Vendredi 23 octobre
Lever de plus en plus difficile. Je sais à peine quel jour on est et comment je m’appelle.
Je sais juste que je me suis achetée un tas de fringues que j’adore à London et que je me retrouve à porter mes hardes des années 80 (ou presque) depuis 3 jours. Obligée d’aller m’acheter des leggings, des chaussettes et des petites culottes dans des boutiques à la gomme alors que je suis à découvert et que j’ai déjà tout ce qu’il me faut en high-figh à la maison !!!!
Pour les shoes, je m’en suis occupée dès le deuxième soir avec Myrtille, sur les Chanzel, en sortant du bureau de « Souvenirs », sous une pluie battante. Remplacées. Il y avait urgence.
C’était juste après ce moment génial où Marcus a fait sauter tout le système d’envoi des mails de tout le bureau parce qu’il avait spammé à donf’ l’info « Fiac me… » à tous ses contacts!
Du coup, même la prod’ de Cerrone qui nous héberge amicalement, ne pouvait plus envoyer le moindre mail… tout le monde était subitement en « vacances » Internet et il n’était que 15h30 ! Marcus était tellement mal qu’il s’est cassé discrètement sans crier gare ! On a juste entendu une grosse moto démarrer en trombe dans le triangle d’or parisien !
Au même moment, au même endroit, Bernard regardait un pot de Nutella lui faire les yeux doux. Succomber ? Ne pas succomber ? Négocier avec le désir ?
Au même moment, dans la cuisine des mêmes bureaux, je prenais une bonne cuillère de miel des champs… sentant déjà la grippe me gagner.
Puis avec Myrtille, je sortais de là, chaussée de mes Repetto qui n’en pouvaient plus de la pluie et je partais en quête de shoes taillées dans un coupon de cuir neuf avant le premier vernissage de la FIAC 2009.
Depuis ce moment, j’ai l’impression qu’il s’est passé un siècle ou deux!
D’ailleurs je confonds les jours. Je ne suis même pas sûre d’être vendredi. Je me sens comme un samedi.
Mais ça ne peut pas être samedi. Samedi, c’est le jour du « Bal Jaune »… C’est demain ! Et je compte bien faire un passage-éclair à la maison pour récupérer une tenue! En plus avec tous mes changements d’adresse cette année, mon invite s’est perdue ! Je n’ai pas eu le fameux morceau de moquette en forme de carton d’invite et je ne saurais dire de quelle couleur il a été prévu pour moi!
Si donc on est bien vendredi, demain matin, on devrait savoir qui a remporté le Prix Marcel Duchamp… on verra si j’ai parié sur le bon cheval en pensant à Saad et si Saad m’a fait penser au Prix. Et le soir-même, on se rendra au Bal Jaune et comme ça créera des courts-circuits dans nos têtes entre Bal Jaune et donc le Prix Ricard et le Prix Duchamp, on se demandera toute la journée et aussi le lendemain, qui est le gagnant… qui est le gagnant… qui est le gagnant… Duchamp-Ricard : une partie d’échecs se jouera dans nos têtes comme chaque année. Ces deux-là, Duchamp et Ricard, s’ils avaient été contemporains, s’ils s’étaient connus, se seraient-ils entendus ? Qui sait !
En tout cas, pendant la Fiac, c’est chaque année échecs et mat, c’est comme ça. J’ai quand même du mal à superposer l’échiquier et le bob Ricard. Mais je suis fair-play : je me dis « pourquoi pas? ».
Et en parlant de Duchamp, j’étais donc hier jeudi, dans le Marais. Chez Michel Rein, là où se déroulait une performance de Saad Afif liée à « Vice de forme », l’œuvre présentée pour le Prix… Ricard ? Mais non, non et non, bordel, c’est le Prix Duchamp ! Marcel Duchamp !
Bon, en tout cas, un pianiste jouait des morceaux au piano, des compositions qui pouvaient accompagner les paroles des chansons écrites par diverses personnes à Berlin pour Saad.
