Vendredi 11 décembre 2009
Souple, élastique, tout terrain, unlimited… tel est le terrain artistique.
Il se glisse partout, file dans les interstices, fuit en pleine nature, se retrouve dans les paysages les plus sauvages, mais aussi dans les bordels sans nom, les boutiques de renom, les cabarets sinistrés ou les hôtels les plus raffinés. Everywhere, l’art est matière.
Et cette fois, me voilà à l’Opéra entraînée dans ses filets… ou plutôt au Théâtre des Champs-Elysées, Avenue Montaigne.
Dans un cadre qui me fait faire des courts-circuits temporels, me fait douter de l’époque à laquelle je me trouve, du siècle et même de l’année…
Normal, les failles temporelles vont de pair avec les failles météorologiques puisque ces derniers temps, on doute aussi des saisons.
A croire que les prédictions de Diabologum vont s’avérer vraies et à Paris comme ailleurs, au milieu du mois d’aôut, on aura zéro dégré et de la neige en été.
On aura beau draguer Mercure, rien à faire, il ne fera plus remonter ses températures… on sera scotché à l’ère polaire. Rien à faire.
Bref, la neige ne saurait tarder, et dans ce froid de canard, on se réfugie dans un foyer artistique brûlant : le théâtre des Champs-Elysées où je regoûte au récital « Picture Reframed » qui met en lien l’artiste Robin Rhode et un pianiste Norvégien internationalement acclamé, chef de file de sa génération, Leif Ove Andsness.
« Pictures Reframed » -soit littéralement les « images recadrées »- entame sa tournée à travers le monde depuis novembre 2009. Il a trouvé son point focal autour d’une œuvre du compositeur Modeste Moussorgski intitulé « Les Tableaux d’une exposition », une suite de 10 pièces pour piano datant de 1874.
Ecrit en hommage à Viktor Hartmann, ami et architecte de Moussorgski, « Les Tableaux d’une exposition » est la retranscription sonore d’une flânerie dans un musée. On déambule d’une aquarelle à un dessin, on entre dans les œuvres, on musarde. La musique semble générer des formes et induit naturellement le mouvement puis la contemplation. Le piano lui-même, ainsi que les dessins de Hartmann ont inspiré ce nouveau film de Robin Rhode. On suit à la trace cet illusionniste qu’il est: il joue savamment des apparitions et des disparitions dans une œuvre qui déjà nous marque de son empreinte indélébile.
Et si les artistes veulent marquer les consciences à la postérité… Robin Rhode a choisi la voie la moins simple pour cela : des performance et des œuvres à la craie qui s’étendent sur les sols, les murs et les plafonds et s’effacent au gré des intempéries. L’éphémère est sa poétique. Le corps et son inscription dans l’espace sont chaque fois au rendez-vous, y compris à travers ses dessins avec des insertions d’objets réels, ses photographies ou ses animations vidéos. Il n’y a pas si longtemps de cela, Rhode a placé un moulage de vélo en savon sur le toît d’une galerie Londonienne. Exposée à tous les vents dans un pays célèbre pour sa pluie, il y avait peu de chance pour que l’engin en ressorte indemne à l’issue des deux mois d’exposition.
Et cette fois aux Champs-Elysées, ce sont ses vidéos qui se mèlent à la musique.
Ça me ramène à juin dernier, à l’Espace Vuitton où on avait pu avoir un avant-goût du spectacle au Théâtre des Champs-Elysées, en comité plus réduit. Dans un cadre moins magistral, plus intimiste.
Un passage par le fameux ascenseur sensoriel d’Olafur Eliasson où dans le noir le plus profond, on purifie nos regards…
Et nous voilà déjà dans la cuisine, où Robin Rhode et le pianiste avec lequel il a collaboré sont photographiés avec d’étonnants appareils gros objectifs à rallonge.
Des trucs de paparazzis que je ne pensais pas trouver dans le cadre d’une performance artistique. A croire que GALA, Voici ou je ne sais quel colporteur de ragots racés, avec ou sans pedigree, est dans les parages.
J’en profite pour revoir l’expo « Ecritures Silencieuses »… et on s’installe enfin dans la rotonde de l’Espace Vuitton pour découvrir cette collaboration peu commune entre un musicien plutôt classique et un artiste hors-norme et ultra-contemporain originaire d’Afrique du Sud.
Et dans ce magnifique espace circulaire que l’on peut deviner depuis l’avenue des Champs-Elysées, autour d’un rutilant piano à queue, les places sont plus que limitées : c’est un moment privilégié que de suivre ce concert.
