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******************************* Anaïd is… Anaïd forever ******************************* Née à la Saint-Hubert patron des Chasseurs, élevée à l'acide, gouvernée par Mars et Pluton, habitée par le démon de l'écriture, rongée par la passion

mercredi 29 juillet 2009

Episode 11

Jeudi 31 janvier

Ce matin, en sortant de chez moi, mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai eu 90 secondes d’angoisse. Des visages me hantent, et le manque de sommeil aidant, je me suis fait une maxi-peur en un minimum de temps. Juste devant chez moi, j’ai eu une vision : damned, j’ai cru reconnaître un visage FakeBookéen !
Et pas des plus grâcieux. Pas celui du Top ten des tops du top harmonieux. Pas la cream de la crème! Non, un horrible bonhomme gris et rougeoyant, bedonnant, plus de 60 ans. Je n’ai rien contre le troisième âge, sauf quand il me poke avec des idées derrière son crâne échevelé ! !
Un jour, j’ai pas réfléchi. Ma main ne faisait qu’une avec la souris. Je n’ai pas pu retenir mes doigts. Le clic est parti. En moins d’une seconde, j’avais téléchargé une application plus que suspecte représentée par une série de cœurs rouges tout boursouflés. Gonflés aux hormones ! Et paf ! le temps de réaliser, ma photo a circulé dans les passages souterrains de FB et dans les antichambres de la drague virtuelle… et ma côte de popularité s’est mise à enfler de jour en jour… sans que je ne demande rien à personne, jusqu’à ce que je réussisse enfin à me désabonner de cette glue !
Il y a eu aussi la série des adorables messages anonymes.
Sans parler du sympathique Vagabond Luni-Solaire qui m’écrit des poèmes qui ressemblent à des Fragonard mis en mots ou carrément des couplets Bollywoodiens, et qui me poursuit de sa plume précieuse d’un site à l’autre sans jamais décliner son identité ! Alors que d’évidence, on était dans le même lycée, et on partageait le même kiosque post-victorien à la sortie. Pourquoi dans ce cas prendre des gants et un loup de velours au lieu de communiquer tout simplement!

« D'ailleurs, t'en souvient-il chèr Vagabond Luni-Solaire, on passait par le cimetière pour aller boire nos cafés amèrs au "Bon Vivant"… et on trouvait ça amusant. »

Marre de tous ces pseudos, ces avatars, ces clones… cette mascarade ! Est-ce que le net est un ramassis de sournois et de poltrons qui avancent masqués ?
Un exutoire, de toute façon. Un puits dans lequel on se mire. Un tas de délires dans lequel on se projette! Un autre miroir aux alouettes.


Je m’administre d’urgence une bonne dose de réel pour me réveiller : me voici Gare de l’Est au petit matin en direction des caves humides du Domaine de Pommery. A Reims, l’underground m’attend.
Pétillante parenthèse : je pars en Champagne rejoindre des micro-bulles artistiques! Me perdre dans ces labyrinthiques crayères gallo-romaines que Buren a récemment marqué de sa présence : ses célébrissimes bandes de 8,7 cm de large sont désormais gravées à jamais dans la craie de cette « cathédrale souterraine ». Elles viennent comme toujours révéler l’espace, le mettre en valeur, le souligner. C’est le premier bas-relief souterrain d’un artiste iconoclaste!
Et pour celui qui a longtemps été pris pour un simple poseur de bandes, 2007 avait un goût de millésime !
Il est le premier artiste, recruté sur petite annonce, à jouer au commissaire d’expo au Pavillon Français de la Biennale de Venise : Daniel Buren a mis en scène les histoires de cœur de Sophie Calle.
Et juste avant, à Pommery, ce ne sont pas SES bandes mais SA bande… d’artistes cette fois, qu’il mettait en scène dans une exposition intitulée « L’Emprise du lieu ».
Nathalie Vranken, la maîtresse des lieux, nous révèle justement qu’au départ, malgré le titre de l’exposition, Buren n’avait pas spécialement prévu de s’ancrer lui-même dans l’espace : pas de manière temporaire en tout cas. Encore moins avec une œuvre pérenne !

Je le comprends. Difficile de se fixer dans un lieu qui vous fond presque dans la main. J’ai une robe de bal mais mes énormes bottes de bitch-bikeuse sont plus qu’indispensables dans cette petite expédition dans les entrailles rafraîchissantes de Pommery. Personne ne voudrait moisir ici ! Sur ces 18 km de tunnel calcaire.

