Jeudi 15 octobre 2009
C1 : c’est là que je me trouve ici et maintenant et où l’on peut me rejoindre.
Je suis assise à une de ces tables rondes, en hauteur, dans une cafète digne d’une sitcom hyperstylée. Ou d’une séquence dessinée par Jean-Philippe Delhomme. Dans une foire hyperfashion, dans une ville over glam, sur un territoire so Brit’ !
Je prends uns café with « this water made from fruit and clouds».
Ingredients : lemons, limes, et spring water. J’en veux encore et encore. De la poésie en bouteille. Des nuages à avaler. It’s so refreshing. Je suis au cœur de Frieze et mon cœur balance : manger des sashimis avec ma spring water, me perdre dans la foire ou me perdre tout court en envoyant un MMS galant. Les 2. Rayez la mention inutile. Il y a une image ici qui rend un bel hommage à quelqu’un qui spontanément me plait. Un néon qui dit en passant par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, en écritures stylées et penchées, en majuscules, et dans la langue des lovers « I LOVE U ». Exactement ce genre de mots désuets qui fleurent bon l’aventure et vont bien avec mon Londres perso.
Je me suis perdue dans la foire comme je me perds dans toutes les foires. Car je les déteste toutes sans exception. Ce sont les entrailles du marché de l’art. les tripes de l’art à découvert.
Je pense souvent à ce que m’a confié Kamel Mennour un jour lorsqu’un de ses artistes lui parlait de l’accompagner sur le stand d’une foire. Pour lui, c’était la pire chose à faire pour un artiste et il a tout fait pour l’en dissuader, jusqu’à employer l’image qui me semble la plus juste à ce jour : « C’est comme voir ses parents faire l’amour ». Une sensation étrangement dérangeante. Mais tellement vraie.
Et chaque fois que j’entre dans une foire, sans pour autant être une artiste qui voit son marchand vendre ses œuvres, je me sens mal. Overdose d’art. Vers où aller, vers quoi tendre dans cet hyper hypermarché de l’art. Le pire, dans le genre, c’est Bâle.
Et pourtant, je suis toujours heureuse d’être à Frieze car jamais je ne m’oblige à rien ici.
Du coup, j’y perçois un million de sensations, avec l’impression en plus d’avoir le ciel à boire… et qu’il a un gôut de citron.
Ça me stimule et ça m’inspire. Je fais des alliances de mots improbables, de nouvelles images viennent s’ajouter aux œuvres que je croise sur mon chemin… ça se décuple, ça produit des tas de petites bulles effervescentes dans mon esprit, ça se répercute sur mon humeur et mes écrits.
Bon, je suis donc dans un de ces moments de pure exaltation. Je me mets les Pixies pendant 2,30 mn: « La la love you ».
Et en repensant à mon tour Friezien, c’est une esthétique du rongeur qui vient s’imposer à moi. Il y a cette pièce faite d’une invasion de souris informatique que j’avais vu dans une foire d’art moscovite il y a un an. Impossible de me rappeler le nom de l’artiste.
Ici, si j’étais une collectionneuse réelle et non juste une esthète visuelle, je me serai achetée une œuvre qui me ramène à mes sous-bois : un incroyable écureuil pris en plein vol. En suspension, juste avant de se poser. Pris en plein saut, quelques secondes avant d’aterrir sur son socle muséal blanc. Quelques secondes avant de devenir une œuvre d’art ? Une œuvre en devenir ? C’est Agnieszka Kurant qui a immortalisé ce bel animal empaillé, la queue en panache et l’œil vif, en plein mouvement.
Ensuite, j’ai rencontré un rat blanc, les yeux tout rouge, installé sur ses pattes arrière. Médusé par une œuvre d’art qui le dépasse, ou qui sans doute l’interpelle intellectuellement. C’est une sorte d’énorme excroissance blanche. Probablement en résine. C’est surtout une présence écrasante pour ce rat qui bloque dessus ! une belle métaphore de ce que pourrait être l’art.
