Samedi 17 octobre 2009 (bis)
Ne jamais aller chez Harrod’s ! Ça commence avec une copine qui voudrait juste le dernier Christmas’ teddy Bear, ça continue avec la copine chez qui on dîne et à qui on voudrait apporter un super dessert… puis on se perd et on se retrouve par hasard au cœur des dernières création de Belstaff et de Vivienne Westwood… un crochet par le rayon shoes et on se surprend à essayer juste pour voir des Marc Jacobs… finalment, on aterrit à la papeterie en voulant prendre le métro. Et en cherchant à s’y échapper, on soulage sa bourse avec des porte-clés en forme de cab ou de bobbys !
Au secours ! C’est pire que chez Liberty où on va pour le plaisir des yeux et où on sort calmement avec juste une boîte de chocolats… ceux de la Reine, évidemment !
mercredi 28 octobre 2009
Episode 72
Samedi 17 octobre 2009
Je me suis trompée de bar… faut croire !
J’étais dans les rues du « Swinging London » des seventies… et d’un coup, je me retrouve coincée dans un bar total look Rockabilly, qui ne donne même pas sur la rue. Tous stores fermés, il ne laisse pas passer un rai de lumière !
A l’américaine, en tout point. Pas ma vibration ! Trop tard pour prendre la sortie. Je suis trop crevée.
En tout cas, je me demande toujours quel genre de pays peut vendre des fringues si bon marché et une nourriture si chère. Idem pour les transports d’ailleurs ! Est-ce qu’ils n’aiment ni manger ni se déplacer ? Est-ce qu’ils font juste pousser des choses dans leur jardin ?
Peut-être que s’habiller est le cadet de leurs soucis. Ou bien le contraire ?
J’en sais rien mais ça ne les a jamais empêché d’avoir du style.
Et c’est comme ça qu’il y a moins d’une heure, j’étais face à un ensemble robe + veste de Louis Féraud : 2 pièces magnifiques ! Fin fifties.
J’ai regardé le prix juste pour me faire mal, et là… j’ai cru m’évanouir. Est-ce qu’il ne manquait pas un zéro ?
Non non non! 38 livres ou plutôt trente-huit livres sterling soit l’équivalent grotesque de soixante euros à peine. So cheap, me dis-je !
C’était pour moi et ça m’allait à ravir. Robe chasuble bicolore rose et bleue… mais loin d’être mièvre ! Une veste parfaitement coupée. Un travail de couture hors-pair. A l’extérieur comme à l’intérieur.
Je suis née dans les tissus, les boutons, les coupons multicolores, les fils et les bobines… on ne me la fait pas et une belle pièce est de plus en plus rare !
C’était fait pour moi sauf que je n’ai pas écouté le message.
C’était pour moi sauf que je me suis ruinée en vestes de l’armée britannique. J’ai déjà craqué sur un million de trucs juste avant et cramé pas mal d’euros! C’est un peu le même effet qu’après avoir respiré trop de parfum, on ne sent plus rien, ou on ne comprend plus rien.
J’ai craqué sur la énième veste militaire de ma collection et de ma vie… à se demander si je ne vais pas finir par mettre une armée sur pied juste pour les voir défiler et me rappeler ce que j’ai dans mes placards.
Est-ce que je m’achète une veste militaire tous les 6 mois ? Armée de l’air, de terre, mer… France, Grande Bretagne, Soviét… j’ai même une veste militaire de l’Armée Azérie… et Dieu sait qu’une Arménienne comme moi aura du mal à la porter ! C’est un Russe qui me l’a vendue… personne n’en serait étonné !! On ne refait pas l’Histoire.
Et voilà la pièce que je cherche depuis un moment : une véritable capeline de marine, une marinière amovible avec velcro à positionner sur sa vareuse selon ses humeurs.
J’ai aussi craqué sur… des lunettes qui font voir la vie en grand et en rose.
Deux pulls seconde peau ultra chauds qui ont des airs de panty.
Et puis une veste de velours rayure tennis. Genre : j’ai rétréci celle de mon boy friend. Ou bien du style: c’est celle de mon boy friend du lycée quand il rêvait de travailler à la City.
Sans parler d’hier où j’ai craqué sur un nouveau sac surmonté d’un Union Jack… à paillettes. C’était celui-là ou celui de TopShop en motif tartan. Qui sait si je ne retournerai pas le chercher avant mon départ ?
Et en ce moment, j’ai un problème : je m’achète un nouveau mini-sac par jour. Sauf que je ne me balade jamais qu’avec d’immenses sacs pouvant contenir mon MacBook, mes cahiers, mes stylos et mes bouquins ! A quand le caddie franchement ?
Quoiqu’il en soit, 2h à Portobello comme aujourd’hui et je me fais 30 looks sans hésiter. Un toutes les deux secondes. Le temps de cligner de l’œil.
Except… le problème de budget. Mais j’ai décidé de ne plus en avoir grand chose à cirer. Du moins pendant 5 jours au cœur de Londres.
Tout-à-l’heure, j’irai chez Harrod’s chercher un Christmas Teddy Bear pour l’offrir à Patricia. Et puis, je ferai tout pour ne pas me laisser piéger par le rayon papeterie.
Loin de la foule de Frieze, loin de l’art contemporain, immergée dans London, je n’ai aucun doute sur mon identité… je suis british. Le nez dans les pickles et les vieilles dentelles, j’ai parfois le melon. J’aime les parcs que l’on traverse en pleine ville avec l’impression d’être en forêt.
Il n’y a que les écureuils pour nous rappeler qu’on est en pleine ville tant ils sont snobs.
Dès ce matin, avec Laurence et son fils Archigan, on est allés de Kensington à Portobello… en passant par Holland Park.
Débat vivant avec les écureuils du quartier. Du live, cette fois.
J’ai chaque fois le sentiment en les voyant qu’ils viennent ponctuer les parcs qu’ils traversent. C’est comme des virgules qui traversent la verdure en ondulant.
J’ai regardé ce matin une de ces virgules droit dans les yeux pour essayer de le réduire à un point. Inutile d’espérer. La créature m’a gentiement défiée d’un regard qui signifiait : « no nuts, no doubt, you suck ! »
Et puisque c’était un fin gourmet, mon écureuil a fait volte-face et s’est cassé, la queue en panache… selon l’expression consacrée !
L’esthétique du rongeur… encore et encore. Ça continue !
On est passées avec Laurence devant d’incroyables résidences au cœur du triangle d’or. Des maisons victoriennes dignes d’un Agatha Christie : l’une d’entre elles avait même déjà accueilli une Miss Marple cinématographique. Quant à la maison voisine, c’était celle du producteur de James Bond.
D’ailleurs comment éviter le people à London… et surtout à Portobello ?
Les boutiques vintage de Portobello en regorgent et sur les talons de Laurence, on rencontre souvent des légendes sans que ça ne fasse la moindre vague.
Alors que l’on faisait une séance d’essayage de lunettes, on rencontre Ana Maria, une amie de Laurence. Et de quoi discutent donc ces deux Londoniennes d’élection ? D’une ancienne amie commune, bien sûr : Annie Lennox pour vous servir. Et la dernière fois que la capiteuse Ana Maria a vu Laurence, c’était pour la photographier, le ventre rond, à Portobello.
Bon, quant à moi, j’ai passé au moins trois quarts d’heure avec John.
Et si j’ai eu beaucoup de mal à quitter, ce n’est pas parce qu’il était le sosie Brit de Pierre Richard ou qu’il avait l’air d’un énième chanteur de rock mais parce qu’il vendait les plus belles vestes militaires de Portobello en french avec l’accent Brit le plus sexy et le plus châtié de tout Portobello.
Vestes à galons, à épaulettes, festons et passementeries… écussons… j’ai tout essayé… puis j’ai opté pour la plus simple, la moins colorée, la plus passe-partout, mais la plus stylée.
Et alors que je ressors avec l’impression de quitter un vrai pote qui m’a fait en plus une pure ristourne… je retrouve Laurence avec un beau gosse trois enseignes plus loin, dans une boutique à l’ancienne et pleine d’incroyables rouleaux de tissu.
Je discute avec lui de la photo qui est au mur et qui représente son clone à l’ouverture de la boutique : c’est tout simplement son père. On est dans l’entreprise familiale. Un splendide vieux beau. Je trouve ce quinqua ultra sympathique et rayonnant mais on n’a pas le temps de taper la converse… on doit y aller.
Et en sortant, Laurence m’apprend que je viens de parler à une légende vivante : j’étais en compagnie d’un des guitaristes de T.Rex !
No comment.
This is Portobello !
Pr contre, il y a toujours un revers à la médaille. Ça me fait toujours mal de me dire que ce quartier où j’ai vécu pendant 15 jours il y au moins 15 ans s’est transformé à ce point, jusqu’à se dénaturer, se caricaturer et se remplir d’un tas de gens qui parcourent les rues sur les traces d’une preuve filmique !
Et surtout, on ne peut plus causer tranquille !
On ne peut même plus insulter tranquillement et gentiement quelqu’un en français… sans que la personne ne se retourne pour vous dire que vous n’êtes pas sympa de la traiter de connasse alors qu’elle marche tranquillement dans le troupeau de français qui se baladent quotidiennement à Portobello ! En français dans le texte !
Bon, ça ne m’est pas arrivé… mais c’était à deux doigts et finalement, c’est arrivé à ma copine !
Et dans la file d’attente de la cash machine, idem : impossible de faire des confidences sur son lover du moment sans que le mec qui se trouve juste devant vous ne vous lance des regards complices… du style : je te comprends, les mecs sont devenus assez insupportables à Paris, c’est pourquoi je me suis exporté.
Portobello est devenu le Montmartre British. On est tout proche de la tarte postale avec les échoppes à souvenirs bidons. Impossible de s’y sentir dépaysé tant la première langue du quartier est celle du touriste Français.
Il ne manquerait plus qu’on y colle une Joconde… où que le Da Vinci Code passe quelque part par là pour que le tableau ne soit aussi complété par une armée de Japonais venus mitrailler la rue de photos ou qu’un car de Pékinois ne débarque démonter la ville pavé par pavé et la remonter en miniature à Pékin.
Quoiqu’en parlant de Joconde… j’ai croisé le regard de Sophie Calle ici-même en début d’après-midi. Etait-ce près des « Couilles du chien », la légendaire boutique de Portobello ou près d’un Salon de thé, aucune idée. Peut-être était-elle sur les traces de Jack l’Eventreur vue le regard enflammé qu’elle m’a lancé. On était si sidérées de se croiser d’un jour sur l’autre qu’on a préféré se défier du regard… alors qu’on s’adore. Enfin, autant que cette femme, artiste pourtant respectée et même vénérée pour son œuvre, puisse aimer une autre femme. Pourquoi jouer les vieilles acariâtres quand on a autant de talent ?
De toute façon, c’était une journée artistiquement off. Je la dois à ma fulgurante Laurence et son adorable Archigan.
Il me faut vite sortir de ce bar aux allures américaines pour vite les rejoindre. Et avant, je dois me rendre à Knightsbridge où m’attendent les chevaliers de Hyde park.
Je me suis trompée de bar… faut croire !
J’étais dans les rues du « Swinging London » des seventies… et d’un coup, je me retrouve coincée dans un bar total look Rockabilly, qui ne donne même pas sur la rue. Tous stores fermés, il ne laisse pas passer un rai de lumière !
A l’américaine, en tout point. Pas ma vibration ! Trop tard pour prendre la sortie. Je suis trop crevée.
En tout cas, je me demande toujours quel genre de pays peut vendre des fringues si bon marché et une nourriture si chère. Idem pour les transports d’ailleurs ! Est-ce qu’ils n’aiment ni manger ni se déplacer ? Est-ce qu’ils font juste pousser des choses dans leur jardin ?
Peut-être que s’habiller est le cadet de leurs soucis. Ou bien le contraire ?
J’en sais rien mais ça ne les a jamais empêché d’avoir du style.
Et c’est comme ça qu’il y a moins d’une heure, j’étais face à un ensemble robe + veste de Louis Féraud : 2 pièces magnifiques ! Fin fifties.
J’ai regardé le prix juste pour me faire mal, et là… j’ai cru m’évanouir. Est-ce qu’il ne manquait pas un zéro ?
Non non non! 38 livres ou plutôt trente-huit livres sterling soit l’équivalent grotesque de soixante euros à peine. So cheap, me dis-je !
C’était pour moi et ça m’allait à ravir. Robe chasuble bicolore rose et bleue… mais loin d’être mièvre ! Une veste parfaitement coupée. Un travail de couture hors-pair. A l’extérieur comme à l’intérieur.
Je suis née dans les tissus, les boutons, les coupons multicolores, les fils et les bobines… on ne me la fait pas et une belle pièce est de plus en plus rare !
C’était fait pour moi sauf que je n’ai pas écouté le message.
C’était pour moi sauf que je me suis ruinée en vestes de l’armée britannique. J’ai déjà craqué sur un million de trucs juste avant et cramé pas mal d’euros! C’est un peu le même effet qu’après avoir respiré trop de parfum, on ne sent plus rien, ou on ne comprend plus rien.
J’ai craqué sur la énième veste militaire de ma collection et de ma vie… à se demander si je ne vais pas finir par mettre une armée sur pied juste pour les voir défiler et me rappeler ce que j’ai dans mes placards.
Est-ce que je m’achète une veste militaire tous les 6 mois ? Armée de l’air, de terre, mer… France, Grande Bretagne, Soviét… j’ai même une veste militaire de l’Armée Azérie… et Dieu sait qu’une Arménienne comme moi aura du mal à la porter ! C’est un Russe qui me l’a vendue… personne n’en serait étonné !! On ne refait pas l’Histoire.
Et voilà la pièce que je cherche depuis un moment : une véritable capeline de marine, une marinière amovible avec velcro à positionner sur sa vareuse selon ses humeurs.
J’ai aussi craqué sur… des lunettes qui font voir la vie en grand et en rose.
Deux pulls seconde peau ultra chauds qui ont des airs de panty.
Et puis une veste de velours rayure tennis. Genre : j’ai rétréci celle de mon boy friend. Ou bien du style: c’est celle de mon boy friend du lycée quand il rêvait de travailler à la City.
Sans parler d’hier où j’ai craqué sur un nouveau sac surmonté d’un Union Jack… à paillettes. C’était celui-là ou celui de TopShop en motif tartan. Qui sait si je ne retournerai pas le chercher avant mon départ ?
Et en ce moment, j’ai un problème : je m’achète un nouveau mini-sac par jour. Sauf que je ne me balade jamais qu’avec d’immenses sacs pouvant contenir mon MacBook, mes cahiers, mes stylos et mes bouquins ! A quand le caddie franchement ?
Quoiqu’il en soit, 2h à Portobello comme aujourd’hui et je me fais 30 looks sans hésiter. Un toutes les deux secondes. Le temps de cligner de l’œil.
Except… le problème de budget. Mais j’ai décidé de ne plus en avoir grand chose à cirer. Du moins pendant 5 jours au cœur de Londres.
Tout-à-l’heure, j’irai chez Harrod’s chercher un Christmas Teddy Bear pour l’offrir à Patricia. Et puis, je ferai tout pour ne pas me laisser piéger par le rayon papeterie.
Loin de la foule de Frieze, loin de l’art contemporain, immergée dans London, je n’ai aucun doute sur mon identité… je suis british. Le nez dans les pickles et les vieilles dentelles, j’ai parfois le melon. J’aime les parcs que l’on traverse en pleine ville avec l’impression d’être en forêt.
Il n’y a que les écureuils pour nous rappeler qu’on est en pleine ville tant ils sont snobs.
Dès ce matin, avec Laurence et son fils Archigan, on est allés de Kensington à Portobello… en passant par Holland Park.
Débat vivant avec les écureuils du quartier. Du live, cette fois.
J’ai chaque fois le sentiment en les voyant qu’ils viennent ponctuer les parcs qu’ils traversent. C’est comme des virgules qui traversent la verdure en ondulant.
J’ai regardé ce matin une de ces virgules droit dans les yeux pour essayer de le réduire à un point. Inutile d’espérer. La créature m’a gentiement défiée d’un regard qui signifiait : « no nuts, no doubt, you suck ! »
Et puisque c’était un fin gourmet, mon écureuil a fait volte-face et s’est cassé, la queue en panache… selon l’expression consacrée !
L’esthétique du rongeur… encore et encore. Ça continue !
On est passées avec Laurence devant d’incroyables résidences au cœur du triangle d’or. Des maisons victoriennes dignes d’un Agatha Christie : l’une d’entre elles avait même déjà accueilli une Miss Marple cinématographique. Quant à la maison voisine, c’était celle du producteur de James Bond.
D’ailleurs comment éviter le people à London… et surtout à Portobello ?
Les boutiques vintage de Portobello en regorgent et sur les talons de Laurence, on rencontre souvent des légendes sans que ça ne fasse la moindre vague.
Alors que l’on faisait une séance d’essayage de lunettes, on rencontre Ana Maria, une amie de Laurence. Et de quoi discutent donc ces deux Londoniennes d’élection ? D’une ancienne amie commune, bien sûr : Annie Lennox pour vous servir. Et la dernière fois que la capiteuse Ana Maria a vu Laurence, c’était pour la photographier, le ventre rond, à Portobello.
Bon, quant à moi, j’ai passé au moins trois quarts d’heure avec John.
Et si j’ai eu beaucoup de mal à quitter, ce n’est pas parce qu’il était le sosie Brit de Pierre Richard ou qu’il avait l’air d’un énième chanteur de rock mais parce qu’il vendait les plus belles vestes militaires de Portobello en french avec l’accent Brit le plus sexy et le plus châtié de tout Portobello.
Vestes à galons, à épaulettes, festons et passementeries… écussons… j’ai tout essayé… puis j’ai opté pour la plus simple, la moins colorée, la plus passe-partout, mais la plus stylée.
Et alors que je ressors avec l’impression de quitter un vrai pote qui m’a fait en plus une pure ristourne… je retrouve Laurence avec un beau gosse trois enseignes plus loin, dans une boutique à l’ancienne et pleine d’incroyables rouleaux de tissu.
Je discute avec lui de la photo qui est au mur et qui représente son clone à l’ouverture de la boutique : c’est tout simplement son père. On est dans l’entreprise familiale. Un splendide vieux beau. Je trouve ce quinqua ultra sympathique et rayonnant mais on n’a pas le temps de taper la converse… on doit y aller.
Et en sortant, Laurence m’apprend que je viens de parler à une légende vivante : j’étais en compagnie d’un des guitaristes de T.Rex !
No comment.
This is Portobello !
Pr contre, il y a toujours un revers à la médaille. Ça me fait toujours mal de me dire que ce quartier où j’ai vécu pendant 15 jours il y au moins 15 ans s’est transformé à ce point, jusqu’à se dénaturer, se caricaturer et se remplir d’un tas de gens qui parcourent les rues sur les traces d’une preuve filmique !
Et surtout, on ne peut plus causer tranquille !
On ne peut même plus insulter tranquillement et gentiement quelqu’un en français… sans que la personne ne se retourne pour vous dire que vous n’êtes pas sympa de la traiter de connasse alors qu’elle marche tranquillement dans le troupeau de français qui se baladent quotidiennement à Portobello ! En français dans le texte !
Bon, ça ne m’est pas arrivé… mais c’était à deux doigts et finalement, c’est arrivé à ma copine !
Et dans la file d’attente de la cash machine, idem : impossible de faire des confidences sur son lover du moment sans que le mec qui se trouve juste devant vous ne vous lance des regards complices… du style : je te comprends, les mecs sont devenus assez insupportables à Paris, c’est pourquoi je me suis exporté.
Portobello est devenu le Montmartre British. On est tout proche de la tarte postale avec les échoppes à souvenirs bidons. Impossible de s’y sentir dépaysé tant la première langue du quartier est celle du touriste Français.
Il ne manquerait plus qu’on y colle une Joconde… où que le Da Vinci Code passe quelque part par là pour que le tableau ne soit aussi complété par une armée de Japonais venus mitrailler la rue de photos ou qu’un car de Pékinois ne débarque démonter la ville pavé par pavé et la remonter en miniature à Pékin.
Quoiqu’en parlant de Joconde… j’ai croisé le regard de Sophie Calle ici-même en début d’après-midi. Etait-ce près des « Couilles du chien », la légendaire boutique de Portobello ou près d’un Salon de thé, aucune idée. Peut-être était-elle sur les traces de Jack l’Eventreur vue le regard enflammé qu’elle m’a lancé. On était si sidérées de se croiser d’un jour sur l’autre qu’on a préféré se défier du regard… alors qu’on s’adore. Enfin, autant que cette femme, artiste pourtant respectée et même vénérée pour son œuvre, puisse aimer une autre femme. Pourquoi jouer les vieilles acariâtres quand on a autant de talent ?
De toute façon, c’était une journée artistiquement off. Je la dois à ma fulgurante Laurence et son adorable Archigan.
Il me faut vite sortir de ce bar aux allures américaines pour vite les rejoindre. Et avant, je dois me rendre à Knightsbridge où m’attendent les chevaliers de Hyde park.
mercredi 21 octobre 2009
Episode 71 bis
Jeudi 15 octobre 2009 (suite)
(…)
Bon, bon… et sinon, c’est mon premier jour à Londres et c’est aussi le premier jour d’une sorte d’enfermement volontaire ou en tout cas d’isolement dans une boîte installée en plein dans le green de Regent’s Park.
Si on réfléchit, c’est tout de même aussi ça Frieze. Pas un night club mais un art club.
On est le 15 octobre… et c’est aussi la date choisie par Artus pour s’enfermer dans une boîte. Une vraie boîte en carton adaptée à sa taille. Je suis donc en connexion avec lui à travers un échange franco-britannique télépathique.
Tout comme moi, Artus est dans un temple de la consommation : le Citadium/Printemps, rue de Provence à Paris.
On n’y vend pas tout-à-fait le même genre de choses qu’à Frieze, mais bon… on y vend quand même des produits, on y fait des promos et des ristournes, on y a le sens du spectacle, il y a une machine à CB si jamais vous ne pouvez pas payer en cash. Et il y a aussi une cash machine.
Si on ne veut ou ne peut rien acheter, pas de problème, on peut aussi s’y rendre juste pour le plaisir des yeux et des animations. Se baigner dans l’atmosphère.
