Vendredi 25 septembre
Gare Montparnasse, je m’achète le dernier « Interview », le dernier « Grazia », et je cueille la première pomme qui passe. Une Granny bien acidulée si possible. Mes valises se font et se défont à la vitesse de l’éclair. Je rentre de Lyon, j’ai sillonné Paris. J’ai imprimé mon e-billet chez un pote il y a une heure. Et je file à Poitiers, une caméra HD dans une main, mon Ibook de l’autre. Un Ipod entre les oreilles et un chapeau cloche sur la tête.
Je me vois dans le reflet d’une vitrine.
C’est qui ce personnage ? Le Rémy Brica de l’art contemporain ?
Multi-active, multi-fonction, over-vitaminée… voire disjonctée, je peux tout faire en même temps : écrire un article et rédiger mon journal intime, faire une interview, blogger, blaguer, être à Paris et à Poitiers en simultané, être sur mon vélo et dans le TGV. Ecrire un livre qui demande du recul, et écrire des articles dans le feu de l’action. Je peux chanter à tue-tête et danser, je peux lire et filmer en même temps. Je crois que j’ai réussi à me dédoubler. J’ai deux ailes qui viennent de me pousser au niveau des talons. On ne m’appelle pas encore Hermès mais ça ne saurait tarder ! J’ai toujours rêvé d’avoir le don d’ubiquité… et je crois en fait que je l’ai.
A moins qu’il ne s’agisse de schizophrénie. Le milieu de l’art nous pousse vers ce trouble comportemental.
La seule chose que je ne sais pas faire, c’est m’emmerder !
Je voudrais qu’on me donne des cours d’ennui, juste pour voir ce que ça peut produire sur soi, pendant deux secondes ce sentiment d’être oppressé par le vide, de ne pas être libre, de suffoquer. J’ai des souvenirs d’ennui. Mais c’est très ancien. Quand je pense à l’ennui, ça me ramène au lycée. A certains cours de maths dans lesquels j’avais perdu le fil depuis longtemps. Même la fenêtre ne m’offrait plus ses lignes de fuite. La dernière fois où j’ai ressenti un profond ennui, j’ai l’impression que c’était en 97, au Bénin. Un mois que j’étais partie, c’était les derniers jours et j’avais rempli ma mission. Je tournais en rond. J’avais fait le tour de tout ce qui m’entoure. J’avais surtout le mal du pays. Je ne rêvais que d’une terrasse de café sous un ciel plombé avec un serveur paresseux et aigri qui vous balancerait bien votre pourboire à la gueule… ça c’est Paris !
Comment ressentir l’ennui quand on est constamment en mouvement ?
Et d’ailleurs, l’endroit où je me sens le plus chez moi, c’est le TGV.
Mais par contre pour les réclamations, faut aller voir ailleurs. J’ai pas choisi le design, je ne suis pas responsable de la couleur des sièges ni du confort du bar. Quand à la qualité gastronomique des sandwichs… ils ont toujours une solide réputation : ils sont à moins 18 étoiles dans le Gault&Millaut, tout comme leurs insipides salades, c’est ce qui fait leur charme. Il y a des moments où je me demande s’ils ne se fournissent pas chez Tricatel, l’usine degueu-infâme et pas bio du tout qui alimente le monde avec ses petites conserves et ses surgelés, dans « L’aile ou la Cuisse » (Zidi, 76).
Et même ça, ce serait mieux que de reprendre une petite louche pullulant de « Soleil Vert ». C’est d’ailleurs plus fort en VO : « Soylent green », ça donne la gerbe rien que d’y penser! Le « soylent green » est une petite pastille d’un vert artificielle qui est censée nous remplir la panse en 2022 alors que les ressources naturelles sont épuisées. C’était dans le terrifiant imaginaire Richard Fleischer en 1973. Anticipation, nous te rattrapons !
Dommage, le Paris-Poitiers est très court, je me serais bien laissée aller à écrire écrire et écrire, sans limite de temps.
Mais j’ai tout de même mieux à faire une fois à Poitiers : filmer, filmer, filmer sans relâche. Regarder, observer de tous mes yeux. Ouvrir les yeux sur le réel. Ne pas seulement regarder le monde à travers l’écran, mais aussi entrer dans le champ, conquérir le réel.
Just for fun. Au « Confort Moderne ». Lang & Bauman Vs Vincent Ganivet. C’est le temps des « battles ». Le « Confort Moderne » se changera-t-il en fight-club pour ce « Bel Accident » qui s’annonce et s’affiche dés le titre de l’expo, tel un générique.
Daniel Bauman et Sabina Lang ont fait beaucoup parler d’eux il y a deux ans quand ils ont installé une sorte de vaisseau-spacial-œuvre-d’art à habiter à 30 mètres d’altitude sur le toit du Palais de Tokyo : L’Hôtel Everland. En fait, un hôtel en forme de bulle rétrofuturiste qui dominait les toits de Paris. Une bulle hors temps de 35 m2 qui mettait des vues imprenables à la portée de ses locataires grâce à son hublot géant qui encadrait le paysage. Bref une œuvre complètement introspective tout en étant en communion avec l’extérieur. Un studio qui a autant inspiré les louanges que les locations. Je m’y serai bien vue, dans ce vaste cocon seventies, étendue sur un de ces sofas profonds en train de lire le «Livre des Snobs », et bruncher en tête-à-tête dans le lit double, divaguer dans le magistral salon de bain, et puis mettre un vinyles sur le pick-up… comme à la maison.
Cette fois, je sais qu’ils nous propulsent une fois de plus dans les hauteurs… du moins, ils en donnent l’impression avec un grand escalier blanc. Lisse. Profilé.
De l’autre, Vincent Ganivet est leur antithèse stylistique : il maîtrise l’art du bricolage, affectionne le béton au bord de l’explosion et les matériaux qui brutalisent l’espace d’exposition. Plus qu’une exposition, c’est une croisade entre deux points de vue sur le monde qui va se jouer à Poitiers. Dans un drôle de « Confort Moderne ». Entre les escaliers qui mènent nulle part et les parpaings en suspension de Ganivet, un « Bel accident » esthétique se profile donc.
J’arrive dans 10 minutes. Le TGV s’est arrêté à la Station Futuroscope. Je n’y suis encore jamais allé mais dans le genre, c’est un lieu à recommander sans hésiter à Lang & Bauman. De quoi inspirer nos rétrofuturistes des années 10.
mardi 6 octobre 2009
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