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******************************* Anaïd is… Anaïd forever ******************************* Née à la Saint-Hubert patron des Chasseurs, élevée à l'acide, gouvernée par Mars et Pluton, habitée par le démon de l'écriture, rongée par la passion

lundi 5 octobre 2009

EPISODE 65

Jeudi 24 Septembre 2009

Le monde devient vert et roux. Les couleurs se réchauffent. Les températures baissent lentement. Les branches des arbres se dénudent. Leur cassante fragilité apparaît. Les feuilles viennent tapisser le sol et crépiter sous chacun de mes pas.
C’est enfin l’automne. Je voudrais figer cette saison sur 365 jours. Stabiliser la météo sur quelque chose que l’on appelle l’été Indien.
Ça me donne envie de musarder. Mettre le nez dans l’écorce des arbres. C’est le moment où mes sunglasses et ma paire de gants jouent à cache-cache au fond de mon sac.
Le moment idéal pour s’acheter des noix fraîches et aller les grignoter sur une tombe du Père Lachaise, avec l’impression de picorer des cervelles de moineau. Je trépane des noix fraîches avec mes dents, ça craque à souhait, c’est ma façon de célébrer la vie et de rendre hommage à mes morts en beauté.

Me voilà sur la tombe de Frédéric Chopin… et je pense à Sand.
Est-elle ici ? Pas ici ? Peu m’importe, je ne suis pas là pour faire du nécro-peoplisme. Je ne joue pas à cache-cache avec les tombes « célèbres ». Lâchez-le ce pauvre Morrison !
Balzac Honoré (de), Edith Piaf, Ticky Holgado, Jim Morrison au même titre que la famille Bouchard toute entière et qu’Antonin Derien, Odette Plessis et Geneviève Pardieu, tous ne sont que… poussière.
Certains ont beau avoir une dernière demeure plus emphatiques que d’autres, plus étendue, plus sympathique, plus solide, moins laide… ça ne change rien aux températures de leur caveau ni à l’état de leurs os ?

Je visite tous les quartiers, sans exception. Je vais au hasard entre les tombes. Je marche sans but. J’ai tout mon temps, du moins, je me l’accorde.
Je suis libre libre libre comme l’air. Je suis plus « unpredictable like the sun and the rainfall » que jamais. Je me perds dans cet imprévu.
Et dans cette espèce d’infini funéraire, le Haut-lachaise n’a rien à envier au Bas-Lachaise. Ils ne sont pas plus vivants en haut qu’en bas.
Nord-Sud, est-ouest : idem. C’est le règne de la démocratie. Les clivages n’ont plus de sens.
Il existe des concessions à perpétuité qui existent depuis mille-sept-cent-quelque-chose ici… mais ça ne rend pas nos cadavres à la vie.
Des familles entières reposent ensemble. Il y a un quartier noble. Un quartier Chinois. C’est pas dans la treizième allée. Et j’ai même trouvé le quartier Arménien avec la statuette d’un de nos révolutionnaires, le célèbre Antranik. Il y le quartier show-bizz. Le quartier bat-cave et le quartier cyrrhose se devinent. Et pourtant, l’union ne fait pas la force. Personne ne revient vraiment d’entre les morts. Ici, tous les habitants sans exception ont l’air totalement ailleurs, partis, barrés !
Et au cours de ma ballade gothico-romantique, je suis servie. L’ex-etudiante en histoire de l’art que je suis est visuellement éblouïe et flattée. Des tombes aux inscriptions presque effacées, des sépultures en ruine qui, livrées aux éléments naturels, ont tu l’identité de leur illustre occupant, le rendant à l’anonymat. Des stèles décapitées, des pierres tombales rongées par le lierre, des caveaux violentés par le vent, par le temps, défoncés, abandonnés… J’essaie de m’imprégner de l’atmosphère, de capter tous les signes extra-humains. Ça défile sur des kilomètres. C’est une ville à part entière.
Ça ramène à la vie. Ça réinjecte du sang dans les veines, ça met des couleurs dans la vie.
Je me perds au pays des morts, je croise des nécrophores et des nécro-sympathisants, des morts-vivants et des vampires… et surtout, je me rappelle que je dois profiter de chaque instant.
Je suis là pour me rappeler qu’on n’est pas grand chose. Juste un grain de sable qui surfe sur la vague et j’essaie de ne pas me noyer. Notre passage sur terre a une durée limitée, et c’est inifiniment plus important que la deadline fixée par le moindre magazine.
Il s’agit de vivre, de se dépasser d’urgence, de redoubler d’énergie créatrice, de sortir ses tripes pour être au top de soi-même… avant de disparaître à tout jamais. OBLIVION & GLORY !

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