Frieze est une foire, avec tout ce que cela comporte de phénomènes de foires, de freaks… on peut y voir des hurluberlus qui ne trouvent rien d’autre à faire pour attirer le regard sur eux que de se déguiser, ils sont prête à tout pour qu’on les regarde et qu’ils se prennent un instant pour des œuvres d’art ou des sculptures vivantes. Prêts à se mettre n’importe quoi sur la tête ou sur la cul du moment qu’on se retourne sur eux. C’est parfois de l’ordre de la thérapie. Parfois c’est juste beau, juste, réussi… On y trouve des instants de grâce comme cet être totalement atemporel en costume de velours, qui posté sur un stand joue sa partition au violon. Totalement absorbé. Sourd et aveugle à ce qui l’entoure. Habité par sa propre musique. Impassible et anachronique. Plus qu’une image. Parfois, c’est une vraie parenthèse artistique… mais c’est rare. La plupart du temps ça reste des phénomènes de foire.
Alors que certains s’ingénient à infiltrer du quotidien dans l’art, Artus injecte de l’art dans une boutique, un grand magasin. Il nous demande presque de le retrouver si on l’ose.
Il passe deux semaines enfermé au Printemps.
Injoignable par tél, mail, mer, air… il a confié ses objets de communication à des proches censés communiquer entre eux, buzzer sur sa présence fantomatique errant dans un grand magasin labyrinthique 15 jours durant.
Du 15 au 30 octobre 2009. Au 104 rue de Provence, de 10 h à 20h du Lundi au samedi « à l’exception du Jeudi ou le magasin ferme à 21h, et du Dimanche ou je me baladerais dans Paris. » ajoute-t-il.
« J’arriverai vers 9h50 vêtu d’un costume blanc, au 104 rue de Provence et en repartirais vers 20h10. La boîte fait 0,90 x 0,90 x 1,90 m et est placée horizontalement non loin de la vitrine ou se trouve la peinture « Consumérisme ».
J’y amène tous les jours le journal « Le Monde », et je dors sur le matelas sur lequel dormais ma mère, avec une couette, deux oreillers, un réveil, des boules Quies, un réveil, une lumière, un stylo et un carnet de notes. Trois bouteilles d’eau, dont une vide. (…)»
La bouteille vide, c’est pour… uriner ?
En même temps, en relisant toutes les conditions de son incarcération volontaire, je me pose un tas de questions sur ces réelles motivations.
Il y a cette contradiction entre s’exhiber et se cacher, s’exhiber tout en se cachant, se cacher tout en s’exhibant. Artus est une rayonnante terre de contradictions de toute façon. Donc, il prend un rayon de lumière, un rayon du magasin, une tête de gondole tant qu’à faire, pour s’y cacher. Jouer entre présence et absence.
Je ne peux pas m’empêcher de me demander pourquoi un artiste, c'est-à-dire quelqu’un qui n’a volontairement pas d’horaires tant sa discipline personnelle dépend de ses désirs et de ses pulsions créatrices… comment un artiste décide-t-il subitement de s’imposer des horaires rigides et inflexibles. Presque des horaires de bureau. Etonnant pour un artiste secrètement réfugié dans un temple de la conso pour y créer.
Je sais que la création a besoin de cadre et de contraintes pour se dépasser, se transcender. Mais à ce point, respecter des horaires de fonctionnaire, ça me dépasse. C’est un luxe que je n’ai pas réussi à m’accorder trop longtemps.
Et je me dis que ça donne au Printemps -une bien belle saison d’ailleurs- des airs de résidence artistique masquée. Un lieu de méditation qui donnera lieu chaque soir à des heures de réflexion et d’écriture. De création. En pleine période de crise, c’est finalement un lieu comme un autre pour travailler et rêver, pour créer. Un bureau et un atelier du même coup dans un lieu anti-sacré.
Tout ça pour une « Installation-performance »… ce qui veut dire quelque chose qui fait d’Artus un hybride, à la fois sujet et objet. Une « sculpture vivante » ? Un Gilbert & George à lui tout seul ? Un « personnage à réactiver » ? Un personnage tout court.
Ce qui expliquerait qu’il soit en tenue de gala pour y aller. En même temps, il enfile son costume blanc comme d’autres enfileraient leur combinaison de travail.
Mais plus qu’un ouvrier de l’art, Artus évoque plutôt Beuys et son expérience avec le Coyote de 1974. Il s’agit d’un homme -Josef Beuys- qui s’enferme avec un coyote toute une journée durant, apprivoisant la bête sauvage, installant un système de respect mutuel plutôt qu’un rapport dominant-dominé. Mais quel est le rapport ici ? Qui est la bête sauvage ? Quel bête sauvage Artus tente-t-il de dompter ? Est-ce sa propre nature qu’il met ainsi au défi?
Et chaque jour, il se rend à sa résidence en costume blanc.
Pourquoi blanc ?
J’ai eu comme l’impression qu’il gardait de jour en jour 15 jours durant le même « bleu de travail » qui est en fait blanc, comme pour mesurer son non-labeur à la hauteur de sa non-activité. Ou bien est-ce une réelle activité immobile ?
Avant d’aller chaque soir s’effondrer de fatigue dans son atelier d’écriture et de travail perso dans le Marais. Sur le matelas de sa mère disparue il y a peu.
Mais pourquoi le matelas de sa mère. Pourquoi le préciser dans le communiqué ? Pourquoi rejouer cette séquence ? Quel était le rapport avec sa mère exactement ? Elle est très présente dans son œuvre. Au centre de son œuvre, de plus en plus. D’autant plus depuis sa disparition je crois. Est-ce une manière de faire son deuil ? De la faire revivre ?
D’ailleurs, ça a sûrement un rapport ave « L’Art Posthume », le groupe artistique dont Artus est le confondateur avec deux autres artistes dont un photographe, Daniele Tedeschi.
Le trio a même signé un manifeste dont je n’ai pas forcément encore compris toutes les subtilités. J’attends qu’il m’explique une fois de retour à Paris.
Mais j’imagine que sa mère est l’inspiratrice de ce « mouvement » artistique s’il en est. Et surtout je pense que sa mère était une « artiste sans œuvre »… dont l’unique création était une œuvre d’Artus !!
Ça paraît de plus en plus clair. Psychanalytiquement parlant en tout cas.
En attendant, je quitte ma boîte de Regent’s Park pour prendre l’air d’une autre boîte : un tour chez TopShop à Bond Street me changerait-il les idées ?
Mais non mais non… j’ai encore à faire !
J’entraîne Antoine sur Bond Street, Oxford Street… onward, on a l’expo Blair Thurman à aller voir chez Alexia Goethe. On en profitera pour faire un saut chez Sadie Coles qui présente Sarah Lucas. Et puis, dans la vitrine de je-ne-sais-plus-qui, on pourra admirer une vitrine de Baldessari qui a son expo perso à la Tate en ce moment.
Ensuite, Antoine m’emmène dans une ambiance frenchy : Sophie Calle à la White Chapel. Est-ce que ce sera pour elle une rétrospective en forme de lifting ?
(…)
Bon, bon… et sinon, c’est mon premier jour à Londres et c’est aussi le premier jour d’une sorte d’enfermement volontaire ou en tout cas d’isolement dans une boîte installée en plein dans le green de Regent’s Park.
Si on réfléchit, c’est tout de même aussi ça Frieze. Pas un night club mais un art club.
On est le 15 octobre… et c’est aussi la date choisie par Artus pour s’enfermer dans une boîte. Une vraie boîte en carton adaptée à sa taille. Je suis donc en connexion avec lui à travers un échange franco-britannique télépathique.
Tout comme moi, Artus est dans un temple de la consommation : le Citadium/Printemps, rue de Provence à Paris.
On n’y vend pas tout-à-fait le même genre de choses qu’à Frieze, mais bon… on y vend quand même des produits, on y fait des promos et des ristournes, on y a le sens du spectacle, il y a une machine à CB si jamais vous ne pouvez pas payer en cash. Et il y a aussi une cash machine.
Si on ne veut ou ne peut rien acheter, pas de problème, on peut aussi s’y rendre juste pour le plaisir des yeux et des animations. Se baigner dans l’atmosphère.
Frieze est une foire, avec tout ce que cela comporte de phénomènes de foires, de freaks… on peut y voir des hurluberlus qui ne trouvent rien d’autre à faire pour attirer le regard sur eux que de se déguiser, ils sont prête à tout pour qu’on les regarde et qu’ils se prennent un instant pour des œuvres d’art ou des sculptures vivantes. Prêts à se mettre n’importe quoi sur la tête ou sur la cul du moment qu’on se retourne sur eux. C’est parfois de l’ordre de la thérapie. Parfois c’est juste beau, juste, réussi… On y trouve des instants de grâce comme cet être totalement atemporel en costume de velours, qui posté sur un stand joue sa partition au violon. Totalement absorbé. Sourd et aveugle à ce qui l’entoure. Habité par sa propre musique. Impassible et anachronique. Plus qu’une image. Parfois, c’est une vraie parenthèse artistique… mais c’est rare. La plupart du temps ça reste des phénomènes de foire.
Alors que certains s’ingénient à infiltrer du quotidien dans l’art, Artus injecte de l’art dans une boutique, un grand magasin. Il nous demande presque de le retrouver si on l’ose.
Il passe deux semaines enfermé au Printemps.
Injoignable par tél, mail, mer, air… il a confié ses objets de communication à des proches censés communiquer entre eux, buzzer sur sa présence fantomatique errant dans un grand magasin labyrinthique 15 jours durant.
Du 15 au 30 octobre 2009. Au 104 rue de Provence, de 10 h à 20h du Lundi au samedi « à l’exception du Jeudi ou le magasin ferme à 21h, et du Dimanche ou je me baladerais dans Paris. » ajoute-t-il.
« J’arriverai vers 9h50 vêtu d’un costume blanc, au 104 rue de Provence et en repartirais vers 20h10. La boîte fait 0,90 x 0,90 x 1,90 m et est placée horizontalement non loin de la vitrine ou se trouve la peinture « Consumérisme ».
J’y amène tous les jours le journal « Le Monde », et je dors sur le matelas sur lequel dormais ma mère, avec une couette, deux oreillers, un réveil, des boules Quies, un réveil, une lumière, un stylo et un carnet de notes. Trois bouteilles d’eau, dont une vide. (…)»
La bouteille vide, c’est pour… uriner ?
En même temps, en relisant toutes les conditions de son incarcération volontaire, je me pose un tas de questions sur ces réelles motivations.
Il y a cette contradiction entre s’exhiber et se cacher, s’exhiber tout en se cachant, se cacher tout en s’exhibant. Artus est une rayonnante terre de contradictions de toute façon. Donc, il prend un rayon de lumière, un rayon du magasin, une tête de gondole tant qu’à faire, pour s’y cacher. Jouer entre présence et absence.
Je ne peux pas m’empêcher de me demander pourquoi un artiste, c'est-à-dire quelqu’un qui n’a volontairement pas d’horaires tant sa discipline personnelle dépend de ses désirs et de ses pulsions créatrices… comment un artiste décide-t-il subitement de s’imposer des horaires rigides et inflexibles. Presque des horaires de bureau. Etonnant pour un artiste secrètement réfugié dans un temple de la conso pour y créer.
Je sais que la création a besoin de cadre et de contraintes pour se dépasser, se transcender. Mais à ce point, respecter des horaires de fonctionnaire, ça me dépasse. C’est un luxe que je n’ai pas réussi à m’accorder trop longtemps.
Et je me dis que ça donne au Printemps -une bien belle saison d’ailleurs- des airs de résidence artistique masquée. Un lieu de méditation qui donnera lieu chaque soir à des heures de réflexion et d’écriture. De création. En pleine période de crise, c’est finalement un lieu comme un autre pour travailler et rêver, pour créer. Un bureau et un atelier du même coup dans un lieu anti-sacré.
Tout ça pour une « Installation-performance »… ce qui veut dire quelque chose qui fait d’Artus un hybride, à la fois sujet et objet. Une « sculpture vivante » ? Un Gilbert & George à lui tout seul ? Un « personnage à réactiver » ? Un personnage tout court.
Ce qui expliquerait qu’il soit en tenue de gala pour y aller. En même temps, il enfile son costume blanc comme d’autres enfileraient leur combinaison de travail.
Mais plus qu’un ouvrier de l’art, Artus évoque plutôt Beuys et son expérience avec le Coyote de 1974. Il s’agit d’un homme -Josef Beuys- qui s’enferme avec un coyote toute une journée durant, apprivoisant la bête sauvage, installant un système de respect mutuel plutôt qu’un rapport dominant-dominé. Mais quel est le rapport ici ? Qui est la bête sauvage ? Quel bête sauvage Artus tente-t-il de dompter ? Est-ce sa propre nature qu’il met ainsi au défi?
Et chaque jour, il se rend à sa résidence en costume blanc.
Pourquoi blanc ?
J’ai eu comme l’impression qu’il gardait de jour en jour 15 jours durant le même « bleu de travail » qui est en fait blanc, comme pour mesurer son non-labeur à la hauteur de sa non-activité. Ou bien est-ce une réelle activité immobile ?
Avant d’aller chaque soir s’effondrer de fatigue dans son atelier d’écriture et de travail perso dans le Marais. Sur le matelas de sa mère disparue il y a peu.
Mais pourquoi le matelas de sa mère. Pourquoi le préciser dans le communiqué ? Pourquoi rejouer cette séquence ? Quel était le rapport avec sa mère exactement ? Elle est très présente dans son œuvre. Au centre de son œuvre, de plus en plus. D’autant plus depuis sa disparition je crois. Est-ce une manière de faire son deuil ? De la faire revivre ?
D’ailleurs, ça a sûrement un rapport ave « L’Art Posthume », le groupe artistique dont Artus est le confondateur avec deux autres artistes dont un photographe, Daniele Tedeschi.
Le trio a même signé un manifeste dont je n’ai pas forcément encore compris toutes les subtilités. J’attends qu’il m’explique une fois de retour à Paris.
Mais j’imagine que sa mère est l’inspiratrice de ce « mouvement » artistique s’il en est. Et surtout je pense que sa mère était une « artiste sans œuvre »… dont l’unique création était une œuvre d’Artus !!
Ça paraît de plus en plus clair. Psychanalytiquement parlant en tout cas.
En attendant, je quitte ma boîte de Regent’s Park pour prendre l’air d’une autre boîte : un tour chez TopShop à Bond Street me changerait-il les idées ?
Mais non mais non… j’ai encore à faire !
J’entraîne Antoine sur Bond Street, Oxford Street… onward, on a l’expo Blair Thurman à aller voir chez Alexia Goethe. On en profitera pour faire un saut chez Sadie Coles qui présente Sarah Lucas. Et puis, dans la vitrine de je-ne-sais-plus-qui, on pourra admirer une vitrine de Baldessari qui a son expo perso à la Tate en ce moment.
Ensuite, Antoine m’emmène dans une ambiance frenchy : Sophie Calle à la White Chapel. Est-ce que ce sera pour elle une rétrospective en forme de lifting ?
Episode 71
Jeudi 15 octobre 2009
C1 : c’est là que je me trouve ici et maintenant et où l’on peut me rejoindre.
Je suis assise à une de ces tables rondes, en hauteur, dans une cafète digne d’une sitcom hyperstylée. Ou d’une séquence dessinée par Jean-Philippe Delhomme. Dans une foire hyperfashion, dans une ville over glam, sur un territoire so Brit’ !
Je prends uns café with « this water made from fruit and clouds».
Ingredients : lemons, limes, et spring water. J’en veux encore et encore. De la poésie en bouteille. Des nuages à avaler. It’s so refreshing. Je suis au cœur de Frieze et mon cœur balance : manger des sashimis avec ma spring water, me perdre dans la foire ou me perdre tout court en envoyant un MMS galant. Les 2. Rayez la mention inutile. Il y a une image ici qui rend un bel hommage à quelqu’un qui spontanément me plait. Un néon qui dit en passant par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, en écritures stylées et penchées, en majuscules, et dans la langue des lovers « I LOVE U ». Exactement ce genre de mots désuets qui fleurent bon l’aventure et vont bien avec mon Londres perso.
Je me suis perdue dans la foire comme je me perds dans toutes les foires. Car je les déteste toutes sans exception. Ce sont les entrailles du marché de l’art. les tripes de l’art à découvert.
Je pense souvent à ce que m’a confié Kamel Mennour un jour lorsqu’un de ses artistes lui parlait de l’accompagner sur le stand d’une foire. Pour lui, c’était la pire chose à faire pour un artiste et il a tout fait pour l’en dissuader, jusqu’à employer l’image qui me semble la plus juste à ce jour : « C’est comme voir ses parents faire l’amour ». Une sensation étrangement dérangeante. Mais tellement vraie.
Et chaque fois que j’entre dans une foire, sans pour autant être une artiste qui voit son marchand vendre ses œuvres, je me sens mal. Overdose d’art. Vers où aller, vers quoi tendre dans cet hyper hypermarché de l’art. Le pire, dans le genre, c’est Bâle.
Et pourtant, je suis toujours heureuse d’être à Frieze car jamais je ne m’oblige à rien ici.
Du coup, j’y perçois un million de sensations, avec l’impression en plus d’avoir le ciel à boire… et qu’il a un gôut de citron.
Ça me stimule et ça m’inspire. Je fais des alliances de mots improbables, de nouvelles images viennent s’ajouter aux œuvres que je croise sur mon chemin… ça se décuple, ça produit des tas de petites bulles effervescentes dans mon esprit, ça se répercute sur mon humeur et mes écrits.
Bon, je suis donc dans un de ces moments de pure exaltation. Je me mets les Pixies pendant 2,30 mn: « La la love you ».
Et en repensant à mon tour Friezien, c’est une esthétique du rongeur qui vient s’imposer à moi. Il y a cette pièce faite d’une invasion de souris informatique que j’avais vu dans une foire d’art moscovite il y a un an. Impossible de me rappeler le nom de l’artiste.
Ici, si j’étais une collectionneuse réelle et non juste une esthète visuelle, je me serai achetée une œuvre qui me ramène à mes sous-bois : un incroyable écureuil pris en plein vol. En suspension, juste avant de se poser. Pris en plein saut, quelques secondes avant d’aterrir sur son socle muséal blanc. Quelques secondes avant de devenir une œuvre d’art ? Une œuvre en devenir ? C’est Agnieszka Kurant qui a immortalisé ce bel animal empaillé, la queue en panache et l’œil vif, en plein mouvement.
Ensuite, j’ai rencontré un rat blanc, les yeux tout rouge, installé sur ses pattes arrière. Médusé par une œuvre d’art qui le dépasse, ou qui sans doute l’interpelle intellectuellement. C’est une sorte d’énorme excroissance blanche. Probablement en résine. C’est surtout une présence écrasante pour ce rat qui bloque dessus ! une belle métaphore de ce que pourrait être l’art.
Evidemment, on doit cette pièce à Elmgreen & Dragset, l’un des duos les plus vifs d’esprit du moment. Toujours plein d’humour. Un brin pince-sans-rire.
Du coup, Lara Pan, la jeune galeriste New Yorkaise que je croise tout près de l’écureuil d’Agnieszka réagit à mon « esthétique du rongeur » en évoquant sa prochaine expo « Pandora’s box… ».
Elle évoque l’installation de Roberts Lazzarini dont l’intention pure et simple est de reconstituer un bout d’appartement avec cuisine et l’envahir d’un tas de petites créatures affamées : une colonie de rats d’égouts grouillant dans l’espace… bouhhh, une belle métaphore bien réaliste pour évoquer notre charmante société ! A faire froid dans le dos.
Dans la même expo, la même Agnieszka, installe, elle, un appareil à produire de la neige noire. A suivre, à suivre.
Pour le côté old school, victorien, désuet… on a Markus Schinwald et ses pieds de meubles qui réinventent le Kama Sutra mobilier. Je vois des boîtes à chapeau habités (Vasco Araujo). Des casques de moto (Maix Mayer). Des échiquiers. Des pions qui rongent les murs. Un pion géant de Julian Goethe. Goethe l’écrivain et comme… Alexia Goethe, la galerie de Blair Thurman qui l’expose en ce moment-même à Dover Street et que je compte visiter tout-à-l’heure sur les conseils de Frank Elbaz. Et lui, sur un stand très sobre, il présente le très mystique et cabbalistique Wallace Berman. Je vois aussi de l’abstraction. Des trucs à facettes, des miroirs pas disco. Et aussi des dessins magnifiques de mon chouchou du moment, Marcel Dzama que l’on peut reconnaître à la couleur de l’encre qu’il emploie : une sorte de marron fait à base de houblon !
Et puis, comme on est à London, je jurerai avoir croisé Charlotte Rampling le long des allées de Frieze… et je jurerai avoir vu son tableau tout de suite après. Est-elle entré dans la toile? En est-elle sortie ? Aucune idée. Mais sa froideur reste suspendue dans l’atmosphère.
A part ça, difficile de tenir longtemps debout. Je suis à côté de mes pompes aujourd’hui.
Je ne tiens pas l’alcool. Normal, je ne bois quasi jamais… mais pour couronner le tout, avant-hier, je n’ai dormi qu’une heure. J’étais attendue pour une conférence aux Beaux-Arts d’Angers dans la matinée, j’ai couru à l’aube de la gare de Taverny à la Gare du Nord, de la Gare du Nord à la Gare Montparnasse… pris un train pour Angers, raconté ma vie de critique d’art un peu jet-set et plutôt précaire à des artistes en herbe en première année des Beaux-Arts. Une belle pureté et une écoute, une soif de connaissances qui me donneraient presque envie de redonner des cours !
Bilan de mon parcours après 15 années d’immersion totale dans l’océan de l’art. Une conférence stimulante, effervescente, pleine de belles énergies. Discussions autour de la position de l’artiste. L’art est-il ou non sacré. Le street Art est-il ou non de l’art ? Sont-ils ou non artistes ? Avec un A majuscule ou minuscule… ou bien sans A ? On aborde les paillettes de l’art alors que l’expo Malaval a lieu à deux pas.
12h05, on se quitte tranquillement. J’ai à peine conscience d’avoir un train à attraper dans la demi-heure. Je suis juste exaltée. 12h38, je brave l’impossible, j’atrappe le train qui me ramène à Montparnasse et qui m’évitera de louper mon Eurostar vers 17h30, Gare du Nord.
Je sashimiserai le débat une fois à Paris si j’arrive à accomplir tout ça.
Et finalement, tout a collé.
Et j’ai aterri au Méridien à Picadilly après cette incroyable journée où j’ai eu le sentiment de me mettre au défi et de me dépasser comme j’aime. J’ai failli m’endormir dans mon bain.
