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******************************* Anaïd is… Anaïd forever ******************************* Née à la Saint-Hubert patron des Chasseurs, élevée à l'acide, gouvernée par Mars et Pluton, habitée par le démon de l'écriture, rongée par la passion

mercredi 7 octobre 2009

Episode 67

Dimanche 26 septembre 2009

De tout ce qui m’attendait au « Confort Moderne », je n’avais pas prévu le coup du lapin : celui dont l’ombre plane sur le centre d’art depuis des mois déjà, d’après ce qu’on me rapporte.
C’est le lapin de David Evrard posté à l’entrée du « Confort » et qui vous assaille de toute sa hauteur. Une véritable mascotte dressée avec majesté sur ses pattes arrière.

Il me rappelle vaguement Raoule, une lapine Parisienne neurasthénique avec laquelle j’ai vécu quelques mois. J’ai une pensée émue pour cette touffe de poils blancs. Elle était totalement disjonctée la pauvre Raoule. Je la sortais de sa cage pour des séries photo dans lesquelles elle avait le rôle titre -du lapin de Lewis Carroll aux Bunnies de Play Boy-, mais sortir humer le parquet et les pots de fleurs tout frais en se picorant une carotte l’ennuyait… Elle préférait retourner au plus vite dans la vétusté de sa cage de 30 cm3. Pour y ronger ses vieilles crottes sans bouger. A tel point qu’elle n’a pas succombé au taux maximal de chlorophylle de la campagne dans laquelle ses maîtres l’ont plongée cet été: elle est décédée d’une overdose de green. Paix à son âme.

Mais le lapin d’Evrard, lui n’est pas fait du même bois… il EST en bois ! Cœur de bois, jambe de bois, tête de bois. Museau à l’affût. Longues oreilles pointues de joie. Il domine le green de ses 3 ou 4 m de haut. Et au passage, il domine aussi très chaleureusement les passants. Ce merveilleux gibier de potence est surtout là pour désigner l’emplacement du bar clandestin, là, juste au pied de son terrier, dans la cabane de bois qui est une œuvre d’art en soi.
C’est le vernissage ce soir, et pendant que Dirty Sound System mixe côté Jardin, côté cour, on découvre les expositions.
Dans la foule, des longues oreilles de lapin se dressent ici et là. Ce sont les oreilles toutes pointues des très mutines Bunnies du « Confort » disséminées dans le vernissage pour notre plus grand plaisir.
Pas les Bunnies de Play Boy, mais presque ! Dans la limite de la décence, bien sûr. Car si Yann Chevallier, le curator des expositions se prenait pour Hugh Hefner et qu’il avait planqué une piscine de champagne dans laquelle on se baigne nu derrière le jardin… ça se saurait !
En tout cas, pour résumer, ces Bunnies-là sont un peu les hôtesses des lieux mais aussi fun et glam soient-elles, il ne faut pas les imaginer aussi offertes que celles de Hefner ! Mais j’avoue, ces créatures au pompon arrière bien placé et affublées de jolies oreilles pointues changent tout à l’ambiance festive du vernissage.
Et c’est contagieux !
Je ne peux pas me tenir tranquille, je ne peux pas m’en empêcher, c’est plus fort que moi, j’attrape un de ces précieux serre-têtes au passage.
Si j’en ai besoin ? Evidemment, oui… envie, besoin…etc. Mes cheveux ont poussé et j’en ai marre de les avoir dans les yeux. Ça trempe dans le Champagne et ça m’empêche de voir les œuvres correctement ! Besoin, oui.

D’ailleurs, il vaut mieux y voir clair ici, car il y a des tonnes d’art contemporain en suspension dans cette exposition. On ne sait jamais, si on shoote par mégarde dans cette colonne de béton, on ne jure de rien. C’est toute un processus de dominos qui s’enclenche.
Ce n’est pas pour rien que ça s’appelle « le Bel Accident »… c’est une collision entre deux visions artistiques, il y a des tensions mentales mais aussi physiques. on n’est pas à l’abri d’un réel accident.

Vincent Ganivet par exemple adore les éléments de chantier, surtout les parpaings. Et justement, les parpaings, il les prend pour des dominos et il s’en sert comme d’un module pour des jeux de construction chaque fois plus périlleux d’une œuvre à l’autre.
Ça donne quoi ? Des ponts aériens qui dessinent des courbes et des arcs dans l’air. Et ces demi-cercles de parpaings tiennent on ne sait comment. On ne veut pas savoir d’ailleurs. C’est le même système que pour un château de cartes, sauf que c’est fait à base de parpaings de 10 kg chacun, j’imagine !
Ganivet, c’est le roots et le rustre au rang d’œuvre d’art mais c’est surtout l’art de la tension. Il prend des éléments bruts et lourds, au propre comme au figuré, pour faire du beau et du léger !
Et le pire, c’est que ça fonctionne !
Ça tient à tout points de vue. Du point de vue esthétique d’abord. Dans l’effet de légèreté ensuite. Il y a aussi ce pylone en béton armé explosé au sol qui se met inopinément sous tension. De quoi faire trembler tout ce qui l’entoure.
Il a aussi créé des fontaines qui ruisselent de danger, elles aussi. Des sacs poubelles, des bottes de foin, des citernes… elles menacent d’inonder les lieux à chaque seconde tant c’est fait de bric et de broc… ça ne tient à rien que la cascade vienne massacrer toute l’expo… et pourtant, c’est tuant de charme et en plus, c’est stable!