Puis j’ai repris ma caméra dont je m’étais trop longuement séparée pour rejoindre Héloïse, Grégoire, Audrey, Jérôme et quelques autres chez Emmanuel Perrotin. C’était pour le vernissage de Jean-Michel Othoniel et Farad Moshiri. Un livre fantastique tout en pop-up -de la 3 D qui nous renvoie en enfance- paru chez Dilecta, accompagnait l’exposition de Jean-Michel. je lui ai demandé de tourner les pages du livre pour les besoins de mon film. J’en ai quasi ignoré José Lévy, le designer qui fait lui aussi partie de la galerie. Je me suis ratrappée avec Thomas qui a improvisé une perf autour d’une œuvre de Jean-Michel rien que pour ma caméra. Une ronde autour d’une œuvre tout en courbes et en rondeurs.
Quant à la star de l’art contemporain Iranien, Farad Moshiri, il présentait des grands formats abstraits ou figuratifs dans lesquels la matière et la sensualité l’emportent sur le tout.
Le dîner, dans le show-room d’Emmanuel, m’a rappelé les dîners de vernissage des années 90… A ceci près qu’on était toujours entre amoureux de l’art contemporain à l’époque et qu’on était rares, donc peu nombreux.
A cette époque-là, il n’y avait pas le moindre chanteur ou le moindre fashion designer… ou alors ils n’étaient pas au top de leur carrière, seulement en devenir. Là, il y avait Stéphane Eicher et je me suis demandée s’il m’avait reconnue. J’avais essayé de l’interviewer l’année dernière lors de Paris Photo dans la Pyramide du Louvre. J’avais insisté, je lui avais offert un magazine, fait de très larges sourires, expliqué mon travail…
Cette fois, c’est lui qui m’a rendu de larges sourires alors que je cherchais une table pour m’installer. Mais il était à côté d’un personnage qui sentait le souffre et le plomb, et il n’avait pas l’air de s’amuser. Alors j’ai évité. Mauvaises vibes, et pourtant, il n’en bougeait pas. Il restait là, à côté de Sophie Calle, comme prisonnier.
Il y avait une super ambiance et je présentais Héloïse à Grégoire. Héloïse travaille avec Emmanuel depuis peu et est surtout une de mes amies de fac, en histoire de l’art. Quant à Grégoire, c’est le fondateur des éditions Dilecta.
Ces deux-là s’étaient croisés plusieurs fois sans savoir qu’ils partageaient ensemble mais aussi avec moi, un être qui nous a été chèr avant de disparaître subitement de nos vies en 2002 à l’âge de 33 ans: Alain-Guillaume Poirier.
C’était le cousin de Grégoire, c’était mon ami et celui d’Héloïse dès nos premières années de fac. On l’a évoqué ce soir-là, il était palpable dans ce vernissage j’imagine. Et puis on a évoqué ce lien et ça nous a ramené à la vie.
J’avais la bougeotte, j’allais et venais entre le dance-floor au rez-de-chaussée de Piotr Uklanski et le premier étage… puis je rencontre Géraldine qui a elle aussi la bougeotte. Malgré la pluie, on décide d’explorer la nuit et d’aller dans cette soirée de vernissage de *La Bank* au Hustler !
Est-ce le repère de Hugh Heffner ? Non, le créateur de Playboy est plus raffiné que ça. Les Bunnies n’ont rien à voir avec toutes ces putes disséminées dans l’espace de ce club. J’ai jamais vu un endroit aussi pourrie. Autant de nanas laides mais à poil prête à faire un tour aux toilettes avec le premier lourdeau qu’elles croisent. Brrr, drôle d’atmosphère. On dirait les pages d’un fanzine échangiste, un fascicule fait maison avec des photocopies pourries et de la chair mal emballée! Qu’est-ce qu’on fout là ? Seul l’adorable Greg, en bas, le mec qui vend les bonbons et autres indispensables de soirées, m’est agréable. Il m’offre une sucette et on tape la converse… ça doit pas lui arriver souvent de parler ici. Je prends mes jambes à mon cou et je me caaaaaaaaassssssssse de là ! C’est même pas drôle. J’aurais dû aller au Montana. La soirée gothique du « Baron » ? Pas question… et d’ailleurs, j’étais en costume de marin… faut-il le rappeler ?