Seulement, même si je retrouve Jérôme Sans en pleine forme derrière les platines et Nicolas Kenedi d’humeur malicieuse… la fête frenchy du Méridien me monte à la tête : trop de bulles dans le champagne. Il n’empêche que je me déhanche avec plaisir sur le dancefloor. Où sont passés Alexis Vaillant, Alexandre Polazzon et Pierre Bal Blanc ? Il ne reste que Johann Koenig sur ce dancefloor, avec ses lunettes épaisses comme des loupes, il a des airs attachants de taupe. Il n’y voit pas grand chose. Etrange pour un galeriste. Il n’y voit goutte, c’est donc le sensoriel qui l’emporte chez lui. Il est donc plutôt chaud sur la piste et même franchement incandescent avec les minettes qui l’entourent. Mais pas question de m’évanouir dans ses bras… je préfère mon immense lit, chambre 444, que je rejoins je ne sais comment et dans lequel m’attend Morphée. Je le rejoins toute habillée, tant qu’à faire. Tant pis pour le DJ bombesque qui a suivi Jérôme aux platines. Son set était plutôt minable en fait… mais ça m’a permis d’échanger quelques mots, il avait l’air tellement désolé.
Journée hallucinante…
Du coup, j’ai payé tout ça très chèr ce matin… complètement à l’ouest. Au lieu d’aller à Frieze à Regent Park, je suis allée dans l’Est, dans les bureaux de Frieze, le mag. Totalement allumée ! Une envie de visiter la ville en cab, faut croire. An « expensive mistake ». Une spécialité Anaïdienne. Après avoir fait des confusions dans sa jeunesse entre Charles de gaulle Etoile et Roissy Charles de Gaulle, toujours un peu groggy, elle confond Dover Street et Regent Park où elle est allée plus de 5 fois dans sa vie ! C’est le prix à payer après une journée de dingues. Dans le cab de retour, le taximan et moi on admire les ambulances et leur sirène. On se marre parce que je rêve d’en attraper une au vol et qu’il considère que j’en aurais bien besoin, dans tous les sens du terme !
De toute façon, je suis en retard à mon RDV, et on met une demi-heure de plus à se retrouver Stephany, l’attachée de presse du Méridien, et moi. Bien allumées toutes les 2. Y avait un truc dans le Champagne hier à tous les coups. Une hormone de la désorientation. On ne se retrouve pas alors qu’on est postées au même endroit et je finis par me passer de son pass pour entrer avec Lara Pan.
Interview avec Eva Ziegler qui s’occupe de l’image du Méridien de par le monde. C’est elle qui a pensé à Jérôme Sans pour ouvrir ses hôtels à la culture. 3 mots pour résumer les choses : Chic, Culture, Discovering.
Tous les hôtels ont leur personnalité propre avec un ou plusieurs artistes qui y créent des œuvres mais aussi réalisent le motif de la clé. Ici, c’est Sam Samore qui s’est occupé des pass pour les chambres. Une bouche, un œil, un nez… c’est une allusion au 5 sens. Et ce n’est pas tout. Il y a de l’art dans tout l’hôtel.
Je suis invitée pour « Unlock Art » qui met en relation les hôtels de chaque ville avec une foire d’art contemporain et surtout un lieu pointu de l’art. Un lieu perméable à toutes formes d’art, avec une vocation didactique. Là, il s’agit de permettre aux pensionnaires du Méridien Picadilly de pouvoir se rendre gratuitement à la Tate Modern et la Tate Britain. J’irais donc voir « Pop Life » et surtout l’exposition perso de Baldessari par ce biais.
Des Prix Méridien sont aussi décernés à des artistes de Frieze. L’implication culturelle est donc importante du côté du Méridien et sur les conseils de Jérôme Sans. C’est un pont entre l’art et le grand public. Et c’est à travers le monde. Je me rappelle qu’à Miami, Sam Samore avait aussi conçu un roman à lire dans son lit avec vue sur l’immensité de l’océan.
Je crois que je vais écrire davantage sur les hôtels… surtout ceux de Picadilly! Tout n’a pas été dit ici. J’ai pas assez dormi.
C1 : c’est là que je me trouve ici et maintenant et où l’on peut me rejoindre.
Je suis assise à une de ces tables rondes, en hauteur, dans une cafète digne d’une sitcom hyperstylée. Ou d’une séquence dessinée par Jean-Philippe Delhomme. Dans une foire hyperfashion, dans une ville over glam, sur un territoire so Brit’ !
Je prends uns café with « this water made from fruit and clouds».
Ingredients : lemons, limes, et spring water. J’en veux encore et encore. De la poésie en bouteille. Des nuages à avaler. It’s so refreshing. Je suis au cœur de Frieze et mon cœur balance : manger des sashimis avec ma spring water, me perdre dans la foire ou me perdre tout court en envoyant un MMS galant. Les 2. Rayez la mention inutile. Il y a une image ici qui rend un bel hommage à quelqu’un qui spontanément me plait. Un néon qui dit en passant par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, en écritures stylées et penchées, en majuscules, et dans la langue des lovers « I LOVE U ». Exactement ce genre de mots désuets qui fleurent bon l’aventure et vont bien avec mon Londres perso.
Je me suis perdue dans la foire comme je me perds dans toutes les foires. Car je les déteste toutes sans exception. Ce sont les entrailles du marché de l’art. les tripes de l’art à découvert.
Je pense souvent à ce que m’a confié Kamel Mennour un jour lorsqu’un de ses artistes lui parlait de l’accompagner sur le stand d’une foire. Pour lui, c’était la pire chose à faire pour un artiste et il a tout fait pour l’en dissuader, jusqu’à employer l’image qui me semble la plus juste à ce jour : « C’est comme voir ses parents faire l’amour ». Une sensation étrangement dérangeante. Mais tellement vraie.
Et chaque fois que j’entre dans une foire, sans pour autant être une artiste qui voit son marchand vendre ses œuvres, je me sens mal. Overdose d’art. Vers où aller, vers quoi tendre dans cet hyper hypermarché de l’art. Le pire, dans le genre, c’est Bâle.
Et pourtant, je suis toujours heureuse d’être à Frieze car jamais je ne m’oblige à rien ici.
Du coup, j’y perçois un million de sensations, avec l’impression en plus d’avoir le ciel à boire… et qu’il a un gôut de citron.
Ça me stimule et ça m’inspire. Je fais des alliances de mots improbables, de nouvelles images viennent s’ajouter aux œuvres que je croise sur mon chemin… ça se décuple, ça produit des tas de petites bulles effervescentes dans mon esprit, ça se répercute sur mon humeur et mes écrits.
Bon, je suis donc dans un de ces moments de pure exaltation. Je me mets les Pixies pendant 2,30 mn: « La la love you ».
Et en repensant à mon tour Friezien, c’est une esthétique du rongeur qui vient s’imposer à moi. Il y a cette pièce faite d’une invasion de souris informatique que j’avais vu dans une foire d’art moscovite il y a un an. Impossible de me rappeler le nom de l’artiste.
Ici, si j’étais une collectionneuse réelle et non juste une esthète visuelle, je me serai achetée une œuvre qui me ramène à mes sous-bois : un incroyable écureuil pris en plein vol. En suspension, juste avant de se poser. Pris en plein saut, quelques secondes avant d’aterrir sur son socle muséal blanc. Quelques secondes avant de devenir une œuvre d’art ? Une œuvre en devenir ? C’est Agnieszka Kurant qui a immortalisé ce bel animal empaillé, la queue en panache et l’œil vif, en plein mouvement.
Ensuite, j’ai rencontré un rat blanc, les yeux tout rouge, installé sur ses pattes arrière. Médusé par une œuvre d’art qui le dépasse, ou qui sans doute l’interpelle intellectuellement. C’est une sorte d’énorme excroissance blanche. Probablement en résine. C’est surtout une présence écrasante pour ce rat qui bloque dessus ! une belle métaphore de ce que pourrait être l’art.
Evidemment, on doit cette pièce à Elmgreen & Dragset, l’un des duos les plus vifs d’esprit du moment. Toujours plein d’humour. Un brin pince-sans-rire.
Du coup, Lara Pan, la jeune galeriste New Yorkaise que je croise tout près de l’écureuil d’Agnieszka réagit à mon « esthétique du rongeur » en évoquant sa prochaine expo « Pandora’s box… ».
Elle évoque l’installation de Roberts Lazzarini dont l’intention pure et simple est de reconstituer un bout d’appartement avec cuisine et l’envahir d’un tas de petites créatures affamées : une colonie de rats d’égouts grouillant dans l’espace… bouhhh, une belle métaphore bien réaliste pour évoquer notre charmante société ! A faire froid dans le dos.
Dans la même expo, la même Agnieszka, installe, elle, un appareil à produire de la neige noire. A suivre, à suivre.
Pour le côté old school, victorien, désuet… on a Markus Schinwald et ses pieds de meubles qui réinventent le Kama Sutra mobilier. Je vois des boîtes à chapeau habités (Vasco Araujo). Des casques de moto (Maix Mayer). Des échiquiers. Des pions qui rongent les murs. Un pion géant de Julian Goethe. Goethe l’écrivain et comme… Alexia Goethe, la galerie de Blair Thurman qui l’expose en ce moment-même à Dover Street et que je compte visiter tout-à-l’heure sur les conseils de Frank Elbaz. Et lui, sur un stand très sobre, il présente le très mystique et cabbalistique Wallace Berman. Je vois aussi de l’abstraction. Des trucs à facettes, des miroirs pas disco. Et aussi des dessins magnifiques de mon chouchou du moment, Marcel Dzama que l’on peut reconnaître à la couleur de l’encre qu’il emploie : une sorte de marron fait à base de houblon !
Et puis, comme on est à London, je jurerai avoir croisé Charlotte Rampling le long des allées de Frieze… et je jurerai avoir vu son tableau tout de suite après. Est-elle entré dans la toile? En est-elle sortie ? Aucune idée. Mais sa froideur reste suspendue dans l’atmosphère.
A part ça, difficile de tenir longtemps debout. Je suis à côté de mes pompes aujourd’hui.
Je ne tiens pas l’alcool. Normal, je ne bois quasi jamais… mais pour couronner le tout, avant-hier, je n’ai dormi qu’une heure. J’étais attendue pour une conférence aux Beaux-Arts d’Angers dans la matinée, j’ai couru à l’aube de la gare de Taverny à la Gare du Nord, de la Gare du Nord à la Gare Montparnasse… pris un train pour Angers, raconté ma vie de critique d’art un peu jet-set et plutôt précaire à des artistes en herbe en première année des Beaux-Arts. Une belle pureté et une écoute, une soif de connaissances qui me donneraient presque envie de redonner des cours !
Bilan de mon parcours après 15 années d’immersion totale dans l’océan de l’art. Une conférence stimulante, effervescente, pleine de belles énergies. Discussions autour de la position de l’artiste. L’art est-il ou non sacré. Le street Art est-il ou non de l’art ? Sont-ils ou non artistes ? Avec un A majuscule ou minuscule… ou bien sans A ? On aborde les paillettes de l’art alors que l’expo Malaval a lieu à deux pas.
12h05, on se quitte tranquillement. J’ai à peine conscience d’avoir un train à attraper dans la demi-heure. Je suis juste exaltée. 12h38, je brave l’impossible, j’atrappe le train qui me ramène à Montparnasse et qui m’évitera de louper mon Eurostar vers 17h30, Gare du Nord.
Je sashimiserai le débat une fois à Paris si j’arrive à accomplir tout ça.
Et finalement, tout a collé.
Et j’ai aterri au Méridien à Picadilly après cette incroyable journée où j’ai eu le sentiment de me mettre au défi et de me dépasser comme j’aime. J’ai failli m’endormir dans mon bain.
Seulement, même si je retrouve Jérôme Sans en pleine forme derrière les platines et Nicolas Kenedi d’humeur malicieuse… la fête frenchy du Méridien me monte à la tête : trop de bulles dans le champagne. Il n’empêche que je me déhanche avec plaisir sur le dancefloor. Où sont passés Alexis Vaillant, Alexandre Polazzon et Pierre Bal Blanc ? Il ne reste que Johann Koenig sur ce dancefloor, avec ses lunettes épaisses comme des loupes, il a des airs attachants de taupe. Il n’y voit pas grand chose. Etrange pour un galeriste. Il n’y voit goutte, c’est donc le sensoriel qui l’emporte chez lui. Il est donc plutôt chaud sur la piste et même franchement incandescent avec les minettes qui l’entourent. Mais pas question de m’évanouir dans ses bras… je préfère mon immense lit, chambre 444, que je rejoins je ne sais comment et dans lequel m’attend Morphée. Je le rejoins toute habillée, tant qu’à faire. Tant pis pour le DJ bombesque qui a suivi Jérôme aux platines. Son set était plutôt minable en fait… mais ça m’a permis d’échanger quelques mots, il avait l’air tellement désolé.
Journée hallucinante…
Du coup, j’ai payé tout ça très chèr ce matin… complètement à l’ouest. Au lieu d’aller à Frieze à Regent Park, je suis allée dans l’Est, dans les bureaux de Frieze, le mag. Totalement allumée ! Une envie de visiter la ville en cab, faut croire. An « expensive mistake ». Une spécialité Anaïdienne. Après avoir fait des confusions dans sa jeunesse entre Charles de gaulle Etoile et Roissy Charles de Gaulle, toujours un peu groggy, elle confond Dover Street et Regent Park où elle est allée plus de 5 fois dans sa vie ! C’est le prix à payer après une journée de dingues. Dans le cab de retour, le taximan et moi on admire les ambulances et leur sirène. On se marre parce que je rêve d’en attraper une au vol et qu’il considère que j’en aurais bien besoin, dans tous les sens du terme !
De toute façon, je suis en retard à mon RDV, et on met une demi-heure de plus à se retrouver Stephany, l’attachée de presse du Méridien, et moi. Bien allumées toutes les 2. Y avait un truc dans le Champagne hier à tous les coups. Une hormone de la désorientation. On ne se retrouve pas alors qu’on est postées au même endroit et je finis par me passer de son pass pour entrer avec Lara Pan.
Interview avec Eva Ziegler qui s’occupe de l’image du Méridien de par le monde. C’est elle qui a pensé à Jérôme Sans pour ouvrir ses hôtels à la culture. 3 mots pour résumer les choses : Chic, Culture, Discovering.
Tous les hôtels ont leur personnalité propre avec un ou plusieurs artistes qui y créent des œuvres mais aussi réalisent le motif de la clé. Ici, c’est Sam Samore qui s’est occupé des pass pour les chambres. Une bouche, un œil, un nez… c’est une allusion au 5 sens. Et ce n’est pas tout. Il y a de l’art dans tout l’hôtel.
Je suis invitée pour « Unlock Art » qui met en relation les hôtels de chaque ville avec une foire d’art contemporain et surtout un lieu pointu de l’art. Un lieu perméable à toutes formes d’art, avec une vocation didactique. Là, il s’agit de permettre aux pensionnaires du Méridien Picadilly de pouvoir se rendre gratuitement à la Tate Modern et la Tate Britain. J’irais donc voir « Pop Life » et surtout l’exposition perso de Baldessari par ce biais.
Des Prix Méridien sont aussi décernés à des artistes de Frieze. L’implication culturelle est donc importante du côté du Méridien et sur les conseils de Jérôme Sans. C’est un pont entre l’art et le grand public. Et c’est à travers le monde. Je me rappelle qu’à Miami, Sam Samore avait aussi conçu un roman à lire dans son lit avec vue sur l’immensité de l’océan.
Je crois que je vais écrire davantage sur les hôtels… surtout ceux de Picadilly! Tout n’a pas été dit ici. J’ai pas assez dormi.
mardi 20 octobre 2009
Episode 70
Samedi 10 octobre 2009
De gare en gare, de train en train, toujours mes sacs et mon ordi à portée de main… je suis en transit. En ce moment, j’habite là où je me trouve.
J’habite surtout dans mon ordinateur, dans mon journal et dans mes écrits. Quand le réel m’ennuie, j’habite dans le vert prairie de cette encre ou encore ce violet… j’habite de l’autre côté de l’écran, quelque part dans une architecture dont je monte et démonte moi-même les murs. De jour en jour.
En parlant d’écran, mon ordi et mon téléphone sont chacun épuisés.
Du coup, je me mets au papier et à l’encre vert pomme. J’écris comme je respire en ce moment. J’ai envie de faire 1000 choses à la fois mais l’écriture prend le dessus à chaque fois, elle me ronge, me consume et me constitue. Je commence à me demander si ce n’est pas une maladie, si ce n’est pas dangereux pour ma santé.
J’aligne les mots et ils ont quelque chose de plus en plus liquide à mes yeux. Ils filent comme une eau de source, m’échappent même parfois. C’est une eau vive, fluide, pétillante. Et ça court en moi. Si je devais me définir, je dirai que je suis une eau pétillante avec de petites bulles très vives, le tout ponctué d’un fond de citron pour la touche acidulée. Et j’espère être rafraîchissante.
Mais il s’en faudrait de peu pour que je me mette à geler ici, tout près des montagnes.
Je suis à Grenoble. Mais je suis dans le mouvement, ce qui me permet de maintenir les températures.
Sud-Nord-Est-Ouest… Hier, j’étais à Bordeaux pour Evento. J’adore le TGV. Je voudrais qu’il ne s’arrête jamais. Je passe d’un événement l’autre.
La bande d’Olivier Mosset est réunie dans une expo du Magasin qui sent la gazoline comme on aime : « Portrait de l’artiste en motocycliste » regroupe une cinquantaine d’artistes. Ils font le portrait de cet artiste sans doute recherché par toutes les polices dans les sixties. Pourquoi : parce qu’à trop chevaucher des Harley et des Vincent dans les 60’s, il a fini par être le meneur des grosses cylindrées du tout-Paris.
J’ai rien à me mettre. Hors de question que je mette mes Carolina et mon perf. J’ai pas envie d’avoir l’air de failloter avec mon look de motarde bien étudiée. je suis obligée de me transformer en jeune fille de bonne famille. Les bad boys préfèrent les girls grils girls. Je ne résiste pas à la touche wild : je craque sur un bourse en daim clouté couleur sable Arizonesque… De quoi me mettre dans l’ambiance avant de rejoindre la bande de notre easy rider de l’art favori.
Pas vraiment un bad boy, ni vraiment un angel. C’est surtout un ex Hell’s, exilé à Tucson en Arizona. Camouflé derrière sa barbe de druide, il pourrait aussi se faire passer pour le chanteur ou le guitariste de ZZ Top.
Pour l’heure, je suis dans mon bain. On m’a collé une chambre « handicapée » à l’hôtel et ça ne m’est pas du tout adapté. Je repense à ce couple que j’ai croisé dans les couloirs de l’hôtel, mon MacBook dans les bras à la recherche d’une connexion. J’ai failli douter de l’identité du mec, on aurait dit Carl Barat, mais j’imagine que le guitarriste des Libertines n’aurait jamais choisi cet hôtel. Carl Barat en plus figé, plus conventionnel… plus arty en somme. Elle et lui, ensemble, ils avaient l’air de sortir d’un vernissage… ou d’y aller. Et je pouvais voir en eux les yeux fermés. Un joli cliché.
Elle : une jolie minette. Brunette à frange. 27 ans à tout casser. Jolie frimousse, bouche pulpeuse, maquillage discret. Moulée dans une robe courbe, légèrement assymétrique. Perchée sur 12 cm de talon pour ralentir le pas entre l’hôtel et le Magasin. Pas du genre à la ramener trop dans une conversation.
Lui : proche de la quarantaine. Regard translucide. Joli mais faussement sûr de lui. Peu habité. Pas grand. Pas gros. Pas laid mais pas beau beau beau. Presque un jeune homme de bonne famille mais avec ce côté Hugh Grant qui agace dans le mauvais sens du terme. Du genre à peut-être faire des coups malins sous ses airs d’ange. Le genre à toujours respecter les poids et les mesures.
Elle et lui. Deux. Un artiste qui a l’air de sortir accompagné de son accessoire vivant. Avec l’air de proclamer à tous les autres mâles de l’assemblée: « Regardez ce que je suis capable de ramener ! » Elle qui se sent valorisée par son statut à lui, alors que lui se sent valorisé par sa fraîcheur et sa beauté à elle.
Pourquoi ai-je eu le sentiment de les connaître à ce point. Me suis-je trompée ?
Bon, il faut que je me magne… il s’agit de mettre le turbo. Lait pour le corps. Mes ballerines, mon sac clouté, mon leggings violet. Une chanson m’obsède : « Comme un garçon, j’ai les cheveux longs… Comme un garçon je porte un blouson, un médaillon, un gros ceinturon… Comme un garçon.
Comme un garçon, moi je suis têtue et bien souvent moi je distribue des corrections comme un garçon faut faire attention…
Comme un garçon, moi j’ai ma moto, Comme un garçon je fais du rodéo, c’est la terreur à 200 à l’heure, comme un garçon !
Comme un garçon, je n’ai peur de rien, Comme un garçon, moi j’ai des copains et c’est moi qui commande… Comme un garçon. Pourtant je ne suis qu’une fille… et gnagna gnagnagna gnagna… »
Dimanche 11 octobre
« Art is a word » nous rappelle Ben d’entrée. J’aurais jamais imaginé la présence de celui-là mais comme à chaque fois, quand il s’agit d’asséner une vérité, il est là, de toute évidence et c’est bien lancé.
Et non, Ben ne dit pas que des conneries, il n’est pas le plus autocentré de tous les artistes autocentrés et il n’est pas seulement le mec qui écrit des trucs partout sur les cahiers des Monoprix et les bérets… Au Magasin, un tableau de Ben nous rappelle que l’artiste est encore présent dans les temples de l’art et pas seulement ceux de la conso… même si ce centre d’art-là s’appelle « Le Magasin » !
Une affiche de Stella, un « Once there was… » de Louise Lawler. Et puis des drapeaux : ceux de Rockenschaub en couleurs fluo. Ou un American Flag qui ne parvient jamais à lever ses couleurs. Dressé sur son pic, il est à peine réanimé par un ventilo fatigué.
La bannière de Raymond Hains, est en photo, mais bien ventilé: des cercles blancs sur fond rouge rappellent le motif de prédilection d’OM, Olivier Mosset, du temps où il faisait partie de BMPT avec Buren, Parmentier et Toroni. Autre cercle noir, celui du circuit plus que circulaire, un véritable circuit pour momes, de Blair Thurman : l’artiste que je veux absolument rencontrer.
Et puis des cibles, des cercles concentriques, des genres de donuts de toutes sortes, de tous diamètres et de tous calibres. Ceux de Neil Campbell, en wall draw, dans un coin de salle nous font presque loucher, noir sur blanc. Le pneu au sol d’Allen Kaprow.
Hommage au monochrome avec des Steven Parrino très rock et enervés. Des œuvres historiques : un Klein, une « merde d’artiste » de Manzoni, un « Puppy » de Jeff Koons, un mini Carl André qui me ferait presque penser à un Space Invaders repeint en blanc… et même des gravures très amusantes et lègèrement mysogines -carrément même- du 18è !
Et puis un coin Suisse paisible et chaleureux, à la suisse, avec une install d’un galeriste, Gavin Brown, composée d’un confortable fauteuil entouré de romans de gare. On voudrait juste avoir tout ce temps à tuer pour s’y jeter ou de se mettre à plat ventre pour bouquiner sur le tapis étoile de ma copine Elena Montesinos.