De l’autre côté, les escaliers de Lang & Bauman ne doivent pas peser moins que ces ponts et ces ellipses de parpaings imaginés par Vincent Ganivet… pourtant, c’est blanc, c’est lisse. C’est presque blanc sur blanc, comme un escalier blanc sur fond blanc d’un descendant de Malevitch. C’est Suprématiste, c’est minimal, c’est rétrofuturiste et onirique, et le tout a l’air d’une incroyable légèreté. Ce sont les escaliers que l’on n’empruntera jamais. Ceux de nos rêves. Ceux qui dessinent une voie lactée.

Et toutes ces œuvres sont parfaitement cohérentes. Elles créent un beau dialogue entre elles.

Du coup, je filme je filme je filme.

Et je me faufile dans le terrier du lapin et dans la cabane de David.
C’est une cabane qui ressemble à une cabane comme on voudrait en trouver une au fin-fond du Canada ou du Danemark. Mais c’est aussi un bar clandestin qui ouvre à des heures improbables pour vous servir des liqueurs peu recommandables. C’est un espace qui est une œuvre d’art qui abrite et englobe en son sein d’autres œuvres d’art.
David nous explique qu’il a pris des cartons et y a réuni tout ce qui commençait à l’encombrer chez lui. Des choses que tout fétichiste de l’art qui se respecte garde avec soin… jusqu’au jour où toutes ça s’amoncelle tant et tant, que l’on se sent étouffer. Il est alors temps de prendre des mesures.
Toutes ces cartes postales, ces milliers d’images, tous ces bristols qui vous invitent ici ou là, ces photos, ces magazines, ces livres, ces bibelots, ces vases, ces tasses, ces sous-bocks… ces tas d’objets comme ce magnifique tampon-encreur de cuivre ou cette boîte d’allumettes collector… viennent de là. De cette boîte à idées géante dont l’artiste a dû se séparer.

Et dans ce lieu momentanément déserté et même naturellement évincé par le véritable bar du « Confort », je me surprends à fouiner. C’est pas comme si on était aux Puces, mais ça a quelque chose du grenier de l’enfance, on est sûr qu’un trésor nous attend quelque part dans ce jolis fatras.
Tout-à-coup, je me surprens à envisager ce tampon encreur, à essayer de décrypter le message qu’il a dû contenir en 1922, à l’époque supposée de sa création. Puis ma main glisse, elle va plus loin dans les cartons. Elle arrive là, à un point crucial, au carrefour de ma vie, je le sens.
Je la ressors du carton : j’ai apparemment tiré au sort le Jocker. Le vrai joker, cet ineffable bouffon plein de clochettes et de pompons. La carte à jouer. Sous verre. Je ne résiste pas à ce signe du destin, je l’emporte. Je le sors du lot et je pars en quête de son auteur que je pense être David Evrard.
Sauf que l’install’ d’Evrard n’est pas un self-service et que je viens de la dénaturer en douceur. Sans même m’en rendre compte. Enfin, c’est juste un petit élément dont on relèvera à peine l’absence, sauf à l’inventaire… mais tout de même !
David est scié, me trouve gonflé d’avoir pioché dans son install… mais parce que c’est le jocker, et parce que c’est moi, mais surtout parce que c’est lui… et que tout cela s’est fait dans la plus pure spontanéité, cette petite carte à jouer mise sous verre m’est authentifiée par l’artiste qui me fait une faveur. C’est une œuvre de 96 d’un certain Jos qu’il m’authentifie et avec laquelle j’ai regagné Paris aujourd’hui.

Côté HD, il y avait de quoi filmer tout au long de la soirée. Et je n’ai pas lâché ma caméra… mais c’est elle qui m’a lâché. Je n’ai pas fait exactement ce que j’avais prévu mais ce n’était pas le but. C’était de l’ordre de l’expérimentation filmique. Et c’est à suivre.
Par contre, j’ai bien filmé comme je l’avais prévu l’ambiance du vernissage, les shoes de ma copine, les Dirty -Guillaume Sorge et Clovis Goux- en plein mix, la voracité au buffet, l’ambiance du bar clandestin et les allers et venues des Bunnies… jusqu’à leur voler leurs oreilles pour toute la soirée.
J’étais totalement customisée David Evrard en somme !

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