L’été dernier, dans une interview, l’artiste me confiait justement à quelles difficultés on était confronté dans cet espace où l’on s’est mis à mettre en place des expos depuis quelques années:

« Ce lieu est presque effrayant. L’artiste invité ici, qui oublierait à quel point le lieu est dominant, ne peut absolument pas y faire un travail d’un intérêt quelconque. Le lieu domine tout jusqu’à l’étouffement. Il domine les matériaux également : le moindre bout de fer non traité rouille en quelques jours. Le moindre morceau de bois va pourrir en deux semaines. Les appareils électroniques et électriques s’usent à une vitesse éclair. Il fait environ 11° jour et nuit, hiver comme été, et l’humidité est aux alentours de 98%. Exposer ici, c’est résister. Résister permet alors de sortir son épingle du jeu mais ceux qui y arrivent le mieux sont ceux qui comprennent dans quelle mesure il est possible de contourner cette emprise du lieu et de s’y imposer. Ce n’est pas très facile. »

Et ses bandes résistent sur tous les fronts pour le moment. Leur relief se patine finement au fil des jours. Un peu comme les autres bas-relief, plus anciens, dont sont flanquées ces étonnantes crayères qui décrivent des scènes dyonisiaques. C’est l’aïeule de Nathalie Vranken qui passait commande aux artistes de son époque. Et étrangement, un souffle divin semble traverser ces lieux. La crayère a été bénie nous souffle-t-on.

C’est une atmosphère idéale pour Laurent Grasso. Lui qui s’intéresse à tout ce qui nous échappe. Le mystique et le creepy, l’irrationnel, le fantomatique et le cosmique aussi.
Et à l’atelier d’été de Buren & Co, fait suite l’Atelier d’Hiver de Laurent Grasso.
Dommage pour l’œuvre qui entoure le bâtiment, à l’extérieur, dès l’entrée : c’est un néon qui, selon un procédé cinématographique, transforme la nuit en jour… et comme il est 11am, le jour, cette œuvre a du mal à donner le meilleur d’elle-même. « dayfornightfordayfornight… » dit le néon en courant tout autour du toît. Le jour finalement, il déclare la guerre au soleil sans avoir la moindre chance de remporter la bataille.
A l’intérieur, ça devient plus simple de savourer cette œuvre atemporelle qui joue sur la limite entre réalité cosmico-poétique et science-fiction.
Une aurore boréale… puis une éclipse qui se laisse grignoter comme un croissant de feu. Et dans les caves, dans une partie baignée par la lointaine lumière du jour, dans la partie consacrée des lieux, près d’une vierge à l’enfant… une sphère géodésique lumineuse domine le lieu avec étrangeté. Elle se situe entre la boule de cristal géante, l’OVNI et la station de réception satellitaire. On est en plein paranormal… et une fois remontés en surface, pendant le déjeuner autour de Nathalie Vranken, l’effet de l’œuvre persiste. Est-on sur écoute ? Capte-t-on des signaux extra-terrestres ? On est pendues aux lèvres de Nathalie Vranken… une forte et attachante personnalité. Un côté que l’on devine « attachiante » comme Mathilde Seignier.
Et si de ses anecdotes, elle ne saôule pas, le Champagne, lui, s’en charge délicieusement ! Dans le Salon pop, elle parle de l’affluence dans ses expositions, les compare aux nombres d’entrées du Mac Val…
Et je me demande s’il vaut mieux qu’une expo soit vue en masse ou en troupeau. Par un public qui vient surtout visiter des caves à champagne et se fout complètement de ce qu’il voit à côté, ou bien par un nombre de visiteurs plus limité mais qui s’imprègne totalement de l’œuvre mais essaie de la comprendre de l’intérieur, d’en tirer quelque chose. C’est l’éternelle question. Je suis pour que l’art sorte des musées et des lieux consacrés mais les records chiffrés me hérissent le poil. Je ne suis pas pour les records d’entrée surtout dans un monde où les gens vont facilement se balader au MALL le dimanche parce qu’ils s’ennuient et bavent de désir devant de nouveaux produits de conso à acheter aujourd’hui ou demain… plutôt que de respirer l’air du temps, apprécier l’instant pour ce qu’il est. Bref, des gens qui ne savent plus vivre sans céder à la tentation consumériste. Des con-sommateurs ! Si sur ces 120 000 entrées annuelles à Pommery durant l’exposition, 12 consommateurs, frappés par la justesse d’une œuvre présentée, se transformaient brusquement en amateurs d’art et pouvaient voir leur vie passer du noir et blanc à la couleur… alors, ce serait toujours ça de gagné.