Ça c’était hier -donc jeudi ! Un jour où je n’ai pas fouttu les pieds à la FIAC. Je ne pouvais pas. J’avais un texte de catalogue à écrire un en urgence.
Et là, on est donc vendredi… vendredi donc… et la journée est bien pleine. Je continue à cultiver mon de don de triquité et faire plusieurs trucs à la fois.
Je crois que je vais à nouveau faire abstraction de la Fiac toute l’après-midi pour m’intéresser au « Nouveau Festival » aujourd’hui, un événement qui met la performance, le spectacle, la chorégraphie -bref tout ce qui est in vivo- au centre du Centre (Pompidou) de Paris.
Et à 18h30, c'est-à-dire dans une heure, je retrouverai Juan à l’antenne de Nova pour lui parler de tout ça.
J’ai commencé par un rendez-vous avec Albane, une Claudinette (les hôtesses de l’art de chez Claudine Colin Communications !), à la Conciergerie pour « Le sort probable de l’homme qui avait avalé un fantôme ». Sujet, verbe, complément : c’est le titre de l’expo…
Pour ceux qui n’auraient pas encore pigé, c’est fini le temps du titre d’expo en moins de 10 caractères et qui ne veut pas dire grand chose. Aujourd’hui, ça doit occuper l’espace d’un sms et faire dans les 800 caractères ! Sinon, ça ne sert à rien. Désormais, le titre d’expo fait donc dans la phrase à rallonges, dans la citation, dans l’essence poétique, bref dans le sens pour éveiller LES sens… puis dans le rythme et dans le mouvement !
Ça ne pouvait pas échapper à un danseur et chorégraphe de talent promu commissaire d’expo à cette occasion : Christian Rizzo.
« Le sort probable de l’homme qui avait avalé un fantôme » se tient dans la salle des gens d’armes de la Conciergerie, et le titre tout en rondeurs vient adoucir la vocation de ces lieux attenant au Palais de Justice.
Au fond, à gauche, une armée de fantômes semble se diriger vers nous : un Olaf Breuning qui, entre Halloween commercial et épouvante, nous met tout de suite au parfum.
On serait donc à nouveau transposé dans un mystérieux château bien évidemment hanté comme beaucoup d’expos en ce moment… La partie de Cluedo est avancé. Où est l’objet du crime ? Qui sera la victime ?
On est directement entraîné au pied d’un catwalk et dans cette magnifique architecture du Gothique Flamboyant, entre voûtes en ogives, colonnes et rosaces, on a le sentiment d’être convié à un défilé. Mais en lieu et place des mannequins présumés, il y a des œuvres autour desquelles le spectateur défile.
Des œuvres figées dans leur mouvement, liées au corps, à la danse. Sensuelles.
Les époques se croisent comme dans cette sculpture de Folkert de Jong inspirée par la célèbre « Danseuse » de Degas : on croirait presque à une copie, sauf qu’il suffit de s’approcher pour se rendre compte que la grâce n’appartient pas qu’aux femmes dans l’univers de la danse classique. Voici un homme qui porte parfaitement bien le tutu !
En T-shirt et baskets, on a une sculpture de « Cédric » ! Tomoaki Suzuki réalise lui des scuptures hyperréalistes mais en format réduit : c’est une sorte de Duane Hanson Japonais de moins de 35 ans. Et puis dans un trop plein de consommation qui va jusqu’à l’écœurement ou du moins l’effet surplus, on a un mannequin de Daniel Firman dont on ne sait s’il croule sous ses vêtements ou s’il en renaît. Un mouvement quotidien est répété ici à l’infini. C’est la superposition des jours.
Et peu à peu, la grâce dérive vers quelque chose de plus animal : la créature de MarnieWeber issue de la Planète des Singes a quelque chose de si humain. Elle prend la pose dans ses vêtements fashion, presque hautaine. Les statuettes fluides, aux poses simples et aux silhouettes racées de Don Brown. Un Xavier Veilhan.
Côté fétichiste, on retrouve les sculptures de verre de Jean-Luc Verna. Puis les pièces animales et précieuses de Bruno Pelassy dans lesquelles le vison croise par exemple le python. Et aussi les incroyables shoes de Benoît Méléard, faîtes pour la scène plus que pour la marche et qui ont le don de métamorphoser la silhouette et réinventer la démarche. Escarpins vertigineux mais sans talons, carrés, ronds… on ne sait pas par quel bout les prendre ni où se camoufle le pied dans tout ça. Des œuvres en soi.
La mode, la grâce, l’harmonie, le mouvement, le corps… c’est tout cela que l’on retient de cette expo.
La danse est encore plus présente avec la vidéo d’un ballet de Merce Cunnigham mis en costume par Rei Kawabuko… Comme des Garçons !
Mais moi, j’ai envie de scotcher sur un de mes artistes préférés. Un de ceux qui sortent du lot dans l’expo : le perfectionniste James Lee Byars qui fait son grand retour en ce moment dans la mémoire des gens. C’est comme si on redécouvrait ce grand perfectionniste, un peu mystique, plutôt perché des seventies. Il fait aussi partie d’une expo au musée d’art moderne, « Deadline », qui fait la part belle à tous ceux qui ont été amenés à se dépasser parce qu’ils ont eu une vraie « dead line » dans leur vie, au sens propre du terme. De ces dead lines qui lorsqu’elles vous pendent au nez vous poussent à sortir vos tripes, dans l’urgence, avant de disparaître à tout jamais. Un art au bord du précipice donc.
Et pourtant léger, spirituellement engagé, matériellement ancré. A se demander comment cet artiste a pu naître à Detroit alors qu’il est autant empreint d’Orient, de philosophie. D’ailleurs, il a longuement vécu au Japon. Et à mon avis, ce n’était pour assister à des combats de Sumo !
En tout cas, sa dead line a été franchie en 97 au Caire. Avant cela, la feuille d’or était l’un de ses materiaux préférés et la performance, l’un de ses modes d’expression les plus chèrs. Ici, on retrouve ce qu’on appelle un « bonnet rouge », une traîne de soie qui a été l’objet d’une performance que l’on imagine proche du bouddhisme. C’est un rouge festif et léger.
Une traîne rouge que je gonfle mentalement d’hélium, pour monter dessus et foncer vers Beaubourg où m’attend Serge Laurent (qui s’occupe du « Spectacle Vivant » du Centre) pour une présentation express du « Nouveau Festival ».
On était synchro. 16h pile. Le tour des lieux. Un centre qui renoue avec ses origines, l’esprit des seventies. La performance. L’ouverture sur toutes les disciplines, la gratuité. La surprise. L’accident heureux.
Et c’est tout ce qu’il vient de me raconter que je dois résumer tout-à-l’heure à l’antenne de Nova. Le « Beaubourg-la-Reine », l’installation de Sophie Perez et Xavier Boussiron où sont conviées des artistes, des performers, des musiciens, des comédiens… pour un grand bœuf généralisé tout un mois durant. Philippe Katerine, Eric Duyckaerts… et bien d’autres choses. Des écrans qui se croisent, des scène qui se montent, des espaces à explorer, des danseurs qui repètent, des éclats de voix… de quoi s’émerveiller pendant un mois et sans doute toiser la « Crise » !
vendredi 13 novembre 2009
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