Un pas de plus et nous voilà dans la véritable salle des portraits, dans le genre figuratif et même réaliste cette fois: OM sous toutes ses coutures, à tous les âges et tous les temps, imberbe ou velu… et en install avec des « shoppings bags » réunis sous le nom d’un parfum, « Egoïste », par Sylvie Fleury.
Une bien sûr, une salle « Abstraction Géométrique » Néo-Géo à la Suisse… Armleder & co. Dans « la rue », le grand hall du Magasin, sous la verrière, c’est le festival des wall draw avec les monochromes aux formats écrasants de Christian Robert-Tissot d’un côté, et de l’autre le wall draw très seventies et très réussi de Lang & Bauman.
Impossible de résumer cette expo dans laquelle on pourrait passer des heures… avant de finir à la cafète en très bonne compagnie : une Harley côtoie une véritable Vincent des sixties, la moto de Steve Mc Queen dans la « La Grande Evasion» tout simplement. Collection particulière de l’artiste, je suppose. Sur les murs des photos de l’artiste et d’Alain Dister en noir et blanc nous rappellent que l’art peut commencer dans un garage.
Quant à mon petit couple d’hier… J’étais sûre que je les retrouverai « en Magasin » une heure plus tard pour vérifier tous mes pronostics. Et ce fut le cas.
L’artiste se tenait près de son œuvre en cette fin de vernissage. Il parlait art à son entourage. Elle souriait.
C’était John Tremblay, un peintre dont on a pas mal parlé dans les années 90 et qui crée des tableaux avec des motifs ovoïdes. Comme des gestations multiples et multicolores.
On a fini à « La Madelon » avec toute la troupe des amoureux de l’art helvétiques et leurs sympathisants. Dispersés à différentes tables.
En compagnie de la plus Wild de mes amies Suisses, Elena Montesinos. Ça me donnerait presque des envies de prendre un aller direct pour Genève. J’y entraînerai aussi Jérôme que j’ai croisé plusieurs fois à Grenoble avant de faire réellement sa connaissance hier soir. Un artiste Grenoblois à la fois lunaire et réaliste. Un directeur de label. Un mélomane mystique qui écrit en métaphores et parle comme il écrit. Une sorte de poète déguisé en cheminot ou en majordome, ça dépend des jours apparemment !
De gare en gare, de train en train, toujours mes sacs et mon ordi à portée de main… je suis en transit. En ce moment, j’habite là où je me trouve.
J’habite surtout dans mon ordinateur, dans mon journal et dans mes écrits. Quand le réel m’ennuie, j’habite dans le vert prairie de cette encre ou encore ce violet… j’habite de l’autre côté de l’écran, quelque part dans une architecture dont je monte et démonte moi-même les murs. De jour en jour.
En parlant d’écran, mon ordi et mon téléphone sont chacun épuisés.
Du coup, je me mets au papier et à l’encre vert pomme. J’écris comme je respire en ce moment. J’ai envie de faire 1000 choses à la fois mais l’écriture prend le dessus à chaque fois, elle me ronge, me consume et me constitue. Je commence à me demander si ce n’est pas une maladie, si ce n’est pas dangereux pour ma santé.
J’aligne les mots et ils ont quelque chose de plus en plus liquide à mes yeux. Ils filent comme une eau de source, m’échappent même parfois. C’est une eau vive, fluide, pétillante. Et ça court en moi. Si je devais me définir, je dirai que je suis une eau pétillante avec de petites bulles très vives, le tout ponctué d’un fond de citron pour la touche acidulée. Et j’espère être rafraîchissante.
Mais il s’en faudrait de peu pour que je me mette à geler ici, tout près des montagnes.
Je suis à Grenoble. Mais je suis dans le mouvement, ce qui me permet de maintenir les températures.
Sud-Nord-Est-Ouest… Hier, j’étais à Bordeaux pour Evento. J’adore le TGV. Je voudrais qu’il ne s’arrête jamais. Je passe d’un événement l’autre.
La bande d’Olivier Mosset est réunie dans une expo du Magasin qui sent la gazoline comme on aime : « Portrait de l’artiste en motocycliste » regroupe une cinquantaine d’artistes. Ils font le portrait de cet artiste sans doute recherché par toutes les polices dans les sixties. Pourquoi : parce qu’à trop chevaucher des Harley et des Vincent dans les 60’s, il a fini par être le meneur des grosses cylindrées du tout-Paris.
J’ai rien à me mettre. Hors de question que je mette mes Carolina et mon perf. J’ai pas envie d’avoir l’air de failloter avec mon look de motarde bien étudiée. je suis obligée de me transformer en jeune fille de bonne famille. Les bad boys préfèrent les girls grils girls. Je ne résiste pas à la touche wild : je craque sur un bourse en daim clouté couleur sable Arizonesque… De quoi me mettre dans l’ambiance avant de rejoindre la bande de notre easy rider de l’art favori.
Pas vraiment un bad boy, ni vraiment un angel. C’est surtout un ex Hell’s, exilé à Tucson en Arizona. Camouflé derrière sa barbe de druide, il pourrait aussi se faire passer pour le chanteur ou le guitariste de ZZ Top.
Pour l’heure, je suis dans mon bain. On m’a collé une chambre « handicapée » à l’hôtel et ça ne m’est pas du tout adapté. Je repense à ce couple que j’ai croisé dans les couloirs de l’hôtel, mon MacBook dans les bras à la recherche d’une connexion. J’ai failli douter de l’identité du mec, on aurait dit Carl Barat, mais j’imagine que le guitarriste des Libertines n’aurait jamais choisi cet hôtel. Carl Barat en plus figé, plus conventionnel… plus arty en somme. Elle et lui, ensemble, ils avaient l’air de sortir d’un vernissage… ou d’y aller. Et je pouvais voir en eux les yeux fermés. Un joli cliché.
Elle : une jolie minette. Brunette à frange. 27 ans à tout casser. Jolie frimousse, bouche pulpeuse, maquillage discret. Moulée dans une robe courbe, légèrement assymétrique. Perchée sur 12 cm de talon pour ralentir le pas entre l’hôtel et le Magasin. Pas du genre à la ramener trop dans une conversation.
Lui : proche de la quarantaine. Regard translucide. Joli mais faussement sûr de lui. Peu habité. Pas grand. Pas gros. Pas laid mais pas beau beau beau. Presque un jeune homme de bonne famille mais avec ce côté Hugh Grant qui agace dans le mauvais sens du terme. Du genre à peut-être faire des coups malins sous ses airs d’ange. Le genre à toujours respecter les poids et les mesures.
Elle et lui. Deux. Un artiste qui a l’air de sortir accompagné de son accessoire vivant. Avec l’air de proclamer à tous les autres mâles de l’assemblée: « Regardez ce que je suis capable de ramener ! » Elle qui se sent valorisée par son statut à lui, alors que lui se sent valorisé par sa fraîcheur et sa beauté à elle.
Pourquoi ai-je eu le sentiment de les connaître à ce point. Me suis-je trompée ?
Bon, il faut que je me magne… il s’agit de mettre le turbo. Lait pour le corps. Mes ballerines, mon sac clouté, mon leggings violet. Une chanson m’obsède : « Comme un garçon, j’ai les cheveux longs… Comme un garçon je porte un blouson, un médaillon, un gros ceinturon… Comme un garçon.
Comme un garçon, moi je suis têtue et bien souvent moi je distribue des corrections comme un garçon faut faire attention…
Comme un garçon, moi j’ai ma moto, Comme un garçon je fais du rodéo, c’est la terreur à 200 à l’heure, comme un garçon !
Comme un garçon, je n’ai peur de rien, Comme un garçon, moi j’ai des copains et c’est moi qui commande… Comme un garçon. Pourtant je ne suis qu’une fille… et gnagna gnagnagna gnagna… »
Dimanche 11 octobre
« Art is a word » nous rappelle Ben d’entrée. J’aurais jamais imaginé la présence de celui-là mais comme à chaque fois, quand il s’agit d’asséner une vérité, il est là, de toute évidence et c’est bien lancé.
Et non, Ben ne dit pas que des conneries, il n’est pas le plus autocentré de tous les artistes autocentrés et il n’est pas seulement le mec qui écrit des trucs partout sur les cahiers des Monoprix et les bérets… Au Magasin, un tableau de Ben nous rappelle que l’artiste est encore présent dans les temples de l’art et pas seulement ceux de la conso… même si ce centre d’art-là s’appelle « Le Magasin » !
Une affiche de Stella, un « Once there was… » de Louise Lawler. Et puis des drapeaux : ceux de Rockenschaub en couleurs fluo. Ou un American Flag qui ne parvient jamais à lever ses couleurs. Dressé sur son pic, il est à peine réanimé par un ventilo fatigué.
La bannière de Raymond Hains, est en photo, mais bien ventilé: des cercles blancs sur fond rouge rappellent le motif de prédilection d’OM, Olivier Mosset, du temps où il faisait partie de BMPT avec Buren, Parmentier et Toroni. Autre cercle noir, celui du circuit plus que circulaire, un véritable circuit pour momes, de Blair Thurman : l’artiste que je veux absolument rencontrer.
Et puis des cibles, des cercles concentriques, des genres de donuts de toutes sortes, de tous diamètres et de tous calibres. Ceux de Neil Campbell, en wall draw, dans un coin de salle nous font presque loucher, noir sur blanc. Le pneu au sol d’Allen Kaprow.
Hommage au monochrome avec des Steven Parrino très rock et enervés. Des œuvres historiques : un Klein, une « merde d’artiste » de Manzoni, un « Puppy » de Jeff Koons, un mini Carl André qui me ferait presque penser à un Space Invaders repeint en blanc… et même des gravures très amusantes et lègèrement mysogines -carrément même- du 18è !
Et puis un coin Suisse paisible et chaleureux, à la suisse, avec une install d’un galeriste, Gavin Brown, composée d’un confortable fauteuil entouré de romans de gare. On voudrait juste avoir tout ce temps à tuer pour s’y jeter ou de se mettre à plat ventre pour bouquiner sur le tapis étoile de ma copine Elena Montesinos.
Un pas de plus et nous voilà dans la véritable salle des portraits, dans le genre figuratif et même réaliste cette fois: OM sous toutes ses coutures, à tous les âges et tous les temps, imberbe ou velu… et en install avec des « shoppings bags » réunis sous le nom d’un parfum, « Egoïste », par Sylvie Fleury.
Une bien sûr, une salle « Abstraction Géométrique » Néo-Géo à la Suisse… Armleder & co. Dans « la rue », le grand hall du Magasin, sous la verrière, c’est le festival des wall draw avec les monochromes aux formats écrasants de Christian Robert-Tissot d’un côté, et de l’autre le wall draw très seventies et très réussi de Lang & Bauman.
Impossible de résumer cette expo dans laquelle on pourrait passer des heures… avant de finir à la cafète en très bonne compagnie : une Harley côtoie une véritable Vincent des sixties, la moto de Steve Mc Queen dans la « La Grande Evasion» tout simplement. Collection particulière de l’artiste, je suppose. Sur les murs des photos de l’artiste et d’Alain Dister en noir et blanc nous rappellent que l’art peut commencer dans un garage.
Quant à mon petit couple d’hier… J’étais sûre que je les retrouverai « en Magasin » une heure plus tard pour vérifier tous mes pronostics. Et ce fut le cas.
L’artiste se tenait près de son œuvre en cette fin de vernissage. Il parlait art à son entourage. Elle souriait.
C’était John Tremblay, un peintre dont on a pas mal parlé dans les années 90 et qui crée des tableaux avec des motifs ovoïdes. Comme des gestations multiples et multicolores.
On a fini à « La Madelon » avec toute la troupe des amoureux de l’art helvétiques et leurs sympathisants. Dispersés à différentes tables.
En compagnie de la plus Wild de mes amies Suisses, Elena Montesinos. Ça me donnerait presque des envies de prendre un aller direct pour Genève. J’y entraînerai aussi Jérôme que j’ai croisé plusieurs fois à Grenoble avant de faire réellement sa connaissance hier soir. Un artiste Grenoblois à la fois lunaire et réaliste. Un directeur de label. Un mélomane mystique qui écrit en métaphores et parle comme il écrit. Une sorte de poète déguisé en cheminot ou en majordome, ça dépend des jours apparemment !
lundi 19 octobre 2009
Episode 69: quand le sang bleu me met d'humeur massacrante
Vendredi 02 octobre 2009
Est-ce que je garde mes ballerines ? Est-ce que j’opte pour des bottes, une bonne paire de chaussettes et des leggings bien chauds ?
Froid de canard dans Paris.
Je fonce au Marly retrouver Jennifer Flay pour une interview FIAC. On se retrouve souvent dans ces lieux en octobre elle et moi, au moment où les températures baissent. Généralement en matinée, parfois avec Martin et toujours avec mon Ipod et son micro intégré.
La Fiac 2009 ? Elle est évidemment mieux que la 2008… et le pire, c’est que ce n’est pas une blague. Depuis que la pétulante Jennifer y a mis son grain de sel Néo-Zélandais, la Fiac a réussi son internationalisation. Et quand Martin est arrivé, c’est devenu un duo chic et choc, du glam et de l’intelligence à revendre de part et d’autre.
Tendance 2009 : le retour au Minimal répéré sur les deux Fiac précédentes s’accentue. L’anti-bling l’emporte… ouf !
Moins de spectaculaire, plus de sens, moins de gadget et de paillettes. Plus de planches de bois brut posées contre le mur ? Plus de clous qui pointent à même le mur ? Encore plus de dessins et de peinture aussi, c’est sûr.
Mais on utilisera sans doute davantage d’encre de Chine que de jus de caviar !
Heureusement ! C’est agréable de sentir que, malgré tout, la crise efface ou atténue souvent le mauvais goût ! C’est comme un garde-fou.
Mais j’avoue, le focus sur Berlin ne me rassure pas tant que ça.
Sauf que cela annonce aussi la présence d’artistes que j’aime comme Marcel Dzama.
Un certain sens du théâtre, de la théâtralité, un côté années 30 peut-être. Et puis des peaux de bêtes, des animaux empaillés verseront dans le retour à la nature j’imagine.
Pour ce qui est de la nouveauté, on aura surtout une partie « Art Moderne »… et ça, on a beau nous dire que la crise est peut-être déjà résorbée en Europe, je n’y crois qu’à moitié. Les valeurs sûres sortent d’autant plus des placards : les Picasso, les Mondrian et les Brancusi, les Bacon et les Leger vont venir respirer l’air de la FIAC cette année.
Autre visage de la crise : les stands se partagent entre galeries qui ont des artistes communs.
Il reste les performances, pour le côté festif.
Et en premier lieu, le feu d’artifice de Giraud et Siboni qui méritera tous les détours. Ça risque de détonner : on a prévenu les riverains pour qu’ils ne soient pas surpris par l’unique explosion qui viendra déchirer le ciel l’espace d’une seconde et pourrait alors alarmer tout le monde, même les plus lunaires et les moins craintifs.
La tête pleine d’étincelles et les pieds refroidis par les premiers frimas d’automne, je file à pied vers les Chanzel.
Je traverse les Tuileries, je salue d’emblée les Rondinone qu’on a installé autour du bassin.
Je regarde tous ces touristes qui se font photographier aux côtés de ces sortes de patates argentées, rigolotes, grimaçantes, régressives à souhait. Je me demande quel est leur intérêt à eux ? De se dire qu’ils y étaient si jamais un jour Ugo Rondinone atteint une côte voisine de celle de Picasso. C’est quoi pour eux ces œuvres ? Is art an entertainement ? Est-ce que ça n’a pas exactement le même intérêt que de se faire photographier près de la femme à barbe ou de l’homme de l’Atlantide… que sais-je ?
Bon, je cours vers d’autres phénomènes : sur les Champs-Elysées, le street Art gagne ses lettres de noblesse et tient le haut du pavé !!!
Alors que l’habituelle « Nuit Blanche » se prépare, de curieux personnages munis d’une bombe aérosol dessinent des formes sur les emplacements habituellement réservés à la publicité sans que les autorités n’y trouvent à redire.
A côté, une paire de baskets fluo multicolores attend devant un box comme si son propriétaire était entré dans l’affiche pour mieux percer l’esprit enchanteur de l’univers Disney.
Il ne s’agit pas de Mickey, Donald, Dumbo… mais de Régis R et du Collectif 1980, tous invités à une carte blanche orchestrée par Disney sur le thème de Halloween.
Seul mot d’ordre aux artistes, le même que pour Halloween dans le Parc Disney de Marne-la-Vallée: « C’est délicieux d’être méchant ».
Régis R. profite de cette vitrine publicitaire pour remettre en question la société de consommation avec une installation réalisée à travers des rebuts de plastique qu’il a glanés au cours de ces promenades dans la ville. Le street art, ce n’est pas juste laisser sa trace sur un mur… c’est vivre dans la ville, en extérieur, l’adopter, s’y adapter. Y survivre donc.
De l’autre côté, le Collectif 1980 donne « 1980 raisons d’être méchant » sur 3 panneaux publicitaires : ils détournent et diabolisent l’univers Disney.
Derrière tout ça, accompagnant Martina, l’une des fées de la comm Disney, en Monsieur Loyal du Street Art, il y a Emmanuel de Brantes.
Son regard pétille en me rappelant que les Chanzel vivent autant le jour que la nuit et que, par conséquent, les œuvres auront une seconde vie une fois la nuit tombée… sans doute cette seconde vie ne sera pas aussi sage qu’il n’y paraît.
Et en parlant d’être méchants voir féroces, on a tous les crocs, une dévorante faim de loup nous entraîne en bande, dans un de ces restaus qui ne doutent de rien question malbouffe à prix d’or. Tout cela est camouflé sous des grands airs… de quoi attraper le touriste !
On est rejoint là par Tristan Dequatremarre. J’adore son nom. Est-ce son vrai nom ? Un conte à lui tout seul, c’est sûrement pour ça qu’il s’est mis à la musique et a mis de l’énergie pure sur les matins de mon enfance dans les eighties : « Je suis de bonne bonne bonne humeur ce matin, y a des matins comme ça… Paris est plein plein plein plein de parisiens, pas assez de parisiennes et trop de parisiens…»
Des airs qui persistent à travers les années. C’est la magie des tubes.
Et de ce tube, il ne faut surtout pas oublier sa très célèbre supplique :« Je prie à mort le Dieu des fesses… pour qu’il ne me laisse pas sans gonzesse».
La chanson du queutard romantique, du dragueur compulsif, du serial lover ou du simple jouisseur ?
30 ans après, je ne sais pas encore où il en est au niveau des gonzesses mais il a toujours l’air de penser Q : toujours « de bonne bonne bonne humeur » le matin, en cemoment, il se balade avec des badges surmontés de la lettre Q. Des badges à messages cryptés. Des rébus.
Celui-là additionne l’image d’un phoque auquel s’ajoute la lettre Q. quant à celui que je récolte, c’est un visage lui aussi suivi d’un Q: je ne reconnais pas le personnage. On m’apprend que c’est Lech Valesa ! Bah oui, evidemment !
Plus chanteur des 80’s mais artiste, Tristan fait aussi de la peinture. Il me tend un carton d’invite pour son vernissage le samedi 10 octobre Rue de Thorigny… sauf que ce jour-là, je suis à Bordeaux pour Evento ou à Grenoble pour l’expo perso d’Olivier Mosset.
Je repars de là pleine d’énergie… tout ça pour me retrouver chez Ricard pour « L’image cabrée », l’expo de Judic que j’adore… mais on sent l’expo faîte avec très très peu de moyens… comme s’il avait été pris au piège de quelque chose en tant que curator. Mais il y a des artistes qui sortent du lot et qui s’en sortent comme Karina Bisch et son paravent, ou bien Sophie Bueno-Boutellier et ses « tableaux de fils tirés » comme on les appelait dans le passé.
Je suis en train de me demander si je ne suis pas surtout alléchée par des esthétiques années 30-40 en ce moment.
Mais là où je sens davantage la crise, c’est dans l’attitude des gens… la courtoisie, le sens des civilités se perd et dans les quartiers les plus friqués et les plus vulgaires comme le 8e et comme dans une grande partie de la Rue Saint-Honoré, ça se ressent à 2000%.
Chez Ricard, le badaud est toujours un demi-mondain parce qu’il l’a décidé. Il estime que tout lui est dû. Du coup, il prend la liberté de s’immiscer dans une discussion entre une experte en art contemporain en plein exercice de ses fonctions -moi !- et la personne qui est censée s’occuper de la presse et qu’on prend vulgairement pour un guide !
Aïe aïe aïe… et personne ne réagit, à part moi… qui me casse.
Il y a des jours, on n’a pas la force de prendre son bâton de pèlerin.
J’ai sans cesse le sentiment d’être à contre-courant ! Je pars. De toute façon, non, vraiment, je n’ai pas envie de rester. Je ne supporte pas cette nouvelle façon de traiter les gens.
Je ne supporte plus les gens qui se croient tout permis, qui coupent la parole de deux personnes dans une conversation importante pour des conneries.
Je ne supporte pas les incrustes, et encore moins ceux qui leur accorde du pouvoir en ne leur faisant pas même remarquer à quel point ils sont mal élevés.
Aujourd’hui, on vous bouscule pour prendre votre place puis on vous dit pardon pour faire passer la pilule.
Il faudrait que toutes ces pouffes males et femelles arrêtent de sécher leurs cours de maintien chez Nadine de Rothschild pour venir errer dans des expositions auxquels ils ne comprendront jamais rien.
Parce que comprendre l’art, c’est aussi comprendre le monde, une société en marche, avoir du recul… on ne peut pas faire semblant, bordel ! Quoiqu’il y en a quelques-uns qui font encore illusion dans le monde de l’art. Mais combien de temps encore ?
D’ailleurs, ça ne rate pas, les mauvaises vibes m’accompagnent jusqu’à la fin de la Rue Saint-Honoré qui n’en finit pas de puer la bêtise. Arghh… que d’abrutis qui pensent qu’une montre, une bague ou une robe hors-de-prix va les sauver de leur médiocrité. Ça ne fait que les renvoyer à leur vide.
Heureusement, je croise Florence Doléac, quelqu’un de fin, sensible, cultivé. Qui n’a pas besoin d’une grosse bagouze ou des échasses dorées pour se sentir exister. Juste quelqu’un qui invente des formes et des modes de vie qui vont avec pour que le monde vive mieux. Pour simplifier nos rapports aux objets, au mobilier et aux choses qui nous entourent en général.