Retour à Paris vers 17h. J’enchaîne directement sur deux vernissages germanopratins.
Pour commencer, je me rends chez Kamel Mennour, la dernière galerie en date de Daniel Buren.
Claude Lévêque propose un « Welcome to Suicide Park ».
Et en effet, entrer dans ce vernissage a quelque chose de suicidaire. Ils nous ont flanqué un physio ou quoi ? C’est pas la bande du Baron en tout cas, le type ne me me reconnaît pas ! Il me fait patienter à l’entrée… le temps de renouveler l’air j’imagine!
Comme dans dans un club, un sbire décide du sort des visiteurs de l’expo. Il régule le flux des entrées et des sorties ! Un va-et-vient incessant.
D’ailleurs, c’est bien plus drôle depuis que les fumeurs sont obligés de sortir pour fumer leur clope mais obligés de lâcher leur verre avant de passer la porte. Les verres ne doivent pas sortir. Que la fumée !
Et évidemment, notre molosse veille. Il est baraqué, engoncé dans son costard forcément trop étroit pour ses muscles trop énormes… comme dans un film Ricain des eighties!
Mais j’y pense… c’est peut-être un performer ! Vu que Claude Lévêque est une sorte de metteur-en-scène des tensions, il serait bien capable de bloquer une boule de nerfs à l’entrée. Juste pour nous énerver d’emblée. Après tout, Gilbert & George jouaient bien aux sculptures vivantes dans les années 70. Et ils ont fait école depuis ! Même si cette sculpture-là n’a pour socle que le perron d’une galerie… one step beyond… et ce serait pour lui la consécration.
Et puis à Miami pour la foire Art Basel 2008, Claude a rendu hommage à Tony Montana, le héros de « Scarface ». Un symbôle de réussite. Un bandit made in Miami !

Et une fois à l’intérieur, je commence à accuser ma nuit blanche. Je suis carrément en lévitation comme les objets suspendus dans l’expo… je me traîne jusqu’au sous-sol, où apparemment des coups de poing se sont perdus dans l’atmosphère : ils sont gravés dans le plomb d’une série de plaques dressées contre le mur. Ambiance « Fight-Club ». Non, ce n’est pas l’artiste qui a voulu donner une leçon à son galeriste : une armée surexcitée de Rocky Balboa alias Sylvester Stallone sont venus se défouler exprès dans ces bas-fonds! Peut-être la sculpture de chair et de sang de l’entrée leur a-t-il même prêté main forte?
En tout cas, moi, tout comme le lustre victorien explosé au sol, je suis en miettes. Je me casse !
Du moins j’essaie mais il y a toujours un parasite à l’égo démesuré prêt à essayer de vous piquer dans un coin, ou un artiste désœuvré prêt à violenter une critique d’art en plein exercice ! Mais sans critique, tout le monde se prendrait pour Picasso… et les musées seraient plein de croûtes et de crottes.

Bref, après cette belle zone de violence artistique, je poursuis mon chemin dans un état de somnolence contrôlé.
J’espère un secteur de repli : je me réfugie une rue plus loins, Galerie In Situ. Vernissage de Renaud Auguste-Dormeuil L’ambiance paranoïaque revendiquée par l’artiste dans les années 90 s’est transformée ! A quand une analyse rapprochée de tenants et des aboutissants de FaceBook par celui qui avait répertorié toutes les plaques minéralogiques des flics Français il y a 10 ans? Celui qui était allé jusqu’à faire trembler le personnel d’un musée parisien en détournant ses systèmes de surveillance… Là, on est presque au musée de la chasse. L’artiste a réuni les armoiries du monde moderne : les logos très graphiques des compagnies aériennes du monde entier sont ici consignés. On a aussi ramené des trophées : la licorne et le lion, l’aigle brun et l’aigle noir ornent les cimaises pour leurs qualités martiales. Tout ce p’tit monde vient raviver le souvenir de quelques drapeaux frappés d’un symbôle animal. Allemagne, Russie, Royaume-Uni… face à tous ces peuples conquêrants, je me sens un peu désarmée, je pars conquêrir ma zone de repos.

Anaïd Demir

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