art pouvait être un bon alibi de surveillance, c’était il y a un quelques années déjà. J’étais sur les Chanzel ou bien dans les jardins du Palais-Royal.
Idem, j’y avais vu même un peu plus tôt, des soldats bien jeunes et qui n’avaient pas l’air très fins, qui se baladaient comme des cowboys ou des gladiateurs avec leur arme en joug.
Je ne sais plus quand c’était exactement mais il y avait un problème de température. Soit il faisait affreusement chaud, soit il faisait inhumainement froid, en tout cas, on était dans les extremes.
Ouais, c’était un été quasi caniculaire où on rêve d’un courant d’air et d’être vêtu plus que légèrement.
J’étais en mouvement, enfiévrée et en sueurs, et sur un banc perché, sous le soleil zénithal, il y avait un de ces personnages qui se prennent pour des sculptures et qui cherchent une place au soleil tout en restant à l’ombre de leur costume.
Un costume qui les couvre de la tête au pied, comme une burqa. Celui-ci faisait partie de la série Egyptienne : un costume doré pharaonnique qu’on imagine taillé dans une matière qui ne laisse pas la peau respirer et un abruti qui se laisse mourir de chaud sous le soleil !
Des mecs qui, sous couvert de performance, cachés dans un déguisement posent sans bouger d’un poil des longues heures durant. Pour être plus crédibles encore, ils ont parfois une timbale dans lesquels on peut faire résonner une pièce et qui laisse supposer qu’il s’agit là d’une œuvre, d’une performance que l’on peut rétribuer si ça nous dit.
Mais l’intérêt artistique du truc en soi est franchement minimal. Par contre, le personnage nous observe sans être vu… et qui l’empêche d’avoir un micro relié à je-ne-sais-qui. Bref, ça ressemble bien à de l’espionnage.
A peine esthétisée, mais de l’espionnage quand même.
Du voyeurisme à ce niveau, ça me semble peu convaincant. Et le côté christique, la quête du divin, la méditation par ce genre de contrainte… dans un habit synthétique, sans bouger, sous un soleil de plomb, je n’y crois pas trop. Maso ? Bof !

Et puis parfois je me dis aussi qu’on vit déjà dans un monde over surveillé et que ce n’est sans doute pas la caméra géante braquée sur les passants de la Gare du Nord ou les petits pharaons aux allures inoffensives qui vont y changer grand chose. Mais quand même, je ne peux pas m’empêcher de penser que tout cela est aussi laid que louche et que je n’ai pas envie de boire ce petit lait à la louche.

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