Une designeuse de talent avec qui je prends un café pendant un quart d’heure. Et toutes les deux, perdues par hasard dans l’une des rues les plus malodorantes de Paris, on n’en revient pas de toute cette affligeante vulgarité et assise en terrasse, on mate les passants de cette basse-cour. Le regard vide, ils n’en finissent pas de se donner l’impression de faire l’opinion !
Et on ajoute à cela la fashion week… et là, d’un coup, oui, le taux d’écervelés qui font les paons dans les rues est en hausse. Ça ne respire pas l’intelligence. Cervelets en option, plumes, sauterelles, crevettes… j’ai des nausées. Et j’adore la mode mais pas l’attitude de toute cette volaille qui donne à la mode des airs de connerie, d’emballage vide, d’emphase. Non, pas en 2009 en tout cas. Peut-être à Versailles au 17è, mais aujourd’hui… bof !
je file chez JCDC faire le plein de popeterie pour me remonter le moral et refaire le monde à mes couleurs. J’hésite pendant des heures… et finalement, je suis prise en flag d’achat compulsif par le maître des lieux. Moi qui pensait qu’il serait tout occupé à l’un de ses spectaculaires défilés où je rêve d’aller.
Passage rapide Rue du Mail pour le lancement d’une nouvelle revue -encore une… comme si celle-ci plus qu’une autre allait tirer son épingle du jeu !
Pfffffff ! ça s’appelle « Sang Bleu » en plus… raison de plus pour les flinguer. Effusion de sang.
J’ai l’impression d’avoir quatre ans et de feuilleter un livre d’images ! Oh… c’est bô, oh oui, c’est boooo !
Pas besoin de textes, plus personne ne lit de toute manière !
« Sang Bleu » : c’est une raison de plus pour faire la révolution à ce genre de presse sous perfusée et contre toute cette société de poseurs et de népotistes.
Du champagne ? Mais je n’y tremperai même pas les lèvres. Aucun intérêt tout ça. Vacuité. Et tous ces morts-vivants autour, qui tournent en rond glauquement, à faire semblant de s’intéresser à cette revue aussi vaine que les autres, qui disparaîtra aussi vite que les autres. Déprime !
Bon allez, allez… il est temps de prendre mes jambes à mon cou.
Je n’ai pas assez dormi, ça me met d’une humeur massacrante. Ça va mal finir. J’ai déjà une liste de noms de gens présents que j’ai envie de massacrer sur le champ sur l’autel de leur bêtise. D’anciens amis.
Mais je pars avant qu’un meurtre n’ait lieu et que du vrai rouge sang ne se mette à couler ! Grrrrrrrr !
Dimanche 04 octobre 09
On ne se quitte plus avec Tristan ! On se fixe même des RDV télépathiques. Moi je viens avec mes bagages et une copine et lui avec ses parents !
C’est juste une drôle de coïncidence, dans ce café-restau de Charonne où j’ai brunché avec Léonor… et lui avec ses parents.
Je lui ressors même son badge pour briser l’amnésie.
Des Chanzel à Charonne, « Paris est plein plein plein de Parisiens »… et je tombe deux fois sur le même en 3 jours et dans un quartier diamétralement opposés.
Le 12è a du bon. Ce n’est pas un multiple de 8, Dieu merci !
Est-ce que je garde mes ballerines ? Est-ce que j’opte pour des bottes, une bonne paire de chaussettes et des leggings bien chauds ?
Froid de canard dans Paris.
Je fonce au Marly retrouver Jennifer Flay pour une interview FIAC. On se retrouve souvent dans ces lieux en octobre elle et moi, au moment où les températures baissent. Généralement en matinée, parfois avec Martin et toujours avec mon Ipod et son micro intégré.
La Fiac 2009 ? Elle est évidemment mieux que la 2008… et le pire, c’est que ce n’est pas une blague. Depuis que la pétulante Jennifer y a mis son grain de sel Néo-Zélandais, la Fiac a réussi son internationalisation. Et quand Martin est arrivé, c’est devenu un duo chic et choc, du glam et de l’intelligence à revendre de part et d’autre.
Tendance 2009 : le retour au Minimal répéré sur les deux Fiac précédentes s’accentue. L’anti-bling l’emporte… ouf !
Moins de spectaculaire, plus de sens, moins de gadget et de paillettes. Plus de planches de bois brut posées contre le mur ? Plus de clous qui pointent à même le mur ? Encore plus de dessins et de peinture aussi, c’est sûr.
Mais on utilisera sans doute davantage d’encre de Chine que de jus de caviar !
Heureusement ! C’est agréable de sentir que, malgré tout, la crise efface ou atténue souvent le mauvais goût ! C’est comme un garde-fou.
Mais j’avoue, le focus sur Berlin ne me rassure pas tant que ça.
Sauf que cela annonce aussi la présence d’artistes que j’aime comme Marcel Dzama.
Un certain sens du théâtre, de la théâtralité, un côté années 30 peut-être. Et puis des peaux de bêtes, des animaux empaillés verseront dans le retour à la nature j’imagine.
Pour ce qui est de la nouveauté, on aura surtout une partie « Art Moderne »… et ça, on a beau nous dire que la crise est peut-être déjà résorbée en Europe, je n’y crois qu’à moitié. Les valeurs sûres sortent d’autant plus des placards : les Picasso, les Mondrian et les Brancusi, les Bacon et les Leger vont venir respirer l’air de la FIAC cette année.
Autre visage de la crise : les stands se partagent entre galeries qui ont des artistes communs.
Il reste les performances, pour le côté festif.
Et en premier lieu, le feu d’artifice de Giraud et Siboni qui méritera tous les détours. Ça risque de détonner : on a prévenu les riverains pour qu’ils ne soient pas surpris par l’unique explosion qui viendra déchirer le ciel l’espace d’une seconde et pourrait alors alarmer tout le monde, même les plus lunaires et les moins craintifs.
La tête pleine d’étincelles et les pieds refroidis par les premiers frimas d’automne, je file à pied vers les Chanzel.
Je traverse les Tuileries, je salue d’emblée les Rondinone qu’on a installé autour du bassin.
Je regarde tous ces touristes qui se font photographier aux côtés de ces sortes de patates argentées, rigolotes, grimaçantes, régressives à souhait. Je me demande quel est leur intérêt à eux ? De se dire qu’ils y étaient si jamais un jour Ugo Rondinone atteint une côte voisine de celle de Picasso. C’est quoi pour eux ces œuvres ? Is art an entertainement ? Est-ce que ça n’a pas exactement le même intérêt que de se faire photographier près de la femme à barbe ou de l’homme de l’Atlantide… que sais-je ?
Bon, je cours vers d’autres phénomènes : sur les Champs-Elysées, le street Art gagne ses lettres de noblesse et tient le haut du pavé !!!
Alors que l’habituelle « Nuit Blanche » se prépare, de curieux personnages munis d’une bombe aérosol dessinent des formes sur les emplacements habituellement réservés à la publicité sans que les autorités n’y trouvent à redire.
A côté, une paire de baskets fluo multicolores attend devant un box comme si son propriétaire était entré dans l’affiche pour mieux percer l’esprit enchanteur de l’univers Disney.
Il ne s’agit pas de Mickey, Donald, Dumbo… mais de Régis R et du Collectif 1980, tous invités à une carte blanche orchestrée par Disney sur le thème de Halloween.
Seul mot d’ordre aux artistes, le même que pour Halloween dans le Parc Disney de Marne-la-Vallée: « C’est délicieux d’être méchant ».
Régis R. profite de cette vitrine publicitaire pour remettre en question la société de consommation avec une installation réalisée à travers des rebuts de plastique qu’il a glanés au cours de ces promenades dans la ville. Le street art, ce n’est pas juste laisser sa trace sur un mur… c’est vivre dans la ville, en extérieur, l’adopter, s’y adapter. Y survivre donc.
De l’autre côté, le Collectif 1980 donne « 1980 raisons d’être méchant » sur 3 panneaux publicitaires : ils détournent et diabolisent l’univers Disney.
Derrière tout ça, accompagnant Martina, l’une des fées de la comm Disney, en Monsieur Loyal du Street Art, il y a Emmanuel de Brantes.
Son regard pétille en me rappelant que les Chanzel vivent autant le jour que la nuit et que, par conséquent, les œuvres auront une seconde vie une fois la nuit tombée… sans doute cette seconde vie ne sera pas aussi sage qu’il n’y paraît.
Et en parlant d’être méchants voir féroces, on a tous les crocs, une dévorante faim de loup nous entraîne en bande, dans un de ces restaus qui ne doutent de rien question malbouffe à prix d’or. Tout cela est camouflé sous des grands airs… de quoi attraper le touriste !
On est rejoint là par Tristan Dequatremarre. J’adore son nom. Est-ce son vrai nom ? Un conte à lui tout seul, c’est sûrement pour ça qu’il s’est mis à la musique et a mis de l’énergie pure sur les matins de mon enfance dans les eighties : « Je suis de bonne bonne bonne humeur ce matin, y a des matins comme ça… Paris est plein plein plein plein de parisiens, pas assez de parisiennes et trop de parisiens…»
Des airs qui persistent à travers les années. C’est la magie des tubes.
Et de ce tube, il ne faut surtout pas oublier sa très célèbre supplique :« Je prie à mort le Dieu des fesses… pour qu’il ne me laisse pas sans gonzesse».
La chanson du queutard romantique, du dragueur compulsif, du serial lover ou du simple jouisseur ?
30 ans après, je ne sais pas encore où il en est au niveau des gonzesses mais il a toujours l’air de penser Q : toujours « de bonne bonne bonne humeur » le matin, en cemoment, il se balade avec des badges surmontés de la lettre Q. Des badges à messages cryptés. Des rébus.
Celui-là additionne l’image d’un phoque auquel s’ajoute la lettre Q. quant à celui que je récolte, c’est un visage lui aussi suivi d’un Q: je ne reconnais pas le personnage. On m’apprend que c’est Lech Valesa ! Bah oui, evidemment !
Plus chanteur des 80’s mais artiste, Tristan fait aussi de la peinture. Il me tend un carton d’invite pour son vernissage le samedi 10 octobre Rue de Thorigny… sauf que ce jour-là, je suis à Bordeaux pour Evento ou à Grenoble pour l’expo perso d’Olivier Mosset.
Je repars de là pleine d’énergie… tout ça pour me retrouver chez Ricard pour « L’image cabrée », l’expo de Judic que j’adore… mais on sent l’expo faîte avec très très peu de moyens… comme s’il avait été pris au piège de quelque chose en tant que curator. Mais il y a des artistes qui sortent du lot et qui s’en sortent comme Karina Bisch et son paravent, ou bien Sophie Bueno-Boutellier et ses « tableaux de fils tirés » comme on les appelait dans le passé.
Je suis en train de me demander si je ne suis pas surtout alléchée par des esthétiques années 30-40 en ce moment.
Mais là où je sens davantage la crise, c’est dans l’attitude des gens… la courtoisie, le sens des civilités se perd et dans les quartiers les plus friqués et les plus vulgaires comme le 8e et comme dans une grande partie de la Rue Saint-Honoré, ça se ressent à 2000%.
Chez Ricard, le badaud est toujours un demi-mondain parce qu’il l’a décidé. Il estime que tout lui est dû. Du coup, il prend la liberté de s’immiscer dans une discussion entre une experte en art contemporain en plein exercice de ses fonctions -moi !- et la personne qui est censée s’occuper de la presse et qu’on prend vulgairement pour un guide !
Aïe aïe aïe… et personne ne réagit, à part moi… qui me casse.
Il y a des jours, on n’a pas la force de prendre son bâton de pèlerin.
J’ai sans cesse le sentiment d’être à contre-courant ! Je pars. De toute façon, non, vraiment, je n’ai pas envie de rester. Je ne supporte pas cette nouvelle façon de traiter les gens.
Je ne supporte plus les gens qui se croient tout permis, qui coupent la parole de deux personnes dans une conversation importante pour des conneries.
Je ne supporte pas les incrustes, et encore moins ceux qui leur accorde du pouvoir en ne leur faisant pas même remarquer à quel point ils sont mal élevés.
Aujourd’hui, on vous bouscule pour prendre votre place puis on vous dit pardon pour faire passer la pilule.
Il faudrait que toutes ces pouffes males et femelles arrêtent de sécher leurs cours de maintien chez Nadine de Rothschild pour venir errer dans des expositions auxquels ils ne comprendront jamais rien.
Parce que comprendre l’art, c’est aussi comprendre le monde, une société en marche, avoir du recul… on ne peut pas faire semblant, bordel ! Quoiqu’il y en a quelques-uns qui font encore illusion dans le monde de l’art. Mais combien de temps encore ?
D’ailleurs, ça ne rate pas, les mauvaises vibes m’accompagnent jusqu’à la fin de la Rue Saint-Honoré qui n’en finit pas de puer la bêtise. Arghh… que d’abrutis qui pensent qu’une montre, une bague ou une robe hors-de-prix va les sauver de leur médiocrité. Ça ne fait que les renvoyer à leur vide.
Heureusement, je croise Florence Doléac, quelqu’un de fin, sensible, cultivé. Qui n’a pas besoin d’une grosse bagouze ou des échasses dorées pour se sentir exister. Juste quelqu’un qui invente des formes et des modes de vie qui vont avec pour que le monde vive mieux. Pour simplifier nos rapports aux objets, au mobilier et aux choses qui nous entourent en général.
Une designeuse de talent avec qui je prends un café pendant un quart d’heure. Et toutes les deux, perdues par hasard dans l’une des rues les plus malodorantes de Paris, on n’en revient pas de toute cette affligeante vulgarité et assise en terrasse, on mate les passants de cette basse-cour. Le regard vide, ils n’en finissent pas de se donner l’impression de faire l’opinion !
Et on ajoute à cela la fashion week… et là, d’un coup, oui, le taux d’écervelés qui font les paons dans les rues est en hausse. Ça ne respire pas l’intelligence. Cervelets en option, plumes, sauterelles, crevettes… j’ai des nausées. Et j’adore la mode mais pas l’attitude de toute cette volaille qui donne à la mode des airs de connerie, d’emballage vide, d’emphase. Non, pas en 2009 en tout cas. Peut-être à Versailles au 17è, mais aujourd’hui… bof !
je file chez JCDC faire le plein de popeterie pour me remonter le moral et refaire le monde à mes couleurs. J’hésite pendant des heures… et finalement, je suis prise en flag d’achat compulsif par le maître des lieux. Moi qui pensait qu’il serait tout occupé à l’un de ses spectaculaires défilés où je rêve d’aller.
Passage rapide Rue du Mail pour le lancement d’une nouvelle revue -encore une… comme si celle-ci plus qu’une autre allait tirer son épingle du jeu !
Pfffffff ! ça s’appelle « Sang Bleu » en plus… raison de plus pour les flinguer. Effusion de sang.
J’ai l’impression d’avoir quatre ans et de feuilleter un livre d’images ! Oh… c’est bô, oh oui, c’est boooo !
Pas besoin de textes, plus personne ne lit de toute manière !
« Sang Bleu » : c’est une raison de plus pour faire la révolution à ce genre de presse sous perfusée et contre toute cette société de poseurs et de népotistes.
Du champagne ? Mais je n’y tremperai même pas les lèvres. Aucun intérêt tout ça. Vacuité. Et tous ces morts-vivants autour, qui tournent en rond glauquement, à faire semblant de s’intéresser à cette revue aussi vaine que les autres, qui disparaîtra aussi vite que les autres. Déprime !
Bon allez, allez… il est temps de prendre mes jambes à mon cou.
Je n’ai pas assez dormi, ça me met d’une humeur massacrante. Ça va mal finir. J’ai déjà une liste de noms de gens présents que j’ai envie de massacrer sur le champ sur l’autel de leur bêtise. D’anciens amis.
Mais je pars avant qu’un meurtre n’ait lieu et que du vrai rouge sang ne se mette à couler ! Grrrrrrrr !
Dimanche 04 octobre 09
On ne se quitte plus avec Tristan ! On se fixe même des RDV télépathiques. Moi je viens avec mes bagages et une copine et lui avec ses parents !
C’est juste une drôle de coïncidence, dans ce café-restau de Charonne où j’ai brunché avec Léonor… et lui avec ses parents.
Je lui ressors même son badge pour briser l’amnésie.
Des Chanzel à Charonne, « Paris est plein plein plein de Parisiens »… et je tombe deux fois sur le même en 3 jours et dans un quartier diamétralement opposés.
Le 12è a du bon. Ce n’est pas un multiple de 8, Dieu merci !
lundi 12 octobre 2009
Episode 68
Jeudi 01 octobre 2009
Hier, c’était déjà une journée comme je les adore. Une journée où je ne pose pas le pied à terre. En mouvement. Attendue ici et là, je vole d’un lieu à l’autre. Suspendue à mon téléphone. Inspirée. Légèrement en retard.
Je commence par un passage éclair chez Technikart où j’ai fait mes premières armes et où je revois mes collaborateurs des débuts.
Puis pour continuer sur ce revival Technikartien, je rends visite à Thomas Gizolme, l’ex-DA du mag, à mon époque.
Il vient de sortir un livre chez Steidl avec son amoureuse Aline Diépois, elle aussi photographe : c’est un journal en photos et en textes de leur périple sur la Côte Ouest des Etats-Unis, en Airzona, puis à Tucson.
« Histoire de régler mes comptes avec une culture US qui m’inspire et me fascine », me confie Thomas qui a vécu dans la carte postale à l’âge de 20 ans. C’est un « Dust book », un livre qui a mordu la poussière de la Côte Ouest, s’est frotté à ses cactus, a plongé dans ses perspectives illimitées, y a prélevé son actif bifidus à travers des notes, des impressions diverses glanées au jour le jour. Des photos et des textes qui, sur un mode intimiste, rendent hommage à la nature et aux pionniers de la photographie Américaine dont des pointures comme Egglestone. Le duo Thomas-Aline expose d’ailleurs bientôt une série de clichés à la Galerie Acte 2 à Paris début décembre.
Et à part ça, dans cette maison pleine d’enfants, de chat et de chiens, dans cet appartement qui semble loin du tumulte Parisien et qui est parcouru par une belle énergie, un projet en chassant un autre, ils me parlent aussi de « Doolitle », la revue pour enfants qu’ils lancent en kiosque avant la fin de l’année.
L’American Way of Life, cet appart lumineux plein d’enfants et de confitures, d’aventures US, d’édition, de photographie et de presse fait tout doucement rêver… et assise sur ma chaise, je tape mon adresse mail sur le clavier de Thomas. C’est le moment de checker mes mails.
Mais arrivée sur la page d’accueil, je réalise que la dernière personne à s’être installée sur cette chaise, c’est… Melvil, l’un des meilleurs amis de Thomas. Celui dont je rêvais par épisodes, à une époque. Et de rêve en rêve, notre relation plus ou moins amicale s’améliorait.
Mais dans le réel, c’est un leitmotiv… on s’est encore ratés ! Je me dis qu’à part au vernissage de Philippe Parreno au Couvent des Cordeliers, sous le néon de la salle du dîner, on se rate tout le temps d’une semelle ou presque. Ça ne peut plus durer !
Et pour en revenir aux USA, le lendemain-même, je me retrouve dans une nouvelle ambiance Américaine… moins proche de la nature au sens végétal. Mais plus proche de la nature au sens humain.
C’est une Amérique plus eighties et plus éclairée par les lumières artificielles des scènes de concert et des clubs.
Ça sent le gros son à tendance romantique avec David West : un Américain plongé dans un paysage à l’anglaise, celui du jardin de l’Hôtel Particulier.
La petite chanson très « Swinging London » à la française de Gainsbourg me passe par la tête pendant que je m’installe sur la terrasse automnale des lieux.
Arrive David West. Je le reconnais à un détail : sa bague.
Et dans le réel, elle est surmontée d’une turquoise, assortie au jean’s et aux yeux de ce monsieur qui doit avoir aux alentours de 55 ans.
Je la voyais cette bague se balader sur l’écran, en ombre Chinoise, il y a moins d’une semaine. Elle dansait sur le grand écran du Centre Pompidou, pendant le concert d’Adam Green et de Carl Barat. Elle était à la main gauche, de ce dessinateur-performer-live, il la portait à l’auriculaire de sa main la plus adroite des deux : celle qui dessine et qui se remarque. Celle qui retranscrivait l’excitation scénique et les contours mentalo-psychiques des musiciens sur scène.
C’est un romantique festif aux cheveux métalliques qui a gardé en lui l’esprit pop des 80’s. passionné de musique, amoureux de la scène, ami des musiciens, sans doute lui-même musicien dans une autre vie, cet Américain à Paris est aussi un alchimiste du cocktail. Il joue avec les textures, les couleurs, les gôuts, il monte même tout bonnement des architectures gustatives, des sculptures liquides… et c’est dans ce lieu hors-temps qu’est l’Hôtel Particulier, en plein été indien, qu’il crée ou résuscite des cocktails oubliés comme d’autres vous ressortiraient de vieilles photos au coin du feu. Leurs doux noms vintage et leur merveilleuses robes tombées en désuétude sont enfermées dans la transparence des verres. Tous ces gôuts sont comme la « Madeleine de Proust » censés rappeler des lieux, des atmosphères, des ambiances, des années millésimées.
Le « Baldhead » à base d’absinthe, de gin et de vermouth a le goût classique de l’interdit dans lequel on est prêt à se noyer début XIXè. Le «Train Bleu » a une note bleue citronnée qui rappelle les années où l’on se laissait aller à un Fox-Trot. Moulin Rouge nous rappelle à la chaleur suintante d’un Toulouse-Lautrec.
« Panama » nous ramène à la chaleur estivale des Iles d’Outre-Mer, « Brooklyn » à la Prohibition, à Al Capone et sa bande et la glaçante « Kretchma » nous plonge en pleine Guerre Froide… bref, pas de quoi s’ennuyer, comme toujours !
Mais tous ses cocktails, il faura que j’attende 2010 pour les siroter un soir en terrasse de l’Hôtel Particulier. Car déjà le soleil se couche de plus en plus tôt, on commence à sentir le froid s’immiscer entre les mailles de nos fringues, et dans nos ballerines, le pied nu commence à ne plus être aussi sûr de lui… de l’été Indien, c’est je crois la fin.
Hier, c’était déjà une journée comme je les adore. Une journée où je ne pose pas le pied à terre. En mouvement. Attendue ici et là, je vole d’un lieu à l’autre. Suspendue à mon téléphone. Inspirée. Légèrement en retard.
Je commence par un passage éclair chez Technikart où j’ai fait mes premières armes et où je revois mes collaborateurs des débuts.
Puis pour continuer sur ce revival Technikartien, je rends visite à Thomas Gizolme, l’ex-DA du mag, à mon époque.
Il vient de sortir un livre chez Steidl avec son amoureuse Aline Diépois, elle aussi photographe : c’est un journal en photos et en textes de leur périple sur la Côte Ouest des Etats-Unis, en Airzona, puis à Tucson.
« Histoire de régler mes comptes avec une culture US qui m’inspire et me fascine », me confie Thomas qui a vécu dans la carte postale à l’âge de 20 ans. C’est un « Dust book », un livre qui a mordu la poussière de la Côte Ouest, s’est frotté à ses cactus, a plongé dans ses perspectives illimitées, y a prélevé son actif bifidus à travers des notes, des impressions diverses glanées au jour le jour. Des photos et des textes qui, sur un mode intimiste, rendent hommage à la nature et aux pionniers de la photographie Américaine dont des pointures comme Egglestone. Le duo Thomas-Aline expose d’ailleurs bientôt une série de clichés à la Galerie Acte 2 à Paris début décembre.
Et à part ça, dans cette maison pleine d’enfants, de chat et de chiens, dans cet appartement qui semble loin du tumulte Parisien et qui est parcouru par une belle énergie, un projet en chassant un autre, ils me parlent aussi de « Doolitle », la revue pour enfants qu’ils lancent en kiosque avant la fin de l’année.
L’American Way of Life, cet appart lumineux plein d’enfants et de confitures, d’aventures US, d’édition, de photographie et de presse fait tout doucement rêver… et assise sur ma chaise, je tape mon adresse mail sur le clavier de Thomas. C’est le moment de checker mes mails.
Mais arrivée sur la page d’accueil, je réalise que la dernière personne à s’être installée sur cette chaise, c’est… Melvil, l’un des meilleurs amis de Thomas. Celui dont je rêvais par épisodes, à une époque. Et de rêve en rêve, notre relation plus ou moins amicale s’améliorait.
Mais dans le réel, c’est un leitmotiv… on s’est encore ratés ! Je me dis qu’à part au vernissage de Philippe Parreno au Couvent des Cordeliers, sous le néon de la salle du dîner, on se rate tout le temps d’une semelle ou presque. Ça ne peut plus durer !
Et pour en revenir aux USA, le lendemain-même, je me retrouve dans une nouvelle ambiance Américaine… moins proche de la nature au sens végétal. Mais plus proche de la nature au sens humain.
C’est une Amérique plus eighties et plus éclairée par les lumières artificielles des scènes de concert et des clubs.
Ça sent le gros son à tendance romantique avec David West : un Américain plongé dans un paysage à l’anglaise, celui du jardin de l’Hôtel Particulier.
La petite chanson très « Swinging London » à la française de Gainsbourg me passe par la tête pendant que je m’installe sur la terrasse automnale des lieux.
Arrive David West. Je le reconnais à un détail : sa bague.
Et dans le réel, elle est surmontée d’une turquoise, assortie au jean’s et aux yeux de ce monsieur qui doit avoir aux alentours de 55 ans.
Je la voyais cette bague se balader sur l’écran, en ombre Chinoise, il y a moins d’une semaine. Elle dansait sur le grand écran du Centre Pompidou, pendant le concert d’Adam Green et de Carl Barat. Elle était à la main gauche, de ce dessinateur-performer-live, il la portait à l’auriculaire de sa main la plus adroite des deux : celle qui dessine et qui se remarque. Celle qui retranscrivait l’excitation scénique et les contours mentalo-psychiques des musiciens sur scène.
C’est un romantique festif aux cheveux métalliques qui a gardé en lui l’esprit pop des 80’s. passionné de musique, amoureux de la scène, ami des musiciens, sans doute lui-même musicien dans une autre vie, cet Américain à Paris est aussi un alchimiste du cocktail. Il joue avec les textures, les couleurs, les gôuts, il monte même tout bonnement des architectures gustatives, des sculptures liquides… et c’est dans ce lieu hors-temps qu’est l’Hôtel Particulier, en plein été indien, qu’il crée ou résuscite des cocktails oubliés comme d’autres vous ressortiraient de vieilles photos au coin du feu. Leurs doux noms vintage et leur merveilleuses robes tombées en désuétude sont enfermées dans la transparence des verres. Tous ces gôuts sont comme la « Madeleine de Proust » censés rappeler des lieux, des atmosphères, des ambiances, des années millésimées.
Le « Baldhead » à base d’absinthe, de gin et de vermouth a le goût classique de l’interdit dans lequel on est prêt à se noyer début XIXè. Le «Train Bleu » a une note bleue citronnée qui rappelle les années où l’on se laissait aller à un Fox-Trot. Moulin Rouge nous rappelle à la chaleur suintante d’un Toulouse-Lautrec.
« Panama » nous ramène à la chaleur estivale des Iles d’Outre-Mer, « Brooklyn » à la Prohibition, à Al Capone et sa bande et la glaçante « Kretchma » nous plonge en pleine Guerre Froide… bref, pas de quoi s’ennuyer, comme toujours !
Mais tous ses cocktails, il faura que j’attende 2010 pour les siroter un soir en terrasse de l’Hôtel Particulier. Car déjà le soleil se couche de plus en plus tôt, on commence à sentir le froid s’immiscer entre les mailles de nos fringues, et dans nos ballerines, le pied nu commence à ne plus être aussi sûr de lui… de l’été Indien, c’est je crois la fin.
mercredi 7 octobre 2009
Episode 67
Dimanche 26 septembre 2009
De tout ce qui m’attendait au « Confort Moderne », je n’avais pas prévu le coup du lapin : celui dont l’ombre plane sur le centre d’art depuis des mois déjà, d’après ce qu’on me rapporte.
C’est le lapin de David Evrard posté à l’entrée du « Confort » et qui vous assaille de toute sa hauteur. Une véritable mascotte dressée avec majesté sur ses pattes arrière.
Il me rappelle vaguement Raoule, une lapine Parisienne neurasthénique avec laquelle j’ai vécu quelques mois. J’ai une pensée émue pour cette touffe de poils blancs. Elle était totalement disjonctée la pauvre Raoule. Je la sortais de sa cage pour des séries photo dans lesquelles elle avait le rôle titre -du lapin de Lewis Carroll aux Bunnies de Play Boy-, mais sortir humer le parquet et les pots de fleurs tout frais en se picorant une carotte l’ennuyait… Elle préférait retourner au plus vite dans la vétusté de sa cage de 30 cm3. Pour y ronger ses vieilles crottes sans bouger. A tel point qu’elle n’a pas succombé au taux maximal de chlorophylle de la campagne dans laquelle ses maîtres l’ont plongée cet été: elle est décédée d’une overdose de green. Paix à son âme.
Mais le lapin d’Evrard, lui n’est pas fait du même bois… il EST en bois ! Cœur de bois, jambe de bois, tête de bois. Museau à l’affût. Longues oreilles pointues de joie. Il domine le green de ses 3 ou 4 m de haut. Et au passage, il domine aussi très chaleureusement les passants. Ce merveilleux gibier de potence est surtout là pour désigner l’emplacement du bar clandestin, là, juste au pied de son terrier, dans la cabane de bois qui est une œuvre d’art en soi.
C’est le vernissage ce soir, et pendant que Dirty Sound System mixe côté Jardin, côté cour, on découvre les expositions.
Dans la foule, des longues oreilles de lapin se dressent ici et là. Ce sont les oreilles toutes pointues des très mutines Bunnies du « Confort » disséminées dans le vernissage pour notre plus grand plaisir.
Pas les Bunnies de Play Boy, mais presque ! Dans la limite de la décence, bien sûr. Car si Yann Chevallier, le curator des expositions se prenait pour Hugh Hefner et qu’il avait planqué une piscine de champagne dans laquelle on se baigne nu derrière le jardin… ça se saurait !
En tout cas, pour résumer, ces Bunnies-là sont un peu les hôtesses des lieux mais aussi fun et glam soient-elles, il ne faut pas les imaginer aussi offertes que celles de Hefner ! Mais j’avoue, ces créatures au pompon arrière bien placé et affublées de jolies oreilles pointues changent tout à l’ambiance festive du vernissage.
Et c’est contagieux !
Je ne peux pas me tenir tranquille, je ne peux pas m’en empêcher, c’est plus fort que moi, j’attrape un de ces précieux serre-têtes au passage.
Si j’en ai besoin ? Evidemment, oui… envie, besoin…etc. Mes cheveux ont poussé et j’en ai marre de les avoir dans les yeux. Ça trempe dans le Champagne et ça m’empêche de voir les œuvres correctement ! Besoin, oui.
D’ailleurs, il vaut mieux y voir clair ici, car il y a des tonnes d’art contemporain en suspension dans cette exposition. On ne sait jamais, si on shoote par mégarde dans cette colonne de béton, on ne jure de rien. C’est toute un processus de dominos qui s’enclenche.
Ce n’est pas pour rien que ça s’appelle « le Bel Accident »… c’est une collision entre deux visions artistiques, il y a des tensions mentales mais aussi physiques. on n’est pas à l’abri d’un réel accident.
Vincent Ganivet par exemple adore les éléments de chantier, surtout les parpaings. Et justement, les parpaings, il les prend pour des dominos et il s’en sert comme d’un module pour des jeux de construction chaque fois plus périlleux d’une œuvre à l’autre.
Ça donne quoi ? Des ponts aériens qui dessinent des courbes et des arcs dans l’air. Et ces demi-cercles de parpaings tiennent on ne sait comment. On ne veut pas savoir d’ailleurs. C’est le même système que pour un château de cartes, sauf que c’est fait à base de parpaings de 10 kg chacun, j’imagine !
Ganivet, c’est le roots et le rustre au rang d’œuvre d’art mais c’est surtout l’art de la tension. Il prend des éléments bruts et lourds, au propre comme au figuré, pour faire du beau et du léger !
Et le pire, c’est que ça fonctionne !
Ça tient à tout points de vue. Du point de vue esthétique d’abord. Dans l’effet de légèreté ensuite. Il y a aussi ce pylone en béton armé explosé au sol qui se met inopinément sous tension. De quoi faire trembler tout ce qui l’entoure.
Il a aussi créé des fontaines qui ruisselent de danger, elles aussi. Des sacs poubelles, des bottes de foin, des citernes… elles menacent d’inonder les lieux à chaque seconde tant c’est fait de bric et de broc… ça ne tient à rien que la cascade vienne massacrer toute l’expo… et pourtant, c’est tuant de charme et en plus, c’est stable!
De l’autre côté, les escaliers de Lang & Bauman ne doivent pas peser moins que ces ponts et ces ellipses de parpaings imaginés par Vincent Ganivet… pourtant, c’est blanc, c’est lisse. C’est presque blanc sur blanc, comme un escalier blanc sur fond blanc d’un descendant de Malevitch. C’est Suprématiste, c’est minimal, c’est rétrofuturiste et onirique, et le tout a l’air d’une incroyable légèreté. Ce sont les escaliers que l’on n’empruntera jamais. Ceux de nos rêves. Ceux qui dessinent une voie lactée.
Et toutes ces œuvres sont parfaitement cohérentes. Elles créent un beau dialogue entre elles.
Du coup, je filme je filme je filme.
Et je me faufile dans le terrier du lapin et dans la cabane de David.
C’est une cabane qui ressemble à une cabane comme on voudrait en trouver une au fin-fond du Canada ou du Danemark. Mais c’est aussi un bar clandestin qui ouvre à des heures improbables pour vous servir des liqueurs peu recommandables. C’est un espace qui est une œuvre d’art qui abrite et englobe en son sein d’autres œuvres d’art.
David nous explique qu’il a pris des cartons et y a réuni tout ce qui commençait à l’encombrer chez lui. Des choses que tout fétichiste de l’art qui se respecte garde avec soin… jusqu’au jour où toutes ça s’amoncelle tant et tant, que l’on se sent étouffer. Il est alors temps de prendre des mesures.
Toutes ces cartes postales, ces milliers d’images, tous ces bristols qui vous invitent ici ou là, ces photos, ces magazines, ces livres, ces bibelots, ces vases, ces tasses, ces sous-bocks… ces tas d’objets comme ce magnifique tampon-encreur de cuivre ou cette boîte d’allumettes collector… viennent de là. De cette boîte à idées géante dont l’artiste a dû se séparer.
Et dans ce lieu momentanément déserté et même naturellement évincé par le véritable bar du « Confort », je me surprends à fouiner. C’est pas comme si on était aux Puces, mais ça a quelque chose du grenier de l’enfance, on est sûr qu’un trésor nous attend quelque part dans ce jolis fatras.
Tout-à-coup, je me surprens à envisager ce tampon encreur, à essayer de décrypter le message qu’il a dû contenir en 1922, à l’époque supposée de sa création. Puis ma main glisse, elle va plus loin dans les cartons. Elle arrive là, à un point crucial, au carrefour de ma vie, je le sens.
Je la ressors du carton : j’ai apparemment tiré au sort le Jocker. Le vrai joker, cet ineffable bouffon plein de clochettes et de pompons. La carte à jouer. Sous verre. Je ne résiste pas à ce signe du destin, je l’emporte. Je le sors du lot et je pars en quête de son auteur que je pense être David Evrard.
Sauf que l’install’ d’Evrard n’est pas un self-service et que je viens de la dénaturer en douceur. Sans même m’en rendre compte. Enfin, c’est juste un petit élément dont on relèvera à peine l’absence, sauf à l’inventaire… mais tout de même !
David est scié, me trouve gonflé d’avoir pioché dans son install… mais parce que c’est le jocker, et parce que c’est moi, mais surtout parce que c’est lui… et que tout cela s’est fait dans la plus pure spontanéité, cette petite carte à jouer mise sous verre m’est authentifiée par l’artiste qui me fait une faveur. C’est une œuvre de 96 d’un certain Jos qu’il m’authentifie et avec laquelle j’ai regagné Paris aujourd’hui.
Côté HD, il y avait de quoi filmer tout au long de la soirée. Et je n’ai pas lâché ma caméra… mais c’est elle qui m’a lâché. Je n’ai pas fait exactement ce que j’avais prévu mais ce n’était pas le but. C’était de l’ordre de l’expérimentation filmique. Et c’est à suivre.
Par contre, j’ai bien filmé comme je l’avais prévu l’ambiance du vernissage, les shoes de ma copine, les Dirty -Guillaume Sorge et Clovis Goux- en plein mix, la voracité au buffet, l’ambiance du bar clandestin et les allers et venues des Bunnies… jusqu’à leur voler leurs oreilles pour toute la soirée.
J’étais totalement customisée David Evrard en somme !
De tout ce qui m’attendait au « Confort Moderne », je n’avais pas prévu le coup du lapin : celui dont l’ombre plane sur le centre d’art depuis des mois déjà, d’après ce qu’on me rapporte.
C’est le lapin de David Evrard posté à l’entrée du « Confort » et qui vous assaille de toute sa hauteur. Une véritable mascotte dressée avec majesté sur ses pattes arrière.
Il me rappelle vaguement Raoule, une lapine Parisienne neurasthénique avec laquelle j’ai vécu quelques mois. J’ai une pensée émue pour cette touffe de poils blancs. Elle était totalement disjonctée la pauvre Raoule. Je la sortais de sa cage pour des séries photo dans lesquelles elle avait le rôle titre -du lapin de Lewis Carroll aux Bunnies de Play Boy-, mais sortir humer le parquet et les pots de fleurs tout frais en se picorant une carotte l’ennuyait… Elle préférait retourner au plus vite dans la vétusté de sa cage de 30 cm3. Pour y ronger ses vieilles crottes sans bouger. A tel point qu’elle n’a pas succombé au taux maximal de chlorophylle de la campagne dans laquelle ses maîtres l’ont plongée cet été: elle est décédée d’une overdose de green. Paix à son âme.
Mais le lapin d’Evrard, lui n’est pas fait du même bois… il EST en bois ! Cœur de bois, jambe de bois, tête de bois. Museau à l’affût. Longues oreilles pointues de joie. Il domine le green de ses 3 ou 4 m de haut. Et au passage, il domine aussi très chaleureusement les passants. Ce merveilleux gibier de potence est surtout là pour désigner l’emplacement du bar clandestin, là, juste au pied de son terrier, dans la cabane de bois qui est une œuvre d’art en soi.
C’est le vernissage ce soir, et pendant que Dirty Sound System mixe côté Jardin, côté cour, on découvre les expositions.
Dans la foule, des longues oreilles de lapin se dressent ici et là. Ce sont les oreilles toutes pointues des très mutines Bunnies du « Confort » disséminées dans le vernissage pour notre plus grand plaisir.
Pas les Bunnies de Play Boy, mais presque ! Dans la limite de la décence, bien sûr. Car si Yann Chevallier, le curator des expositions se prenait pour Hugh Hefner et qu’il avait planqué une piscine de champagne dans laquelle on se baigne nu derrière le jardin… ça se saurait !
En tout cas, pour résumer, ces Bunnies-là sont un peu les hôtesses des lieux mais aussi fun et glam soient-elles, il ne faut pas les imaginer aussi offertes que celles de Hefner ! Mais j’avoue, ces créatures au pompon arrière bien placé et affublées de jolies oreilles pointues changent tout à l’ambiance festive du vernissage.
Et c’est contagieux !
Je ne peux pas me tenir tranquille, je ne peux pas m’en empêcher, c’est plus fort que moi, j’attrape un de ces précieux serre-têtes au passage.
Si j’en ai besoin ? Evidemment, oui… envie, besoin…etc. Mes cheveux ont poussé et j’en ai marre de les avoir dans les yeux. Ça trempe dans le Champagne et ça m’empêche de voir les œuvres correctement ! Besoin, oui.
D’ailleurs, il vaut mieux y voir clair ici, car il y a des tonnes d’art contemporain en suspension dans cette exposition. On ne sait jamais, si on shoote par mégarde dans cette colonne de béton, on ne jure de rien. C’est toute un processus de dominos qui s’enclenche.
Ce n’est pas pour rien que ça s’appelle « le Bel Accident »… c’est une collision entre deux visions artistiques, il y a des tensions mentales mais aussi physiques. on n’est pas à l’abri d’un réel accident.
Vincent Ganivet par exemple adore les éléments de chantier, surtout les parpaings. Et justement, les parpaings, il les prend pour des dominos et il s’en sert comme d’un module pour des jeux de construction chaque fois plus périlleux d’une œuvre à l’autre.
Ça donne quoi ? Des ponts aériens qui dessinent des courbes et des arcs dans l’air. Et ces demi-cercles de parpaings tiennent on ne sait comment. On ne veut pas savoir d’ailleurs. C’est le même système que pour un château de cartes, sauf que c’est fait à base de parpaings de 10 kg chacun, j’imagine !
Ganivet, c’est le roots et le rustre au rang d’œuvre d’art mais c’est surtout l’art de la tension. Il prend des éléments bruts et lourds, au propre comme au figuré, pour faire du beau et du léger !
Et le pire, c’est que ça fonctionne !
Ça tient à tout points de vue. Du point de vue esthétique d’abord. Dans l’effet de légèreté ensuite. Il y a aussi ce pylone en béton armé explosé au sol qui se met inopinément sous tension. De quoi faire trembler tout ce qui l’entoure.
Il a aussi créé des fontaines qui ruisselent de danger, elles aussi. Des sacs poubelles, des bottes de foin, des citernes… elles menacent d’inonder les lieux à chaque seconde tant c’est fait de bric et de broc… ça ne tient à rien que la cascade vienne massacrer toute l’expo… et pourtant, c’est tuant de charme et en plus, c’est stable!
De l’autre côté, les escaliers de Lang & Bauman ne doivent pas peser moins que ces ponts et ces ellipses de parpaings imaginés par Vincent Ganivet… pourtant, c’est blanc, c’est lisse. C’est presque blanc sur blanc, comme un escalier blanc sur fond blanc d’un descendant de Malevitch. C’est Suprématiste, c’est minimal, c’est rétrofuturiste et onirique, et le tout a l’air d’une incroyable légèreté. Ce sont les escaliers que l’on n’empruntera jamais. Ceux de nos rêves. Ceux qui dessinent une voie lactée.
Et toutes ces œuvres sont parfaitement cohérentes. Elles créent un beau dialogue entre elles.
Du coup, je filme je filme je filme.
Et je me faufile dans le terrier du lapin et dans la cabane de David.
C’est une cabane qui ressemble à une cabane comme on voudrait en trouver une au fin-fond du Canada ou du Danemark. Mais c’est aussi un bar clandestin qui ouvre à des heures improbables pour vous servir des liqueurs peu recommandables. C’est un espace qui est une œuvre d’art qui abrite et englobe en son sein d’autres œuvres d’art.
David nous explique qu’il a pris des cartons et y a réuni tout ce qui commençait à l’encombrer chez lui. Des choses que tout fétichiste de l’art qui se respecte garde avec soin… jusqu’au jour où toutes ça s’amoncelle tant et tant, que l’on se sent étouffer. Il est alors temps de prendre des mesures.
Toutes ces cartes postales, ces milliers d’images, tous ces bristols qui vous invitent ici ou là, ces photos, ces magazines, ces livres, ces bibelots, ces vases, ces tasses, ces sous-bocks… ces tas d’objets comme ce magnifique tampon-encreur de cuivre ou cette boîte d’allumettes collector… viennent de là. De cette boîte à idées géante dont l’artiste a dû se séparer.
Et dans ce lieu momentanément déserté et même naturellement évincé par le véritable bar du « Confort », je me surprends à fouiner. C’est pas comme si on était aux Puces, mais ça a quelque chose du grenier de l’enfance, on est sûr qu’un trésor nous attend quelque part dans ce jolis fatras.
Tout-à-coup, je me surprens à envisager ce tampon encreur, à essayer de décrypter le message qu’il a dû contenir en 1922, à l’époque supposée de sa création. Puis ma main glisse, elle va plus loin dans les cartons. Elle arrive là, à un point crucial, au carrefour de ma vie, je le sens.
Je la ressors du carton : j’ai apparemment tiré au sort le Jocker. Le vrai joker, cet ineffable bouffon plein de clochettes et de pompons. La carte à jouer. Sous verre. Je ne résiste pas à ce signe du destin, je l’emporte. Je le sors du lot et je pars en quête de son auteur que je pense être David Evrard.
Sauf que l’install’ d’Evrard n’est pas un self-service et que je viens de la dénaturer en douceur. Sans même m’en rendre compte. Enfin, c’est juste un petit élément dont on relèvera à peine l’absence, sauf à l’inventaire… mais tout de même !
David est scié, me trouve gonflé d’avoir pioché dans son install… mais parce que c’est le jocker, et parce que c’est moi, mais surtout parce que c’est lui… et que tout cela s’est fait dans la plus pure spontanéité, cette petite carte à jouer mise sous verre m’est authentifiée par l’artiste qui me fait une faveur. C’est une œuvre de 96 d’un certain Jos qu’il m’authentifie et avec laquelle j’ai regagné Paris aujourd’hui.