Evidemment, on doit cette pièce à Elmgreen & Dragset, l’un des duos les plus vifs d’esprit du moment. Toujours plein d’humour. Un brin pince-sans-rire.
Du coup, Lara Pan, la jeune galeriste New Yorkaise que je croise tout près de l’écureuil d’Agnieszka réagit à mon « esthétique du rongeur » en évoquant sa prochaine expo « Pandora’s box… ».
Elle évoque l’installation de Roberts Lazzarini dont l’intention pure et simple est de reconstituer un bout d’appartement avec cuisine et l’envahir d’un tas de petites créatures affamées : une colonie de rats d’égouts grouillant dans l’espace… bouhhh, une belle métaphore bien réaliste pour évoquer notre charmante société ! A faire froid dans le dos.
Dans la même expo, la même Agnieszka, installe, elle, un appareil à produire de la neige noire. A suivre, à suivre.
Pour le côté old school, victorien, désuet… on a Markus Schinwald et ses pieds de meubles qui réinventent le Kama Sutra mobilier. Je vois des boîtes à chapeau habités (Vasco Araujo). Des casques de moto (Maix Mayer). Des échiquiers. Des pions qui rongent les murs. Un pion géant de Julian Goethe. Goethe l’écrivain et comme… Alexia Goethe, la galerie de Blair Thurman qui l’expose en ce moment-même à Dover Street et que je compte visiter tout-à-l’heure sur les conseils de Frank Elbaz. Et lui, sur un stand très sobre, il présente le très mystique et cabbalistique Wallace Berman. Je vois aussi de l’abstraction. Des trucs à facettes, des miroirs pas disco. Et aussi des dessins magnifiques de mon chouchou du moment, Marcel Dzama que l’on peut reconnaître à la couleur de l’encre qu’il emploie : une sorte de marron fait à base de houblon !
Et puis, comme on est à London, je jurerai avoir croisé Charlotte Rampling le long des allées de Frieze… et je jurerai avoir vu son tableau tout de suite après. Est-elle entré dans la toile? En est-elle sortie ? Aucune idée. Mais sa froideur reste suspendue dans l’atmosphère.
A part ça, difficile de tenir longtemps debout. Je suis à côté de mes pompes aujourd’hui.
Je ne tiens pas l’alcool. Normal, je ne bois quasi jamais… mais pour couronner le tout, avant-hier, je n’ai dormi qu’une heure. J’étais attendue pour une conférence aux Beaux-Arts d’Angers dans la matinée, j’ai couru à l’aube de la gare de Taverny à la Gare du Nord, de la Gare du Nord à la Gare Montparnasse… pris un train pour Angers, raconté ma vie de critique d’art un peu jet-set et plutôt précaire à des artistes en herbe en première année des Beaux-Arts. Une belle pureté et une écoute, une soif de connaissances qui me donneraient presque envie de redonner des cours !
Bilan de mon parcours après 15 années d’immersion totale dans l’océan de l’art. Une conférence stimulante, effervescente, pleine de belles énergies. Discussions autour de la position de l’artiste. L’art est-il ou non sacré. Le street Art est-il ou non de l’art ? Sont-ils ou non artistes ? Avec un A majuscule ou minuscule… ou bien sans A ? On aborde les paillettes de l’art alors que l’expo Malaval a lieu à deux pas.
12h05, on se quitte tranquillement. J’ai à peine conscience d’avoir un train à attraper dans la demi-heure. Je suis juste exaltée. 12h38, je brave l’impossible, j’atrappe le train qui me ramène à Montparnasse et qui m’évitera de louper mon Eurostar vers 17h30, Gare du Nord.
Je sashimiserai le débat une fois à Paris si j’arrive à accomplir tout ça.
Et finalement, tout a collé.
Et j’ai aterri au Méridien à Picadilly après cette incroyable journée où j’ai eu le sentiment de me mettre au défi et de me dépasser comme j’aime. J’ai failli m’endormir dans mon bain.