Pour la mise-en-abîme, l’une des dernières séquences de ce concert en images animées est poignante : on assiste impuissants à la noyade d’un piano à queue au fond de l’océan.
Crime ou suicide, à nous de voir.
Et parmi les pousse-au-crime, il y a bien ce spectateur transi, là, juste devant moi, en T.shirt jaune et espadrilles. Ce jaune précisément pourrait laisser croire qu’il est un des nombreux assistants de Gianni Motti à travers le monde… mais non, même pas. C’est juste Frédéric Beigbeder… « L’égoïste romantique » qu’on aime bien faire semblant de ne pas aimer tous les jours.
Que fait-il là ? Aucune idée.
Son menton ne rejoint plus son nez depuis qu’il a eu la fabuleuse idée de le duveter discrètement. Et cette fine couche pileuse fait ressortir le vert de ses yeux verts. Et j’essaie de me rappeler si c’est bien lui qui est connu pour avoir trouvé le fabuleux slogan Wonderbra : « Regardez-moi dans les yeux… j’ai dit les yeux ! ». La formule pourrait s’appliquer à lui aussi.
Je ne sais pas ce qu’il fait là, mais après tout, pourquoi pas…
Et après l’intervention de Robin Rhode, il prend même soin de prendre la parole pour lui dire qu’il est génial et qu’en tant qu’artiste de talent, il n’a même pas à expliquer son projet… que son œuvre se passe d’explications. Je ne l’imaginais pas « premier de la classe à ce point » ! Quel adorable fayot !
A tel point que je me pose des questions… S’intéresse-t-il à l’art contemporain ? Dans ce cas, jusque-là, il a été plus que discret sur la question.
Il y a des moments où je me demande à quel point la société se fabrique autour du mensonge.
Moi qui ne ment jamais, pendant une seconde et demi, je me demande si on ne l’a pas payé pour son apparition ici-même… et puis je me dis que ce serait tout de même assez ridicule.
Il a joué le fan de base en t.shirt jaune et ça avait quelque chose de finalement touchant.
Mais était-ce sincère ?
Et puis, j’entends souvent dire que certains pipoles sont payés pour apparaître dans des soirées, des évènements… mais là, franchement, je ne pense pas que Vuitton ait besoin de ça pour se faire mousser, ni qu’ils auraient choisi Beigbeder pour cela.
Non, non, non, non… il est là de son propre chef sûrement et qui sait si ce n’est pas pour en parler dans une de ces autofictions à venir.
Ce serait ma version romantique de la chose… mais qu’en serait-ils de sa version égoïste à lui ?
Oui, bon, on s’en fout. Ça me fait plutôt plaisir de le voir à une telle manifestation mais honnêtement, ce T.shirt jaune au premier rang : ça me gratte l’œil, me fragilise l’iris, me donne presque une conjonctivite… il aurait pu éviter. C’est la couleur des faux-culs et des poussins qui ont peur de se perdre.
Et dans le genre volaille qui se serait perdue, j’ai un beau spécimen sur ma droite. Est-ce que ce sont les pies qui s’attribuent tout ce qui brille et luit ? Elle est parée cette bimbo latino ! Je pense que cette poule-là faisait ses courses avenue Montaigne, elle a levé le bec, a vu de la lumière dans la Rotonde de l’ami Vuitton et elle s’est dit qu’elle monterait bien quelques minutes s’installer dans cette volière douillette.
Depuis, sa seule présence donne des impressions de basse-cour à cette assemblée.
C’est la « pouffe maximum ». Vulgaire et racoleuse à souhait. Refaite, surfaite, contrefaite, clonée, décolorée, livrée en kit.
Est-ce que Massimo Gargia est lui aussi dans le coin ?
On dirait un sapin de Noël, elle a tout l’attirail. Les plate-formes shoes avec des liens en corde avec le talon imitation bois et surmontées de roses noires sur le dessus. Le mini micro short noir. Le bracelet à cadenas. Les boucles d’oreille. Elle n’a rien oublié. Pas même le bronzage et le sac Vuitton qu’elle balade comme un caniche. Vernis rouge, sequins, paillettes. Elle est baroque…
Mais pas aussi baroque que le Théâtre des Champs-Elysées qui accueille ce récital hautement contemporain en grand format quelques mois plus tard… Cette fois, la bimbo latino et le Beigbeder jaune ne sont pas là. Entre-temps, ont-ils pris froid ?
Et d’ailleurs, est-on en juin ou en décembre. Je jurerai qu’il neige cet été.
mercredi 17 février 2010
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