Côté HD, il y avait de quoi filmer tout au long de la soirée. Et je n’ai pas lâché ma caméra… mais c’est elle qui m’a lâché. Je n’ai pas fait exactement ce que j’avais prévu mais ce n’était pas le but. C’était de l’ordre de l’expérimentation filmique. Et c’est à suivre.
Par contre, j’ai bien filmé comme je l’avais prévu l’ambiance du vernissage, les shoes de ma copine, les Dirty -Guillaume Sorge et Clovis Goux- en plein mix, la voracité au buffet, l’ambiance du bar clandestin et les allers et venues des Bunnies… jusqu’à leur voler leurs oreilles pour toute la soirée.
J’étais totalement customisée David Evrard en somme !
mardi 6 octobre 2009
Episode 66
Vendredi 25 septembre
Gare Montparnasse, je m’achète le dernier « Interview », le dernier « Grazia », et je cueille la première pomme qui passe. Une Granny bien acidulée si possible. Mes valises se font et se défont à la vitesse de l’éclair. Je rentre de Lyon, j’ai sillonné Paris. J’ai imprimé mon e-billet chez un pote il y a une heure. Et je file à Poitiers, une caméra HD dans une main, mon Ibook de l’autre. Un Ipod entre les oreilles et un chapeau cloche sur la tête.
Je me vois dans le reflet d’une vitrine.
C’est qui ce personnage ? Le Rémy Brica de l’art contemporain ?
Multi-active, multi-fonction, over-vitaminée… voire disjonctée, je peux tout faire en même temps : écrire un article et rédiger mon journal intime, faire une interview, blogger, blaguer, être à Paris et à Poitiers en simultané, être sur mon vélo et dans le TGV. Ecrire un livre qui demande du recul, et écrire des articles dans le feu de l’action. Je peux chanter à tue-tête et danser, je peux lire et filmer en même temps. Je crois que j’ai réussi à me dédoubler. J’ai deux ailes qui viennent de me pousser au niveau des talons. On ne m’appelle pas encore Hermès mais ça ne saurait tarder ! J’ai toujours rêvé d’avoir le don d’ubiquité… et je crois en fait que je l’ai.
A moins qu’il ne s’agisse de schizophrénie. Le milieu de l’art nous pousse vers ce trouble comportemental.
La seule chose que je ne sais pas faire, c’est m’emmerder !
Je voudrais qu’on me donne des cours d’ennui, juste pour voir ce que ça peut produire sur soi, pendant deux secondes ce sentiment d’être oppressé par le vide, de ne pas être libre, de suffoquer. J’ai des souvenirs d’ennui. Mais c’est très ancien. Quand je pense à l’ennui, ça me ramène au lycée. A certains cours de maths dans lesquels j’avais perdu le fil depuis longtemps. Même la fenêtre ne m’offrait plus ses lignes de fuite. La dernière fois où j’ai ressenti un profond ennui, j’ai l’impression que c’était en 97, au Bénin. Un mois que j’étais partie, c’était les derniers jours et j’avais rempli ma mission. Je tournais en rond. J’avais fait le tour de tout ce qui m’entoure. J’avais surtout le mal du pays. Je ne rêvais que d’une terrasse de café sous un ciel plombé avec un serveur paresseux et aigri qui vous balancerait bien votre pourboire à la gueule… ça c’est Paris !
Comment ressentir l’ennui quand on est constamment en mouvement ?
Et d’ailleurs, l’endroit où je me sens le plus chez moi, c’est le TGV.
Mais par contre pour les réclamations, faut aller voir ailleurs. J’ai pas choisi le design, je ne suis pas responsable de la couleur des sièges ni du confort du bar. Quand à la qualité gastronomique des sandwichs… ils ont toujours une solide réputation : ils sont à moins 18 étoiles dans le Gault&Millaut, tout comme leurs insipides salades, c’est ce qui fait leur charme. Il y a des moments où je me demande s’ils ne se fournissent pas chez Tricatel, l’usine degueu-infâme et pas bio du tout qui alimente le monde avec ses petites conserves et ses surgelés, dans « L’aile ou la Cuisse » (Zidi, 76).
Et même ça, ce serait mieux que de reprendre une petite louche pullulant de « Soleil Vert ». C’est d’ailleurs plus fort en VO : « Soylent green », ça donne la gerbe rien que d’y penser! Le « soylent green » est une petite pastille d’un vert artificielle qui est censée nous remplir la panse en 2022 alors que les ressources naturelles sont épuisées. C’était dans le terrifiant imaginaire Richard Fleischer en 1973. Anticipation, nous te rattrapons !
Dommage, le Paris-Poitiers est très court, je me serais bien laissée aller à écrire écrire et écrire, sans limite de temps.
Mais j’ai tout de même mieux à faire une fois à Poitiers : filmer, filmer, filmer sans relâche. Regarder, observer de tous mes yeux. Ouvrir les yeux sur le réel. Ne pas seulement regarder le monde à travers l’écran, mais aussi entrer dans le champ, conquérir le réel.
Just for fun. Au « Confort Moderne ». Lang & Bauman Vs Vincent Ganivet. C’est le temps des « battles ». Le « Confort Moderne » se changera-t-il en fight-club pour ce « Bel Accident » qui s’annonce et s’affiche dés le titre de l’expo, tel un générique.
Daniel Bauman et Sabina Lang ont fait beaucoup parler d’eux il y a deux ans quand ils ont installé une sorte de vaisseau-spacial-œuvre-d’art à habiter à 30 mètres d’altitude sur le toit du Palais de Tokyo : L’Hôtel Everland. En fait, un hôtel en forme de bulle rétrofuturiste qui dominait les toits de Paris. Une bulle hors temps de 35 m2 qui mettait des vues imprenables à la portée de ses locataires grâce à son hublot géant qui encadrait le paysage. Bref une œuvre complètement introspective tout en étant en communion avec l’extérieur. Un studio qui a autant inspiré les louanges que les locations. Je m’y serai bien vue, dans ce vaste cocon seventies, étendue sur un de ces sofas profonds en train de lire le «Livre des Snobs », et bruncher en tête-à-tête dans le lit double, divaguer dans le magistral salon de bain, et puis mettre un vinyles sur le pick-up… comme à la maison.
Cette fois, je sais qu’ils nous propulsent une fois de plus dans les hauteurs… du moins, ils en donnent l’impression avec un grand escalier blanc. Lisse. Profilé.
De l’autre, Vincent Ganivet est leur antithèse stylistique : il maîtrise l’art du bricolage, affectionne le béton au bord de l’explosion et les matériaux qui brutalisent l’espace d’exposition. Plus qu’une exposition, c’est une croisade entre deux points de vue sur le monde qui va se jouer à Poitiers. Dans un drôle de « Confort Moderne ». Entre les escaliers qui mènent nulle part et les parpaings en suspension de Ganivet, un « Bel accident » esthétique se profile donc.
J’arrive dans 10 minutes. Le TGV s’est arrêté à la Station Futuroscope. Je n’y suis encore jamais allé mais dans le genre, c’est un lieu à recommander sans hésiter à Lang & Bauman. De quoi inspirer nos rétrofuturistes des années 10.
Gare Montparnasse, je m’achète le dernier « Interview », le dernier « Grazia », et je cueille la première pomme qui passe. Une Granny bien acidulée si possible. Mes valises se font et se défont à la vitesse de l’éclair. Je rentre de Lyon, j’ai sillonné Paris. J’ai imprimé mon e-billet chez un pote il y a une heure. Et je file à Poitiers, une caméra HD dans une main, mon Ibook de l’autre. Un Ipod entre les oreilles et un chapeau cloche sur la tête.
Je me vois dans le reflet d’une vitrine.
C’est qui ce personnage ? Le Rémy Brica de l’art contemporain ?
Multi-active, multi-fonction, over-vitaminée… voire disjonctée, je peux tout faire en même temps : écrire un article et rédiger mon journal intime, faire une interview, blogger, blaguer, être à Paris et à Poitiers en simultané, être sur mon vélo et dans le TGV. Ecrire un livre qui demande du recul, et écrire des articles dans le feu de l’action. Je peux chanter à tue-tête et danser, je peux lire et filmer en même temps. Je crois que j’ai réussi à me dédoubler. J’ai deux ailes qui viennent de me pousser au niveau des talons. On ne m’appelle pas encore Hermès mais ça ne saurait tarder ! J’ai toujours rêvé d’avoir le don d’ubiquité… et je crois en fait que je l’ai.
A moins qu’il ne s’agisse de schizophrénie. Le milieu de l’art nous pousse vers ce trouble comportemental.
La seule chose que je ne sais pas faire, c’est m’emmerder !
Je voudrais qu’on me donne des cours d’ennui, juste pour voir ce que ça peut produire sur soi, pendant deux secondes ce sentiment d’être oppressé par le vide, de ne pas être libre, de suffoquer. J’ai des souvenirs d’ennui. Mais c’est très ancien. Quand je pense à l’ennui, ça me ramène au lycée. A certains cours de maths dans lesquels j’avais perdu le fil depuis longtemps. Même la fenêtre ne m’offrait plus ses lignes de fuite. La dernière fois où j’ai ressenti un profond ennui, j’ai l’impression que c’était en 97, au Bénin. Un mois que j’étais partie, c’était les derniers jours et j’avais rempli ma mission. Je tournais en rond. J’avais fait le tour de tout ce qui m’entoure. J’avais surtout le mal du pays. Je ne rêvais que d’une terrasse de café sous un ciel plombé avec un serveur paresseux et aigri qui vous balancerait bien votre pourboire à la gueule… ça c’est Paris !
Comment ressentir l’ennui quand on est constamment en mouvement ?
Et d’ailleurs, l’endroit où je me sens le plus chez moi, c’est le TGV.
Mais par contre pour les réclamations, faut aller voir ailleurs. J’ai pas choisi le design, je ne suis pas responsable de la couleur des sièges ni du confort du bar. Quand à la qualité gastronomique des sandwichs… ils ont toujours une solide réputation : ils sont à moins 18 étoiles dans le Gault&Millaut, tout comme leurs insipides salades, c’est ce qui fait leur charme. Il y a des moments où je me demande s’ils ne se fournissent pas chez Tricatel, l’usine degueu-infâme et pas bio du tout qui alimente le monde avec ses petites conserves et ses surgelés, dans « L’aile ou la Cuisse » (Zidi, 76).
Et même ça, ce serait mieux que de reprendre une petite louche pullulant de « Soleil Vert ». C’est d’ailleurs plus fort en VO : « Soylent green », ça donne la gerbe rien que d’y penser! Le « soylent green » est une petite pastille d’un vert artificielle qui est censée nous remplir la panse en 2022 alors que les ressources naturelles sont épuisées. C’était dans le terrifiant imaginaire Richard Fleischer en 1973. Anticipation, nous te rattrapons !
Dommage, le Paris-Poitiers est très court, je me serais bien laissée aller à écrire écrire et écrire, sans limite de temps.
Mais j’ai tout de même mieux à faire une fois à Poitiers : filmer, filmer, filmer sans relâche. Regarder, observer de tous mes yeux. Ouvrir les yeux sur le réel. Ne pas seulement regarder le monde à travers l’écran, mais aussi entrer dans le champ, conquérir le réel.
Just for fun. Au « Confort Moderne ». Lang & Bauman Vs Vincent Ganivet. C’est le temps des « battles ». Le « Confort Moderne » se changera-t-il en fight-club pour ce « Bel Accident » qui s’annonce et s’affiche dés le titre de l’expo, tel un générique.
Daniel Bauman et Sabina Lang ont fait beaucoup parler d’eux il y a deux ans quand ils ont installé une sorte de vaisseau-spacial-œuvre-d’art à habiter à 30 mètres d’altitude sur le toit du Palais de Tokyo : L’Hôtel Everland. En fait, un hôtel en forme de bulle rétrofuturiste qui dominait les toits de Paris. Une bulle hors temps de 35 m2 qui mettait des vues imprenables à la portée de ses locataires grâce à son hublot géant qui encadrait le paysage. Bref une œuvre complètement introspective tout en étant en communion avec l’extérieur. Un studio qui a autant inspiré les louanges que les locations. Je m’y serai bien vue, dans ce vaste cocon seventies, étendue sur un de ces sofas profonds en train de lire le «Livre des Snobs », et bruncher en tête-à-tête dans le lit double, divaguer dans le magistral salon de bain, et puis mettre un vinyles sur le pick-up… comme à la maison.
Cette fois, je sais qu’ils nous propulsent une fois de plus dans les hauteurs… du moins, ils en donnent l’impression avec un grand escalier blanc. Lisse. Profilé.
De l’autre, Vincent Ganivet est leur antithèse stylistique : il maîtrise l’art du bricolage, affectionne le béton au bord de l’explosion et les matériaux qui brutalisent l’espace d’exposition. Plus qu’une exposition, c’est une croisade entre deux points de vue sur le monde qui va se jouer à Poitiers. Dans un drôle de « Confort Moderne ». Entre les escaliers qui mènent nulle part et les parpaings en suspension de Ganivet, un « Bel accident » esthétique se profile donc.
J’arrive dans 10 minutes. Le TGV s’est arrêté à la Station Futuroscope. Je n’y suis encore jamais allé mais dans le genre, c’est un lieu à recommander sans hésiter à Lang & Bauman. De quoi inspirer nos rétrofuturistes des années 10.
lundi 5 octobre 2009
EPISODE 65
Jeudi 24 Septembre 2009
Le monde devient vert et roux. Les couleurs se réchauffent. Les températures baissent lentement. Les branches des arbres se dénudent. Leur cassante fragilité apparaît. Les feuilles viennent tapisser le sol et crépiter sous chacun de mes pas.
C’est enfin l’automne. Je voudrais figer cette saison sur 365 jours. Stabiliser la météo sur quelque chose que l’on appelle l’été Indien.
Ça me donne envie de musarder. Mettre le nez dans l’écorce des arbres. C’est le moment où mes sunglasses et ma paire de gants jouent à cache-cache au fond de mon sac.
Le moment idéal pour s’acheter des noix fraîches et aller les grignoter sur une tombe du Père Lachaise, avec l’impression de picorer des cervelles de moineau. Je trépane des noix fraîches avec mes dents, ça craque à souhait, c’est ma façon de célébrer la vie et de rendre hommage à mes morts en beauté.
Me voilà sur la tombe de Frédéric Chopin… et je pense à Sand.
Est-elle ici ? Pas ici ? Peu m’importe, je ne suis pas là pour faire du nécro-peoplisme. Je ne joue pas à cache-cache avec les tombes « célèbres ». Lâchez-le ce pauvre Morrison !
Balzac Honoré (de), Edith Piaf, Ticky Holgado, Jim Morrison au même titre que la famille Bouchard toute entière et qu’Antonin Derien, Odette Plessis et Geneviève Pardieu, tous ne sont que… poussière.
Certains ont beau avoir une dernière demeure plus emphatiques que d’autres, plus étendue, plus sympathique, plus solide, moins laide… ça ne change rien aux températures de leur caveau ni à l’état de leurs os ?
Je visite tous les quartiers, sans exception. Je vais au hasard entre les tombes. Je marche sans but. J’ai tout mon temps, du moins, je me l’accorde.
Je suis libre libre libre comme l’air. Je suis plus « unpredictable like the sun and the rainfall » que jamais. Je me perds dans cet imprévu.
Et dans cette espèce d’infini funéraire, le Haut-lachaise n’a rien à envier au Bas-Lachaise. Ils ne sont pas plus vivants en haut qu’en bas.
Nord-Sud, est-ouest : idem. C’est le règne de la démocratie. Les clivages n’ont plus de sens.
Il existe des concessions à perpétuité qui existent depuis mille-sept-cent-quelque-chose ici… mais ça ne rend pas nos cadavres à la vie.
Des familles entières reposent ensemble. Il y a un quartier noble. Un quartier Chinois. C’est pas dans la treizième allée. Et j’ai même trouvé le quartier Arménien avec la statuette d’un de nos révolutionnaires, le célèbre Antranik. Il y le quartier show-bizz. Le quartier bat-cave et le quartier cyrrhose se devinent. Et pourtant, l’union ne fait pas la force. Personne ne revient vraiment d’entre les morts. Ici, tous les habitants sans exception ont l’air totalement ailleurs, partis, barrés !
Et au cours de ma ballade gothico-romantique, je suis servie. L’ex-etudiante en histoire de l’art que je suis est visuellement éblouïe et flattée. Des tombes aux inscriptions presque effacées, des sépultures en ruine qui, livrées aux éléments naturels, ont tu l’identité de leur illustre occupant, le rendant à l’anonymat. Des stèles décapitées, des pierres tombales rongées par le lierre, des caveaux violentés par le vent, par le temps, défoncés, abandonnés… J’essaie de m’imprégner de l’atmosphère, de capter tous les signes extra-humains. Ça défile sur des kilomètres. C’est une ville à part entière.
Ça ramène à la vie. Ça réinjecte du sang dans les veines, ça met des couleurs dans la vie.
Je me perds au pays des morts, je croise des nécrophores et des nécro-sympathisants, des morts-vivants et des vampires… et surtout, je me rappelle que je dois profiter de chaque instant.
Je suis là pour me rappeler qu’on n’est pas grand chose. Juste un grain de sable qui surfe sur la vague et j’essaie de ne pas me noyer. Notre passage sur terre a une durée limitée, et c’est inifiniment plus important que la deadline fixée par le moindre magazine.
Il s’agit de vivre, de se dépasser d’urgence, de redoubler d’énergie créatrice, de sortir ses tripes pour être au top de soi-même… avant de disparaître à tout jamais. OBLIVION & GLORY !
Le monde devient vert et roux. Les couleurs se réchauffent. Les températures baissent lentement. Les branches des arbres se dénudent. Leur cassante fragilité apparaît. Les feuilles viennent tapisser le sol et crépiter sous chacun de mes pas.
C’est enfin l’automne. Je voudrais figer cette saison sur 365 jours. Stabiliser la météo sur quelque chose que l’on appelle l’été Indien.
Ça me donne envie de musarder. Mettre le nez dans l’écorce des arbres. C’est le moment où mes sunglasses et ma paire de gants jouent à cache-cache au fond de mon sac.
Le moment idéal pour s’acheter des noix fraîches et aller les grignoter sur une tombe du Père Lachaise, avec l’impression de picorer des cervelles de moineau. Je trépane des noix fraîches avec mes dents, ça craque à souhait, c’est ma façon de célébrer la vie et de rendre hommage à mes morts en beauté.
Me voilà sur la tombe de Frédéric Chopin… et je pense à Sand.
Est-elle ici ? Pas ici ? Peu m’importe, je ne suis pas là pour faire du nécro-peoplisme. Je ne joue pas à cache-cache avec les tombes « célèbres ». Lâchez-le ce pauvre Morrison !
Balzac Honoré (de), Edith Piaf, Ticky Holgado, Jim Morrison au même titre que la famille Bouchard toute entière et qu’Antonin Derien, Odette Plessis et Geneviève Pardieu, tous ne sont que… poussière.
Certains ont beau avoir une dernière demeure plus emphatiques que d’autres, plus étendue, plus sympathique, plus solide, moins laide… ça ne change rien aux températures de leur caveau ni à l’état de leurs os ?
Je visite tous les quartiers, sans exception. Je vais au hasard entre les tombes. Je marche sans but. J’ai tout mon temps, du moins, je me l’accorde.
Je suis libre libre libre comme l’air. Je suis plus « unpredictable like the sun and the rainfall » que jamais. Je me perds dans cet imprévu.
Et dans cette espèce d’infini funéraire, le Haut-lachaise n’a rien à envier au Bas-Lachaise. Ils ne sont pas plus vivants en haut qu’en bas.
Nord-Sud, est-ouest : idem. C’est le règne de la démocratie. Les clivages n’ont plus de sens.
Il existe des concessions à perpétuité qui existent depuis mille-sept-cent-quelque-chose ici… mais ça ne rend pas nos cadavres à la vie.
Des familles entières reposent ensemble. Il y a un quartier noble. Un quartier Chinois. C’est pas dans la treizième allée. Et j’ai même trouvé le quartier Arménien avec la statuette d’un de nos révolutionnaires, le célèbre Antranik. Il y le quartier show-bizz. Le quartier bat-cave et le quartier cyrrhose se devinent. Et pourtant, l’union ne fait pas la force. Personne ne revient vraiment d’entre les morts. Ici, tous les habitants sans exception ont l’air totalement ailleurs, partis, barrés !
Et au cours de ma ballade gothico-romantique, je suis servie. L’ex-etudiante en histoire de l’art que je suis est visuellement éblouïe et flattée. Des tombes aux inscriptions presque effacées, des sépultures en ruine qui, livrées aux éléments naturels, ont tu l’identité de leur illustre occupant, le rendant à l’anonymat. Des stèles décapitées, des pierres tombales rongées par le lierre, des caveaux violentés par le vent, par le temps, défoncés, abandonnés… J’essaie de m’imprégner de l’atmosphère, de capter tous les signes extra-humains. Ça défile sur des kilomètres. C’est une ville à part entière.
Ça ramène à la vie. Ça réinjecte du sang dans les veines, ça met des couleurs dans la vie.
Je me perds au pays des morts, je croise des nécrophores et des nécro-sympathisants, des morts-vivants et des vampires… et surtout, je me rappelle que je dois profiter de chaque instant.
Je suis là pour me rappeler qu’on n’est pas grand chose. Juste un grain de sable qui surfe sur la vague et j’essaie de ne pas me noyer. Notre passage sur terre a une durée limitée, et c’est inifiniment plus important que la deadline fixée par le moindre magazine.
Il s’agit de vivre, de se dépasser d’urgence, de redoubler d’énergie créatrice, de sortir ses tripes pour être au top de soi-même… avant de disparaître à tout jamais. OBLIVION & GLORY !
dimanche 4 octobre 2009
EPISODE 64
Samedi 19 septembre 2009
De tous les Eudeline, Patrick, mon préféré est dans la place… dans les escaliers, il se protège de la foule dans le sfumato (lui aussi) de ses lunettes noires.
Il a sa place pour le concert, tout comme les fans qui font un sit-in depuis 11h du mat à l’entrée des artistes. Le hall du Centre Pompidou a quelque chose de pop tonite, et même un brin Brit’. A moins qu’on ne soit dans le vestiaire de Top Shop ? Brit’Shop Pop?
C’est pas tous les jours qu’un ex des Libertines est en concert à Beaubourg.
Naaaaaaaan… Pas Pete Doherty, l’ex de Kate Moss ! Non. L’autre pilier du groupe : Carl Barât himself.
Les responsables de tout ce raffut et de ces concours d’élégance à Beaubourg sont donc Carl Barât… et Adam Green from New York.
Le New Yorkais Vs le Brit’ from London.
Ça pourrait être un épisode d’Amicalement Vôtre : des décennies plus tard, Lord Brett Sinclair et Dany Wilde se rencardent sur la scène de Beaubourg, au niveau -1… Evidemment, ils avaient été cryogénisés et au réveil, ils avaient en plus changé de tête et embellis. Et depuis, forcément, parce que ce sont de jeunes gens modernes, ils se sont mis au son.
Et ce soir, duel de guitares, de chants et de micros seront au centre des festivités. Une vraie battle. On rivalise de talent.
It’s better than ever, et j’en perds mon latin, mon frenglish me revient. Damned. Adam Green met le starter. Un New Yorkais !
Adam. Green. D’abord il y eut donc, comme tout le monde le sait, Adam… puis vint le Green dans lequel on le plongea. On dirait une comptine. Il était une fois Adam, perdu dans la nature. Dans la verdure. Dans le Green.
D’aillleurs, en turc, « adam » est un nom commun. It means « man ». Carrément Edenique, d’autant que le jardin d’Eden, c’est juste une faute de frappe orginelle : because « eden » = « adam » et vice versa. C’est de l’étymologie Anaïdienne.
Adam. Comment peut-on porter un prénom si… premier, en fait. Et green, le nom d’une couleur si naturelle, si… régénérante.
Bon, piqûre de rappel : mon cœur est à Guy McKnight des « 80’s Matchbox B-line Disaster », sorry. Mais même mon scottish McKnight parle aussi d’Adam et d’Eden dans les lyrics de « In the garden":
« And in the garden, yeah, I was the first / The first to win a place on this bad earth / I lay around under the apple trees / My name is Adam in the garden of Eden
And then a serpent turned and said to me / "Why don't you pick an apple from the tree?" /
I said to it "I don't know if I should" /"Oh what the hell," it said, "it tastes so good"»
Je suis intriguée par ce personnage en shoes rouges et en jean’s pattes d’eph qui s’appelle « Vert ». Une vraie tornade verte et rouge. Un peu éméché.
On s’ennuyait ferme quelques secondes encore avant son arrivée.
On s’endormait en compagnie d’une grande fille toute simple comme on dit. Une de ces filles comme en fait que dans le fin fond de certaines contrées dont je ne me rappelle plus le nom… peut-être chez les Hamish.
Elle s’appelle Gibson, comme les guitares m’a-t-on soufflé en fin de soirée. Du reste, c’est aussi bien qu’Elvire-Bonduelle-comme-les-petits-pois ou Albert-Findus-comme-les-surgelés.
Une voix cristaline, aussi evanescente qu’une effluve d’ether. Une voix presque aussi pure que du cristal de roche mais pas non plus de quoi ébrécher une coupe de champagne… plutôt du genre à respirer vraiment l’ennui, même. A tous les coups, c’est mieux en disque. A écouter chez soi, les soirs de spleen. Et il y en a.
Et si elle était là pour chauffer la salle, c’est loupé. Elle est soporofique.
Et son style de jeune femme rousse à tresses, en chasuble déformée et en sabots de fille sympa, timide et vulnérable m’a stressée. Et même épouvantée. Elle nous a rincés, tués avec son sirop de lullaby sur-sucré. Overdose.
Et d’un coup Adam Green est venu cracher le feu en shoes rouges, jean’s et marcel blanc. Un choc des cultures. Une hallu.
Physiquement… comment dire, c’était la gueule d’Al Pacino avec la voix de Jim Morrison. Puis le charisme et le jeu scénique de Mick Jagger !
Age mental de ses déconnades : 14 ans ¾. Hallucinant. Et il nous raconte une histoire sur sa bouteille de bière vieille de 4 siècles au moins : une « 1664 » !
C’est le chef de file de l’Anti-Folk. Ça tombe bien, j’aime pas la folk.
Est-ce que ça veut dire que la fille qui l’a précédé sur scène était son antithèse ? C’est comme ça que je le vis de toute façon.
Des pas de danse intempestifs. De l’humour. Du bagou.
Un enfant terrible du rock. Une tête-à-claques comme on les aime mais qui, on stage, une fois le micro armé peut vite lasser si le talent ne suit pas. Mais évidemment, ça suit… et c’est même pire que ça, cet énergumène qui fait le bouffon autour de son micro est un véritable génie !
Et même si ces musiciens se cassent, qu’il s’assoit sur une chaise et prend sa guitare sèche pour pousser la chansonnette… même s’il demande un médecin toutes les 2 minutes parce qu’il aurait pris froid ou trop fait la fête la veille en compagnie de « 1664 » friends… ça passe et plus que ça même, ça ondule, ça vibre en nous.
Même quand le clown décide de faire sa soirée autour d’un rouleau de Chatterton qu’il a dû trouver en backstage et qu’il fait même monter deux victimes sur scène… juste pour le plaisir de les enrubanner !
C’est pas toujours très subtil sur le plan comique, c’est de la potacherie de base… mais ça fonctionne parce qu’Adam Green a ce truc indéfinissable… Comment ça s’appelle ? C’est quoi ? Un truc ! C’est le « mojo » quoi. C’est indéfinissable. C’est sorcier ! C’est diabolique. C’est enchanteur.
Et quand le Dandy Brit’ Carl Barat déboule sur scène, plus élégant, le regard ténébreusement bleu sous son Borsalino noir, et la démarche plus assuré, on atteint notre pic de bonnes vibes sonores dans la salle.
Et on les sent très complices, Adam et Carl. Carl et Adam. Miam, on en ferait son quatre heures. Lequel des deux ? Les deux. Et manifestement, ce n’est pas leur première rencontre scénique.
C’est la battle des battles. La rencontre entre deux bombes sonores énergétiques. Deux bourreaux des cœurs… dont un totalement amoureux de sa violoncelliste, comme j’en aurais le sentiment tangible durant sa prestation solo quelques minutes plus tard… et qui plane forcément à 3000.
D’un coup, je réalise… je jette un coup d’œil sur le public : je jurerais que le taux de testostérones est en baisse dans les sous-sols du Centre Pompidou… Je checke. Ouais, exact ! Que de jeunes filles et de jeunes femmes totalement surexcitées ! Faîtes de la musique les mecs, c’est complètement aphrodisiaque. Mais ayez du génie tout de même.
Que de la femelle en effervescence ou presque pour cette rencontre d’exception que les deux saltimbanques concluent par de tendres baisers à la russe. C’est digne de deux punks bien éméchés. Ils veulent nous achever?
Carl Barat, tout seul ? Je suis moins emportée. Trop d’ennuis avec sa guitare. Les plugs fonctionnent mal. Mais ça reste du haut niveau. Et il est joliment encadré par une violoniste et une violoncelliste qui ont emprunté leurs nippes de dentelle noire et leur lipstick ultra-sanguin dans la penderie de Morticia Addams.
Je me surprends même à décrypter les relations qui se tissent entre ces trois personnages. La violoniste au milieu se sent comme une intruse. Comme si on l’avait parachutée au milieu de deux personnages qui n’ont d’yeux que l’un pour l’autre. Ça sent la fraîche idylle. On lit dans leurs regards mi-génés, mi-amusés que ce sont les premiers instants. Ceux qui ondulent. Ceux qui frisent.
Et c’est le cas… comme toutes les petites minettes qui comptaient attirer Barat dans leurs filets le soir-même pourront le constater le soir-même au ChaCha.
Et derrière, sur l’écran, un screen-saver de nos émotions. On voit une main dessiner l’atmosphère. Une main gauche à bagouze. En live. Elle reprend les lignes de force de l’atmosphère. Passe les courbes des émotions à l’aquarelle, fait rosir les sons, caresse de son pinceau les secousses sismiques de cette aventure scénique. C’est David West aux manettes. Dans les coulisses et retranscrit sur grand écran en simultané, cette main mystérieuse et savante croque la scène en live. Dans son coin, à l’abri des regards, sur papier. Une à une, les couleurs et les émotions de cette séquence scénique hors-pair se diluent dans l’eau de son aquarelle, et il les reporte sur sa feuille de papier ultra-sensible. C’est de la peinture live. Ou bien de la performance.
Art de la scène et scène de l’art se mèlent, et « Stage of the art » signe la rencontre.
Et dans la vraie vie, un vrai concert, c’est cette intensité-là, ce truc palpable dans l’air !
Quand je pense que j’ai croisé quelqu’un il y a quelques jours à La Ciotat qui revenait du concert de Mylène Farmer au Stade de France !
Bon, euh, Mylène Farmer, déjà… sans commentaires. J’ai mieux à faire !
Mais en plus, je n’ai jamais compris l’intérêt d’aller en concert quand on ne peut même plus avoir la tentation d’envoyer une tomate ou des fleurs -voire des baisers- au bandit qui se produit sur scène ! Mais pour tout ça, il faut respecter une distance raisonnable. Au cas où ! Sinon, autant pirater les morceaux ou pire, si vraiment on ne peut pas s’en passer, acheter le CD. Quand on ne peut plus savourer le plaisir de se faire entendre du saltimbanque, de se sentir proche de lui, dans sa bulle, dans son souffle, dans son atmosphère… autant suivre ses délires en différé et ne surtout pas prendre la peine de dire, à la sortie, « j’y étais »!
Et d’ailleurs ici, pour les émotions, c’est OK… pour la participation du public : c’est idem.
Quand Adam Green réclame quelqu’un sur scène, personne ne veut y aller. Et pourquoi jouer à la marelle avec un anaconda aussi ou sauver un scorpion des eaux avec les doigts?
Armé de son simple rouleau de Chatterton, Green a déjà ligoté sur scène deux pauvres victimes qui se trouvaient dans le public et lui faisaient une confiance avegle.
Et comme si ça n’y suffisait pas, il finit par un véritable acte de barbarie que seuls quelques autres bandits du rock ont exécuté dans l’histoire jusque-là, mais toujours avec cette violence indicible…
Au moment des rappels, Adam Green, en fin de concert, toujours avec le sourire et animé par ses pulsions enfantines, se charge, avec une cruauté elle aussi toute enfantine de mettre à mort sa guitare sèche.
Exécutée sur un pied de micro. Solidement fixée au Chatterton puis fatalement empalée.. Et dans un lourd silence assassin, on assiste scotchés aux cris de cette pauvre bête, sacrifiée sur l’autel du rock, sans qu’on ne puisse réagir.
Ça me rappelle une vidéo magnifique de Christian Marclay qui elle aussi montrait une mise-à-mort d’une intensité similaire.
C’était les gémissements sauvages d’une guitarre électrique trâinée par un camion sur des kilomètres et des kilomètres à travers le désert texan. Un spectacle qui déjà pouvait heurter les âmes sensibles! Mais c’était une vidéo, bordel ! C’était pas du live !
Juste de quoi rappeler qu’une guitare, ce n’est pas juste un instrument… mais des cordes, une tête, un manche, un corps… qu’on y pense ou non, ça fait réfléchir à la possiblité d’une âme derrière tout ça ! Green qui porte le prénom du premier homme nous l’a juste rappelé en fin de soirée, histoire de nous réveiller avec son sa savante innocence habituelle !
De tous les Eudeline, Patrick, mon préféré est dans la place… dans les escaliers, il se protège de la foule dans le sfumato (lui aussi) de ses lunettes noires.
Il a sa place pour le concert, tout comme les fans qui font un sit-in depuis 11h du mat à l’entrée des artistes. Le hall du Centre Pompidou a quelque chose de pop tonite, et même un brin Brit’. A moins qu’on ne soit dans le vestiaire de Top Shop ? Brit’Shop Pop?
C’est pas tous les jours qu’un ex des Libertines est en concert à Beaubourg.
Naaaaaaaan… Pas Pete Doherty, l’ex de Kate Moss ! Non. L’autre pilier du groupe : Carl Barât himself.
Les responsables de tout ce raffut et de ces concours d’élégance à Beaubourg sont donc Carl Barât… et Adam Green from New York.
Le New Yorkais Vs le Brit’ from London.
Ça pourrait être un épisode d’Amicalement Vôtre : des décennies plus tard, Lord Brett Sinclair et Dany Wilde se rencardent sur la scène de Beaubourg, au niveau -1… Evidemment, ils avaient été cryogénisés et au réveil, ils avaient en plus changé de tête et embellis. Et depuis, forcément, parce que ce sont de jeunes gens modernes, ils se sont mis au son.
Et ce soir, duel de guitares, de chants et de micros seront au centre des festivités. Une vraie battle. On rivalise de talent.
It’s better than ever, et j’en perds mon latin, mon frenglish me revient. Damned. Adam Green met le starter. Un New Yorkais !
Adam. Green. D’abord il y eut donc, comme tout le monde le sait, Adam… puis vint le Green dans lequel on le plongea. On dirait une comptine. Il était une fois Adam, perdu dans la nature. Dans la verdure. Dans le Green.
D’aillleurs, en turc, « adam » est un nom commun. It means « man ». Carrément Edenique, d’autant que le jardin d’Eden, c’est juste une faute de frappe orginelle : because « eden » = « adam » et vice versa. C’est de l’étymologie Anaïdienne.
Adam. Comment peut-on porter un prénom si… premier, en fait. Et green, le nom d’une couleur si naturelle, si… régénérante.
Bon, piqûre de rappel : mon cœur est à Guy McKnight des « 80’s Matchbox B-line Disaster », sorry. Mais même mon scottish McKnight parle aussi d’Adam et d’Eden dans les lyrics de « In the garden":
« And in the garden, yeah, I was the first / The first to win a place on this bad earth / I lay around under the apple trees / My name is Adam in the garden of Eden
And then a serpent turned and said to me / "Why don't you pick an apple from the tree?" /
I said to it "I don't know if I should" /"Oh what the hell," it said, "it tastes so good"»
Je suis intriguée par ce personnage en shoes rouges et en jean’s pattes d’eph qui s’appelle « Vert ». Une vraie tornade verte et rouge. Un peu éméché.
On s’ennuyait ferme quelques secondes encore avant son arrivée.
On s’endormait en compagnie d’une grande fille toute simple comme on dit. Une de ces filles comme en fait que dans le fin fond de certaines contrées dont je ne me rappelle plus le nom… peut-être chez les Hamish.
Elle s’appelle Gibson, comme les guitares m’a-t-on soufflé en fin de soirée. Du reste, c’est aussi bien qu’Elvire-Bonduelle-comme-les-petits-pois ou Albert-Findus-comme-les-surgelés.
Une voix cristaline, aussi evanescente qu’une effluve d’ether. Une voix presque aussi pure que du cristal de roche mais pas non plus de quoi ébrécher une coupe de champagne… plutôt du genre à respirer vraiment l’ennui, même. A tous les coups, c’est mieux en disque. A écouter chez soi, les soirs de spleen. Et il y en a.
Et si elle était là pour chauffer la salle, c’est loupé. Elle est soporofique.
Et son style de jeune femme rousse à tresses, en chasuble déformée et en sabots de fille sympa, timide et vulnérable m’a stressée. Et même épouvantée. Elle nous a rincés, tués avec son sirop de lullaby sur-sucré. Overdose.
Et d’un coup Adam Green est venu cracher le feu en shoes rouges, jean’s et marcel blanc. Un choc des cultures. Une hallu.
Physiquement… comment dire, c’était la gueule d’Al Pacino avec la voix de Jim Morrison. Puis le charisme et le jeu scénique de Mick Jagger !
Age mental de ses déconnades : 14 ans ¾. Hallucinant. Et il nous raconte une histoire sur sa bouteille de bière vieille de 4 siècles au moins : une « 1664 » !
C’est le chef de file de l’Anti-Folk. Ça tombe bien, j’aime pas la folk.
Est-ce que ça veut dire que la fille qui l’a précédé sur scène était son antithèse ? C’est comme ça que je le vis de toute façon.
Des pas de danse intempestifs. De l’humour. Du bagou.
Un enfant terrible du rock. Une tête-à-claques comme on les aime mais qui, on stage, une fois le micro armé peut vite lasser si le talent ne suit pas. Mais évidemment, ça suit… et c’est même pire que ça, cet énergumène qui fait le bouffon autour de son micro est un véritable génie !
Et même si ces musiciens se cassent, qu’il s’assoit sur une chaise et prend sa guitare sèche pour pousser la chansonnette… même s’il demande un médecin toutes les 2 minutes parce qu’il aurait pris froid ou trop fait la fête la veille en compagnie de « 1664 » friends… ça passe et plus que ça même, ça ondule, ça vibre en nous.
Même quand le clown décide de faire sa soirée autour d’un rouleau de Chatterton qu’il a dû trouver en backstage et qu’il fait même monter deux victimes sur scène… juste pour le plaisir de les enrubanner !
C’est pas toujours très subtil sur le plan comique, c’est de la potacherie de base… mais ça fonctionne parce qu’Adam Green a ce truc indéfinissable… Comment ça s’appelle ? C’est quoi ? Un truc ! C’est le « mojo » quoi. C’est indéfinissable. C’est sorcier ! C’est diabolique. C’est enchanteur.
Et quand le Dandy Brit’ Carl Barat déboule sur scène, plus élégant, le regard ténébreusement bleu sous son Borsalino noir, et la démarche plus assuré, on atteint notre pic de bonnes vibes sonores dans la salle.
Et on les sent très complices, Adam et Carl. Carl et Adam. Miam, on en ferait son quatre heures. Lequel des deux ? Les deux. Et manifestement, ce n’est pas leur première rencontre scénique.
C’est la battle des battles. La rencontre entre deux bombes sonores énergétiques. Deux bourreaux des cœurs… dont un totalement amoureux de sa violoncelliste, comme j’en aurais le sentiment tangible durant sa prestation solo quelques minutes plus tard… et qui plane forcément à 3000.
D’un coup, je réalise… je jette un coup d’œil sur le public : je jurerais que le taux de testostérones est en baisse dans les sous-sols du Centre Pompidou… Je checke. Ouais, exact ! Que de jeunes filles et de jeunes femmes totalement surexcitées ! Faîtes de la musique les mecs, c’est complètement aphrodisiaque. Mais ayez du génie tout de même.
Que de la femelle en effervescence ou presque pour cette rencontre d’exception que les deux saltimbanques concluent par de tendres baisers à la russe. C’est digne de deux punks bien éméchés. Ils veulent nous achever?
Carl Barat, tout seul ? Je suis moins emportée. Trop d’ennuis avec sa guitare. Les plugs fonctionnent mal. Mais ça reste du haut niveau. Et il est joliment encadré par une violoniste et une violoncelliste qui ont emprunté leurs nippes de dentelle noire et leur lipstick ultra-sanguin dans la penderie de Morticia Addams.
Je me surprends même à décrypter les relations qui se tissent entre ces trois personnages. La violoniste au milieu se sent comme une intruse. Comme si on l’avait parachutée au milieu de deux personnages qui n’ont d’yeux que l’un pour l’autre. Ça sent la fraîche idylle. On lit dans leurs regards mi-génés, mi-amusés que ce sont les premiers instants. Ceux qui ondulent. Ceux qui frisent.
Et c’est le cas… comme toutes les petites minettes qui comptaient attirer Barat dans leurs filets le soir-même pourront le constater le soir-même au ChaCha.
Et derrière, sur l’écran, un screen-saver de nos émotions. On voit une main dessiner l’atmosphère. Une main gauche à bagouze. En live. Elle reprend les lignes de force de l’atmosphère. Passe les courbes des émotions à l’aquarelle, fait rosir les sons, caresse de son pinceau les secousses sismiques de cette aventure scénique. C’est David West aux manettes. Dans les coulisses et retranscrit sur grand écran en simultané, cette main mystérieuse et savante croque la scène en live. Dans son coin, à l’abri des regards, sur papier. Une à une, les couleurs et les émotions de cette séquence scénique hors-pair se diluent dans l’eau de son aquarelle, et il les reporte sur sa feuille de papier ultra-sensible. C’est de la peinture live. Ou bien de la performance.
Art de la scène et scène de l’art se mèlent, et « Stage of the art » signe la rencontre.
Et dans la vraie vie, un vrai concert, c’est cette intensité-là, ce truc palpable dans l’air !
Quand je pense que j’ai croisé quelqu’un il y a quelques jours à La Ciotat qui revenait du concert de Mylène Farmer au Stade de France !
Bon, euh, Mylène Farmer, déjà… sans commentaires. J’ai mieux à faire !
Mais en plus, je n’ai jamais compris l’intérêt d’aller en concert quand on ne peut même plus avoir la tentation d’envoyer une tomate ou des fleurs -voire des baisers- au bandit qui se produit sur scène ! Mais pour tout ça, il faut respecter une distance raisonnable. Au cas où ! Sinon, autant pirater les morceaux ou pire, si vraiment on ne peut pas s’en passer, acheter le CD. Quand on ne peut plus savourer le plaisir de se faire entendre du saltimbanque, de se sentir proche de lui, dans sa bulle, dans son souffle, dans son atmosphère… autant suivre ses délires en différé et ne surtout pas prendre la peine de dire, à la sortie, « j’y étais »!
Et d’ailleurs ici, pour les émotions, c’est OK… pour la participation du public : c’est idem.
Quand Adam Green réclame quelqu’un sur scène, personne ne veut y aller. Et pourquoi jouer à la marelle avec un anaconda aussi ou sauver un scorpion des eaux avec les doigts?
Armé de son simple rouleau de Chatterton, Green a déjà ligoté sur scène deux pauvres victimes qui se trouvaient dans le public et lui faisaient une confiance avegle.
Et comme si ça n’y suffisait pas, il finit par un véritable acte de barbarie que seuls quelques autres bandits du rock ont exécuté dans l’histoire jusque-là, mais toujours avec cette violence indicible…
Au moment des rappels, Adam Green, en fin de concert, toujours avec le sourire et animé par ses pulsions enfantines, se charge, avec une cruauté elle aussi toute enfantine de mettre à mort sa guitare sèche.
Exécutée sur un pied de micro. Solidement fixée au Chatterton puis fatalement empalée.. Et dans un lourd silence assassin, on assiste scotchés aux cris de cette pauvre bête, sacrifiée sur l’autel du rock, sans qu’on ne puisse réagir.
Ça me rappelle une vidéo magnifique de Christian Marclay qui elle aussi montrait une mise-à-mort d’une intensité similaire.
C’était les gémissements sauvages d’une guitarre électrique trâinée par un camion sur des kilomètres et des kilomètres à travers le désert texan. Un spectacle qui déjà pouvait heurter les âmes sensibles! Mais c’était une vidéo, bordel ! C’était pas du live !
Juste de quoi rappeler qu’une guitare, ce n’est pas juste un instrument… mais des cordes, une tête, un manche, un corps… qu’on y pense ou non, ça fait réfléchir à la possiblité d’une âme derrière tout ça ! Green qui porte le prénom du premier homme nous l’a juste rappelé en fin de soirée, histoire de nous réveiller avec son sa savante innocence habituelle !
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