Seulement, même si je retrouve Jérôme Sans en pleine forme derrière les platines et Nicolas Kenedi d’humeur malicieuse… la fête frenchy du Méridien me monte à la tête : trop de bulles dans le champagne. Il n’empêche que je me déhanche avec plaisir sur le dancefloor. Où sont passés Alexis Vaillant, Alexandre Polazzon et Pierre Bal Blanc ? Il ne reste que Johann Koenig sur ce dancefloor, avec ses lunettes épaisses comme des loupes, il a des airs attachants de taupe. Il n’y voit pas grand chose. Etrange pour un galeriste. Il n’y voit goutte, c’est donc le sensoriel qui l’emporte chez lui. Il est donc plutôt chaud sur la piste et même franchement incandescent avec les minettes qui l’entourent. Mais pas question de m’évanouir dans ses bras… je préfère mon immense lit, chambre 444, que je rejoins je ne sais comment et dans lequel m’attend Morphée. Je le rejoins toute habillée, tant qu’à faire. Tant pis pour le DJ bombesque qui a suivi Jérôme aux platines. Son set était plutôt minable en fait… mais ça m’a permis d’échanger quelques mots, il avait l’air tellement désolé.
Journée hallucinante…
Du coup, j’ai payé tout ça très chèr ce matin… complètement à l’ouest. Au lieu d’aller à Frieze à Regent Park, je suis allée dans l’Est, dans les bureaux de Frieze, le mag. Totalement allumée ! Une envie de visiter la ville en cab, faut croire. An « expensive mistake ». Une spécialité Anaïdienne. Après avoir fait des confusions dans sa jeunesse entre Charles de gaulle Etoile et Roissy Charles de Gaulle, toujours un peu groggy, elle confond Dover Street et Regent Park où elle est allée plus de 5 fois dans sa vie ! C’est le prix à payer après une journée de dingues. Dans le cab de retour, le taximan et moi on admire les ambulances et leur sirène. On se marre parce que je rêve d’en attraper une au vol et qu’il considère que j’en aurais bien besoin, dans tous les sens du terme !
De toute façon, je suis en retard à mon RDV, et on met une demi-heure de plus à se retrouver Stephany, l’attachée de presse du Méridien, et moi. Bien allumées toutes les 2. Y avait un truc dans le Champagne hier à tous les coups. Une hormone de la désorientation. On ne se retrouve pas alors qu’on est postées au même endroit et je finis par me passer de son pass pour entrer avec Lara Pan.
Interview avec Eva Ziegler qui s’occupe de l’image du Méridien de par le monde. C’est elle qui a pensé à Jérôme Sans pour ouvrir ses hôtels à la culture. 3 mots pour résumer les choses : Chic, Culture, Discovering.
Tous les hôtels ont leur personnalité propre avec un ou plusieurs artistes qui y créent des œuvres mais aussi réalisent le motif de la clé. Ici, c’est Sam Samore qui s’est occupé des pass pour les chambres. Une bouche, un œil, un nez… c’est une allusion au 5 sens. Et ce n’est pas tout. Il y a de l’art dans tout l’hôtel.
Je suis invitée pour « Unlock Art » qui met en relation les hôtels de chaque ville avec une foire d’art contemporain et surtout un lieu pointu de l’art. Un lieu perméable à toutes formes d’art, avec une vocation didactique. Là, il s’agit de permettre aux pensionnaires du Méridien Picadilly de pouvoir se rendre gratuitement à la Tate Modern et la Tate Britain. J’irais donc voir « Pop Life » et surtout l’exposition perso de Baldessari par ce biais.
Des Prix Méridien sont aussi décernés à des artistes de Frieze. L’implication culturelle est donc importante du côté du Méridien et sur les conseils de Jérôme Sans. C’est un pont entre l’art et le grand public. Et c’est à travers le monde. Je me rappelle qu’à Miami, Sam Samore avait aussi conçu un roman à lire dans son lit avec vue sur l’immensité de l’océan.
Je crois que je vais écrire davantage sur les hôtels… surtout ceux de Picadilly! Tout n’a pas été dit ici. J’ai pas assez dormi.
mercredi 21 octobre 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire